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Le rôle essentiel des baleines dans l'écosystème

Le rôle essentiel des baleines dans l'écosystème

 

Mon premier contact avec les grands mammifères marins remonte à mes 9 ans. Le parc aquatique de Marineland vient d’ouvrir à Antibes. Ma maman m’y emmène. Je suis très fière car, durant le spectacle, l’instructeur me choisit parmi les centaines d’enfants assis sur les gradins qui levaient la main. Quelques minutes plus tard, je suis sur la margelle, au bord du bassin, quand, soudain, un mâle orque, de 7 à 8 mètres de long, dépose une bise affectueuse sur ma joue aussi délicatement qu’un amoureux.

 

De retour à la maison, ma mère est sceptique. Oui, elle est contente que je sois ravie de ce baiser marin, oui, elle me félicite du dessin que j’ai fait de mon nouvel amoureux orque avec son dos noir, son ventre blanc et sa tâche blanche derrière l’œil, ce qui lui confère un air coquin et rieur, mais elle finit par me confier que c’est épouvantable que ces animaux soient privés de leur liberté. 

 

— Imagine Sylvie, c’est aussi méchant que si quelqu’un m’enlevait et m’enfermait à vie dans une pièce proportionnellement pas plus grande que la chambre du haut. Je n’aurais plus la possibilité de te voir. Et toi non plus. Tu me chercherais. Mais tu ne saurais pas où je suis. Je deviendrai folle. Ton copain orque va certainement devenir fou. Je ne vois pas d’autre issue. Nous ne retournerons plus jamais à Marineland, c’est trop triste.

 

L’année d’après, mes parents achetèrent un voilier. Durant une traversée pour aller en Corse, nous avons croisé un banc d’orques, les mêmes que mon amoureux avec le dos noir, le ventre blanc et cette rigolote tâche blanche derrière l’œil.

 

— Je les préfère ainsi, m’a dit ma mère. Regarde comme ils sont heureux à sauter dans l’eau. Non, vraiment, nous n’irons plus jamais à Marineland

 

Ma plus belle vision en voilier fût de voir une maman dauphin avec son petit collé sur son flanc. C’était hyper émouvant. J’étais en larmes. Puis ma mère mourut. Un mois plus tard, je suis en bateau devant le port de Monaco pour contempler le feu d’artifice. Soudain, un cachalot sort de l’eau, à la verticale, comme un dernier salut de ma maman-sirène-dauphin qui adorait les baleines.

 

Alors j’ai lu. J’ai appris. J’ai regardé des films. J’ai vu un documentaire déchirant dans lequel une maman baleine essaye de protéger son jeune bébé de la férocité des orques qui en raffolent. Elle nage, elle nage, elle nage de plus en plus vite, entraînant avec elle son petit qui, essoufflé, finit par être dévoré par les orques qui les suivaient patiemment, sachant qu’à un moment donné le bébé n’arriverait plus à tenir ce rythme effréné. C’était déchirant. Extrêmement désolant. Mais c’est la loi de la nature. La loi de la chaîne alimentaire naturelle. J’ai aussi vu des gravures et des peintures de baleiniers qui chassaient les baleines au Moyen-Âge. Ils en ont tellement chassé qu’ils ont pratiquement décimé le Golfe de Gascogne. Ils se sont alors déplacés vers les mers du Nord. J’ai lu aussi Moby Dick de Herman Melville qui raconte l’histoire de cette baleine harponnée qui, en 1820, folle de douleur, a éperonné le navire Essex jusqu’à le faire couler, et comment quelques marins réussirent à survivre en se livrant à des actes de cannibalisme.

 

La chasse à la baleine est ensuite devenue de plus en plus violente. De plus en plus perfectionnée. De plus en plus sophistiquée. Ne laissant aucune chance de survie aux baleines. Mettant en danger de nombreuses espèces qui tendent à disparaître. C’est bien simple, dans les années 50, 5 à 6 millions de baleines avaient été répertoriés contre 1,5 million aujourd’hui. Si bien qu’en 1986, un moratoire a été promulgué par la Commission Baleinière Internationale. Moratoire que ne respectent pas le Japon, ni la Norvège, ni l’Islande, qui continuent, chaque année, de tuer encore et toujours plus de baleines. 

 

Outre le côté dramatique, sanglant, inhumain, violent, dégueulasse, de la chasse à la baleine, que je déplore et qui me révolte, d’autant que la baleine a une conscience, une intelligence, des émotions, de la mémoire, il est essentiel de savoir que la baleine contribue à notre survie. En effet, la baleine capte énormément de carbone dans l’atmosphère. Non seulement, elle le capte, mais elle le stocke. Donc, plus elle vit longtemps, plus elle en accumule. Et quand elle meurt de mort naturelle, elle entraîne avec elle au fond des océans tout ce CO2 qui, en s’intégrant aux sédiments marins, participe aux écosystèmes des grands fonds. Et c’est toujours ça de moins dans l’atmosphère.

 

Ensuite, la baleine fait des gros popos. Vu sa taille, des popos énormes. Elle remonte à la surface de l’eau pour déposer ses popos qui contiennent de l’azote, du fer et du phosphore, qui nourrissent le phytoplancton qui, à son tour, nourrit le zooplancton. Ces créatures microscopiques produiraient 40% de l’oxygène de notre atmosphère tout en absorbant environ 40% de la production totale de CO2, encore plus que 4 forêts amazoniennes réunies que l’on pourrait aussi compter en 1700 milliards d’arbres. C’est dire l’importance de la baleine pour la survie des êtres humains. 

 

C’est fou de constater qu’il suffit d’une poignée de prédateurs organisés pour détruire la vie dans nos océans. Pour détruire également une partie de la vie sur terre. Face à ces prédateurs en bandes organisées, pour ma part, c’est un sentiment d’impuissance et de colère qui m’envahit. Que faire pour lutter ? Le seul qui se battait contre ces monstruosités est en prison. Dieu seul sait quand Paul Watson retrouvera sa liberté, s’il la retrouve. 

 

Le constat est que nos mers deviennent de plus en plus polluées. Qu’elles ont de moins en moins de poissons qui sont décimés par la pêche intensive et industrielle qui, avec ses gigantesques filets dérivants, longs de dizaines de kilomètres, détruit autant les récifs de corail que les habitats sous-marins que des milliers d’espèces vivantes qui ne seront même pas mangées. Qu’il y a une raréfaction des grands mammifères marins. Parfois j’entends dire que c’est bien que les requins commencent à s’approcher des plages de Méditerranée. Non. Ce n’est pas bien. Ils se rapprochent car ils n’ont plus assez de nourriture au large. Ils cherchent d’autres terrains de chasse. 

 

Pour que Paul Watson n’ait pas fait tout son combat pour rien, il est important de savoir que les baleines sont, certes, victimes de ces baleiniers hors la loi qui les tuent, mais qu’elles meurent aussi, et en très grande quantité, environ 20000 par an, à cause des collisions qu’elles subissent contre les navires marchands, de transports, militaires, les cargos, les bateaux-citernes, les paquebots de croisières, dont le nombre s’est multiplié de façon alarmante. À tel point que certains pays demandent à réguler la vitesse de ces navires. Une autre solution serait d’armer les bateaux de répulsifs à ondes qui préviendraient les baleines de leur arrivée afin de les faire fuir. La future course de voiliers Le Vendée Globes demande d’ailleurs cette année à ses participants d’utiliser ces radars. 

 

Un autre problème concernant ces pauvres baleines dont nous avons grandement besoin, est que les fonds marins sont devenus extrêmement bruyants d’autant que les bruits sous l’eau se déplacent cinq fois plus rapidement que dans l’air et sur des distances de plusieurs milliers de kilomètres. Entre les forages pour l’industrie pétrolière, le bruit des bateaux, les expériences acoustiques militaires, les cétacés qui communiquent entre eux par des sons très précis, sont désorientés. Affolés, perdus, ainsi que l’explique Greenpeace qui milite pour la création de sanctuaires afin de protéger les baleines, il arrive que ces grands cétacés remontent tellement vite à la surface pour fuir ces bruits qui les effrayent, les stressent et les déboussolent, que cela fait éclater leurs vaisseaux sanguins, ou qu’ils meurent d’une intoxication à l’azote comme le plongeur qui n’aurait pas effectué ses paliers. 

 

Et puis toute cette souffrance animale, que ce soit les baleines ou les abattoirs industriels de bœuf, veaux, cochons, toute cette industrialisation de la mort des animaux, participe à la souffrance humaine. Beaucoup de personnes se plaignent de déprime, de mal-être, de manque de sens à leur existence, mais c’est normal, ils ne peuvent pas vivre impunément entourées de tous ces massacres.

 

Sylvie Bourgeois Harel

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