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La Bravade de Saint-Tropez

La Bravade de Saint-Tropez
 
Tous les ans, les 16, 17 et 18 mai, à Saint-Tropez, nous fêtons la Bravade, une fête autant religieuse que militaire, en hommage au Chevalier Torpes, martyr chrétien qui donna son nom au village, ainsi qu'aux hommes, Génois et Tropéziens, qui, durant un siècle, défendirent avec bravoure le village des nombreuses attaques maritimes fomentées par les barbaresques.
 
Côté militaire, tout a commencé en 1441. Le roi René donne les terres désertées depuis 1388 de l'actuel Golfe de Saint-Tropez à Jean de Cossa, seigneur de Grimaud, en lui intimant l'ordre de repeupler Saint-Tropez dont les habitants, lassés d’être régulièrement envahis par les pirates et autre ennemis, s’étaient réfugiés dans les campagnes loin du littoral.
 
Le 15 octobre 1470, Cossa signe une convention avec Raphaël Garezzo, seigneur de Pornassio, afin que celui-ci envoie vingt-et-une familles génoises vivre à Saint-Tropez. Ces vingt-et-un chefs de famille, que des nobles, ont donc emmené avec eux leur femme, leurs enfants, leurs cousins, leurs oncles, leurs serviteurs, paysans, boulangers, marins, soldats, mais aussi des mauvais garçons qu'ils ont pu faire sortir du bagne car il leur fallait des hommes costauds, sans peur, et qui surtout savaient se battre. C'est d'ailleurs pour cette raison que certains s'appelaient, par exemple, Quindici qui veut dire quinze en italien. Ces bagnards n'ayant plus d'identité, ils ont donc été enregistrés sous le chiffre de leur matricule de prisonnier qui avait été gravé au fer à rouge sur leur avant-bras.
 
En échange d'une franchise fiscale, d'une immunité totale (pour les bagnards), d'une exonération d'impôts et d'une autonomie en armes, ces Italiens devaient rebâtir le port, construire des remparts, et surtout défendre la cité.
 
C’est ainsi que sans aucune contrainte royale, bénéficiant d'une totale liberté, une véritable communauté solidaire et unie - la mairie achetait le blé pour le redistribuer équitablement, donnait de l'argent aux filles-mères pour subvenir à leurs besoins -, s'est alors établie. Petit à petit, les Tropéziens sont revenus vivre dans leur village, s'alliant avec ces Génois pour le meilleur et pour le pire. Afin qu'il n'y ait aucun dérapage de prise de pouvoir, dès 1558, chaque Lundi de Pâques, un Capitaine de Ville était nommé pour seulement un an. Sa mission était de former et de diriger la milice locale.
 
Mais le 20 juillet 1672, Louis XIV décida de stopper cette fabuleuse organisation. Une garnison royale fut dépêchée pour remplacer la milice locale. Le roi exigea également le paiement des impôts. Les Tropéziens, furieux de perdre leur indépendance, leur liberté et leurs privilèges financiers, alors qu’ils avaient su repousser tout seuls et vaillamment, de nombreux ennemis, décidèrent de continuer de nommer chaque année, à chaque lundi de Pâques, à titre honorifique, un Capitaine de Ville, afin que les générations suivantes n'oublient jamais leur bravoure et leur courage. Encore aujourd'hui, un Capitaine de Ville est nommé le Lundi de Pâques pour un an, et défile en tête de la Bravade.
 
Côté religieux, la Bravade honore Saint Torpes. Nous sommes le 29 avril de l'an 68. Lors de l'inauguration, à Pise, d'un temple dédié à la déesse Diane, l'Empereur Néron, qui était polythéiste, demande au chef de sa garde personnelle, le Chevalier Torpes, d'adjurer sa foi chrétienne. Celui-ci refuse. Furieux, Néron le fait flageller, mais le poteau auquel il était attaché, tombe tuant le bourreau. Néron le fait alors jeter aux fauves, mais ceux-ci se couchent aux pieds de Torpes. Néron ordonne sa décapitation. Le corps sans tête du chevalier est mis dans une barque avec un coq et un chien censés le dévorer.
 
La barque a dérivé sur le fleuve Arno, puis a rejoint la Méditerranée et a fini par s'échouer le 17 mai de la même année sur la plage d’Héracléa avec, à son bord, le corps intact du Chevalier Torpes qui est devenu le Saint-Patron de Saint-Tropez à qui il donna son nom. Le coq s'est s'envolé vers des champs de lin, donnant son nom au village de Cogolin et le chien donna son nom à celui de Grimaud qui veut dire vieux chien en provençal.
 
Les bravadeurs qui font partie de l’association Les Amis de la Bravade défilent de façon très protocolaire en uniformes militaires anciens, tandis que les femmes, en tenues provençales, dansent. Entre les coups de tromblons qui résonnent dans tout le village, la clique joue du fifre et des tambours. Quant à Torpes, son buste, après être sortt de façon très solennelle de l’église, prend la tête d’une longue procession religieuse dans les ruelles. Des messes sont également prévues avec bénédiction des armes et des bouquets de fleurs rouge et blanches. Le rouge et le blanc étant les couleurs de la cité, tous les Tropéziens s'habillent ainsi.
 
La Bravade est la fête des résistants, un hymne à la liberté.
 
C'est bruyant, joyeux, sérieux et émouvant.
 
Sylvie Bourgeois Harel
Bravade de Saint-Tropez - Sylvie Bourgeois Harel et Marcelline l'aubergine

Bravade de Saint-Tropez - Sylvie Bourgeois Harel et Marcelline l'aubergine

Bravade de Saint-Tropez - Sylvie Bourgeois Harel

Bravade de Saint-Tropez - Sylvie Bourgeois Harel

Bravade de Saint-Tropez - Sylvie Bourgeois Harel et Marcelline l'aubergine

Bravade de Saint-Tropez - Sylvie Bourgeois Harel et Marcelline l'aubergine

Bravade de Saint-Tropez - Sylvie Bourgeois Harel

Bravade de Saint-Tropez - Sylvie Bourgeois Harel

Bravade de Saint-Tropez - Sylvie Bourgeois Harel

Bravade de Saint-Tropez - Sylvie Bourgeois Harel

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Saint-Tropez - La Ponche

Saint-Tropez - La Ponche

La Voix

 

Je suis bien chez toi

 

 

Je suis bien chez toi. Tu ne le sais peut-être pas mais je suis là pour toi. Je te vois. Je te sens. C’est toi qui vas me réparer. C’est toi qui vas le dire. C’est toi qui vas l’écrire. Je l’aimais. Je n’ai fait que l’aimer. Toute ma vie. Et encore aujourd’hui. Mais il est parti. Il est parti dans les ténèbres.

 

Et depuis je le cherche. Je ne fais que le chercher. On nous dit que l’on se retrouve toujours mais ce n’est pas vrai. Ça fait des années que je le cherche et je ne sais toujours pas où il est. J’ai beau l’appeler, lui parler, crier son nom, c’est le néant qui m’apparaît comme s’il n’avait existé. Pourtant, je l’ai vu. Je l’ai eu dans mes bras. Je l’ai embrassé. Je l’ai laissé entrer. Je l’ai aimé. Puis il a disparu.

 

Mais je ne l’ai jamais oublié. Je ne me suis jamais mariée. Je l’ai attendu toute ma vie. Et encore aujourd’hui. Je l’attends. En le cherchant. Dans le néant. C’est grand le néant, Sylvie. J’ai souvent eu peur de tout cet infini. Je n’ai pas d’enfant. Pas de parents. Pas de grands-parents. Je suis comme une mauvaise herbe qui aurait poussé là où elle n’aurait pas dû. Je l’ai attendu. Et je l’attends encore.

 

Mais aujourd’hui je suis revenue. Je suis revenue pour que tu dises au monde entier que ce n’est pas vrai, on ne se retrouve pas toujours. Que l’on peut se rater. Ici et là-bas. Et que c’est un drame qui fait très mal de se rater.

 

Alors ma petite Sylvie aujourd’hui, je suis revenue et je suis là pour toi. Je vais te raconter les histoires de l’au-delà. Les histoires de là-haut et toi tu m’écriras une nouvelle vie. Une vie dans laquelle je serais heureuse. Une vie dans laquelle il m’aimera. Une vie dans laquelle il m’embrassera et me prendra la main.

 

Je ne te quitterai pas. Je veillerai sur toi comme j’aurais aimé veiller sur lui. Tu nous écriras des enfants, un jardin, des rires, des baisers et pourquoi pas un voyage en Inde. Sur un tapis volant. Un tapis volant pour nous préparer à l’éternité. On ne s’y prépare pas assez à l’éternité. On est trop pressés. Toujours trop pressés. Alors que c’est ça la vie, c’est l’éternité, c’est la lumière et les ténèbres. C’est terrifiant et léger. Beau et alarmant. Angoissant et reposant. Tout dépend de comment tu t’es préparé.

 

À force de le chercher, j’ai tout raté. Mais je vais t’aider. Je vais tout te raconter. Le diable et les anges. Les démons et les dieux. Le mal et le bien. Je vais tout te dire et, toi, chaque matin,  tu m’écriras mon amoureux qui me tient par la main.

 

Sylvie Bourgeois Harel

Plage de Pampelonne - Ramatuelle

Plage de Pampelonne - Ramatuelle

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Vive les minijupes !

Vive les minijupes !

 

 

L’autre jour, sur un groupe WhatsApp qui me relie un peu à Paris que j’ai quitté, il y aura bientôt trois ans, une amie nous questionnait à savoir s’il était possible de porter des minijupes lorsque nous vieillissions. Comme j’aime m’exprimer sur les futilités qui structurent mon quotidien, mais qui vont finalement bien au-delà de la futilité puisqu’elles parlent de notre intimité, je lui ai répondu que ce n’était pas une histoire d’âge, mais plutôt de l’énergie que nous désirions encore mettre dans notre rapport à la séduction. J’ai ajouté que je ne portais plus de minijupe depuis au moins dix ans. Que j’avais abandonné les minijupes, les talons de 9, les maquillages excessifs, pour un look plus serein, plus en accord avec mon nouvel état d’esprit apaisé et doux.

 

Puis j’ai réfléchi. J’ai adoré porter des minijupes. Très courtes. Au ras des fesses. Je faisais raccourcir toutes les jupes de mes tailleurs. Je m’en cousais aussi dans du tissu tubulaire sur lesquels j’ajoutais des galons de couleurs différentes de chaque côté. J’en ai eu des roses, des bleues, des fleuries de chez Irié, des en jean, en cuir, en daim, même en panthère de chez Irié toujours en coton stretch. Je déteste la jupe qui arrive à mi-cuisse. Elle  casse la silhouette. Si ça doit être court, autant que ça soit très court ! Ma mère me disait que le short, très court aussi, et la minijupe, étaient ce qui m’allait le mieux. En hiver, je portais mes minijupes avec des bottes et des collants en cachemire, une merveille. En été, avec des boots de cowboy sur des jambes bronzées. En minijupe, je me sentais libre et sexy. Avec mes minijupes, j’estimais envoyer une sorte de clin d’oeil joyeux. Les hommes n’y étaient pas insensibles. En revanche, je n’ai jamais porté de minijupe si je devais prendre un métro ou aller dans un endroit pas sécurisé. Il ne faut pas exagérer. Certains hommes rustres et peu éduqués, hélas, peuvent prendre cet habillement pour une invitation et avoir des gestes déplacés. J’avais de la chance d’habiter, de travailler et de fréquenter que des beaux quartiers parisiens où toutes les excentricités vestimentaires étaient permises et même appréciées.

 

Dans ma féminité, lorsque je choisissais mes habits, le matin, j’ai toujours eu besoin d’envoyer des messages liés à une certaine forme de complicité, comme un jeu, qui n’étaient en aucun cas des messages liés à une certaine forme de séduction. Je ne cherchais absolument pas à consommer ou à accumuler les aventures. Je n’ai d’ailleurs jamais eu d’aventures. Vous voyez comme quoi ce que l’on pourrait prendre pour des futilités nous entraîne rapidement à parler de notre intimité. J’ai donc porté des milliers de minijupes, mais je n’ai jamais eu d’aventure. Je n’aime que les hommes fous de moi. Quand on arrive à m’embrasser, ça dure des années, peut-être même des siècles. Mes minijupes n’étaient pas non plus un message de provocation, non, elles étaient plutôt un message joli et joyeux, qui disait, je sens bon, je suis jolie, je suis heureuse, alors vas-y, mon coco, balance ton compliment ! Et c’est très agréable de recevoir des compliments, même d’inconnus dans la rue. En effet, j’avais l’impression que mes minijupes avaient le pouvoir de mettre le coeur des hommes que je croisais en joie.  C’est pas mal d’arriver à créer de la joie avec seulement un tout petit bout de tissu !

 

Pour en revenir à la minijupe, la styliste anglaise Mary Quant l’a inventée en 1962, en s’inspirant des tenues de plage légères que les femmes portaient l’été à Saint-Tropez. Dès 1958, elle a alors commencé à raccourcir de plus en plus ses jupes jusqu’à ne laisser que dix centimètres sous les fesses. Puis André Courrèges l’a popularisée en France en 1965. À eux deux, ils ont révolutionné la garde-robe des femmes. Ils leur ont offert un vent de liberté. Comme disait Mary Quant, il est plus facile de courir après un bus en minijupe qu’avec une jupe-crayon. Coco Chanel, qui n’a jamais dû prendre  le bus, a décrié la minijupe. Pour elle, c’était vulgaire d’en porter une à Paris. À la limite à la campagne, pourquoi pas, ajoutait-elle, tout le monde s’en fout à la campagne de comment vous vous habillez. N’empêche, depuis, il n’y a pas eu un seul défilé Chanel sans minijupe qui est devenue un basique.

 

Parmi les anecdotes racontées par mes vieux amis qui sillonnaient dans l’entourage de François Mitterrand, le gang des minijupes, c’est ainsi que les hommes l’avaient surnommé, sévissait ardemment. Ce groupe de femmes journalistes politiques arrivaient en minijupes dans l’avion présidentiel lors des voyages officiels, une tenue certainement efficace pour obtenir plus facilement des renseignements sur des dossiers classés top secrets ! L’homme est fragile et les politiques encore plus, me répétaient-ils en riant ! 

 

Quand à André Courréges, je l’ai ramené, une nuit, chez lui, il y a une vingtaine d’années. Je rentrais chez moi à Neuilly-Saint-James, en face du bois de Boulogne, lorsque j’ai vu un petit monsieur, très fin, habillé tout en rose, avec des grandes lunettes, se promener tout seul dans l’allée en bordure des arbres. Je l’ai tout de suite reconnu. Je l’ai fait monter dans ma voiture. Il avait l’ait complètement hébété. Son épouse m’a dit qu’il se perdait souvent. Je l’ai remercié pour ses minijupes, ses bottes plates, ses blousons courts de toutes les couleurs et ses minis sacs légers. 

 

Alors, c’est décidé, à partir d’aujourd’hui, pour rendre hommage à toutes les femmes sur terre qui n’ont pas le droit de s’habiller comme elles le désirent et encore moins de porter des minijupes, je vais de nouveau en porter. Même quand je serai très vieille, je serai une écrivain digne en minijupe, ce sera très amusant. Ce sera mon nouveau style en hommage également à la liberté. Et puis cela fera plaisir à ma maman qui me regarde depuis les cieux.

 

Sylvie Bourgeois Harel

 

Vive les minijupes !
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Sylvie Bourgeois Harel - Lily of the Valley - La Croix Valmer

Sylvie Bourgeois Harel - Lily of the Valley - La Croix Valmer

ÉMILIE

 

“Je m’appelle Émilie et j’ai le cerveau en bouillie. À l’instant encore, je viens de trouver la porte de mon réfrigérateur ouverte. Je l’ai regardée un instant, interloquée, ne comprenant pas pourquoi elle était ouverte. Je vis seule dans ma maison. Personne n’est venu me rendre visite. Et je ne suis pas retournée dans ma cuisine de la journée. En effet, j’ai été tellement occupée que je n’ai pas trouvé le temps de m’arrêter, ne serait-ce qu’un instant, pour me préparer un déjeuner. Puis je me suis souvenue que j’avais ouvert mon réfrigérateur ce matin pour sortir mon pot de confiture de framboises afin de me faire une tartine histoire d’accompagner ma deuxième tasse de thé que je n’ai pas bu puisqu’elle est toujours sur la table à côté de ma tartine beurrée et de mon pot de confiture que je n’ai pas ouvert, alors qu’il est presque 18 heures.

 

Lorsque j’ai compris que j’avais laissé mon réfrigérateur ouvert pendant plus de sept heures, je me suis effondrée sur mon canapé et je me suis mise à pleurer. À pleurer à chaudes larmes. À appeler ma maman, comme je le faisais enfant, sauf que je ne suis plus une enfant, j’ai 59 ans, et ma maman est morte, il y a cinq ans. J’ai alors téléphoné à Amandine, ma meilleure amie. Elle m’a dit de respirer doucement, que ce n’était pas bien grave. Et pour me faire rire, Amandine sait toujours me faire rire, elle m’a demandé si, cette fois, j’avais bien refermé la porte de mon réfrigérateur. Puis, elle m’a conseillée de prendre un papier et un crayon et d’écrire tout ce que j’avais fait dans la journée. 

 

Je me suis alors souvenue qu’en voyant la couleur de ma confiture, j’ai pensé à ma culotte de couleur framboise justement que j’avais posée dans le lavabo de ma salle de bains et que je n’avais toujours pas lavée. Je lave ma lingerie à la main. C’est le seul moyen pour la préserver longtemps et ne pas l’abimer. Et je dis réfrigérateur, jamais frigidaire qui, comme tout le monde le sait, est une marque de réfrigérateur, une marque, certes, qui est passée dans le langage courant, mais ma mère m’a appris que c’était aux détails d’un langage châtié que l’on reconnaissait les dames.

 

Je ne sais pas si je suis une dame, mais en me rendant dans ma salle de bains pour laver ma culotte, j’ai reçu sur mon téléphone que j’avais dans la poche de ma veste, une notification comme quoi un certain Jacky avait commenté ma publication sur Facebook. C’est Amandine qui m’a conseillée de m’inscrire sur Facebook lorsque mon mari m’a quittée. Non pas pour trouver un homme, mais pour avoir des contacts sociaux. J’avoue que c’est très rigolo. J’y passe des heures. Je regarde tout. Je lis tout. Je commente tout.

 

De mon côté, je ne publie que des photos de Benjamin, mon chat tigré qui m’a adoptée lorsque Julien est parti. Benjamin a tout compris de la vie, et de la mienne aussi. Il a compris qu’il y avait une place vide à prendre dans mon lit, il s’y est installé, et le soir, comme je le faisais pour Julien qui était très gourmand, je prépare à mon Benjamin chéri un bon petit plat à base de crevettes ou de poulet. C’est un amour. Benjamin pas Julien. Comme il a beaucoup de succès sur Facebook, Benjamin pas Julien qui ne publie que des photos de lui, heureux avec sa nouvelle femme, comme pour me narguer ou faire croire que nos vingt-sept années de mariage n’ont jamais existé, j’ai aussi créé un compte Instagram. J’allais répondre à ce Jacky qui me demandait l’âge de Benjamin quand réfléchir à l’âge de mon chat que je ne connais pas, m’a fait penser au mien que je connais bien et aussi à ma carte d’identité que je dois renouveler. 

 

J’ai donc pris mon ordinateur pour faire une demande en ligne, mais au moment d’ouvrir le site du service public, j’ai préféré répondre au mail que ma fille qui vit en Nouvelle-Zélande m’avait envoyé durant la nuit. J’allais lui écrire que j’aimerais bien lui rendre visite à Noël, mais avant de lui faire une fausse joie, j’ai voulu regarder les prix des billets d’avion pour Auckland où elle habite avec son mari. Je suis alors tombée sur un article qui titrait qu’il n’y avait pas de serpent en Nouvelle-Zélande, ce qui est une bonne nouvelle car j’en ai une trouille bleue. 

 

Parlant de trouille, je me suis alors rendue dans ma chambre pour évaluer si je pouvais réparer seule mon volet qui ferme mal, elle est au rez-de- chaussée, je ne voudrais pas qu’un individu mal intentionné pénètre la nuit pour me cambrioler, même s’il n’y a plus rien à prendre, Julien a tout pris. Je devrais peut-être acheter un chien de garde, mais alors seulement à mon retour d’Auckland, je ne saurais pas quoi en faire pendant mon voyage, je ne pourrais pas le laisser à Amandine qui a déjà un Husky très jaloux. Je suis donc descendue à la cave chercher des outils pour réparer mon volet lorsque je suis tombée sur mes chaussures de ski, je skiais beaucoup lorsque j’étais jeune, c’est d’ailleurs le seul sport où j’étais excellente. C’est ce qui avait plu à Julien lorsqu’il m’a connue à la montagne, j’étais plus rapide que lui. Ça l’a épaté, il m’a embrassée, puis c’est allé très vite entre nous, notre fille est née, nous nous sommes mariés, et il m’a quittée. 

 

Mes chaussures de ski étaient pleines de poussière, je les ai apportées dans mon jardin pour les nettoyer avec un chiffon. C’est ainsi que j’ai découvert que mon citronnier était rempli de cochenilles. J’en ai écrasé une avec le chiffon, c’est étrange lorsque l’on écrase ces petites boules blanches, ça fait des tâches orange comme si la cochenille avait du sang orange. Les extraterrestres ont peut-être aussi du sang orange, je me suis dit en allant chercher du vinaigre blanc et du papier absorbant pour tuer ces horribles insectes qui ont envahi mon citronnier. Le vinaigre blanc est épatant, je nettoie tout avec. Et je ne dis jamais Sopalin, mais papier absorbant, ma mère avait peut-être raison, je suis une dame.

 

C’est alors que j’ai reçu une notification sur Instagram comme quoi ma voisine avait liké une photo de Benjamin, les pattes en l’air, certainement pour se faire pardonner d’avoir demandé à la mairie de brûler les herbes, qu’elle se permet d’appeler des mauvaises herbes, qui poussent sur le trottoir devant ma maison alors que ce sont des résistantes très émouvantes, d’avoir trouvé la force de pousser dans le goudron. Une petite faille, de la lumière, un peu d’eau de pluie, et hop, elles ont grandi comme moi lorsque Julien m’a quittée. En effet, c’est dans les failles de mon cœur brisé que j’ai puisé la force de continuer de vivre sans son amour.

 

J’ai alors imaginé ma voisine pas gentille face à des extraterrestres au sang orange. Ça m’a fait rire. Sur mon téléphone, j’ai tapé extraterrestre. Je suis tombée sur une interview qui avait l’air passionnante d’un Jean-Pierre Petit, très bel homme au demeurant, c’est un amoureux comme cela qu’il me faudrait rencontrer, je me suis dit en m’asseyant au soleil. Un instant, j’ai cru que j’étais, moi aussi, une petite plante résistante à qui le moindre rayon de lumière avait le pouvoir de lui redonner espoir. 

 

C’est la faim qui m’a sortie de ma rêverie, et le froid aussi, il était presque 18 heures. Je suis donc allée dans ma cuisine pour grignoter un bout de fromage et préparer les crevettes de Benjamin, lorsque j’ai découvert la porte de mon réfrigérateur ouverte. En relisant tout ce que j’avais fait dans la journée, j’ai de nouveau pleuré. Ma culotte couleur framboise n’est toujours pas lavée, je n’ai pas répondu à ce Jacky qui est presque aussi beau, en plus jeune, que le Jean-Pierre Petit des extraterrestres, je n’ai pas fait ma demande de carte d’identité, je n’ai pas répondu à ma fille, je n’ai pas réservé mon billet d’avion pour Auckland, je n’ai pas lu l’article sur les serpents non présents en Nouvelle-Zélande, je n’ai pas réparé mon volet, je n’ai pas nettoyé mes chaussures de ski, je n’ai pas retiré la cochenille de mon citronnier, je n’ai pas liké la publication de ma voisine pour lui faire comprendre que je ne lui en voulais pas, je n’ai pas écouté l’interview de Jean-Pierre Petit, je n’ai pas bu mon thé de ce matin, ni mangé ma tartine beurrée, je n’ai rien fait de la journée, et pourtant je suis épuisée tellement je n’ai pas arrêté.”

 

Sylvie Bourgeois Harel

Émilie fait partie des 19 nouvelles de mon recueil On oublie toujours quelque chose.

Pour le commander, vous pouvez m’envoyer un message à : slvbourgeois@wanadoo.fr

Sylvie Bourgeois Harel - Saint-Tropez - La Ponche

Sylvie Bourgeois Harel - Saint-Tropez - La Ponche

Sylvie Bourgeois Harel - Plage de Pampelonne - Ramatuelle - Golfe de Saint-Tropez

Sylvie Bourgeois Harel - Plage de Pampelonne - Ramatuelle - Golfe de Saint-Tropez

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Schizofamily, une nouvelle de Sylvie Bourgeois Harel

Schizofamily

Ma maman est épuisée. J’ai 30 ans et je veux la sauver. J’emmène alors mes trois frères aînés qui vivent toujours chez nos parents consulter un psychiatre. Au dernier moment, maman décide de nous accompagner avec mon père paralysé qui ne peut plus parler depuis son AVC.

— Bonjour, bonjour, monsieur le psychiatre, je dis en arrivant, j’aimerais que nous fassions une psychothérapie familiale pour sauver ma maman.

— Très bien, qui êtes-vous ? me demande-t-il.

— Nous sommes une schizofamily.

— Pardon?

— Oui, c’est un peu compliqué, mais je vais essayer de vous résumer la situation. Mon frère Ferdinand, ici présent, est certainement schizophrène, il se prend pour un prince. Il se fait même appeler le prince O, alors qu’il est photographe. Quant à mon autre frère André, il doit être schizogame, il ne pense qu’à se reproduire, alors qu’il est architecte. Son grand leitmotiv est de dire qu’il aime autant créer l’habitat que l’habitant. Quant à mon frère aîné Gustave, il est sûrement schizothymique, il ne parle qu’aux poissons, c’est bien simple, il passe ses journées sous l’eau. Et quant à ma petite maman chérie, je pense qu’elle est schizoïde, elle ne veut plus sortir avec ses copines.

Le psychiatre se gratte la tête et nous invite à nous asseoir. Mais ma mère reste debout et s’approche de lui.

— Si vous saviez, docteur, comme j’ai hâte d’être dans le trou, elle lui dit, je n’en peux plus.

Je me lève à mon tour. Maman est l’amour de ma vie. Je ne peux pas l’entendre parler ainsi. Je la prends dans mes bras et l’aide à se rasseoir.

— Je dois vous expliquer, docteur, que mes trois frères qui sont pourtant grands, Gustave le sous-marin a 40 ans, André le reproducteur, 37, et Ferdinand le photographe qui est persuadé d’être photographe de terroristes, 34, habitent toujours à la maison. Ma mère n’en peut plus de devoir continuer de leur faire à manger pire que s’ils étaient des bébés, d’autant qu’ils ne lui donnent jamais d’argent et que mes parents sont ruinés.

Soudain, Ferdinand s'énerve et se met à hurler :

— Elle a beau jeu, Cécile, de dire ça, mais elle n’a jamais voulu en faire de bébés, et je sais pourquoi, mais je ne vous le dirai pas. En tout cas, pas là.

— Justement docteur, j’ajoute, je suis venue pour vous les refiler, les bébés, ma mère est épuisée, ils vont finir par la tuer.

— Il faut que vous sachiez docteur, intervient ma maman, que ma fille est persuadée d’être ma mère.

— Ben oui, ma petite maman, je lui dis en l’embrassant tendrement, tu es ma fille et je t’aime.

— N’empêche, hurle de nouveau Ferdinand, le premier bébé à soigner est Gustave, il est jaloux d’un poulpe qui a un plus gros zizi que lui.

— Je suis désolé, docteur, rougit Gustave, prince Ferdinand est en plein délire, et c’est comme ça toute la journée, vivement que je retourne sous l’eau.

— Ose dire que ce n’est pas vrai, continue de hurler Ferdinand, la preuve, tu ne t’en sers jamais de ton zizi.

— Ce n’est pas faux, ajoute ma mère, la première chose que Gustave fait lorsqu’il rencontre une sirène, il l’emmène à la messe, alors forcément, ça prête à confusion.

— Puis il faudra s’occuper d’André, se calme Ferdinand. Depuis que sa femme l’a quitté, il est devenu alcoolique.

— Oui, mais moi, dit André en riant, mon zizi, je sais m’en servir.

— Ah ça oui, approuve ma mère en riant également, il tient ça de son père, un vrai matou à mettre son zizi partout, alcoolique, lui aussi.

— C’est vrai, je bois beaucoup, confirme André, que voulez-vous, créer des maisons et leur faire des bébés, ça me donne soif.

— Il a même couché avec une terroriste qui habite dans notre quartier, s’affole de nouveau Ferdinand.

Le docteur me questionne du regard.

— Bon, docteur, je lui dis, accepteriez-vous de soigner ma schizofamily que j’aime quand même ?

— Dites-moi déjà, chacun votre tour, de quoi vous souffrez exactement, il me répond en nous scrutant bizarrement derrière ses lunettes baissées.

Contre toute attente, Gustave commence :

— Aux poulpes qui ont plein de zizis, avoue-t-il. Et aussi à André qui se sert plus du sien que moi, ça me rend fou. Et également à ma petite sœur qui ne veut pas vivre avec nous, alors que j’ai toujours voulu l’épouser. Sans compter la présence de Ferdinand qui passe ses journées, allongé à faire du canaping dans le salon de la maison, et qui dit toujours la vérité, c’est pour ça que je veux l’interner.

— Et bien moi, dit Ferdinand, je souffre à Gustave qui n’arrête pas de me taper. Il croit peut-être que ses coups vont remettre mes idées en place. N’importe quoi ! La violence n’a jamais résolu la jalousie, et vous le savez très bien, docteur. Je vous assure, ce n’est pas de ma faute si mon cerveau est cassé et si ma tête s’inquiète autant de toutes ces guerres qui vont finir par enflammer la planète. Et puis, je ne veux pas que Gustave réussisse à m’enfermer dans un asile pour cinglés, mon papa paralysé a besoin de moi. Oui, c’est moi qui aide toujours ma maman à pousser sa chaise roulante ou à les conduire faire des courses, ou même une promenade à la campagne. Il est content, mon papa, de voir des vaches ou la forêt, ajoute-t-il en mettant son bras devant le visage comme pour se protéger d’un éventuel coup de Gustave.

— Quant à moi, dit André, je souffre à mes clients qui pensent que sur mon front, il y a écrit couillon qui ne travaille que pour créer de la beauté et qui en profitent pour ne pas me payer. Et aussi à mon idiot de banquier qui n’arrête pas de m’appeler à cause de mon découvert. À force, il m’empêche de travailler. Merde, je suis architecte, pas comptable ! Qu’on me donne des maisons à dessiner, pas des chiffres à additionner. Je souffre également aux bouteilles de mon père que j’ai toutes finies, et à ma mère qui ne veut plus m’en acheter.

J’observe mes trois frères, étonnée de leur franchise.

— Quant à moi, je dis, je souffre à mes parents. Ils n’ont que 68 ans. Ils sont beaux, généreux, drôles, intelligents, jeunes encore. Ils nous ont appris la liberté, l’amour, la curiosité, l’art de ne jamais nous ennuyer, de savoir argumenter, d’être passionnés. Ils ne méritent pas toute cette schizofolie.

Ma maman me sourit. J’aime quand ma maman me sourit. J’ai l’impression de lui redonner un peu de vie.

— Quant à moi, dit-elle en parlant tout doucement, je souffre à mon mari paralysé qui ne peut plus me prendre dans ses bras, ni me dire qu’il m’aime, alors que nous avons été de si beaux amants. C’est fini, tout est fini.

Sur sa chaise roulante, mon père qui se demande depuis le début du rendez-vous ce qu’il fait là, dans le bureau de ce médecin qui ne l’a pas ausculté, pose sa tête sur l’épaule de ma mère. Je vois une larme qui coule de ses beaux yeux. De ses beaux yeux bleus. Une larme qui me dit qu’il est malheureux d’être ainsi enfermé dans le mutisme de sa maladie. Une larme qui me dit qu’il est inquiet de ne plus pouvoir protéger ses fils. Une larme qui me dit que, oui, je dois sauver maman, l’amour de sa vie. Son roc. Son repère. Son univers.

— Mmmaaannn, mmmaaannn, essaye de s’exprimer mon père qui a certainement beaucoup à dire.

— Docteur, continue ma mère en prenant la main droite inerte de mon père, maintenue par une bande sur une attelle, oui, c’est cela même, je souffre à mon mari que j’aime tellement. Je me sens impuissante et épuisée, et puis je ne supporte pas qu’il m’appelle maman, ça me rend folle qu’il puisse me prendre pour sa mère. Vous l’avez entendu docteur, et depuis son AVC, c’est comme ça toute la journée, il fait mmmaaannn, mmmaaannn, maman, maman, je n‘en peux plus, je ne suis pas sa maman, continue ma mère en pleurant.

J’ai 30 ans. Je ne veux pas entendre ma mère pleurer. C’est trop violent. Trop triste. Trop injuste. Je dois la sauver. Je veux lui dire qu’on va trouver une solution et que papa ne dit pas maman, papa fait mmmaaannn, mmmaaannn, car phonétiquement, c’est le son le plus facile à prononcer. Mais d’autres mots sortent tout seuls de ma bouche, d’autres mots que je n’ai pas désirés, d’autres maux dont je n’ai jamais parlé.

— Docteur, je dis, je souffre à l’homme qui a abusé de moi lorsque j’étais enfant, j’avais 8 ans, mais ce n’était pas mon papa.

— Moi, je sais qui c’est, intervient Ferdinand, mais je ne le dirai pas, sinon il me tuera. Je suis sûr d’ailleurs que c’est à cause de ça qu’aucun de nous ne va bien.

Avant même que ma mère ne puisse dire un mot, les miens de mots continuent tout seuls à sortir de ma bouche comme s’ils n’en pouvaient plus que je les aie gardés si longtemps secrets :

— Je souffre aussi à l’homme qui m’a violée à Saint-Tropez lorsque j’avais vingt ans.

Un silence s’établit dans le bureau du docteur. Ne voulant pas ajouter à nos schizoproblèmes, ma détresse, ce n’est pas le sujet, je suis ici pour sauver ma maman, pas pour parler de moi, et encore moins de mes drames que j’ai toujours cachés, justement pour ne pas faire souffrir ma mère, je reprends aussitôt la parole :

— Je souffre aussi à mon papa qui savait si bien me dessiner. C’est vrai, docteur, mon papa a un talent de fou. Même paralysé, il a réussi à faire mon portrait de la main gauche, le trait est parfait, j’ajoute en serrant mon père dans mes bras. Voilà, je souffre à mon papa à qui je n’ai jamais dit que je l’aimais. Nous étions toujours si pressés, si pressés, je répète, c’est ça la vraie folie de ne pas s’arrêter pour prendre le temps de dire que l’on s’aime.

Maman inspire profondément et dit :

— Je souffre au cancer généralisé que l’on vient de me détecter. J’en ai plus que pour quelques mois. Qui va s’occuper de mon mari paralysé et ruiné quand je serai dans le trou ? Je ne veux pas que Cécile prenne mon relais à faire à manger à ses frères et à son père, elle a mieux à faire.

Je vais pour parler, pour dire à ma maman que je vais trouver une solution, que je vais la soigner, qu’elle ne va pas mourir, mais ma maman enchaîne :

— Je souffre aussi à notre manque d’argent. Un client de mon mari l’a arnaqué, c’est pour ça qu’il a eu son AVC, ça l’a stressé, paniqué, inquiété, il est tombé et ne s’est jamais relevé. Avec Cécile, nous avons fait un procès, nous l’avons gagné, l’usine qui fabrique les toilettes design et écologiques que mon mari a créées nous doit des millions de francs, mais ils ont déposé le bilan pour ne pas nous payer, et ont construit une nouvelle usine juste à côté pour fabriquer les mêmes toilettes avec juste quelques différences afin qu’on ne puisse pas les accuser de plagiat. Je suis obligée de vendre la maison familiale.  Mes fils n’auront plus de toit. Avec mon mari, nous irons vivre chez notre fille Cécile.

Affolés, Ferdinand, André et Gustave se lèvent ensemble et crient en choeur :

— Mais maman, où allons-nous habiter si tu n’as plus de maison ? On ne veut pas terminer à la rue.

Un mois plus tard, mon papa est mort à minuit d’une crise d’épilepsie tandis qu’un docteur essayait de le réanimer. Neuf mois après, ma maman est morte de son cancer généralisé dans mes bras, dans la chambre de sa maison d’enfance où elle est née.

Je n’ai pas pu sauver mes parents. Je n’ai su que les aimer.

Sylvie Bourgeois Harel

Schizofamily fait partie des 19 nouvelles de mon recueil On oublie toujours quelque chose. Vous pouvez le commander en m'envoyant un mail à : slvbourgeois@wanadoo.fr.

 

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Sylvie Bourgeois Harel  - Saint-Tropez hiver

Sylvie Bourgeois Harel - Saint-Tropez hiver

Et si nous parlions de Saint-Tropez l'hiver ?
Je suis amoureuse de Saint-Tropez. Je l’ai toujours été. Et je le suis encore plus aujourd’hui, depuis un an et demi, que j’y habite. Et je suis encore plus amoureuse  de Saint-Tropez durant l’hiver. Saint-Tropez durant l’hiver est un ravissement. Déjà, les températures méditerranéennes sont douces, il est rare de descendre en dessous de 3 degrés. C’est le temps idéal pour faire de grandes promenades. Après mes séances d’écriture, je pars marcher une ou deux heures, au bord de l’eau. J’en profite pour me baigner presque tous les jours. La mer est, certes, froide, mais pas gelée. Elle est surtout très vivifiante. Mes bains de mer, l’hiver, sont mon meilleur médicament pour booster mon système immunitaire. Mon deuxième médicament-bonheur est la lumière d’hiver. Elle est sublime. La lumière du Sud, en hiver, exalte les couleurs. Elles ne sont pas saturées, comme en été, à cause de la chaleur. Au contraire, le froid sec les amplifie, les définit. C’est ce qui me manque le plus lorsque je remonte, de temps à temps, à Paris, mon ciel bleu. Il est où mon ciel bleu ? je n’arrête pas de répéter à mes amis qui se sont tristement habitués au ciel parisien, gris et déprimant. Moi, je ne ne veux m’habituer à rien. Je veux vivre pleinement. Je veux profiter de chaque instant. Je ne veux plus me passer de mon ciel bleu et de ma lumière du Sud.

Pourtant, j’ai été une vraie parisienne à avoir une vie très festive, assez mondaine, à sortir tout le temps, à adorer les restaurants, les avant-premières de cinéma, les générales de théâtre, les dîners jusqu’au bout de la nuit. Ce que je ne retrouve pas ici, mais ce n’est pas ce que je recherche non plus. J’ai aimé Paris. J’aime toujours Paris d’ailleurs. Je suis contente d’aller y passer une ou deux semaines, comme je l’ai fait en octobre pour la sortie de mon livre, mais je suis contente de ne plus y habiter. J’ai quitté Paris sans frustration, ni ras-le-bol, juste avec l’envie de me créer une nouvelle vie.  Une nouvelle vie à Saint-Tropez dont j’ai toujours été amoureuse. Je ne l’ai pas fait avant car ce n’était pas le bon moment. L’énergie de Paris me retenait encore un peu.

C’était peut-être un leurre car ici, proche de la nature et de la mer, j’ai découvert une autre énergie. Plus profonde. Moins superficielle. Plus spirituelle. Vous allez rire en me lisant, une énergie spirituelle à Saint-Tropez ? Oui, il y a plusieurs Saint-Tropez. Chacun peut trouver le sien qui lui convient. Le mien de Saint-Tropez est spirituel. La nature qui m’entoure et que je fréquente chaque jour m’apprend beaucoup sur le sens que je donne à ma vie. Des lieux comme la Chapelle Sainte-Anne, le Monastère de la Verne, les Roches Blanches au-dessus de La Garde-Freinet où je passe tous mes week-ends dans ma maison provençale au coeur du village, sont très telluriques et chargés de magnétisme.

Alors lorsque j’entends des gens râler que Saint-Tropez est mort en hiver, je les plains de ne pas savoir apprécier toute cette richesse naturelle et cette beauté qu’ils ont autour d’eux. Ce sont d’ailleurs souvent les mêmes qui râlent en été que Saint-Tropez est trop bondé. Saint-Tropez n’est pas mort en hiver. Ainsi que je le disais à une touriste qui, l’autre jour, me posait la question sur le parking du port, vous savez madame, moi, je suis très vivante, je lui ai répondu en riant. C’est vrai quoi, la joie se trouve dans notre coeur, dans notre capacité à sourire, à rire, à s’intéresser, à apprendre, à transmettre, à contempler, à s’émerveiller, à décider de couper la télé, à fermer les journaux, à éteindre la radio. Elle ne se trouve pas dans le divertissement à outrance.

Mon divertissement à moi, c’est de me réjouir de mon ciel marine, de la mer transparente, de mon poulpe qui m’accompagne à chacun de mes bains, s’enlaçant tel un amoureux autour de ma cheville pour nager avec moi. Ce sont aussi les oiseaux, les fleurs, les arbres, les renards que je rencontre dans la forêt et qui sont pleins de curiosité à m’observer, prêts à vouloir jouer. Quand je croise un animal, je me mets en mode alpha, je respire calmement pour espacer les battements de mon coeur afin de lui transmettre des ondes de douceur, d’amour, de compréhension. Je rêve de rencontrer un loup avec sa famille. Mon autre rêve serait de leur offrir un sanctuaire pour les protéger.  

Saint-Tropez n’est pas mort en hiver. Saint-Tropez se repose. Le village se repose des excès de l’été. Il reprend des forces nécessaires tellement il y a eu de monde durant la saison. Il se répare aussi. De nombreux travaux de voirie ou de rénovation sont organisés à cette période. Saint-Tropez a évolué. Saint-Tropez est une vieille dame devenue un sorte de musée à ciel ouvert, connu du monde entier pour son authenticité. Il faut donc le ménager. Et ces trois mois d’hiver contribuent à lui refaire une beauté. À saint-Tropez, on réapprend également à vivre suivant le rythme des saisons. En hiver, on hiberne, on calme le jeu, on se retrouve le soir autour des feux de cheminée, on fait des gâteaux, on reste au chaud. C’est une période d’introspection, de réflexion, de projets.

Certes, de nombreux restaurants et de boutiques sont fermés, mais la mer reste ouverte, la plage aussi, le littoral également. Il est impossible de s’ennuyer. Et puis, pour ceux qui veulent sortir, les propositions sont suffisantes. Le cinéma Star programme trois films différents par semaine. La mairie organise régulièrement des conférences, des concerts, des spectacles. Le Café de Paris, le Clémenceau, le Sporting, le Sube, et d‘autres établissements, restent ouverts. Des orchestres sont invités les soirs de week-end. C’est très joyeux. Mon cher Sénéquier est là également. J’y vais régulièrement écrire en fin de journée avec mon ordinateur autour d’un délicieux chocolat chaud accompagné de deux madeleines. Et puis, cette année, le Tigrr Ermitage a eu la bonne idée d’ouvrir toute l’année. On peut y prendre un thé ou un champagne sur la terrasse, dès 17 heures, afin d’admirer le soleil se coucher sur la mer, puis dîner au chaud à l’intérieur, et bien sûr danser. Car Saint-Tropez est festif, quoi qu’il se passe,  quelle que soit la saison, on trouve toujours une occasion de danser !

Sans oublier les vacances de Noël qui sont féériques à Saint-Tropez avec le village totalement illuminé et le Père Noël qui arrive par la mer. Sur le port, des centaines de personnes l’attendent, les yeux remplis de joie enfantine et de leurs souvenirs familiaux. Les enfants sont sur les épaules des parents à appeler le Père Noël. Chacun achète des gaufres, des crêpes, des hot-dogs aux petits chalets en bois le long des quais. Et quand la barque du Père Noël s’amarre devant la statue du Bailli de Suffren, et que le père Noël descend tout doucement de son mat, tous en choeur, nous chantons Petit Papa Noël sur les airs de Tino Rossi.  C’est alors une véritable communion d’émotion qui se produit.

Ne me demandez pas où je serai cet hiver, je serai à Saint-Tropez » !

Sylvie Bourgeois Harel

Sébastien Peiffert - Sylvie Bourgeois Harel - Minou - Le Tigrr Ermitage hôtel Saint-Tropez

Sébastien Peiffert - Sylvie Bourgeois Harel - Minou - Le Tigrr Ermitage hôtel Saint-Tropez

Saint-Tropez l'hiver - La Ponche

Saint-Tropez l'hiver - La Ponche

Saint-Tropez l'hiver - Sénéquier

Saint-Tropez l'hiver - Sénéquier

Sylvie Bourgeois Harel - Saint-Tropez l'hiver

Sylvie Bourgeois Harel - Saint-Tropez l'hiver

Sylvie Bourgeois Harel - Saint-Tropez l'hiver

Sylvie Bourgeois Harel - Saint-Tropez l'hiver

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Chroniques du monde d'avant par Sylvie Bourgeois Harel - 1

L’autre jour, en entrant chez Apple pour acheter un ordinateur, en voyant tout le service d’ordre à l’entrée, puis le jeune vendeur qui me conseillait de ne pas changer le mien, mais qui m’a demandé au bout de quinze minutes d’aller à l’autre bout du magasin où il me rejoindra pour continuer notre conversation car ils n’ont pas le droit de rester longtemps au même endroit et avec le même client, j’ai réalisé que notre monde s’était vraiment écroulé.
 
Quand exactement, je ne sais pas, peut-être cela s’est fait doucement, subrepticement, mais une chose est sûre, aujourd’hui, je ne pourrais jamais refaire tout ce que j’ai fait lorsque je travaillais en free-lance dans la communication.
 
Plus jamais, par exemple, je ne pourrais faire atterrir les Tortues Ninja sur la plage du Carlton, durant le Festival de Cannes, à l’heure du déjeuner, afin de créer l’événement, et ça en a été un, les télévisions du monde entier ont repris les images de mon cameraman, c’était en mai 1991, sans autorisation bien sûr car je ne les aurais jamais obtenues, mais avec une équipe solide et ultra compétente de champions que ce challenge amusait.
 
En effet, c’était un véritable défi car les costumes, les mêmes qui avaient servi aux comédiens durant le tournage du film, pesaient 70 kilos chacun, et il ne fallait pas rester plus de quinze minutes dedans, tant l’épaisseur du plastique et de la mousse avec lesquels ils étaient fabriqués provoquaient une transpiration si intense que cela nécessitait ensuite plusieurs heures de séchage.
 
Mes parachutistes, des mecs super, ont tout accepté et surtout d'atterrir avec une vision réduite car les têtes des Tortues Ninja, non seulement étaient énormes et lourdes, mais avec des tout petits trous pour les yeux, ils ne voyaient presque rien. Avec leurs amis du Club aéronautique de Cannes-Mandelieu, on a balisé, au dernier moment pour ne pas dévoiler la surprise, un espace sur la plage afin de sécuriser l’atterrissage qui a vraiment créé l’événement.
 
C’était ça Cannes ! Pour promouvoir les films, il fallait être inventif, faire toujours plus, étonner, émouvoir.
 
Et mes Tortues Ninja ont eu un succès fou qui a dépassé les espérances d’UGC-Fox, le distributeur du film. Sur la Croisette où je les ai ensuite promenées assises à l’arrière d’un coupé que Mercedes m’avait prêtée pour la journée (est-ce que l’on peut encore se faire prêter pour une journée un Roadster Mercedes juste pour s’amuser, je ne pense pas...), les gens étaient hystériques, criaient leurs noms, Léonardo, Raphaël, Michelangelo, Donatello, leur demandaient des autographes, et mes parachutistes stoïques tenaient le coup dans leurs costumes, à mourir de chaleur.
 
Puis après une courte pause dans un local que j’avais loué pas loin où un déjeuner leur a été servi, au cours duquel on a essayé de sécher avec des sèche-cheveux l’intérieur des costumes qui étaient trempés, hop, de nouveau dans les costumes encore mouillés qui puaient, hop, dans la Mercedes, cette fois, avec un chauffeur. Grâce à mon amoureux, j'avais réussi à nous faire inscrire dans le cortège officiel et, là, je leur fais monter les marches où les photographes et la foule sont hystériques de voir les Tortues Ninja, à crier de nouveau leurs noms, et mes parachutistes sont toujours parfaits à jouer le jeu sans se plaindre, depuis des heures qui ont largement dépassé les quinze minutes recommandées, dans leurs costumes tellement trempés qu'ils sont devenus deux fois plus lourds, je les tiens d'ailleurs par la main car ils ne voient carrément plus rien, tant leur transpiration coule sur leurs yeux.
 
Le PDG de Columbia avec qui j’étais amie et qui distribuait le film m’engueule en haut des marches où il attend le réalisateur et ses comédiens car mes Tortues Ninja ont volé la vedette de toutes les stars américaines venues soutenir le jeune John Singleton considéré comme le nouveau génie d’Hollywood avec son film BOYZ’N IN THE WOOD, mais le soir lorsque nous dînons tous ensemble chez Tétou, à Golfe Juan, la bouillabaisse la plus chic du Festival (une institution qui n'existe plus non plus, la loi du Littoral l'a tout simplement supprimée... ), il éclate de rire. C’était ça Cannes, une équipe de seigneurs, et bravo à celui qui créait l’événement du jour !
 
Pour en revenir à Apple, un autre exemple de chose que je ne pourrais plus jamais réaliser. Nous sommes en 1994, je travaille pour Sony Software sur les premiers CD-Rom. J’organise à l’hôtel Raphaël une conférence de presse, sauf que Sony n’a pas d’ordinateur à me prêter. Peu importe, je gare ma petite Rover verte en double file devant la belle boutique Apple, avenue Georges V, je mets les warnings, et avec ma mini-jupe et mes bottes, je leur explique ma situation. Dix minutes plus tard, je sors avec trois Mac prêtés avec juste ma signature et le nom de Sony griffonnés sur un bout de papier, que les vendeurs m’installent dans ma voiture pendant que j’invite le directeur du magasin et son équipe à mon petit-déjeuner de presse. Le lendemain, j'ai ramené les trois Mac que je leur ai empruntés pendant un an, chaque fois que Sony sortait un nouveau CD-Rom, comme par exemple, les fiches-cuisine en partenariat avec Elle, je refaisais une conférence au Raphaël et j'avais besoin d'ordis.
 
Est-ce moi qui avais une capacité de persuasion ou est-ce que les rapports humains étaient plus simples, et surtout basés sur une confiance, une compétence, une assurance, un amour du travail bien fait ?
 
Quoi qu’il en soit, quand je vois qu’on ne peut plus entrer nulle part sans se faire fouiller son sac ou que des gens ont peur dès que quelqu’un tousse dans un train, je suis contente d’avoir fait le choix de quitter Paris que j’aime pourtant follement pour venir vivre dans le Sud, près de la nature, au bord de la Méditerranée.
 
Sylvie Bourgeois Harel
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MONICA - ON OUBLIE TOUJOURS QUELQUE CHOSE - Un recueil de nouvelles de Sylvie Bourgeois Harel

MONICA

Je ne sais jamais quoi offrir à mon mari que j’aime d’amour, j’ai toujours l’impression que ça lui fait ni chaud, ni froid. Tandis que moi, les cadeaux, j’adore les recevoir, c’est même tout un art, je deviens si joyeuse que c’est un véritable plaisir de m’en faire. Si. Je dis toujours merci même s'ils ne me plaisent pas, je ne fais jamais la tête, non, au contraire, je deviens gaie comme une enfant. Mon côté enfant, même avec le temps, n’a d'ailleurs jamais totalement disparu, j’aime encore le rose, les cœurs et dépenser l’argent de mon mari comme si c’était celui que me donnait ma maman. C’est peut-être une histoire de confiance. Mes économies, je les garde au cas où il me quitterait, je me consolerai avec. Si je ne sais jamais quoi lui acheter, c’est peut-être pour lui offrir, par anticipation, sa liberté. Ça peut paraître compliqué, mais je me comprends.

En revanche, pour ses 50 ans, je dois marquer le coup. Je suis bien ennuyée d’autant que Magali, sa nouvelle employée, est drôlement bien roulée. En plus, elle n’arrête pas de lui dire combien il est intelligent, talentueux, formidable. Et les hommes, le mien comme les autres, c’est fragile. À force de trop le flatter, elle va finir par me le gâter. Ce serait dommage car c’est un bon mari, gentil et toujours heureux de me voir, je ne dois pas le décevoir. Surtout pas ce soir...

(...)

Vous pouvez lire la suite de MONICA dans mon recueil de nouvelles ON OUBLIE TOUJOURS QUELQUE CHOSE. Vous pouvez le commander en m'envoyant un mail à : slvbourgeois@wanadoo.fr.  

 

Sur les liens ci-dessous, vous pouvez écouter une courte lecture d'un extrait de mon roman En attendant que les beaux jours reviennent (que j'ai signé Cécile Harel) par la comédienne Manoëlle Gaillard, mes nouvelles Mon papa est curé, Henri, La dame Bleue,  parues dans mon recueil Brèves enfances, aux éditions Au diable vauvert, lues par les comédiens Alain Guillo et François Berland. Et également deux interviews faites par ma petite Marcelline l'aubergine qui me questionnent sur mon écriture.

MONICA - ON OUBLIE TOUJOURS QUELQUE CHOSE - Un recueil de nouvelles de Sylvie Bourgeois Harel
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Entre ambiguïtés et contradictions, pourquoi j'écris ?

 

Ma nouvelle Prologue sera dans mon prochain recueil de nouvelles à paraître début avril 2024.

 

Sylvie Bourgeois Harel - Plage de Pampelonne - Ramatuelle

Sylvie Bourgeois Harel - Plage de Pampelonne - Ramatuelle

Sylvie Bourgeois Harel - Plage de Pampelonne - Ramatuelle

Sylvie Bourgeois Harel - Plage de Pampelonne - Ramatuelle

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Ma nouvelle Paul, écrite sur la plage de Pampelonne à Ramatuelle, fait partie de mon prochain recueil à paraître début avril 2024.

 

 

 
Sylvie Bourgeois Harel. Avec Pompon et Hussard. Château de La Mole. VAr

Sylvie Bourgeois Harel. Avec Pompon et Hussard. Château de La Mole. VAr

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  • : Sylvie Bourgeois fait son blog
  • : Sylvie Bourgeois Harel, écrivain, novelliste, scénariste, romancière Extrait de mes romans, nouvelles, articles sur la nature, la mer, mes amis, mes coups de cœur
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