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Roman que j'ai signé Cécile Harel

Roman que j'ai signé Cécile Harel

Je m'assieds sur le rebord du lit. Je prends ma mère dans mes bras. Son regard est absent. Je l’embrasse et lui parle. Je la remercie de m’avoir mise au monde, de nous avoir offert l’existence. Je lui raconte notre vie. Entre souvenirs et baisers, j’essaye d’arrêter le temps. Je veux qu’elle me réponde. Qu’elle me dise qu’elle m’entend. Mais non. Il ne reste que sa plainte infinie qui gémit.

Il est midi. Je sens les battements du cœur de ma mère se ralentir, s’affaiblir. Ses inspirations ressemblent maintenant à un long et douloureux râle. Mon cœur se règle sur le sien. Ses expirations s’espacent de plus en plus comme si elle retenait son souffle. Je me mets à compter, un, deux, trois… huit secondes. Elle expire toutes les huit secondes. Seulement. Ce n’est pas suffisant. Je pense au temps. Au temps qui s’agrandit. Qui part. Un, deux, trois… dix secondes. C’est affolant. Maman, non. Pas maintenant. Maman, non. Un, deux, trois… quinze secondes. C’est le silence. Non, maman. Le rien. L’attente. Le non espoir. Le temps suspendu. Je veux retarder le moment de la fin. Je lui demande de respirer encore une fois. Pour moi. Pour nous. Pour la vie.

 

Ma mère est l’amour de ma vie. Je l’ai toujours protégée, adorée. J’ai besoin d’elle. Je le lui dis : maman, j’ai besoin de toi. Respire maman. Respire. Respire. Je suis si concentrée à tenter de la maintenir encore un peu en vie que je ne peux pas pleurer. Respire maman. Respire. Respire. Elle finit par inspirer un très long râle. Puis de nouveau, rien. Elle est calme. Silencieuse. Fermée. Je compte, un, deux, trois… dix secondes… vingt secondes. Ma tête est vide. Je ne pense qu’à compter les secondes qui la retiennent de l’éternité. Respire maman. Respire. Respire encore une fois pour moi, maman. S’il te plait. Il le faut, il le faut. J’en ai besoin, maman. Elle inspire alors une nouvelle fois, très profondément, comme si elle m’avait entendu et qu’elle était d’accord pour rester, avec moi, dans notre intimité si limitée par le temps qu’il nous restait. Merci maman. Merci mon amour. Merci.

 

Soudain sa tête glisse et vient se blottir contre ma poitrine. Sa bouche se fige. À moitié ouverte. Ses yeux se fixent. Grands ouverts. Je regarde l’heure. Treize heures. Ma mère est morte à treize heures. Son agonie aura duré trois heures. Je la tiens serrée dans mes bras. Je ne peux pas la quitter. André se lève, vient l’embrasser, puis sort de la chambre, en larmes. Je caresse les joues de ma mère. Je lisse ses cheveux frisés. Ils sont trempés. Epuisés d’avoir lutté. Je veux imprimer son visage à jamais. Je la regarde. Je la regarde. Je la regarde. Je ne veux pas l’oublier. Au revoir maman, je t’aime maman. Au revoir maman. Je t’aime maman. Je pose ma main sur ses yeux et, avec mes doigts, je fais glisser ses paupières pour les fermer à jamais. C’est un geste que je n’ai jamais fait, que l’on ne m’a jamais appris, et que pourtant j’ai su faire. Ce geste me ramène à la réalité. Ma mère est morte et je n’ai plus personne à aimer.

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  • : Sylvie Bourgeois Harel, écrivain, novelliste, scénariste, romancière Extrait de mes romans, nouvelles, articles sur la nature, la mer, mes amis, mes coups de cœur
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