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Vive les minijupes !

Vive les minijupes !

 

 

L’autre jour, sur un groupe WhatsApp qui me relie un peu à Paris que j’ai quitté, il y aura bientôt trois ans, une amie nous questionnait à savoir s’il était possible de porter des minijupes lorsque nous vieillissions. Comme j’aime m’exprimer sur les futilités qui structurent mon quotidien, mais qui vont finalement bien au-delà de la futilité puisqu’elles parlent de notre intimité, je lui ai répondu que ce n’était pas une histoire d’âge, mais plutôt de l’énergie que nous désirions encore mettre dans notre rapport à la séduction. J’ai ajouté que je ne portais plus de minijupe depuis au moins dix ans. Que j’avais abandonné les minijupes, les talons de 9, les maquillages excessifs, pour un look plus serein, plus en accord avec mon nouvel état d’esprit apaisé et doux.

 

Puis j’ai réfléchi. J’ai adoré porter des minijupes. Très courtes. Au ras des fesses. Je faisais raccourcir toutes les jupes de mes tailleurs. Je m’en cousais aussi dans du tissu tubulaire sur lesquels j’ajoutais des galons de couleurs différentes de chaque côté. J’en ai eu des roses, des bleues, des fleuries de chez Irié, des en jean, en cuir, en daim, même en panthère de chez Irié toujours en coton stretch. Je déteste la jupe qui arrive à mi-cuisse. Elle  casse la silhouette. Si ça doit être court, autant que ça soit très court ! Ma mère me disait que le short, très court aussi, et la minijupe, étaient ce qui m’allait le mieux. En hiver, je portais mes minijupes avec des bottes et des collants en cachemire, une merveille. En été, avec des boots de cowboy sur des jambes bronzées. En minijupe, je me sentais libre et sexy. Avec mes minijupes, j’estimais envoyer une sorte de clin d’oeil joyeux. Les hommes n’y étaient pas insensibles. En revanche, je n’ai jamais porté de minijupe si je devais prendre un métro ou aller dans un endroit pas sécurisé. Il ne faut pas exagérer. Certains hommes rustres et peu éduqués, hélas, peuvent prendre cet habillement pour une invitation et avoir des gestes déplacés. J’avais de la chance d’habiter, de travailler et de fréquenter que des beaux quartiers parisiens où toutes les excentricités vestimentaires étaient permises et même appréciées.

 

Dans ma féminité, lorsque je choisissais mes habits, le matin, j’ai toujours eu besoin d’envoyer des messages liés à une certaine forme de complicité, comme un jeu, qui n’étaient en aucun cas des messages liés à une certaine forme de séduction. Je ne cherchais absolument pas à consommer ou à accumuler les aventures. Je n’ai d’ailleurs jamais eu d’aventures. Vous voyez comme quoi ce que l’on pourrait prendre pour des futilités nous entraîne rapidement à parler de notre intimité. J’ai donc porté des milliers de minijupes, mais je n’ai jamais eu d’aventure. Je n’aime que les hommes fous de moi. Quand on arrive à m’embrasser, ça dure des années, peut-être même des siècles. Mes minijupes n’étaient pas non plus un message de provocation, non, elles étaient plutôt un message joli et joyeux, qui disait, je sens bon, je suis jolie, je suis heureuse, alors vas-y, mon coco, balance ton compliment ! Et c’est très agréable de recevoir des compliments, même d’inconnus dans la rue. En effet, j’avais l’impression que mes minijupes avaient le pouvoir de mettre le coeur des hommes que je croisais en joie.  C’est pas mal d’arriver à créer de la joie avec seulement un tout petit bout de tissu !

 

Pour en revenir à la minijupe, la styliste anglaise Mary Quant l’a inventée en 1962, en s’inspirant des tenues de plage légères que les femmes portaient l’été à Saint-Tropez. Dès 1958, elle a alors commencé à raccourcir de plus en plus ses jupes jusqu’à ne laisser que dix centimètres sous les fesses. Puis André Courrèges l’a popularisée en France en 1965. À eux deux, ils ont révolutionné la garde-robe des femmes. Ils leur ont offert un vent de liberté. Comme disait Mary Quant, il est plus facile de courir après un bus en minijupe qu’avec une jupe-crayon. Coco Chanel, qui n’a jamais dû prendre  le bus, a décrié la minijupe. Pour elle, c’était vulgaire d’en porter une à Paris. À la limite à la campagne, pourquoi pas, ajoutait-elle, tout le monde s’en fout à la campagne de comment vous vous habillez. N’empêche, depuis, il n’y a pas eu un seul défilé Chanel sans minijupe qui est devenue un basique.

 

Parmi les anecdotes racontées par mes vieux amis qui sillonnaient dans l’entourage de François Mitterrand, le gang des minijupes, c’est ainsi que les hommes l’avaient surnommé, sévissait ardemment. Ce groupe de femmes journalistes politiques arrivaient en minijupes dans l’avion présidentiel lors des voyages officiels, une tenue certainement efficace pour obtenir plus facilement des renseignements sur des dossiers classés top secrets ! L’homme est fragile et les politiques encore plus, me répétaient-ils en riant ! 

 

Quand à André Courréges, je l’ai ramené, une nuit, chez lui, il y a une vingtaine d’années. Je rentrais chez moi à Neuilly-Saint-James, en face du bois de Boulogne, lorsque j’ai vu un petit monsieur, très fin, habillé tout en rose, avec des grandes lunettes, se promener tout seul dans l’allée en bordure des arbres. Je l’ai tout de suite reconnu. Je l’ai fait monter dans ma voiture. Il avait l’ait complètement hébété. Son épouse m’a dit qu’il se perdait souvent. Je l’ai remercié pour ses minijupes, ses bottes plates, ses blousons courts de toutes les couleurs et ses minis sacs légers. 

 

Alors, c’est décidé, à partir d’aujourd’hui, pour rendre hommage à toutes les femmes sur terre qui n’ont pas le droit de s’habiller comme elles le désirent et encore moins de porter des minijupes, je vais de nouveau en porter. Même quand je serai très vieille, je serai une écrivain digne en minijupe, ce sera très amusant. Ce sera mon nouveau style en hommage également à la liberté. Et puis cela fera plaisir à ma maman qui me regarde depuis les cieux.

 

Sylvie Bourgeois Harel

 

Vive les minijupes !
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Adieu Jean-François Kahn

Adieu l'ami Jean-François Kahn

J'ai rencontré Jean-François Kahn dans une voiture qui nous emmenait de la gare de Vannes à notre hôtel. Nous allions aux Nocturnes littéraires, un salon du Livre organisé par Pierre Defendini. La journée était libre, en fin d’après-midi, nous signions nos livres sur des ports différents, une idée formidable. Jean-François, assis devant, demande au chauffeur s’il serait possible de l’accompagner le lendemain matin tôt à Quiberon où nous signions le soir. Puis il a joute en se tournant vers moi et l'autre écrivain :

— Si vous voulez venir avec moi, je vous invite à déjeuner.

La dame qui n’est pas venue pour rigoler, mais pour vendre des livres, il y a plein d’écrivains comme ça dans les salons du livres qui ne viennent pas pour rigoler, mais pour vendre des livres, répond immédiatement non. Moi, je réponds immédiatement oui. J’adore qu’on m’invite à déjeuner, d’autant que le restaurant où le salon nous emmène à Sauzon n’est pas bon.

Gêné de compliquer l’organisation du salon en demandant une voiture que pour lui et pas aux horaires prévus, Jean-François dit au chauffeur qu’il trouvera d’autres auteurs pour venir avec nous. Je m’interpose aussitôt.

— Non, non, monsieur, on n’y va que tous les deux, c’est mieux.

Le lendemain matin, je me retrouve à courir avec Jean-François sur la plage de Quiberon, heureux comme un enfant de ces quelques heures de liberté.

— Je préfère courir que marcher, ça ne vous ennuie pas ?

— Non, mais courrons en direction du Sofitel, on ira se prendre un bon petit-déjeuner.

— Vous êtes comme moi, vous aimez les bons petits-déjeuners ?

— J’adore manger, mais uniquement quand c’est délicieux.

— À midi, nous irons chercher ma femme qui fait une cure à Carnac, des amis de l’Évènement du Jeudi nous rejoindront au retournant.

— J’en connais un délicieux à la Trinité-sur-mer, ça vous dit ?

— Vous êtes parfaite, Sylvie !

— Oui, je lui réponds en riant, mon mari dit la même chose.

Pendant le repas, ses amis journalistes nous invitent à déjeuner chez eux le lendemain.

— Super, nous apporterons le dessert avec Jean-François, des tartes aux framboises, ça vous va ? j’ajoute, enthousiaste.

Son épouse, étonnée de notre évidente et récente complicité, en effet, quand je rencontre un homme sympathique et intelligent, j’ai immédiatement 12 ans et je veux jouer, je crée alors une complicité, mais jamais une ambiguïté qui serait liée à la sexualité puisque j’ai 12 ans et que je suis encore une enfant, décline l’invitation.

L’après-midi, Jean-François m’explique le mystère des menhirs et la création du monde sur le site de Carnac, c’est passionnant, nous rigolons surtout beaucoup.

Arrivée au salon, la dame de la voiture râle car elle est installée aux côtés de Jean-François. Dans les salons du livre, Jean-François Kahn est une star (maintenant je dois hélas parler au passé et dire était). Les écrivains qui ne viennent pas pour rigoler ne veulent pas être assis à côté des stars devant lesquelles se forment une longue file de lecteurs impatients. Moi j’adore, ça donne l’impression que tous ces gens sont là pour moi.

— Je vais m’installer à votre place, je dis à la dame qui veut exister en tant qu’écrivain, pas rigoler en tant qu’être humain, allez à la mienne.

— Vous êtes sûre, parce que c’est une sinécure d’être assise à côtés de ces personnalités qui accaparent tous les visiteurs.

Jean-François, debout qui raconte la politique à la criée, ravi de ma présence, se met à vendre mes livres. Chaque fois qu’une personne achète un ou plusieurs de ses ouvrages, il leur ajoute mon Sophie à Cannes ou mon Sophie au Flore qui venait de paraître chez Flammarion.

— Il faut absolument que vous lisiez les Sophie de Sylvie Bourgeois, c’est très sociétal aussi sauf qu’elle, elle aborde le monde par l’humour.

Le lendemain, au déjeuner chez ses amis, des dames très chics de Quiberon arrivent au dessert, chacune avec un kouign amann, très fière de rencontrer le grand Jean-François Khan. Il a à peine le temps de croquer dans les gâteaux bretons dégoulinants de beurre, qu’elles l’assaillent de questions sur les derniers événements. Sauf qu’elles n’ont pas l’information que pour Jean-François, son dernier événement, c’est de m’avoir rencontré.

— Il faut savoir mesdames que Sylvie est le seul écrivain que je connaisse qui passe ses journées en tennis, mais qui signe ses livres, le soir, en bottes.

Jean-François a passé l’après-midi à raconter n’importe quoi sur moi, il avait 12 ans, de mon côté, j’étais aux anges d’observer les têtes de ces dames qui ont dû toutes acheter mes romans en fin de journée.

À Besançon aussi, nous sommes en septembre, il fait très beau et plutôt que de déjeuner à la cantine du salon, j’organise un pique-nique sur les bords du Doubs. Je convie Claude, une amie avocate, son fiancé, quelques auteurs et Émile Péquignet, un horloger réputé, ami de mes parents, qui a créé les montres du même nom. Tous sont enchantés de faire la connaissance de Jean-François. Mais mon Jean-François ne les écoute pas, il ne s’intéresse à aucun d’eux et, comme à Quiberon, il ne leur parle que de moi, que je l’ai conseillé d’acheter du comté et des saucisses de Morteau au marché, que j’ai grandi ici…

À la fin du salon du livre de Mouans-Sartoux, désolé de n’avoir pas m’inviter à dîner avec Guy Bedos le samedi soir car j’avais déjà prévu d’emmener Lionel Duroy au Martinez, à Cannes, chez le chef Christian Sinicropi, Jean-François, pour qui j’étais devenu le repère rires et super bonnes bouffes ,me dit :

— Dès que nous arrivons à Paris, Sylvie, je t’invite à souper.

— Cela aurait été avec plaisir, mais je reste dormir chez une amie à Nice.

Devant la mine déconfite de Jean-Francois désemparé, j’ajoute :

— Tu veux venir dormir chez elle ?

Après avoir dîné tous les trois à la Cave Ricord, le restaurant du dimanche soir des Niçois, Jean-François s’est couché comme un gros bébé dans le lit superposé du fils absent de ma copine.

Des anecdotes avec Jean-François, toutes aussi adorables les unes que les autres, j’en ai des dizaines. Chaque fois que nous nous retrouvions dans un salon du livre, Jean-François me cherchait partout pour m’inviter à déjeuner ou à dîner dans des restaurants étoilés sous l’oeil amusé de mes amis Serge Joncour et David Foenkinos qui le surnommait affectueusement mon amoureux de salon.

Puis j’ai arrêté de fréquenter les salons du livre. J’avais pris goût à plutôt aller passer des bons moments à Saint-Tropez. Mais Jean-François continuait de m’inviter à déjeuner à Paris. Puis j’ai déménagé pour vivre  à l’année dans ce Saint-Tropez que j’ai toujours aimé. Jean-François m’appelait de temps en temps de son moulin.

Aujourd’hui, je suis triste d’avoir appris son décès survenu le 22 janvier 2025. J’ai immédiatement envoyé un texto à David Foenkinos qui m’a aussitôt répondu : oh quelle tristesse ! Je me souviens comme il était heureux avec toi »!

Sylvie Bourgeois Harel

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Sylvie Bourgeois Harel - Lily of the Valley - La Croix Valmer

Sylvie Bourgeois Harel - Lily of the Valley - La Croix Valmer

ÉMILIE

 

“Je m’appelle Émilie et j’ai le cerveau en bouillie. À l’instant encore, je viens de trouver la porte de mon réfrigérateur ouverte. Je l’ai regardée un instant, interloquée, ne comprenant pas pourquoi elle était ouverte. Je vis seule dans ma maison. Personne n’est venu me rendre visite. Et je ne suis pas retournée dans ma cuisine de la journée. En effet, j’ai été tellement occupée que je n’ai pas trouvé le temps de m’arrêter, ne serait-ce qu’un instant, pour me préparer un déjeuner. Puis je me suis souvenue que j’avais ouvert mon réfrigérateur ce matin pour sortir mon pot de confiture de framboises afin de me faire une tartine histoire d’accompagner ma deuxième tasse de thé que je n’ai pas bu puisqu’elle est toujours sur la table à côté de ma tartine beurrée et de mon pot de confiture que je n’ai pas ouvert, alors qu’il est presque 18 heures.

 

Lorsque j’ai compris que j’avais laissé mon réfrigérateur ouvert pendant plus de sept heures, je me suis effondrée sur mon canapé et je me suis mise à pleurer. À pleurer à chaudes larmes. À appeler ma maman, comme je le faisais enfant, sauf que je ne suis plus une enfant, j’ai 59 ans, et ma maman est morte, il y a cinq ans. J’ai alors téléphoné à Amandine, ma meilleure amie. Elle m’a dit de respirer doucement, que ce n’était pas bien grave. Et pour me faire rire, Amandine sait toujours me faire rire, elle m’a demandé si, cette fois, j’avais bien refermé la porte de mon réfrigérateur. Puis, elle m’a conseillée de prendre un papier et un crayon et d’écrire tout ce que j’avais fait dans la journée. 

 

Je me suis alors souvenue qu’en voyant la couleur de ma confiture, j’ai pensé à ma culotte de couleur framboise justement que j’avais posée dans le lavabo de ma salle de bains et que je n’avais toujours pas lavée. Je lave ma lingerie à la main. C’est le seul moyen pour la préserver longtemps et ne pas l’abimer. Et je dis réfrigérateur, jamais frigidaire qui, comme tout le monde le sait, est une marque de réfrigérateur, une marque, certes, qui est passée dans le langage courant, mais ma mère m’a appris que c’était aux détails d’un langage châtié que l’on reconnaissait les dames.

 

Je ne sais pas si je suis une dame, mais en me rendant dans ma salle de bains pour laver ma culotte, j’ai reçu sur mon téléphone que j’avais dans la poche de ma veste, une notification comme quoi un certain Jacky avait commenté ma publication sur Facebook. C’est Amandine qui m’a conseillée de m’inscrire sur Facebook lorsque mon mari m’a quittée. Non pas pour trouver un homme, mais pour avoir des contacts sociaux. J’avoue que c’est très rigolo. J’y passe des heures. Je regarde tout. Je lis tout. Je commente tout.

 

De mon côté, je ne publie que des photos de Benjamin, mon chat tigré qui m’a adoptée lorsque Julien est parti. Benjamin a tout compris de la vie, et de la mienne aussi. Il a compris qu’il y avait une place vide à prendre dans mon lit, il s’y est installé, et le soir, comme je le faisais pour Julien qui était très gourmand, je prépare à mon Benjamin chéri un bon petit plat à base de crevettes ou de poulet. C’est un amour. Benjamin pas Julien. Comme il a beaucoup de succès sur Facebook, Benjamin pas Julien qui ne publie que des photos de lui, heureux avec sa nouvelle femme, comme pour me narguer ou faire croire que nos vingt-sept années de mariage n’ont jamais existé, j’ai aussi créé un compte Instagram. J’allais répondre à ce Jacky qui me demandait l’âge de Benjamin quand réfléchir à l’âge de mon chat que je ne connais pas, m’a fait penser au mien que je connais bien et aussi à ma carte d’identité que je dois renouveler. 

 

J’ai donc pris mon ordinateur pour faire une demande en ligne, mais au moment d’ouvrir le site du service public, j’ai préféré répondre au mail que ma fille qui vit en Nouvelle-Zélande m’avait envoyé durant la nuit. J’allais lui écrire que j’aimerais bien lui rendre visite à Noël, mais avant de lui faire une fausse joie, j’ai voulu regarder les prix des billets d’avion pour Auckland où elle habite avec son mari. Je suis alors tombée sur un article qui titrait qu’il n’y avait pas de serpent en Nouvelle-Zélande, ce qui est une bonne nouvelle car j’en ai une trouille bleue. 

 

Parlant de trouille, je me suis alors rendue dans ma chambre pour évaluer si je pouvais réparer seule mon volet qui ferme mal, elle est au rez-de- chaussée, je ne voudrais pas qu’un individu mal intentionné pénètre la nuit pour me cambrioler, même s’il n’y a plus rien à prendre, Julien a tout pris. Je devrais peut-être acheter un chien de garde, mais alors seulement à mon retour d’Auckland, je ne saurais pas quoi en faire pendant mon voyage, je ne pourrais pas le laisser à Amandine qui a déjà un Husky très jaloux. Je suis donc descendue à la cave chercher des outils pour réparer mon volet lorsque je suis tombée sur mes chaussures de ski, je skiais beaucoup lorsque j’étais jeune, c’est d’ailleurs le seul sport où j’étais excellente. C’est ce qui avait plu à Julien lorsqu’il m’a connue à la montagne, j’étais plus rapide que lui. Ça l’a épaté, il m’a embrassée, puis c’est allé très vite entre nous, notre fille est née, nous nous sommes mariés, et il m’a quittée. 

 

Mes chaussures de ski étaient pleines de poussière, je les ai apportées dans mon jardin pour les nettoyer avec un chiffon. C’est ainsi que j’ai découvert que mon citronnier était rempli de cochenilles. J’en ai écrasé une avec le chiffon, c’est étrange lorsque l’on écrase ces petites boules blanches, ça fait des tâches orange comme si la cochenille avait du sang orange. Les extraterrestres ont peut-être aussi du sang orange, je me suis dit en allant chercher du vinaigre blanc et du papier absorbant pour tuer ces horribles insectes qui ont envahi mon citronnier. Le vinaigre blanc est épatant, je nettoie tout avec. Et je ne dis jamais Sopalin, mais papier absorbant, ma mère avait peut-être raison, je suis une dame.

 

C’est alors que j’ai reçu une notification sur Instagram comme quoi ma voisine avait liké une photo de Benjamin, les pattes en l’air, certainement pour se faire pardonner d’avoir demandé à la mairie de brûler les herbes, qu’elle se permet d’appeler des mauvaises herbes, qui poussent sur le trottoir devant ma maison alors que ce sont des résistantes très émouvantes, d’avoir trouvé la force de pousser dans le goudron. Une petite faille, de la lumière, un peu d’eau de pluie, et hop, elles ont grandi comme moi lorsque Julien m’a quittée. En effet, c’est dans les failles de mon cœur brisé que j’ai puisé la force de continuer de vivre sans son amour.

 

J’ai alors imaginé ma voisine pas gentille face à des extraterrestres au sang orange. Ça m’a fait rire. Sur mon téléphone, j’ai tapé extraterrestre. Je suis tombée sur une interview qui avait l’air passionnante d’un Jean-Pierre Petit, très bel homme au demeurant, c’est un amoureux comme cela qu’il me faudrait rencontrer, je me suis dit en m’asseyant au soleil. Un instant, j’ai cru que j’étais, moi aussi, une petite plante résistante à qui le moindre rayon de lumière avait le pouvoir de lui redonner espoir. 

 

C’est la faim qui m’a sortie de ma rêverie, et le froid aussi, il était presque 18 heures. Je suis donc allée dans ma cuisine pour grignoter un bout de fromage et préparer les crevettes de Benjamin, lorsque j’ai découvert la porte de mon réfrigérateur ouverte. En relisant tout ce que j’avais fait dans la journée, j’ai de nouveau pleuré. Ma culotte couleur framboise n’est toujours pas lavée, je n’ai pas répondu à ce Jacky qui est presque aussi beau, en plus jeune, que le Jean-Pierre Petit des extraterrestres, je n’ai pas fait ma demande de carte d’identité, je n’ai pas répondu à ma fille, je n’ai pas réservé mon billet d’avion pour Auckland, je n’ai pas lu l’article sur les serpents non présents en Nouvelle-Zélande, je n’ai pas réparé mon volet, je n’ai pas nettoyé mes chaussures de ski, je n’ai pas retiré la cochenille de mon citronnier, je n’ai pas liké la publication de ma voisine pour lui faire comprendre que je ne lui en voulais pas, je n’ai pas écouté l’interview de Jean-Pierre Petit, je n’ai pas bu mon thé de ce matin, ni mangé ma tartine beurrée, je n’ai rien fait de la journée, et pourtant je suis épuisée tellement je n’ai pas arrêté.”

 

Sylvie Bourgeois Harel

Émilie fait partie des 19 nouvelles de mon recueil On oublie toujours quelque chose.

Pour le commander, vous pouvez m’envoyer un message à : slvbourgeois@wanadoo.fr

Sylvie Bourgeois Harel - Saint-Tropez - La Ponche

Sylvie Bourgeois Harel - Saint-Tropez - La Ponche

Sylvie Bourgeois Harel - Plage de Pampelonne - Ramatuelle - Golfe de Saint-Tropez

Sylvie Bourgeois Harel - Plage de Pampelonne - Ramatuelle - Golfe de Saint-Tropez

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Sylvie Bourgeois Harel - Plage de Pampelonne - Ramatuelle - Golfe de Saint-Tropez

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L'Architecte

"Le jour où mon père m’a expliqué que son métier consistait à faire sortir de terre de la beauté dans laquelle les hommes allaient habiter, il est devenu mon héros. Je me suis senti être un prince. Un prince né d’un architecte qui conduisait une Triumph et d’une sirène qui nageait avec les dauphins. J’avais 8 ans et j’ai juré de lui ressembler. J’ai aussitôt couru chez Rebecca, ma fiancée, pour lui annoncer que, quand je serai grand, je l’épouserai et deviendrai architecte afin de lui dessiner la plus belle des maisons.

Mais quinze ans plus tard, lorsque je lui ai montré les plans de notre future habitation, Rebecca m’a quitté sur le champ. Elle m’aimait, mais ne pouvait pas concevoir d’habiter dans un camion. J’ai eu beau lui expliquer qu’il me fallait voyager pour comprendre le monde et concevoir l’architecture de demain, Rebecca n’a pas voulu revenir sur sa décision. J’ai alors argumenté que la planète était trop grande pour que je dorme chaque soir au même endroit. Que la possession d’une maison signerait la fin de mon imagination. Que l’habitation idéale, il me fallait la fantasmer pour arriver à la créer. Que mon âme de nomade avait besoin de cette forme d’indépendance pour réussir à inventer une architecture novatrice.

— Et puis, il ne faut pas exagérer, Rebecca, j’ai ajouté, mon camion qui sera autant notre nid d’amour que mon atelier, merde, est vachement beau, regarde, rouge et immense comme ceux qui transportent les Formules 1, avec dessiné dessus un oiseau, un oiseau doré pour signifier mon besoin de liberté.                                                                                                                   — Oui, je le vois gros comme une maison, ton besoin de liberté, m’a répondu Rebecca, en tout cas, ne compte pas sur moi pour t’attendre le jour où, comme ton oiseau doré, tu voudras t’envoler de notre nid d’amour. Sincèrement, je préfère m’envoler avant toi, je te dis adieu, adieu André. 

Quand Rebecca m’a quitté, je me suis effondré. Je ne voulais plus construire, mais détruire. J’ai acheté un sifflet pour raconter mon désespoir aux dauphins et je suis parti voguer en mer. Pour ne pas couler, je me suis mis à baiser dans chaque port où j’amarrais mon voilier. À baiser les sirènes du monde entier et aussi celles de Besançon et de Monaco. J’étais assez efficace. Je les séduisais non pas pour moi, mais pour elles. Pour qu’elles croient à l’amour, pour qu’elles sachent qu’elles n’avaient qu’à dire oui pour tout obtenir, non pas de moi, non pas des autres hommes, mais d’elles et de la vie.

J’aimais la vie et le monde aussi, mais le monde était grand. Alors entre deux océans, j’ai créé les Cabines-Dodo, des petites chambres d’hôtel à installer partout dans les rues. Des petites chambres où j’aurais pu recevoir mes sirènes le temps de leur dire que je les aimais. Et c’est vrai, je les aimais le temps de l’amour qu’elles m’offraient. Avec mon concept du dodo pas cher, je revendiquais le droit au plaisir partout et pour tous. J’étais un prince. Le prince d’un monde que je venais de construire. Le prince de la concrétisation de la construction de mon architecture libidinale. 

Pendant ce temps, ma mère me tannait pour que j’achète un appartement. Je lui répondais que je ne voyais pas comment elle voulait que je devienne un architecte célèbre si son ambition était que j’habite dans un studio.

— Maman, je lui disais, pour concevoir grand, ma vie doit être immense. Ma maison, maman, c’est le monde. Tu comprends ? En n’ayant rien, tout m’appartient. Tu vois, maman ?

Elle voyait surtout que j’avais 30 ans et que je vivais toujours chez mes parents.

— D’accord, maman, je lui ai répondu, je vais installer un container au fond de ton jardin, et j’irai vivre dedans. Après tout, c’est le rêve de chaque architecte de savoir recréer de la simplicité. Le Corbusier a bien construit une cabane d’une seule pièce au Cap-Martin avec vue sur la mer, et bien, mon container sera au Cap-d’Ail avec vue sur ma mère. 

Ma mère m’a répondu qu’elle avait surtout peur que je n’arrive jamais à gagner suffisamment d’argent pour être indépendant.

— Aie confiance, ma petite maman, je lui ai dit, ne t’inquiète pas, tu verras, un jour, lorsque mes Cabines-Dodo seront vendues dans le monde entier, je deviendrai un architecte milliardaire, et un architecte entouré de millions de Rebecca. Vois-tu, maman, il y a trop de fesses, trop de seins, trop de sexes où je veux habiter pour me limiter à une seule fiancée. Chaque fille, vois-tu, maman, est comme une maison dans laquelle je peux travailler. J’y entre par son petit trou, je réfléchis entre ses reins, je dessine sur ses fesses, je construis entre ses cuisses et pour finir, je nidifie son sexe. L’homme, vois-tu maman, n’a rien inventé de mieux que le corps de la femme comme habitation. C’est la maison idéale. 

Ma mère m’a répondu que je devais avoir une sacrée envie de retourner vivre dans son ventre pour parler ainsi, et que si j’aimais autant naviguer, c’était certainement à cause du roulis des vagues qui devait me rappeler son mouvement fœtal.

Pour lui prouver qu’elle avait raison, je suis reparti voguer en mer. Mais au bout de deux années de liberté, entouré de milliers d’oiseaux dorés, mon voilier a coulé. J’ai été sauvé par des dauphins qui m’ont emmené sur une île où une civilisation inconnue de naufragés au cœur brisé habitait, cachée sous les cocotiers et les abricotiers. Pour les remercier de m’accueillir, je leur ai dessiné une cité idéale que nous avons commencée à construire tous ensemble. Mais, un jour, mes parents m’ont manqué, je suis alors rentré. En arrivant à la maison, je me suis empressé de dire à ma mère qu’elle sera fière d’apprendre que dans neuf mois, un enfant de moi naîtra dans chacune des maisons que j’avais créées.

— Le rêve suprême de l’architecte, maman, je lui ai dit en l’embrassant tendrement, concevoir l’habitat en même temps que l’habitant.

Mais ma mère n’avait plus la capacité de se réjouir de toute cette descendance non désirée, en effet, pendant mon absence, mon père avait eu un accident cérébral. Dorénavant, mon héros était paralysé et ne pouvait plus parler. Pour essayer de le sauver du mutisme dans lequel il était enfermé, j’ai arrêté les dauphins et je me suis remis au dessin. Mais ça n’a pas suffi, un soir, à minuit, il est mort d’une crise d’épilepsie dans les bras du docteur qui essayait de le réanimer. Ma mère, ruinée, fut obligée de vendre la maison et de partir vivre au bord de la mer chez ma petite sœur, amoureuse d’un poulpe.

N’ayant plus de chez-moi chez ma maman, je suis devenu le prince du chez-moi chez les autres. La nuit, rassuré par les atmosphères familiales que je n’avais pas à supporter, je m’endormais en rêvant à mon camion magique. Le matin, je prenais la Triumph de mon papa et mes larmes roulaient. Mes larmes roulaient pour aller là où je n’étais pas, là où la vie serait plus belle parce que j’aurais le plaisir de la découvrir. En roulant, je redessinais la France. Un monde de mutants du bonheur prenait forme sous mes roues qui, chaque jour, avalaient des kilomètres d’utopie. 

Comme ma maman m’avait appris à être autonome, j’avais toujours un slip propre dans ma mallette d’architecte. Les filles aiment bien les garçons soignés. C’est vrai, le mec qui a un slip de rechange avec lui, il marque des points, tout de suite, elles t’apprécient différemment. Puis quand j’en ai eu marre de me balader avec plein de sacs de slips sales, j’ai fait installer une machine à laver le linge dans le coffre de ma voiture. J’ai aussi inventé un tissu infroissable qui sèche rapidement afin d’être toujours impeccable. Avec, je me suis cousu une combinaison de super-héros, comme celle de Spider-Man, sauf que mon héros à moi, c’était mon papa. J’ai alors cousu un grand A sur ma poitrine, comme ça toutes les sirènes qui m’accueillaient dans leur maison sous l’eau savaient que j’étais un dauphin-architecte qui sautait de lit en lit, elles ne m’en voulaient pas lorsque je les quittais au petit matin pour remonter à la surface de mon chagrin. 

Mais un jour, ma maman est morte du cancer d’avoir tout perdu dans les bras de ma petite sœur qui venait de quitter son poulpe pour un poisson. J’ai crié. Crié très fort. Crié très fort tellement j’avais mal. Crié que je n’avais plus de repères. Pour ne pas être perdu, je me suis alors remis à rouler. À rouler encore plus vite. Partout et aussi dans ma tête. Surtout dans ma tête. C’est là que je roulais le plus vite. Je voyais même des dauphins qui vivaient dans des maisons sous-marines posées au bord des routes. Plus je roulais, plus j’en voyais.

Pour ne plus les voir, je me suis alors trouvé un container sur le port de Marseille, le même que j’avais installé dans le jardin de mes parents. Je me suis couché dedans en position fœtale. Je me suis fait tout petit pour pouvoir rentrer dans le ventre de ma maman. Je l’ai meublé d’un matelas et d’une caisse de vodka. C’était la cata. Plus aucune idée ne sortait de mes mains et mes crayons tombaient de ma tête. J’ai quand même réussi à dessiner une maison qu’on aurait dit un cul et deux chalets, des nichons.

Arrivé à ce stade de création, un vétérinaire spécialisé en animaux sous-marins décida de mettre au repos forcé mon cerveau cassé qui roulait beaucoup trop vite. À l’hôpital des cinglés où avait séjourné quelques années plus tôt l’un de mes frères, le prince O, après qu’il ait voulu récupérer une villa qu’avait donnée notre grand-père à sa maîtresse, Ferdinand avait d’ailleurs raison, sans la générosité de notre grand-père idiot, nous aurions pu y habiter tous les deux, j’ai dit au vétérinaire-psychiatre que j’avais 50 ans, que je ne comprenais pas ce que je faisais dans sa maison remplie de demeurés qui passaient leurs journées à se gratter les pieds, et que j’avais toujours vécu en bon viking, en bon viking qui ne connaissait pas la peur et qui rêvait de grandeur. 

— Mais là, tout viking que vous êtes, m’a dit le docteur, vous ne pouvez plus avancer. Je vous ai diagnostiqué, vous êtes un artiste qui souffrez d’optimisme obsessionnel frôlant l’hystérie, cela vous a mené à la dépression et la bipolarité.                                                                         — Ben oui, je lui ai répondu, j’ai toujours cru que j’étais heureux. Que voulez-vous, je suis un prince jouisseur pourvu de priapisme créatif dont chaque érection est une création. D’ailleurs, à force d’éjaculer des idées, j’ai l’idée de créer sur Internet un site pour protéger mes idées. Et je dois vous avouer, docteur, que je n’ai jamais su parler d’argent, au grand dam de mes parents que je n’ai pas pu sauver de leur naufrage financier. C’est bien simple, mes clients ont toujours cru que sur mon front, il y avait écrit couillon qui ne travaille que pour créer de la beauté, ils en profitaient pour ne pas me payer.

Le médecin des princes demeurés m’a pris par le bras et m’a dit de lutter. Il ne s’en rendait pas compte, mais je luttais. À ma manière. En nageant. En pleurant. En pleurant ma maman. En pleurant mon papa. En pleurant mon héros.

— Voilà, docteur, je suis un dauphin-architecte qui plonge dans ses larmes pour se cacher d’avoir tout raté. Je souffre aussi à mes souvenirs que je ne peux pas changer, et mes regrets me font terriblement mal, je suis foutu, foutu, je veux me noyer.

Au bout de six mois, le médecin m’a annoncé que je pouvais partir. J’étais content de pouvoir enfin rentrer chez moi. En voyant mon container qui m’attendait sur le port de Marseille, j’ai eu un pincement au cœur. Le docteur m’avait recommandé, en faisant la comparaison entre la structure de mon psychisme et celle d’une maison, de me structurer. Sinon à l’instar d’une habitation qui n’aurait pas d’ossature, je m’effondrerai à nouveau. Pour écouter le docteur, j’ai décidé de me structurer dans mon container. Le matelas avait un peu pourri, mais pas la vodka. Sauf que la vodka, je n’y avais plus droit.

Alors j’ai pris mes médicaments et je me suis endormi. Quand je me suis réveillé, j’étais flottant. Mais ça, le docteur m’avait dit que ce serait normal de me sentir un peu flottant les premiers temps. Quand je me suis levé pour aller pisser, j’ai flotté encore plus comme si le sol s’était envolé. Puis quand j’ai ouvert la porte, j’ai vu le ciel. Et la mer. Le ciel et la mer. Mais pas le port. Je ne le voyais plus, le port. Je voyais juste des containers assez similaires au mien. Il y en avait plein, comme si nous avions été des centaines à avoir eu la même idée de nous structurer dans des containers. J’ai crié papa, maman, mais personne ne m’a répondu.

Voilà, moi qui venais enfin d’être d’accord pour avoir une vie structurée, pendant la nuit, mon container s’était fait embarquer sur un cargo, et malgré moi, je me suis retrouvé à voguer sur les flots vers ma cité idéale.”

Sylvie Bourgeois Harel

 

L'Architecte fait partie des 19 nouvelles de mon recueil On oublie toujours quelque chose. Si vous désirez le commander, vous pouvez m'envoyer un mail à : slvbourgeois@wanadoo.fr.

Sylvie Bourgeois Harel - Lily of the Valley - La Croix-Valmer

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Sylvie Bourgeois Harel - Saint-Tropez - La Ponche

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Schizofamily, une nouvelle de Sylvie Bourgeois Harel

Schizofamily

Ma maman est épuisée. J’ai 30 ans et je veux la sauver. J’emmène alors mes trois frères aînés qui vivent toujours chez nos parents consulter un psychiatre. Au dernier moment, maman décide de nous accompagner avec mon père paralysé qui ne peut plus parler depuis son AVC.

— Bonjour, bonjour, monsieur le psychiatre, je dis en arrivant, j’aimerais que nous fassions une psychothérapie familiale pour sauver ma maman.

— Très bien, qui êtes-vous ? me demande-t-il.

— Nous sommes une schizofamily.

— Pardon?

— Oui, c’est un peu compliqué, mais je vais essayer de vous résumer la situation. Mon frère Ferdinand, ici présent, est certainement schizophrène, il se prend pour un prince. Il se fait même appeler le prince O, alors qu’il est photographe. Quant à mon autre frère André, il doit être schizogame, il ne pense qu’à se reproduire, alors qu’il est architecte. Son grand leitmotiv est de dire qu’il aime autant créer l’habitat que l’habitant. Quant à mon frère aîné Gustave, il est sûrement schizothymique, il ne parle qu’aux poissons, c’est bien simple, il passe ses journées sous l’eau. Et quant à ma petite maman chérie, je pense qu’elle est schizoïde, elle ne veut plus sortir avec ses copines.

Le psychiatre se gratte la tête et nous invite à nous asseoir. Mais ma mère reste debout et s’approche de lui.

— Si vous saviez, docteur, comme j’ai hâte d’être dans le trou, elle lui dit, je n’en peux plus.

Je me lève à mon tour. Maman est l’amour de ma vie. Je ne peux pas l’entendre parler ainsi. Je la prends dans mes bras et l’aide à se rasseoir.

— Je dois vous expliquer, docteur, que mes trois frères qui sont pourtant grands, Gustave le sous-marin a 40 ans, André le reproducteur, 37, et Ferdinand le photographe qui est persuadé d’être photographe de terroristes, 34, habitent toujours à la maison. Ma mère n’en peut plus de devoir continuer de leur faire à manger pire que s’ils étaient des bébés, d’autant qu’ils ne lui donnent jamais d’argent et que mes parents sont ruinés.

Soudain, Ferdinand s'énerve et se met à hurler :

— Elle a beau jeu, Cécile, de dire ça, mais elle n’a jamais voulu en faire de bébés, et je sais pourquoi, mais je ne vous le dirai pas. En tout cas, pas là.

— Justement docteur, j’ajoute, je suis venue pour vous les refiler, les bébés, ma mère est épuisée, ils vont finir par la tuer.

— Il faut que vous sachiez docteur, intervient ma maman, que ma fille est persuadée d’être ma mère.

— Ben oui, ma petite maman, je lui dis en l’embrassant tendrement, tu es ma fille et je t’aime.

— N’empêche, hurle de nouveau Ferdinand, le premier bébé à soigner est Gustave, il est jaloux d’un poulpe qui a un plus gros zizi que lui.

— Je suis désolé, docteur, rougit Gustave, prince Ferdinand est en plein délire, et c’est comme ça toute la journée, vivement que je retourne sous l’eau.

— Ose dire que ce n’est pas vrai, continue de hurler Ferdinand, la preuve, tu ne t’en sers jamais de ton zizi.

— Ce n’est pas faux, ajoute ma mère, la première chose que Gustave fait lorsqu’il rencontre une sirène, il l’emmène à la messe, alors forcément, ça prête à confusion.

— Puis il faudra s’occuper d’André, se calme Ferdinand. Depuis que sa femme l’a quitté, il est devenu alcoolique.

— Oui, mais moi, dit André en riant, mon zizi, je sais m’en servir.

— Ah ça oui, approuve ma mère en riant également, il tient ça de son père, un vrai matou à mettre son zizi partout, alcoolique, lui aussi.

— C’est vrai, je bois beaucoup, confirme André, que voulez-vous, créer des maisons et leur faire des bébés, ça me donne soif.

— Il a même couché avec une terroriste qui habite dans notre quartier, s’affole de nouveau Ferdinand.

Le docteur me questionne du regard.

— Bon, docteur, je lui dis, accepteriez-vous de soigner ma schizofamily que j’aime quand même ?

— Dites-moi déjà, chacun votre tour, de quoi vous souffrez exactement, il me répond en nous scrutant bizarrement derrière ses lunettes baissées.

Contre toute attente, Gustave commence :

— Aux poulpes qui ont plein de zizis, avoue-t-il. Et aussi à André qui se sert plus du sien que moi, ça me rend fou. Et également à ma petite sœur qui ne veut pas vivre avec nous, alors que j’ai toujours voulu l’épouser. Sans compter la présence de Ferdinand qui passe ses journées, allongé à faire du canaping dans le salon de la maison, et qui dit toujours la vérité, c’est pour ça que je veux l’interner.

— Et bien moi, dit Ferdinand, je souffre à Gustave qui n’arrête pas de me taper. Il croit peut-être que ses coups vont remettre mes idées en place. N’importe quoi ! La violence n’a jamais résolu la jalousie, et vous le savez très bien, docteur. Je vous assure, ce n’est pas de ma faute si mon cerveau est cassé et si ma tête s’inquiète autant de toutes ces guerres qui vont finir par enflammer la planète. Et puis, je ne veux pas que Gustave réussisse à m’enfermer dans un asile pour cinglés, mon papa paralysé a besoin de moi. Oui, c’est moi qui aide toujours ma maman à pousser sa chaise roulante ou à les conduire faire des courses, ou même une promenade à la campagne. Il est content, mon papa, de voir des vaches ou la forêt, ajoute-t-il en mettant son bras devant le visage comme pour se protéger d’un éventuel coup de Gustave.

— Quant à moi, dit André, je souffre à mes clients qui pensent que sur mon front, il y a écrit couillon qui ne travaille que pour créer de la beauté et qui en profitent pour ne pas me payer. Et aussi à mon idiot de banquier qui n’arrête pas de m’appeler à cause de mon découvert. À force, il m’empêche de travailler. Merde, je suis architecte, pas comptable ! Qu’on me donne des maisons à dessiner, pas des chiffres à additionner. Je souffre également aux bouteilles de mon père que j’ai toutes finies, et à ma mère qui ne veut plus m’en acheter.

J’observe mes trois frères, étonnée de leur franchise.

— Quant à moi, je dis, je souffre à mes parents. Ils n’ont que 68 ans. Ils sont beaux, généreux, drôles, intelligents, jeunes encore. Ils nous ont appris la liberté, l’amour, la curiosité, l’art de ne jamais nous ennuyer, de savoir argumenter, d’être passionnés. Ils ne méritent pas toute cette schizofolie.

Ma maman me sourit. J’aime quand ma maman me sourit. J’ai l’impression de lui redonner un peu de vie.

— Quant à moi, dit-elle en parlant tout doucement, je souffre à mon mari paralysé qui ne peut plus me prendre dans ses bras, ni me dire qu’il m’aime, alors que nous avons été de si beaux amants. C’est fini, tout est fini.

Sur sa chaise roulante, mon père qui se demande depuis le début du rendez-vous ce qu’il fait là, dans le bureau de ce médecin qui ne l’a pas ausculté, pose sa tête sur l’épaule de ma mère. Je vois une larme qui coule de ses beaux yeux. De ses beaux yeux bleus. Une larme qui me dit qu’il est malheureux d’être ainsi enfermé dans le mutisme de sa maladie. Une larme qui me dit qu’il est inquiet de ne plus pouvoir protéger ses fils. Une larme qui me dit que, oui, je dois sauver maman, l’amour de sa vie. Son roc. Son repère. Son univers.

— Mmmaaannn, mmmaaannn, essaye de s’exprimer mon père qui a certainement beaucoup à dire.

— Docteur, continue ma mère en prenant la main droite inerte de mon père, maintenue par une bande sur une attelle, oui, c’est cela même, je souffre à mon mari que j’aime tellement. Je me sens impuissante et épuisée, et puis je ne supporte pas qu’il m’appelle maman, ça me rend folle qu’il puisse me prendre pour sa mère. Vous l’avez entendu docteur, et depuis son AVC, c’est comme ça toute la journée, il fait mmmaaannn, mmmaaannn, maman, maman, je n‘en peux plus, je ne suis pas sa maman, continue ma mère en pleurant.

J’ai 30 ans. Je ne veux pas entendre ma mère pleurer. C’est trop violent. Trop triste. Trop injuste. Je dois la sauver. Je veux lui dire qu’on va trouver une solution et que papa ne dit pas maman, papa fait mmmaaannn, mmmaaannn, car phonétiquement, c’est le son le plus facile à prononcer. Mais d’autres mots sortent tout seuls de ma bouche, d’autres mots que je n’ai pas désirés, d’autres maux dont je n’ai jamais parlé.

— Docteur, je dis, je souffre à l’homme qui a abusé de moi lorsque j’étais enfant, j’avais 8 ans, mais ce n’était pas mon papa.

— Moi, je sais qui c’est, intervient Ferdinand, mais je ne le dirai pas, sinon il me tuera. Je suis sûr d’ailleurs que c’est à cause de ça qu’aucun de nous ne va bien.

Avant même que ma mère ne puisse dire un mot, les miens de mots continuent tout seuls à sortir de ma bouche comme s’ils n’en pouvaient plus que je les aie gardés si longtemps secrets :

— Je souffre aussi à l’homme qui m’a violée à Saint-Tropez lorsque j’avais vingt ans.

Un silence s’établit dans le bureau du docteur. Ne voulant pas ajouter à nos schizoproblèmes, ma détresse, ce n’est pas le sujet, je suis ici pour sauver ma maman, pas pour parler de moi, et encore moins de mes drames que j’ai toujours cachés, justement pour ne pas faire souffrir ma mère, je reprends aussitôt la parole :

— Je souffre aussi à mon papa qui savait si bien me dessiner. C’est vrai, docteur, mon papa a un talent de fou. Même paralysé, il a réussi à faire mon portrait de la main gauche, le trait est parfait, j’ajoute en serrant mon père dans mes bras. Voilà, je souffre à mon papa à qui je n’ai jamais dit que je l’aimais. Nous étions toujours si pressés, si pressés, je répète, c’est ça la vraie folie de ne pas s’arrêter pour prendre le temps de dire que l’on s’aime.

Maman inspire profondément et dit :

— Je souffre au cancer généralisé que l’on vient de me détecter. J’en ai plus que pour quelques mois. Qui va s’occuper de mon mari paralysé et ruiné quand je serai dans le trou ? Je ne veux pas que Cécile prenne mon relais à faire à manger à ses frères et à son père, elle a mieux à faire.

Je vais pour parler, pour dire à ma maman que je vais trouver une solution, que je vais la soigner, qu’elle ne va pas mourir, mais ma maman enchaîne :

— Je souffre aussi à notre manque d’argent. Un client de mon mari l’a arnaqué, c’est pour ça qu’il a eu son AVC, ça l’a stressé, paniqué, inquiété, il est tombé et ne s’est jamais relevé. Avec Cécile, nous avons fait un procès, nous l’avons gagné, l’usine qui fabrique les toilettes design et écologiques que mon mari a créées nous doit des millions de francs, mais ils ont déposé le bilan pour ne pas nous payer, et ont construit une nouvelle usine juste à côté pour fabriquer les mêmes toilettes avec juste quelques différences afin qu’on ne puisse pas les accuser de plagiat. Je suis obligée de vendre la maison familiale.  Mes fils n’auront plus de toit. Avec mon mari, nous irons vivre chez notre fille Cécile.

Affolés, Ferdinand, André et Gustave se lèvent ensemble et crient en choeur :

— Mais maman, où allons-nous habiter si tu n’as plus de maison ? On ne veut pas terminer à la rue.

Un mois plus tard, mon papa est mort à minuit d’une crise d’épilepsie tandis qu’un docteur essayait de le réanimer. Neuf mois après, ma maman est morte de son cancer généralisé dans mes bras, dans la chambre de sa maison d’enfance où elle est née.

Je n’ai pas pu sauver mes parents. Je n’ai su que les aimer.

Sylvie Bourgeois Harel

Schizofamily fait partie des 19 nouvelles de mon recueil On oublie toujours quelque chose. Vous pouvez le commander en m'envoyant un mail à : slvbourgeois@wanadoo.fr.

 

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Georges Wilson - notre rencontre autour d'Eurydice, une pièce de Jean Anouilh

Nous sommes en mai 1989 (ou 88 ou 90, je ne sais plus). Je suis au Festival de Cannes. Je travaille en free-lance dans la communication depuis trois ans. Je suis embauchée par un éditeur de vidéo qui lance sa collection dans laquelle il désire rassembler toutes les Palmes d’Or. Avec Josée qui connaît tout le monde dans le cinéma, nous devons lui organiser des déjeuners au Majestic et quelques montées des marches. C’est ainsi que je rencontre Georges Wilson qui veut absolument me revoir à Paris d’autant que je lui ai confié mes désirs enfouis d’être comédienne, mes cours de théâtre chez Jean-Laurent Cochet, mon amour des textes, de la scène, du jeu.
 
Il m’invite à déjeuner dans un restaurant à deux pas du théâtre de l’œuvre, dans le 9ème, dont il est le directeur artistique. Il me raconte son passé, ses souvenirs, Jean Vilar, le TNP. Commence alors une jolie amitié.
 
Il m’appelle régulièrement, prend souvent de mes nouvelles, me demande de venir le voir au théâtre où il passe ses journées. On rit beaucoup. On s’amuse à rejouer des scènes de "Je ne suis pas rappaport", une pièce américaine que j’avais adorée, dans laquelle avec Jacques Dufilho, ils étaient deux vieux sur un banc à parler de la solitude, de la vieillesse, de la mort.
 
Puis un jour, Georges me confie son projet qui lui tient à cœur depuis longtemps, il désire monter Eurydice, une pièce de Jean Anouilh, mais c’est dur, il ne trouve pas les financements, malgré sa carrière. Il se plaint que les relations ont changé, il va avoir 70 ans, il a l’impression que maintenant c’est place aux jeunes dans le métier.
 
Soudain au cours d’un déjeuner, son visage s’éclaircit, il me propose de jouer Eurydice. Avec mon visage de tanagra, comme il aime me surnommer, je serai parfaite, fine, jolie, fragile, insouciante, profonde, les compliments pleuvent. Il m’offre le texte. Je rentre chez moi, émue, j’appelle ma maman. Je ne dors pas de la nuit. J’ai arrêté les cours de théâtre depuis cinq ans. Je vous expliquerai pourquoi (je ne sais d’ailleurs pas pourquoi, je sais seulement comment j’ai tout arrêté), mais c’est une autre histoire.
 
Avec Georges, nous nous voyons régulièrement, je connais le texte par cœur. Il me parle de la mise en scène qu’il imagine, son fils Lambert sera Orphée, mon amoureux jaloux, et lui, le père. Il assurera la mise en scène. Au théâtre de l’œuvre bien sûr.
 
Néanmoins, Georges est inquiet pour l’argent. Il a l’impression que tout est devenu plus difficile, que son nom ne suffit plus pour monter un projet, qu’on ne lui fait plus confiance. Il a peur d’être fini. Il en souffre. Il a 70 ans. Cinq ans de plus que mon père. Mon père qui d’ailleurs, soudain, arrive dans la conversation, alors que nous rêvons d’Eurydice depuis au moins six mois. Un peu énervé, alors que Georges a toujours été un homme adorable, il me demande quand est-ce que je vais enfin lui présenter mon père qui pourrait certainement nous aider.
- Mon papa, je lui réponds, je te le présente volontiers, il sera ravi de faire ta connaissance, ma maman aussi d’ailleurs, elle était tellement triste que j’arrête le théâtre, mais en quoi peut-il t’aider ?
- En tant que directeur de l’OBC, je pense qu’il peut me trouver des financements.
- L’OBC ?
- Oui, la Banque du Cinéma.
- Ah non, Georges, il y a erreur, mon papa est architecte et habite à Besançon.
- Mais pourquoi Josée m’a-t-elle dit à au festival de Cannes que ton père était le directeur de l’OBC ?
- Je n’en sais rien, moi, tu prends quoi comme dessert ?
 
Ce jour-là, Georges n’a pas pris de dessert. C’était également la dernière fois que je le voyais. Quand je l’appelais au théâtre, on ne me le passait plus. Je suis allée plusieurs fois le voir, mais on me répondait toujours qu’il était occupé. Un peu plus tard, j’ai appris qu’il avait donné le rôle à Sophie Marceau.
 
 
(comme on me l'a souvent demandé, je précise que sur la photo, il s'agit de moi et non de Sophie Marceau...)
 
Sylvie Bourgeois Harel
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Chroniques du monde d'avant par Sylvie Bourgeois Harel - 1

L’autre jour, en entrant chez Apple pour acheter un ordinateur, en voyant tout le service d’ordre à l’entrée, puis le jeune vendeur qui me conseillait de ne pas changer le mien, mais qui m’a demandé au bout de quinze minutes d’aller à l’autre bout du magasin où il me rejoindra pour continuer notre conversation car ils n’ont pas le droit de rester longtemps au même endroit et avec le même client, j’ai réalisé que notre monde s’était vraiment écroulé.
 
Quand exactement, je ne sais pas, peut-être cela s’est fait doucement, subrepticement, mais une chose est sûre, aujourd’hui, je ne pourrais jamais refaire tout ce que j’ai fait lorsque je travaillais en free-lance dans la communication.
 
Plus jamais, par exemple, je ne pourrais faire atterrir les Tortues Ninja sur la plage du Carlton, durant le Festival de Cannes, à l’heure du déjeuner, afin de créer l’événement, et ça en a été un, les télévisions du monde entier ont repris les images de mon cameraman, c’était en mai 1991, sans autorisation bien sûr car je ne les aurais jamais obtenues, mais avec une équipe solide et ultra compétente de champions que ce challenge amusait.
 
En effet, c’était un véritable défi car les costumes, les mêmes qui avaient servi aux comédiens durant le tournage du film, pesaient 70 kilos chacun, et il ne fallait pas rester plus de quinze minutes dedans, tant l’épaisseur du plastique et de la mousse avec lesquels ils étaient fabriqués provoquaient une transpiration si intense que cela nécessitait ensuite plusieurs heures de séchage.
 
Mes parachutistes, des mecs super, ont tout accepté et surtout d'atterrir avec une vision réduite car les têtes des Tortues Ninja, non seulement étaient énormes et lourdes, mais avec des tout petits trous pour les yeux, ils ne voyaient presque rien. Avec leurs amis du Club aéronautique de Cannes-Mandelieu, on a balisé, au dernier moment pour ne pas dévoiler la surprise, un espace sur la plage afin de sécuriser l’atterrissage qui a vraiment créé l’événement.
 
C’était ça Cannes ! Pour promouvoir les films, il fallait être inventif, faire toujours plus, étonner, émouvoir.
 
Et mes Tortues Ninja ont eu un succès fou qui a dépassé les espérances d’UGC-Fox, le distributeur du film. Sur la Croisette où je les ai ensuite promenées assises à l’arrière d’un coupé que Mercedes m’avait prêtée pour la journée (est-ce que l’on peut encore se faire prêter pour une journée un Roadster Mercedes juste pour s’amuser, je ne pense pas...), les gens étaient hystériques, criaient leurs noms, Léonardo, Raphaël, Michelangelo, Donatello, leur demandaient des autographes, et mes parachutistes stoïques tenaient le coup dans leurs costumes, à mourir de chaleur.
 
Puis après une courte pause dans un local que j’avais loué pas loin où un déjeuner leur a été servi, au cours duquel on a essayé de sécher avec des sèche-cheveux l’intérieur des costumes qui étaient trempés, hop, de nouveau dans les costumes encore mouillés qui puaient, hop, dans la Mercedes, cette fois, avec un chauffeur. Grâce à mon amoureux, j'avais réussi à nous faire inscrire dans le cortège officiel et, là, je leur fais monter les marches où les photographes et la foule sont hystériques de voir les Tortues Ninja, à crier de nouveau leurs noms, et mes parachutistes sont toujours parfaits à jouer le jeu sans se plaindre, depuis des heures qui ont largement dépassé les quinze minutes recommandées, dans leurs costumes tellement trempés qu'ils sont devenus deux fois plus lourds, je les tiens d'ailleurs par la main car ils ne voient carrément plus rien, tant leur transpiration coule sur leurs yeux.
 
Le PDG de Columbia avec qui j’étais amie et qui distribuait le film m’engueule en haut des marches où il attend le réalisateur et ses comédiens car mes Tortues Ninja ont volé la vedette de toutes les stars américaines venues soutenir le jeune John Singleton considéré comme le nouveau génie d’Hollywood avec son film BOYZ’N IN THE WOOD, mais le soir lorsque nous dînons tous ensemble chez Tétou, à Golfe Juan, la bouillabaisse la plus chic du Festival (une institution qui n'existe plus non plus, la loi du Littoral l'a tout simplement supprimée... ), il éclate de rire. C’était ça Cannes, une équipe de seigneurs, et bravo à celui qui créait l’événement du jour !
 
Pour en revenir à Apple, un autre exemple de chose que je ne pourrais plus jamais réaliser. Nous sommes en 1994, je travaille pour Sony Software sur les premiers CD-Rom. J’organise à l’hôtel Raphaël une conférence de presse, sauf que Sony n’a pas d’ordinateur à me prêter. Peu importe, je gare ma petite Rover verte en double file devant la belle boutique Apple, avenue Georges V, je mets les warnings, et avec ma mini-jupe et mes bottes, je leur explique ma situation. Dix minutes plus tard, je sors avec trois Mac prêtés avec juste ma signature et le nom de Sony griffonnés sur un bout de papier, que les vendeurs m’installent dans ma voiture pendant que j’invite le directeur du magasin et son équipe à mon petit-déjeuner de presse. Le lendemain, j'ai ramené les trois Mac que je leur ai empruntés pendant un an, chaque fois que Sony sortait un nouveau CD-Rom, comme par exemple, les fiches-cuisine en partenariat avec Elle, je refaisais une conférence au Raphaël et j'avais besoin d'ordis.
 
Est-ce moi qui avais une capacité de persuasion ou est-ce que les rapports humains étaient plus simples, et surtout basés sur une confiance, une compétence, une assurance, un amour du travail bien fait ?
 
Quoi qu’il en soit, quand je vois qu’on ne peut plus entrer nulle part sans se faire fouiller son sac ou que des gens ont peur dès que quelqu’un tousse dans un train, je suis contente d’avoir fait le choix de quitter Paris que j’aime pourtant follement pour venir vivre dans le Sud, près de la nature, au bord de la Méditerranée.
 
Sylvie Bourgeois Harel
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MONICA - ON OUBLIE TOUJOURS QUELQUE CHOSE - Un recueil de nouvelles de Sylvie Bourgeois Harel

MONICA

Je ne sais jamais quoi offrir à mon mari que j’aime d’amour, j’ai toujours l’impression que ça lui fait ni chaud, ni froid. Tandis que moi, les cadeaux, j’adore les recevoir, c’est même tout un art, je deviens si joyeuse que c’est un véritable plaisir de m’en faire. Si. Je dis toujours merci même s'ils ne me plaisent pas, je ne fais jamais la tête, non, au contraire, je deviens gaie comme une enfant. Mon côté enfant, même avec le temps, n’a d'ailleurs jamais totalement disparu, j’aime encore le rose, les cœurs et dépenser l’argent de mon mari comme si c’était celui que me donnait ma maman. C’est peut-être une histoire de confiance. Mes économies, je les garde au cas où il me quitterait, je me consolerai avec. Si je ne sais jamais quoi lui acheter, c’est peut-être pour lui offrir, par anticipation, sa liberté. Ça peut paraître compliqué, mais je me comprends.

En revanche, pour ses 50 ans, je dois marquer le coup. Je suis bien ennuyée d’autant que Magali, sa nouvelle employée, est drôlement bien roulée. En plus, elle n’arrête pas de lui dire combien il est intelligent, talentueux, formidable. Et les hommes, le mien comme les autres, c’est fragile. À force de trop le flatter, elle va finir par me le gâter. Ce serait dommage car c’est un bon mari, gentil et toujours heureux de me voir, je ne dois pas le décevoir. Surtout pas ce soir...

(...)

Vous pouvez lire la suite de MONICA dans mon recueil de nouvelles ON OUBLIE TOUJOURS QUELQUE CHOSE. Vous pouvez le commander en m'envoyant un mail à : slvbourgeois@wanadoo.fr.  

 

Sur les liens ci-dessous, vous pouvez écouter une courte lecture d'un extrait de mon roman En attendant que les beaux jours reviennent (que j'ai signé Cécile Harel) par la comédienne Manoëlle Gaillard, mes nouvelles Mon papa est curé, Henri, La dame Bleue,  parues dans mon recueil Brèves enfances, aux éditions Au diable vauvert, lues par les comédiens Alain Guillo et François Berland. Et également deux interviews faites par ma petite Marcelline l'aubergine qui me questionnent sur mon écriture.

MONICA - ON OUBLIE TOUJOURS QUELQUE CHOSE - Un recueil de nouvelles de Sylvie Bourgeois Harel
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ON OUBLIE TOUJOURS QUELQUE CHOSE - Sylvie Bourgeois Harel

ON OUBLIE TOUJOURS QUELQUE CHOSE - Sylvie Bourgeois Harel

« Lorsque j’écris une nouvelle, un style littéraire qui me convient parfaitement, je suis aussi concentrée que si je tirais à l’arc afin que ma flèche atteigne avec une rapidité fulgurante mon but : le cœur.C’est d’ailleurs de là d’où je pars. Le cœur. Je suis au cœur du cyclone, de la tempête que traversent mes personnages. Je suis au cœur de l’intime. Plus rien d’autre ne compte. Que l’intime et l’émotion. Je retire les descriptions et les mots inutiles. Je vais à l’essentiel. Je suis dans une urgence absolue. Je prends alors une longue et profonde inspiration, comme lorsque je plonge en apnée dans la mer. Et je remonte à la surface écrire, guidée uniquement par l’émotion et la musique de mes mots. Voilà, c’est exactement cela. Je travaille mon style tel une partition de musique. »

Après En attendant que les beaux jours reviennent, publié aux éditions les Escales, en poche chez Pocket, chez Piper en Allemagne, ou ma série des Sophie, Sophie à Cannes, Sophie au Flore…, commencée chez Flammarion, ou encore Brèves enfances aux éditions Au diable vauvert, j’ai choisi, pour mon dixième livre, de revenir avec un nouveau recueil de nouvelles, le deuxième que j’écris, un genre que j’adore.

Et qu’adore aussi ma meilleure amie d’enfance, Nathalie, que j’aime et qui m’aime depuis que nos deux mamans se sont rencontrées lorsque nous avions un an. Nous habitions la même maison à Besançon, sa famille au premier étage, la mienne au rez-de-chaussée. Nous ne nous sommes jamais quittées et encore moins fâchées. Jamais. C’est un amour pur. Inconditionnel. La plus belle déclaration d’amour que Nathalie m’ait faite, c’était il y a deux ans, un matin, elle m’a téléphoné en larmes me disant qu’elle avait fait un cauchemar, je ne respirais plus.

Tout ça pour vous dire que je dédie mon recueil à Nathalie qui n’arrive pas à lire des livres car elle s’endort toujours à la dixième page. Ouf, mes nouvelles ne dépassent jamais les huit à neuf pages ! D’ailleurs beaucoup de mes lecteurs sont comme ma Nathalie chérie qui aime lire une de mes courtes mais intenses histoires avant de partir dans les bras de Morphée.

Mon recueil On oublie toujours quelque chose comporte 19 nouvelles. De Schizofamily à L’Architecte en passant par Je suis bien chez toi ou John et Johnny, je les ai toutes écrites au “je’. En effet, la première question que je me pose dès que je commence un texte est de décider si j’emploie le “je”, ou la 3ème personne du singulier. Le “je” me permet d’être au coeur de mon sujet. Ce “je” est parfois la voix d’un homme perdu, d’un petit garçon malheureux, d’un architecte qui souffre d’un optimisme obsessionnel, d’un fantôme, d’une femme exaltée…

Tous mes personnages sont drôles, émouvants, étonnants et ont, en commun, un besoin effréné d’amour, et aussi beaucoup d’amour à offrir, d’amour à partager ainsi qu'une tonne d’incompréhension et de questionnements…

L’amour est mon terreau d’inspiration. L’amour, la beauté, la nature, la pensée, le rire, l’humour… Ça occupe mes journées. Voilà mon rythme, j’écris, je dessine, je lis puis je vais marcher une heure et nager dans la mer méditerranée qui m’a vue naître et que j’adore !

Sylvie Bourgeois Harel

VOUS POUVEZ AUSSI LE COMMANDER EN M'ENVOYANT UN MESSAGE SUR MON ADRESSE MAIL : slvbourgeois@wanadoo.fr

ON OUBLIE TOUJOURS QUELQUE CHOSE, recueil de nouvelle de Sylvie Bourgeois Harel
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Saint-Tropez mon amour - La Ponche - Sylvie Bourgeois Harel

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Saint-Tropez mon amour - La Ponche - Sylvie Bourgeois Harel - Marcelline l'aubergine

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  • : Sylvie Bourgeois Harel, écrivain, novelliste, scénariste, romancière Extrait de mes romans, nouvelles, articles sur la nature, la mer, mes amis, mes coups de cœur
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