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Saint-Tropez - La Ponche

Saint-Tropez - La Ponche

La Voix

 

Je suis bien chez toi

 

 

Je suis bien chez toi. Tu ne le sais peut-être pas mais je suis là pour toi. Je te vois. Je te sens. C’est toi qui vas me réparer. C’est toi qui vas le dire. C’est toi qui vas l’écrire. Je l’aimais. Je n’ai fait que l’aimer. Toute ma vie. Et encore aujourd’hui. Mais il est parti. Il est parti dans les ténèbres.

 

Et depuis je le cherche. Je ne fais que le chercher. On nous dit que l’on se retrouve toujours mais ce n’est pas vrai. Ça fait des années que je le cherche et je ne sais toujours pas où il est. J’ai beau l’appeler, lui parler, crier son nom, c’est le néant qui m’apparaît comme s’il n’avait existé. Pourtant, je l’ai vu. Je l’ai eu dans mes bras. Je l’ai embrassé. Je l’ai laissé entrer. Je l’ai aimé. Puis il a disparu.

 

Mais je ne l’ai jamais oublié. Je ne me suis jamais mariée. Je l’ai attendu toute ma vie. Et encore aujourd’hui. Je l’attends. En le cherchant. Dans le néant. C’est grand le néant, Sylvie. J’ai souvent eu peur de tout cet infini. Je n’ai pas d’enfant. Pas de parents. Pas de grands-parents. Je suis comme une mauvaise herbe qui aurait poussé là où elle n’aurait pas dû. Je l’ai attendu. Et je l’attends encore.

 

Mais aujourd’hui je suis revenue. Je suis revenue pour que tu dises au monde entier que ce n’est pas vrai, on ne se retrouve pas toujours. Que l’on peut se rater. Ici et là-bas. Et que c’est un drame qui fait très mal de se rater.

 

Alors ma petite Sylvie aujourd’hui, je suis revenue et je suis là pour toi. Je vais te raconter les histoires de l’au-delà. Les histoires de là-haut et toi tu m’écriras une nouvelle vie. Une vie dans laquelle je serais heureuse. Une vie dans laquelle il m’aimera. Une vie dans laquelle il m’embrassera et me prendra la main.

 

Je ne te quitterai pas. Je veillerai sur toi comme j’aurais aimé veiller sur lui. Tu nous écriras des enfants, un jardin, des rires, des baisers et pourquoi pas un voyage en Inde. Sur un tapis volant. Un tapis volant pour nous préparer à l’éternité. On ne s’y prépare pas assez à l’éternité. On est trop pressés. Toujours trop pressés. Alors que c’est ça la vie, c’est l’éternité, c’est la lumière et les ténèbres. C’est terrifiant et léger. Beau et alarmant. Angoissant et reposant. Tout dépend de comment tu t’es préparé.

 

À force de le chercher, j’ai tout raté. Mais je vais t’aider. Je vais tout te raconter. Le diable et les anges. Les démons et les dieux. Le mal et le bien. Je vais tout te dire et, toi, chaque matin,  tu m’écriras mon amoureux qui me tient par la main.

 

Sylvie Bourgeois Harel

Plage de Pampelonne - Ramatuelle

Plage de Pampelonne - Ramatuelle

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Antoinette Fouque, co-créatrice du MLF

Mon amie Antoinette Fouque, co-créatrice du MLF
 
En avril 2007, au Salon du Livre de Paris, je tombe sur Sorj Chalandon qui me présente aux deux personnes avec lesquelles ils papotent.
— On adore votre mari, me disent-ils. D’ailleurs lorsque nous avons proposé un documentaire sur Mai 68 à Canal +, ils nous ont répondu qu’ils le produiraient à la seule condition que ce soit Philippe Harel qui le réalise.
— Il est là, Philippe, je vais lui dire de nous rejoindre.
Trois jours plus tard, j’accepte un rendez-vous chez Canal pour mon mari qui n’a pas envie de faire ce documentaire. Pour l’encourager à accepter cette commande, je l’accompagne, un peu comme une maman qui accompagne son ado chez le dentiste. Au bout d’une heure, je m’ennuie.
— Bon, ben, je crois qu’on s’est tout dit, nous allons y aller parce que, moi, Mai 68, je n’en ai rien à foutre, j’ajoute un peu bêtement comme une enfant gâtée qui veut aller jouer.
— J’adore votre point de vue, me lance la personne en charge de la production du documentaire, je veux que vous soyez co-auteur.
— Vous ne voulez pas plutôt un co-auteur qui soit intéressé par le sujet, je questionne, étonnée que mon point de vue de ne rien en avoir à foutre, l’intéresse.
Les contrats signés, nous commençons les interviews et là, je me passionne pour le sujet, notamment lorsque nous rencontrons André Comte-Sponville et Boris Cyrulnik qui nous explique qu’avant Mai 68, les étudiants venaient chercher du savoir et qu’après Mai 68, ils venaient chercher un diplôme. Dans nos recherches, je tombe sur un portrait d’Antoinette Fouque dont je n’avais jamais entendu parler. Immédiatement, je demande aux producteurs d’organiser un entretien.
— Non, me répondent-ils, nous ne l’aimons pas.
— Je m’en fiche que vous ne l’aimiez pas, je suis co-auteur, je veux l’interviewer, je vous remercie d’organiser le rendez-vous.
La semaine suivante, nous pénétrons, mon mari, l’excellent Édouard Waintrop, l’autre co-auteur, spécialiste de cette époque, l’ingé-son, le chef-op et une maquilleuse que mon mari avait exigée afin que chacun des intervenants soit beau à l’image, dans l’hôtel particulier tout blanc d’Antoinette Fouque, rue de Verneuil, en face de celui de Serge Gainsbourg.
Antoinette est sur une chaise roulante. Elle souffre depuis longtemps d’une maladie qui diminue son corps. Mais sa tête est là. Et quelle tête ! C’est un bonheur de l’interviewer. Le lendemain, Élisabeth qui s’occupait d’elle me téléphone :
— Antoinette aimerait vous revoir, quel jour voulez-vous venir déjeuner ?
C’est ainsi que notre amitié est née. Elle adorait également mon mari. Régulièrement, Antoinette m’appelait pour me questionner sur des tas de sujets concernant, bien sûr, les femmes. Nous parlions des heures. C’était toujours enrichissant. Chaque fois que je sortais un roman, Antoinette m’offrait une soirée pour deux cents personnes dans son Espace des Femmes, rue Jacob, situé derrière sa Librairie des Femmes. Antoinette a été la première à créer des livres-audio afin que sa maman calabraise qui ne savait pas lire ni écrire, ait accès à la littérature. Elle a fondé sa maison d’édition Les Éditions des Femmes pour que les femmes opprimées du monde entier ait un endroit où elles pouvaient s’exprimer et laisser une trace de leur combat sans but de rentabilité financière.
— Il faut absolument faire un documentaire sur votre parcours, Antoinette, je lui dis un jour, mon mari le réalisera, moi, je l’écrirai.
— J’ai déjà accepté un portrait pour Arte, il va bientôt être mis en production.
Quand celui-ci est fini, Antoinette nous invite à le visionner.
— Okay, je lui dis, c’est très bien qu’il existe, mais vous méritez mieux, Antoinette, votre voix doit circuler dans toutes les facultés françaises et étrangères afin que personne ne vous oublie. Il faut garder une trace et transmettre toutes les actions que vous avez menées dans le monde entier avec vos correspondantes notamment africaines, pour la protection des femmes.
J’aimais aussi quand Antoinette m’expliquait que MLF voulait dire Mouvement de Libération des Femmes qui incluait également les hommes, comme lorsque l’on dit les Hommes, on inclut évidemment les femmes. Pour elle, la libération des femmes et donc des hommes passait par en premier lieu par la libération sociale afin d’améliorer la vie des ouvriers, elle souffrait qu’une grande partie de la population soit esclave des usines, à passer leur vie sur des chaînes sans grand espoir, ni salut.
En 2012, je sens une urgence. Toujours mon intuition.
— Antoinette, il ne faut plus perdre de temps, on doit faire votre documentaire maintenant, d’autant que vous avez des centaines d’heures d’archives à consulter.
— D’accord, mais je veux qu’une télévision le finance.
— Aucune télévision ne le financera, Antoinette, le lui réponds. Les décideuses ne vous aiment pas. Pour trois mille raisons. Celles de la génération en-dessous de la vôtre qui sont encore en poste, vous en veulent, et les plus jeunes ne vous connaissent pas. Vous avez la chance d’être riche, vous le financerez vous-même. Nous ferons également une version anglaise pour les universités américaines où vous avez enseigné.
Antoinette était immensément riche. Une famille française lui avait donné un magot, lorsqu’elle était jeune, qu’elle avait su faire fructifier, et qu’elle avait mis dans ses actions pour aider les femmes, pour créer également sa librairie et sa maison d’édition.
Pendant deux ans, j’ai seriné Antoinette qui repoussait toujours le projet.
Le 21 février 2014, j’entre à la Divina Commedia, le restaurant italien de nos amis Bruno et Léonardo, quand Isabelle Huppert me téléphone.
— Sylvie, tu veux que l’on aille ensemble à l’enterrement d’Antoinette ?
Je m’écroule en larmes. Je laisse mon mari et rentre chez moi pour pleurer la perte de mon amie, la perte de la transmission de son savoir, la perte d’une grande dame que j’ai eu la chance de fréquenter.
Antoinette Fouque est dorénavant oubliée pour l’éternité. Sa voix, sa pensée, son vécu, son expérience, ses actions, manquent énormément aujourd’hui où les mouvements féministes sont dans la haine des hommes. Ce que n’était pas Antoinette, elle était dans l’amour. C’est d’ailleurs cet amour de l’amour des hommes et des femmes qui nous a réuni.
 
Sylvie Bourgeois Harel
Antoinette Fouque, co-créatrice du MLF
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SHORT ROUGE

SHORT ROUGE

Nous sommes en février 2007. Il pleut. Il fait froid. Dans la vitrine parisienne du magasin Diesel, à deux pas de chez nous, à Saint-Germain-des-Prés, mon mari voit sur un mannequin un short rouge, taille haute, très bien coupé, dans un joli coton épais.

– Qu’est-ce que tu serais belle avec ce short rouge, me dit-il, viens, je te l’offre.
– Merci, je lui réponds, mais ça ne m’amuse pas d’acheter un short d’été au mois de février.

C’est mon côté enfant, dès que j’ai un vêtement nouveau, je veux le porter immédiatement, donc compliqué de porter un short rouge en plein hiver.

– Et puis, il est trop cher pour un short, j’ajoute.
– On s’en fout, il est beau.

Mon mari me prend par la main et m’entraîne dans le magasin.

La taille 34 que je fais est sur le mannequin en vitrine. Je dis à la vendeuse qui veut le déshabiller, qu’il n’y a pas d’urgence, nous habitons à deux pas, nous reviendrons. Mon mari est terriblement déçu que je ne veuille pas essayer ce short rouge qui lui plaît temps. Depuis trois ans que nous nous connaissons, alors qu’il est plutôt un intellectuel sombre et pessimiste, il adore faire les magasins avec moi et m’acheter plein de vêtements. Ça l’amuse de jouer à la poupée avec moi, je crois. De mon côté, je dis toujours oui, j’adore les habits. Mais là, je ne sais pas pourquoi, je ne veux pas de ce short rouge. Et rien ne peut me faire changer d’avis.

Le temps passe. Régulièrement, mon mari, qui est en préparation de son nouveau film, me demande si je suis allée chez Diesel acheter le short. À chaque fois, je lui trouve une excuse bidon : c’était fermé, je n’ai pas eu le temps, j’irai demain. Il se propose alors de m’accompagner le prochain samedi quand il aura du temps. Mais je refuse. Je n’arrive pas à me l’expliquer, je suis littéralement contre cet achat. Et puis, je me trouve trop vieille pour le porter.

Début mai, nous arrivons à Saint-Tropez pour le tournage du film de mon mari qui débute le lendemain. À peine le taxi nous dépose au Pandaï Palais, l’hôtel où nous devons séjourner pendant deux mois, mon mari repère la boutique Diesel.

– Super ma chérie, allons acheter ton short rouge.

Je l’essaye, en effet, ce short me va hyper bien. Mais je n’en veux toujours pas. Sans aucune raison.

– Et ne t’avise pas de me l’acheter en cachette, je dis assez autoritairement à mon mari en sortant de la boutique, ça ne me fera pas plaisir, je le rapporterai immédiatement.

Je ne sais pas pourquoi, je fais une fixette sur ce short alors que j’adore les shorts, les habits, les cadeaux, mais ce short rouge qui me va pourtant divinement bien avec sa taille haute, je n’en veux pas.

Voyant que mon mari affiche une mine toute triste, je m’adoucis.

– Ce short, c’est un attrape-mecs, je lui dis, comme je ne vais pas te voir pendant tes deux mois de tournage, je ne veux pas le porter toute seule, sans toi, dans Saint-Tropez. Si tu veux me l’offrir, il faut que tu m’offres la semaine de vacances qui va avec, je le taquine sachant que c’est impossible, après les deux mois à Saint-Tropez, il a encore quatre semaines de tournage à Paris, puis trois mois de montage.

Dix jours plus tard, l’un des acteurs principaux attrape dans la mer une pneumo-bronchiolite. Le médecin des assurances du cinéma arrive en urgence de Paris par le premier avion. Verdict : le tournage doit être arrêté pendant deux se-maines. C’est une catastrophe. Les villas, les yachts, les places au port, les hôtels, ont été loués à dates fixes. C’est impossible de tout repousser aussi longtemps. Le tournage peut être arrêté une semaine, mais pas deux. Deux semaines, c’est la mort du film qui serait immédiatement mis en sinistre.

Le comédien adorable essaye de négocier avec le médecin. Il veut un traitement de cheval afin d’être d’attaque dans une semaine. Celui-ci accepte. Il reviendra dans sept jours pour décider de son état de santé et du sort du film.

En sortant de sa réunion avec la production, mon mari d’un calme olympien par rapport à l’arrêt de son film me prend la main :

– La voilà, Sylvie, ta semaine de vacances. Viens, on va acheter ton short rouge.

Vu la situation, je ne peux rien dire. On arrive chez Diesel et là, boum patatras, la vendeuse nous annonce que la taille 34 a été vendue. J’essaye le 36 mais il est trop grand. Désolée, je me tourne vers mon mari qui est assis, la tête dans les mains, catastrophé. Son film arrêté, il assume, mais le short rouge que l’on ne peut pas acheter, il est totalement démoralisé, pire que si l’univers s’était abattu sur lui.

D’un air vraiment malheureux, il me dit :

– Tu étais si belle dans ce short rouge !

Son cri d’amour me brise le cœur. J’ai peur d’avoir tout détruit. C’est rare d’être autant aimée par un homme qui vous trouve belle encore à mon âge. Je ne suis plus toute jeune. Je me sens soudain idiote de ne pas avoir voulu offrir à mon ma-ri qui m’aime passionnément ce mini-plaisir, et de m’être battue avec autant de ténacité contre l’achat de ce short rouge.

Affolée à l’idée qu’il ne m’aime plus, je demande à la vendeuse de me trouver un 34 n’importe où en France et de me le faire venir, je suis prête à tout pour conso-ler mon mari.

Ouf, un short en 34 est disponible dans la boutique de Cannes. Le lendemain, un assistant qui désirait aller au festival est allé me le chercher. Et ouf, le film n’a été arrêté qu’une semaine. Il a donc pu être terminé. Je traverse d’ailleurs quelques scènes avec mon short rouge que la costumière, voulant faire plaisir à mon mari, était également allée acheter sans nous le dire !

Depuis, quand mon mari, ou quelqu’un d’autre, me fait un cadeau, même si ça ne me plaît pas, je dis oui. Un grand oui. Et je souris. Et tous les étés, je porte mon short rouge » !

Sylvie Bourgeois Harel 

SHORT ROUGE
https://youtu.be/SkhFvg_MhQs?si=TfNDBJ2IBYojj8HQ

https://youtu.be/SkhFvg_MhQs?si=TfNDBJ2IBYojj8HQ

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Vive les minijupes !

Vive les minijupes !

 

 

L’autre jour, sur un groupe WhatsApp qui me relie un peu à Paris que j’ai quitté, il y aura bientôt trois ans, une amie nous questionnait à savoir s’il était possible de porter des minijupes lorsque nous vieillissions. Comme j’aime m’exprimer sur les futilités qui structurent mon quotidien, mais qui vont finalement bien au-delà de la futilité puisqu’elles parlent de notre intimité, je lui ai répondu que ce n’était pas une histoire d’âge, mais plutôt de l’énergie que nous désirions encore mettre dans notre rapport à la séduction. J’ai ajouté que je ne portais plus de minijupe depuis au moins dix ans. Que j’avais abandonné les minijupes, les talons de 9, les maquillages excessifs, pour un look plus serein, plus en accord avec mon nouvel état d’esprit apaisé et doux.

 

Puis j’ai réfléchi. J’ai adoré porter des minijupes. Très courtes. Au ras des fesses. Je faisais raccourcir toutes les jupes de mes tailleurs. Je m’en cousais aussi dans du tissu tubulaire sur lesquels j’ajoutais des galons de couleurs différentes de chaque côté. J’en ai eu des roses, des bleues, des fleuries de chez Irié, des en jean, en cuir, en daim, même en panthère de chez Irié toujours en coton stretch. Je déteste la jupe qui arrive à mi-cuisse. Elle  casse la silhouette. Si ça doit être court, autant que ça soit très court ! Ma mère me disait que le short, très court aussi, et la minijupe, étaient ce qui m’allait le mieux. En hiver, je portais mes minijupes avec des bottes et des collants en cachemire, une merveille. En été, avec des boots de cowboy sur des jambes bronzées. En minijupe, je me sentais libre et sexy. Avec mes minijupes, j’estimais envoyer une sorte de clin d’oeil joyeux. Les hommes n’y étaient pas insensibles. En revanche, je n’ai jamais porté de minijupe si je devais prendre un métro ou aller dans un endroit pas sécurisé. Il ne faut pas exagérer. Certains hommes rustres et peu éduqués, hélas, peuvent prendre cet habillement pour une invitation et avoir des gestes déplacés. J’avais de la chance d’habiter, de travailler et de fréquenter que des beaux quartiers parisiens où toutes les excentricités vestimentaires étaient permises et même appréciées.

 

Dans ma féminité, lorsque je choisissais mes habits, le matin, j’ai toujours eu besoin d’envoyer des messages liés à une certaine forme de complicité, comme un jeu, qui n’étaient en aucun cas des messages liés à une certaine forme de séduction. Je ne cherchais absolument pas à consommer ou à accumuler les aventures. Je n’ai d’ailleurs jamais eu d’aventures. Vous voyez comme quoi ce que l’on pourrait prendre pour des futilités nous entraîne rapidement à parler de notre intimité. J’ai donc porté des milliers de minijupes, mais je n’ai jamais eu d’aventure. Je n’aime que les hommes fous de moi. Quand on arrive à m’embrasser, ça dure des années, peut-être même des siècles. Mes minijupes n’étaient pas non plus un message de provocation, non, elles étaient plutôt un message joli et joyeux, qui disait, je sens bon, je suis jolie, je suis heureuse, alors vas-y, mon coco, balance ton compliment ! Et c’est très agréable de recevoir des compliments, même d’inconnus dans la rue. En effet, j’avais l’impression que mes minijupes avaient le pouvoir de mettre le coeur des hommes que je croisais en joie.  C’est pas mal d’arriver à créer de la joie avec seulement un tout petit bout de tissu !

 

Pour en revenir à la minijupe, la styliste anglaise Mary Quant l’a inventée en 1962, en s’inspirant des tenues de plage légères que les femmes portaient l’été à Saint-Tropez. Dès 1958, elle a alors commencé à raccourcir de plus en plus ses jupes jusqu’à ne laisser que dix centimètres sous les fesses. Puis André Courrèges l’a popularisée en France en 1965. À eux deux, ils ont révolutionné la garde-robe des femmes. Ils leur ont offert un vent de liberté. Comme disait Mary Quant, il est plus facile de courir après un bus en minijupe qu’avec une jupe-crayon. Coco Chanel, qui n’a jamais dû prendre  le bus, a décrié la minijupe. Pour elle, c’était vulgaire d’en porter une à Paris. À la limite à la campagne, pourquoi pas, ajoutait-elle, tout le monde s’en fout à la campagne de comment vous vous habillez. N’empêche, depuis, il n’y a pas eu un seul défilé Chanel sans minijupe qui est devenue un basique.

 

Parmi les anecdotes racontées par mes vieux amis qui sillonnaient dans l’entourage de François Mitterrand, le gang des minijupes, c’est ainsi que les hommes l’avaient surnommé, sévissait ardemment. Ce groupe de femmes journalistes politiques arrivaient en minijupes dans l’avion présidentiel lors des voyages officiels, une tenue certainement efficace pour obtenir plus facilement des renseignements sur des dossiers classés top secrets ! L’homme est fragile et les politiques encore plus, me répétaient-ils en riant ! 

 

Quand à André Courréges, je l’ai ramené, une nuit, chez lui, il y a une vingtaine d’années. Je rentrais chez moi à Neuilly-Saint-James, en face du bois de Boulogne, lorsque j’ai vu un petit monsieur, très fin, habillé tout en rose, avec des grandes lunettes, se promener tout seul dans l’allée en bordure des arbres. Je l’ai tout de suite reconnu. Je l’ai fait monter dans ma voiture. Il avait l’ait complètement hébété. Son épouse m’a dit qu’il se perdait souvent. Je l’ai remercié pour ses minijupes, ses bottes plates, ses blousons courts de toutes les couleurs et ses minis sacs légers. 

 

Alors, c’est décidé, à partir d’aujourd’hui, pour rendre hommage à toutes les femmes sur terre qui n’ont pas le droit de s’habiller comme elles le désirent et encore moins de porter des minijupes, je vais de nouveau en porter. Même quand je serai très vieille, je serai une écrivain digne en minijupe, ce sera très amusant. Ce sera mon nouveau style en hommage également à la liberté. Et puis cela fera plaisir à ma maman qui me regarde depuis les cieux.

 

Sylvie Bourgeois Harel

 

Vive les minijupes !
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Schizofamily, une nouvelle de Sylvie Bourgeois Harel

Schizofamily

Ma maman est épuisée. J’ai 30 ans et je veux la sauver. J’emmène alors mes trois frères aînés qui vivent toujours chez nos parents consulter un psychiatre. Au dernier moment, maman décide de nous accompagner avec mon père paralysé qui ne peut plus parler depuis son AVC.

— Bonjour, bonjour, monsieur le psychiatre, je dis en arrivant, j’aimerais que nous fassions une psychothérapie familiale pour sauver ma maman.

— Très bien, qui êtes-vous ? me demande-t-il.

— Nous sommes une schizofamily.

— Pardon?

— Oui, c’est un peu compliqué, mais je vais essayer de vous résumer la situation. Mon frère Ferdinand, ici présent, est certainement schizophrène, il se prend pour un prince. Il se fait même appeler le prince O, alors qu’il est photographe. Quant à mon autre frère André, il doit être schizogame, il ne pense qu’à se reproduire, alors qu’il est architecte. Son grand leitmotiv est de dire qu’il aime autant créer l’habitat que l’habitant. Quant à mon frère aîné Gustave, il est sûrement schizothymique, il ne parle qu’aux poissons, c’est bien simple, il passe ses journées sous l’eau. Et quant à ma petite maman chérie, je pense qu’elle est schizoïde, elle ne veut plus sortir avec ses copines.

Le psychiatre se gratte la tête et nous invite à nous asseoir. Mais ma mère reste debout et s’approche de lui.

— Si vous saviez, docteur, comme j’ai hâte d’être dans le trou, elle lui dit, je n’en peux plus.

Je me lève à mon tour. Maman est l’amour de ma vie. Je ne peux pas l’entendre parler ainsi. Je la prends dans mes bras et l’aide à se rasseoir.

— Je dois vous expliquer, docteur, que mes trois frères qui sont pourtant grands, Gustave le sous-marin a 40 ans, André le reproducteur, 37, et Ferdinand le photographe qui est persuadé d’être photographe de terroristes, 34, habitent toujours à la maison. Ma mère n’en peut plus de devoir continuer de leur faire à manger pire que s’ils étaient des bébés, d’autant qu’ils ne lui donnent jamais d’argent et que mes parents sont ruinés.

Soudain, Ferdinand s'énerve et se met à hurler :

— Elle a beau jeu, Cécile, de dire ça, mais elle n’a jamais voulu en faire de bébés, et je sais pourquoi, mais je ne vous le dirai pas. En tout cas, pas là.

— Justement docteur, j’ajoute, je suis venue pour vous les refiler, les bébés, ma mère est épuisée, ils vont finir par la tuer.

— Il faut que vous sachiez docteur, intervient ma maman, que ma fille est persuadée d’être ma mère.

— Ben oui, ma petite maman, je lui dis en l’embrassant tendrement, tu es ma fille et je t’aime.

— N’empêche, hurle de nouveau Ferdinand, le premier bébé à soigner est Gustave, il est jaloux d’un poulpe qui a un plus gros zizi que lui.

— Je suis désolé, docteur, rougit Gustave, prince Ferdinand est en plein délire, et c’est comme ça toute la journée, vivement que je retourne sous l’eau.

— Ose dire que ce n’est pas vrai, continue de hurler Ferdinand, la preuve, tu ne t’en sers jamais de ton zizi.

— Ce n’est pas faux, ajoute ma mère, la première chose que Gustave fait lorsqu’il rencontre une sirène, il l’emmène à la messe, alors forcément, ça prête à confusion.

— Puis il faudra s’occuper d’André, se calme Ferdinand. Depuis que sa femme l’a quitté, il est devenu alcoolique.

— Oui, mais moi, dit André en riant, mon zizi, je sais m’en servir.

— Ah ça oui, approuve ma mère en riant également, il tient ça de son père, un vrai matou à mettre son zizi partout, alcoolique, lui aussi.

— C’est vrai, je bois beaucoup, confirme André, que voulez-vous, créer des maisons et leur faire des bébés, ça me donne soif.

— Il a même couché avec une terroriste qui habite dans notre quartier, s’affole de nouveau Ferdinand.

Le docteur me questionne du regard.

— Bon, docteur, je lui dis, accepteriez-vous de soigner ma schizofamily que j’aime quand même ?

— Dites-moi déjà, chacun votre tour, de quoi vous souffrez exactement, il me répond en nous scrutant bizarrement derrière ses lunettes baissées.

Contre toute attente, Gustave commence :

— Aux poulpes qui ont plein de zizis, avoue-t-il. Et aussi à André qui se sert plus du sien que moi, ça me rend fou. Et également à ma petite sœur qui ne veut pas vivre avec nous, alors que j’ai toujours voulu l’épouser. Sans compter la présence de Ferdinand qui passe ses journées, allongé à faire du canaping dans le salon de la maison, et qui dit toujours la vérité, c’est pour ça que je veux l’interner.

— Et bien moi, dit Ferdinand, je souffre à Gustave qui n’arrête pas de me taper. Il croit peut-être que ses coups vont remettre mes idées en place. N’importe quoi ! La violence n’a jamais résolu la jalousie, et vous le savez très bien, docteur. Je vous assure, ce n’est pas de ma faute si mon cerveau est cassé et si ma tête s’inquiète autant de toutes ces guerres qui vont finir par enflammer la planète. Et puis, je ne veux pas que Gustave réussisse à m’enfermer dans un asile pour cinglés, mon papa paralysé a besoin de moi. Oui, c’est moi qui aide toujours ma maman à pousser sa chaise roulante ou à les conduire faire des courses, ou même une promenade à la campagne. Il est content, mon papa, de voir des vaches ou la forêt, ajoute-t-il en mettant son bras devant le visage comme pour se protéger d’un éventuel coup de Gustave.

— Quant à moi, dit André, je souffre à mes clients qui pensent que sur mon front, il y a écrit couillon qui ne travaille que pour créer de la beauté et qui en profitent pour ne pas me payer. Et aussi à mon idiot de banquier qui n’arrête pas de m’appeler à cause de mon découvert. À force, il m’empêche de travailler. Merde, je suis architecte, pas comptable ! Qu’on me donne des maisons à dessiner, pas des chiffres à additionner. Je souffre également aux bouteilles de mon père que j’ai toutes finies, et à ma mère qui ne veut plus m’en acheter.

J’observe mes trois frères, étonnée de leur franchise.

— Quant à moi, je dis, je souffre à mes parents. Ils n’ont que 68 ans. Ils sont beaux, généreux, drôles, intelligents, jeunes encore. Ils nous ont appris la liberté, l’amour, la curiosité, l’art de ne jamais nous ennuyer, de savoir argumenter, d’être passionnés. Ils ne méritent pas toute cette schizofolie.

Ma maman me sourit. J’aime quand ma maman me sourit. J’ai l’impression de lui redonner un peu de vie.

— Quant à moi, dit-elle en parlant tout doucement, je souffre à mon mari paralysé qui ne peut plus me prendre dans ses bras, ni me dire qu’il m’aime, alors que nous avons été de si beaux amants. C’est fini, tout est fini.

Sur sa chaise roulante, mon père qui se demande depuis le début du rendez-vous ce qu’il fait là, dans le bureau de ce médecin qui ne l’a pas ausculté, pose sa tête sur l’épaule de ma mère. Je vois une larme qui coule de ses beaux yeux. De ses beaux yeux bleus. Une larme qui me dit qu’il est malheureux d’être ainsi enfermé dans le mutisme de sa maladie. Une larme qui me dit qu’il est inquiet de ne plus pouvoir protéger ses fils. Une larme qui me dit que, oui, je dois sauver maman, l’amour de sa vie. Son roc. Son repère. Son univers.

— Mmmaaannn, mmmaaannn, essaye de s’exprimer mon père qui a certainement beaucoup à dire.

— Docteur, continue ma mère en prenant la main droite inerte de mon père, maintenue par une bande sur une attelle, oui, c’est cela même, je souffre à mon mari que j’aime tellement. Je me sens impuissante et épuisée, et puis je ne supporte pas qu’il m’appelle maman, ça me rend folle qu’il puisse me prendre pour sa mère. Vous l’avez entendu docteur, et depuis son AVC, c’est comme ça toute la journée, il fait mmmaaannn, mmmaaannn, maman, maman, je n‘en peux plus, je ne suis pas sa maman, continue ma mère en pleurant.

J’ai 30 ans. Je ne veux pas entendre ma mère pleurer. C’est trop violent. Trop triste. Trop injuste. Je dois la sauver. Je veux lui dire qu’on va trouver une solution et que papa ne dit pas maman, papa fait mmmaaannn, mmmaaannn, car phonétiquement, c’est le son le plus facile à prononcer. Mais d’autres mots sortent tout seuls de ma bouche, d’autres mots que je n’ai pas désirés, d’autres maux dont je n’ai jamais parlé.

— Docteur, je dis, je souffre à l’homme qui a abusé de moi lorsque j’étais enfant, j’avais 8 ans, mais ce n’était pas mon papa.

— Moi, je sais qui c’est, intervient Ferdinand, mais je ne le dirai pas, sinon il me tuera. Je suis sûr d’ailleurs que c’est à cause de ça qu’aucun de nous ne va bien.

Avant même que ma mère ne puisse dire un mot, les miens de mots continuent tout seuls à sortir de ma bouche comme s’ils n’en pouvaient plus que je les aie gardés si longtemps secrets :

— Je souffre aussi à l’homme qui m’a violée à Saint-Tropez lorsque j’avais vingt ans.

Un silence s’établit dans le bureau du docteur. Ne voulant pas ajouter à nos schizoproblèmes, ma détresse, ce n’est pas le sujet, je suis ici pour sauver ma maman, pas pour parler de moi, et encore moins de mes drames que j’ai toujours cachés, justement pour ne pas faire souffrir ma mère, je reprends aussitôt la parole :

— Je souffre aussi à mon papa qui savait si bien me dessiner. C’est vrai, docteur, mon papa a un talent de fou. Même paralysé, il a réussi à faire mon portrait de la main gauche, le trait est parfait, j’ajoute en serrant mon père dans mes bras. Voilà, je souffre à mon papa à qui je n’ai jamais dit que je l’aimais. Nous étions toujours si pressés, si pressés, je répète, c’est ça la vraie folie de ne pas s’arrêter pour prendre le temps de dire que l’on s’aime.

Maman inspire profondément et dit :

— Je souffre au cancer généralisé que l’on vient de me détecter. J’en ai plus que pour quelques mois. Qui va s’occuper de mon mari paralysé et ruiné quand je serai dans le trou ? Je ne veux pas que Cécile prenne mon relais à faire à manger à ses frères et à son père, elle a mieux à faire.

Je vais pour parler, pour dire à ma maman que je vais trouver une solution, que je vais la soigner, qu’elle ne va pas mourir, mais ma maman enchaîne :

— Je souffre aussi à notre manque d’argent. Un client de mon mari l’a arnaqué, c’est pour ça qu’il a eu son AVC, ça l’a stressé, paniqué, inquiété, il est tombé et ne s’est jamais relevé. Avec Cécile, nous avons fait un procès, nous l’avons gagné, l’usine qui fabrique les toilettes design et écologiques que mon mari a créées nous doit des millions de francs, mais ils ont déposé le bilan pour ne pas nous payer, et ont construit une nouvelle usine juste à côté pour fabriquer les mêmes toilettes avec juste quelques différences afin qu’on ne puisse pas les accuser de plagiat. Je suis obligée de vendre la maison familiale.  Mes fils n’auront plus de toit. Avec mon mari, nous irons vivre chez notre fille Cécile.

Affolés, Ferdinand, André et Gustave se lèvent ensemble et crient en choeur :

— Mais maman, où allons-nous habiter si tu n’as plus de maison ? On ne veut pas terminer à la rue.

Un mois plus tard, mon papa est mort à minuit d’une crise d’épilepsie tandis qu’un docteur essayait de le réanimer. Neuf mois après, ma maman est morte de son cancer généralisé dans mes bras, dans la chambre de sa maison d’enfance où elle est née.

Je n’ai pas pu sauver mes parents. Je n’ai su que les aimer.

Sylvie Bourgeois Harel

Schizofamily fait partie des 19 nouvelles de mon recueil On oublie toujours quelque chose. Vous pouvez le commander en m'envoyant un mail à : slvbourgeois@wanadoo.fr.

 

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Il y a une dizaine d’années, je tombe sur un article dans lequel David Lynch présente sa Fondation autour de la méditation transcendantale qu’il pratique assidument lui permettant de renforcer sa créativité. Un numéro de téléphone est inscrit en bas de la page. J’appelle. Je tombe sur une dame charmante qui m’explique qu’elle est la référente parisienne de cette méthode cautionnée par le réalisateur américain qui vante ses mérites sur Internet dans nombre de vidéos et d’interviews. Je prends rendez-vous après avoir demandé si je pouvais venir accompagnée. Bien sûr, bien sûr, me répond-elle. 

 

La semaine suivante, je me rends donc dans une petite salle pas très propre du 15ème arrondissement avec deux amies, une comédienne connue et une voisine de Saint-Germain-des-Prés. Pendant une heure, cette dame nous explique l’intérêt de la méditation transcendantale, qu’il nous suffira de trois leçons de deux heures pour être ensuite totalement autonomes et commencer à pratiquer régulièrement, que nous serons en meilleure santé, plus performantes, plus heureuses, mais surtout grâce à nos séances de méditation, nous allons apporter la paix dans le monde, en effet, si chacun méditait, l’énergie serait meilleure, finies les guerres. 

 

Assises sur son canapé pourri, nous sommes toutes trois assez emballées à l’idée de pouvoir réduire les violences. Rendez-vous est donc pris pour le lendemain afin qu’elle nous explique les modalités d’inscription. Je propose que l’on se retrouve chez moi, dans mon bel appartement, sur mes jolis canapés en cuir, aucune envie de revenir dans cette salle triste, loin et inconfortable. Je lui demande quand même quelles sont les modalités d’inscription. Nous en parlerons demain si vous voulez bien, me répond-elle, affable. J’insiste. Je ne pose pas souvent de questions, mais quand j’en pose, j’ai horreur que l’on ne me réponde pas. Elle finit par marmonner entre ses dents 3000€. 

 

— 3000€ pour nous trois ? je demande incrédule.

— Non, chacune.

— Putain, ça coûte cher la paix dans le monde, je m’étonne.

— Mais à ce prix-là, s’empresse-t-elle d’ajouter, je vous choisirai votre mantra personnalisé.

— Quand même, 3000€ le mantra, pour juste un Om personnalisé, ce n’est pas cadeau… 

— C’est le prix de l’un de vos sacs à main, tente-telle.

 

Mal installées et vautrées au fond de son canapé tout mou, avec nos pieds qui n’arrivaient pas à toucher le plancher, nos sacs Prada, nos bottes Sergio Rossi, nos cashmeres et nos manteaux en peau retournée, il est vrai que nous ressemblions quand même à trois bourgeoises échappées de Saint-Germain-des-Prés, venues s’encanailler dans le 15me arrondissement, et qui pouvaient s’acheter du sens à donner à leur vie aussi facilement qu’une énième robe en soie.

 

Le lendemain, persuadée d’avoir flairé un bon et juteux filon dans le 6ème arrondissement, après nous avoir grandement incité à convaincre notre entourage de rejoindre également la Fondation, en effet, plus nous serions nombreux à méditer ensemble, plus la positivité des relations humaines de notre quartier s’en ressentirait, pendant que je servais un délicat thé bio Earl Grey de chez Pascal Hamour, la Rolls des thés que l’on ne trouve que dans les palaces, agrémenté de délicieux biscuits Poilane, je tenais à asseoir mon statut de Germanopratine de qualité, la dame nous distribua des fiches d’inscription avec dessus la photo de David Lynch qui nous garantissait que nos 3000€ étaient la seule porte d’entrée valable pour découvrir enfin notre bonheur spirituel.

 

J’aurais dû me méfier, excepté Elephant Man qui m’avait émue à sa sortie, mais que je n’ai jamais revu depuis, je me suis toujours endormie devant les films de Lynch qui me donnaient l’effet d’attrapes-gogo faisant l’apologie de la violence, dégoulinants d’effets cinématographiques histoire de masquer leur manque de sens. 

                  

Bien évidemment, la dame est repartie sans ses 9000€ et j’ai continué de méditer ainsi que ma maman me l’avait toujours appris, en marchant seule dans la forêt ou en nageant dans la mer, en écoutant le silence de la nature, en me concentrant sur les battements de mon cœur, sur ma respiration, chassant les pensées pour ne faire entrer dans mon âme que l’émerveillement de toute la beauté qui m’entoure. 

 

Et pas plus tard qu’hier, un lama français, Bernard Ortega, qui apprécie mes écrits sur Facebook, m’a envoyé son livre Méditer pourquoi ? dans lequel je retrouve la sagesse et le bon sens de ma mère qui ne faisait pas toute une philosophie de son savoir, mais cherchait à me le transmettre avec bienveillance, amour et respect.

Sylvie Bourgeois Harel

David Lynch - Sylvie Bourgeois Harel

David Lynch - Sylvie Bourgeois Harel

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Entre ambiguïtés et contradictions, pourquoi j'écris ?

 

Ma nouvelle Prologue sera dans mon prochain recueil de nouvelles à paraître début avril 2024.

 

Sylvie Bourgeois Harel - Plage de Pampelonne - Ramatuelle

Sylvie Bourgeois Harel - Plage de Pampelonne - Ramatuelle

Sylvie Bourgeois Harel - Plage de Pampelonne - Ramatuelle

Sylvie Bourgeois Harel - Plage de Pampelonne - Ramatuelle

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Ma nouvelle Paul, écrite sur la plage de Pampelonne à Ramatuelle, fait partie de mon prochain recueil à paraître début avril 2024.

 

 

 
Sylvie Bourgeois Harel. Avec Pompon et Hussard. Château de La Mole. VAr

Sylvie Bourgeois Harel. Avec Pompon et Hussard. Château de La Mole. VAr

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Ma maman est collectionneuse et je n'ai pas de papa, mais j'ai un Basquiat. Na ! Ma maman me l'a acheté, il y a deux ans, dans une galerie de New York où il m’avait tout de suite plu. Elle me l'a offert pour me complimenter d’avoir autant de sensibilité. J'adore mon tableau. Il est rouge. Dessus, il y a un bonhomme carré assez mal dessiné qui regarde de côté et sur sa tête qui n'est pas très bien faite non plus, il y a une drôle de couronne. Ma maman m'a expliqué que la couronne, c'était la signature de Basquiat, un peu comme s'il était un roi. Le roi de son monde où il a le droit de dire ce qu'il veut. Et Basquiat, il disait ce qu'il voulait dans ses tableaux. Il faisait exprès aussi de mal les faire comme s’il ne savait pas dessiner. Par exemple, il faisait des bonshommes carrés alors qu’un bonhomme, tout le monde le sait, c’est toujours rond, mais c’était pour montrer que le monde dans lequel il vivait, il était mal fait aussi.
 
Voilà pourquoi j’aime mon Basquiat. Je l’aime parce que moi aussi, je trouve que le monde dans lequel je vis, il est mal fait. Regardez, je vis dans un grand appartement alors que je n’ai pas de papa et que ma maman n'est jamais là. C'est mal fait, je préférerais habiter avec plein de gens au lieu d’être toujours toute seule. J’en ai marre d’avoir personne avec qui parler. J’ai ma nounou, vous me direz, mais elle est bête. La preuve, chaque fois que je lui pose une question sur comment est fait le monde, elle ne sait pas quoi me répondre. Alors quand je m'ennuie trop, je vais regarder mon bonhomme carré. On se comprend. C'est juste dommage qu'il me tourne la tête car je préférerais le regarder dans les yeux, mais il me fait bien marrer quand même. C'est un peu comme s'il était timide.
 
Il y a pas mal de bavures qui coulent du dessin. Un jour que j'en avais marre que ça ne soit pas net, je les ai nettoyées avec de l'eau et du savon, mais j'ai eu beau frotter, ça n'est pas parti. Quand je serai plus grande pour aller toute seule dans les magasins, j'achèterai de la peinture et des pinceaux et je referai bien les contours pour que ça fasse moins brouillon. Je le terminerai en quelque sorte. Basquiat, il n'a pas eu le temps de terminer mon tableau car il est mort d'une overdose. Une overdose, c'est quand on prend trop de drogue d’un coup. Ma maman m'a expliqué que Basquiat, il était très malheureux et qu'il s'était drogué jusqu'à en mourir pour oublier sa vie et que même sa peinture, ça ne lui suffisait plus. Elle m’a dit aussi que les artistes, ils n’étaient jamais satisfaits et que souvent ils se droguaient pour trouver le bonheur qu’il n’arrivait pas à trouver, par exemple, dans les rapports familiaux normaux.
 
- Regarde, a ajouté ma maman, je t'ai, tu me rends heureuse alors je ne me drogue pas.
- Non, mais tu te fais vomir.
- Mais ça ne va, qui t'a dit ça?
- Personne, mais je le sais. Tu vas toujours aux toilettes après le repas, je t'ai déjà suivi plein de fois et j’ai trouvé les bruits que tu faisais tellement tristes que j’ai tout raconté à Mamy. Elle m'a expliqué que tu étais déglinguée depuis que tu avais eu ma grossesse. Tu vois maman, le monde, il est mal fait. Et c’est pour ça que je suis bien contente que tu m’aies acheté mon tableau car je comprends un peu mieux la vie en le regardant.
 
Comme je me posais encore plein de questions et que ma nounou était incapable de me répondre, j’ai tapé Basquiat sur Internet et j’ai lu qu’il avait 27 ans lorsqu'il est mort. Il est mort tout seul dans son grand appartement. Comme moi. J’ai vu aussi sa drôle de tête. Ça m’a fait de la peine d’imaginer sa drôle de tête posée sur son ventilateur quand il est mort, comme s’il avait besoin de respirer un air nouveau alors que c’est l’air de la mort qu’il a trouvé. Mon papa aussi, il est mort. Il est mort quand je suis née. Ou alors peut-être, il est mort parce que je suis née, ce qui expliquerait pourquoi ma maman se fait vomir. Elle doit vomir son malheur. Quand je serai grande, moi aussi je deviendrai artiste et je vomirai sur mes toiles le malheur de ma solitude. Mais j’espère qu’avant de mourir de l’overdose, j’aurais peint suffisamment de tableaux où j’aurais expliqué combien le monde est compliqué et mal fait.
 
En attendant de me droguer, j’ai demandé à ma maman de m’emmener plus souvent avec elle dans les galeries où l’on vend de l’art. Les vendeuses, elles sont toujours très aimables avec nous, car ma maman, si elle le veut, elle peut acheter tout le magasin. J'aime bien sentir que les vendeuses, elles le savent, car ça me rend importante. Dans ces cas-là, je serre très fort la main de ma maman pour bien montrer que c'est la mienne et, que du coup, c'est un peu comme si c'était moi qui pouvait acheter tout le magasin. En plus, ma maman, elle me demande toujours mon avis, en disant aux vendeuses que sa fille, elle a l’œil.
 
J'ai tellement l'œil que ce matin, un monsieur est venu à la maison pour acheter mon Basquiat. Quand j’ai compris que je devais m’en séparer, j'ai pleuré. Beaucoup pleuré. Je ne voulais pas le laisser s'en aller.
 
- Mais on va gagner beaucoup d'argent en le vendant, m'a dit ma maman. Tu as l'œil ma fille, je suis fière, ce tableau coûte aujourd'hui très cher. Tu es encore un peu petite pour comprendre ce qu'est la spéculation, mais tu es suffisamment intelligente pour comprendre le métier de maman qui achète des tableaux pour les revendre quand leur valeur a dépassé le prix de leur achat, tu vois.
- Ce que je vois, je lui ai répondu, c'est que tu veux m'enlever mon tableau qui était mon cadeau pour mes 7 ans d'âge de raison. J'y suis attachée, moi, à mon bonhomme carré. En plus, donner, c'est donner et reprendre, c'est voler.
- Mais enfin Lily, qu'est-ce qu'il te prend? Avec tout l'argent que l'on va gagner, on va pouvoir s'acheter plein d'autres tableaux et peut-être même des encore plus beaux.
- Eh bien, dans ces cas-là, si je n'ai plus mon Basquiat, je veux partir vivre chez Mamy. En plus, je n'aime pas quand tu mets du rouge à lèvres pour recevoir des messieurs à la maison. Je n’aime pas ça, mais pas du tout.
 
Et je suis sortie de ma chambre en faisant exprès de bien faire claquer la porte. Ma maman m'a rattrapée pour me coller une fessée et m'a dit que ce n'était pas du haut de mes 8 ans que j'allais faire la loi à la maison. Je lui ai répondu que sa spéculation, ça n’apportait que du malheur et qu’il valait mieux que je me drogue tout de suite pour qu’ensuite je devienne très vite une artiste qui peindrait tout ce qui avait brisé mon cœur. Ma maman, en m’entendant, s'est mise à pleurer. Le monsieur est arrivé. Et je me suis excusée.
 
- Je suis désolée de t’avoir fait pleurer ma petite maman chérie. Je suis une mauvaise fille, certainement trop gâtée.
- Mais non, ma chérie, tout ça est de ma faute, t’élever toute seule, tu sais, ça ne m’est pas tous les jours facile.
 
Là, le monsieur de la spéculation a regardé ma maman avec un drôle d’air, du genre, si vous voulez ma jolie madame, je veux bien jouer au papa et à la maman avec vous. Je l’aurais volontiers mordu celui-là, je me suis dit. Et aussi quelle drôle d’idée, j’ai eu, a ajouté ma maman de te faire un cadeau à plusieurs millions d’euros. Puis on a pris le thé ensemble. Ça nous a tous calmés. Maman a décidé que le monsieur ne viendrait chercher mon Basquiat que le lendemain matin, ainsi j’aurais encore une nuit à passer auprès de lui pour m’habituer à l’idée que bientôt, je ne le reverrais plus.
 
Dès que le monsieur est parti, ma maman est sortie. J’ai profité que ma nounou faisait pipi pour filer. Je suis montée dans un taxi qui était étonné que je sois toute seule, mais je lui ai dit que chez moi, c’était comme ça, j’étais une petite fille riche, livrée à elle-même, mais pas malheureuse pour autant, la preuve, ma maman m’avait acheté un tableau pas du tout pour enfant, tellement il coûtait d’argent. Le taxi n’a rien compris, mais m’a quand même déposée au BHV. Là, en voyant la diversité des peintures et des couleurs, je me suis écroulée. Mon idée était de me dessiner en étoile filante avec des cheveux jaunes et un cœur bleu comme mes yeux sur mon tableau de Basquiat pour continuer de vivre un peu à ses côtés. Mais devant la difficulté à terminer mon Basquiat, je me suis mise à pleurer. Pleurer que décidément la vie, c'était beaucoup trop compliqué.
BASQUIAT fait partie des 34 nouvelles de mon recueil BRÈVES ENFANCES, paru aux éditions Au Diable Vauvert.
 
BASQUIAT. Une nouvelle de Sylvie Bourgeois. BRÈVES ENFANCES (éditions Au Diable Vauvert)
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Mon tonton Guillaume, il est fou, c’est mon papa qui me l’a dit, alors que Guillaume, c’est le meilleur en animal et en poissons, c’est bien simple, il passe ses journées sous l’eau à inspecter les poulpes et les murènes, et même que j’adorerais l’accompagner, mais ma maman, elle ne veut pas car elle trouve que Guillaume, il n’a pas les capacités pour être responsable d’un enfant de 8 ans sous la mer. La mer, j’ai le droit d’y aller, mais seulement avec ma mamy qui est un dauphin, elle adore nager, surtout s’il y a des grosses vagues, c’est pour noyer, je crois, son chagrin d’avoir un mari paralysé qui ne peut plus parler depuis un an. Il a eu un accident de sang dans les veines de son cerveau et depuis il est sur une chaise roulante à faire hanhan chaque fois qu’il veut l’appeler. Ma mamy, ça lui fait de la peine à en fait pleurer, elle est persuadée qu’il la prend pour sa maman, alors qu’il n’y a pas si longtemps, il l’embrassait encore sur la bouche.
 
Mon papy, tout le monde l’appelle Pillon car quand j’étais petit et qu’il était encore droit comme un I, il m’a appris les mots papy et papillon le même jour, et du coup, j’ai fait la contraction ou la confusion, je ne sais plus, mais je me souviens que quand il n’était pas détruit par sa maladie, mon papy, il était libre à toujours vouloir s’envoler de sa maison, même que ma mamy, elle n’arrêtait pas de lui demander où il allait encore. Maintenant, il ne va plus nulle part, et ses anciens amis, ils ne viennent plus jamais le voir. Ils doivent se dire que ce n’est pas facile de bavarder avec un handicapé qui ne peut plus parler, alors que quand il me caresse la joue, je comprends très bien qu’il pense à moi et ça me suffit pour l’aimer.
 
La vie de ma mamy, elle est très compliquée car elle doit aussi s’occuper de Guillaume qui a la maladie de dire ses quatre vérités à tous les gens qu’il croise et après tout le monde a peur de lui ou le déteste, et ma mamy, elle est encore plus seule. Elle a bien Bobby, c’est un labrador qu’elle a acheté pour aider son mari, mais la seule chose qu’il sait faire ce couillon, c’est poser ses deux pattes sur les genoux de mon papy et le pousser très vite sur sa chaise roulante dans le couloir de la maison. Bobby, ça le fait marrer, mais mon papy, ça lui fait peur, surtout qu’il ne peut pas l’arrêter, et ma mamy, après, elle met sa tête dans ses mains en disant qu’elle n’en peut plus. Je suis encore trop petit, mais dès que je serai grand, je promènerai mon papy partout en ville, et le Bobby, je lui apprendrai à obéir et j’achèterai aussi une femme de ménage à ma mamy pour qu’elle profite un peu de son grand âge à faire autre chose que de frotter sa maison ou de nettoyer les fesses de son Pillon.
 
Mais ce n’est pas demain la veille, car hier, pendant le déjeuner, Guillaume, il a dit à mon papa qu’il était con et qu’il n’arriverait jamais à la cheville du talent de leur père, et que c’était à cause de ça qu’il n’arrêtait pas d’embêter sa femme. Mon papa, ça l’a rendu fou d’entendre ces mots surtout que la veille, il s’était encore disputé avec ma maman. Du coup il a donné un coup de poing dans l’épaule de Guillaume qui lui a jeté son verre d’eau à la figure. Ç'a dégénéré très vite pire qu’à la récré, mon papa, il s’est levé et a cassé sa chaise sur Guillaume qui s’est écroulé par terre. Ma mamy a alors hurlé que ça ne servait à rien de le taper, vu que ce n’était pas les coups qui allaient remettre ses idées à la bonne place dans son cerveau cassé. Quand Guillaume s’est relevé, il a traité mon papa de pauvre naze et il est sorti dans le jardin. Je l’ai suivi et il m’a montré sa poule qu’il vient d’acheter car il a peur que mon papa lui cache ses médicaments qu’il ne veut plus prendre dans ses aliments, alors il ne mange plus que des œufs qu’il gobe. Sauf que sa poule, je ne sais pas où il l’a trouvée, mais elle est complètement folle car tous les matins, elle fait exprès de monter sur un arbre pour pondre, du coup, ses œufs, ils se cassent avant même que Guillaume puisse les avaler. Je lui ai dit qu’il n’avait qu’à pêcher des poissons, mais il m’a répondu qu’il en était hors de question, jamais il ne mangerait ses meilleurs amis, je lui ai alors proposé d'essayer les surgelés, mais il a préféré qu’on arrête cette conversation et il m’a appris tous les noms des oiseaux que l’on a croisés, ils les aiment tous, mais son préféré, ça reste la mésange bleue, peut-être parce qu’elle a les plumes de la couleur de ses yeux.
 
Quand on est rentré à la maison, tout le monde faisait la sieste. Guillaume m’a alors fait voir les certificats médicaux que mon papa avait cachés dans un dossier, et aussi une lettre dans laquelle il avait demandé à une ambulance de venir chercher Guillaume dès le lendemain matin pour l’emmener à Saint-Julien. Guillaume m’a expliqué que c’était un asile où l’on mettait les fous, puis il a ajouté que l’hôpital psychiatrique, plus jamais, il ne voulait y retourner car après, il devait attendre des mois avant de pouvoir en ressortir, et que sa seule liberté, là-bas, c’était d’avoir le droit de fumer ses cigarettes que lui achetait sa maman, et qu’il méritait quand même d’avoir une vie meilleure que de passer ses journées à attendre la visite de sa mère dans un couloir fermé à clef et gardé par un infirmier costaud. Et qu'il ne voulait plus de tous ses médicaments et piqûres qui l'empêchaient de penser et le faisaient grossir.
 
Puis il s’est énervé que mon papa, c’était un salaud qui avait toujours été méchant avec lui. Soudain, il m’a embrassé et m’a dit au revoir mon petit, je m’en vais, je suis très triste de quitter mon papa et ma maman qui sont les deux seules personnes qui m’aiment sur cette putain de terre, mais je dois partir, je ne peux pas rester dans une maison où mon frère veut m’interner. Je lui ai demandé où il comptait aller, vu qu’il n’avait pas de métier, ni d’argent. Il m’a répondu aux États-Unis et qu’il gagnerait des sous en faisant un dessin animé sur un poisson rouge amoureux d’une mésange bleue. Et il est sorti en n'emmenant avec lui que sa combinaison de plongée.
 
Un mois plus tard, mon papy est mort. J’ai beaucoup pleuré et ma mamy aussi. Elle m’a dit que pour se consoler, on irait planter un petit sapin sur sa tombe, comme ça les racines, elles se nourriront du corps de Pillon qui est dans la même terre en dessous, et puis quand l’arbre, il aura grandi, et bien, on en coupera une branche que l’on ramènera à la maison pour avoir toujours un peu de mon papy avec nous. Mais on n’a pas eu le temps d’y aller, car ma mamy, elle est morte peu de temps après, je crois, du cancer du chagrin, elle a été mise au cimetière dans le même trou que Pillon.
 
J’ai alors écrit à Guillaume pour lui dire qu’il devait revenir à la maison pour s’occuper de Bobby, et qu’il ne devait pas le gronder qu’il lui ait tué sa poule. Puis j’ai donné l’enveloppe à ma maman pour qu’elle la poste dans la boîte des États-Unis. Elle m’a caressé la tête et m’a dit que j’étais un bon petit garçon de penser ainsi à mon oncle qui n’avait pas eu la permission du docteur de sortir de l’hôpital psychiatrique pour assister aux enterrements de son papa et de sa maman.
 
GUILLAUME fait partie des 34 nouvelles de mon recueil BRÈVES ENFANCES paru aux éditions Au Diable Vauvert .
 
 
GUILLAUME, une nouvelle de Sylvie Bourgeois. BRÈVES ENFANCES
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