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Un Rodin, sinon rien

Un Rodin, sinon rien...
 
Durant cet été 2024, je suis en colère de voir ces gros objets dorés et clinquants, avec une tête de smiley qui, soi-disant, questionnent sur le rapport de l’argent et de l’amour, un des pipeaux habituels des artistes qui ont besoin de théoriser leurs lacunes et leurs laideurs qu’ils pondent de façon industrielle (mais qu’ils vendent bien sûr en édition limitée…), être érigés en œuvres d’art à Saint-Tropez, alors qu’ils ne devraient pas sortir des lieux privés des galeries qui les représentent et les vendent.
 
Étant très admirative des sculpteurs, des génies, des artistes talentueux, qui ont éduqué et forgé ma capacité de contemplation, je vis cela comme une véritable pollution visuelle.
 
Mais ce qui me désole le plus, c’est de voir les pauvres passants s’arrêter devant pour les photographier ou ricaner parce qu’ils trouvent rigolo de voir un gros bonhomme doré avec une tête de smiley, et mignon un cœur qui s’envole, pensant que c’est de l’art puisqu’on les expose de façon aussi imposante et présente, une sur le port, une autre devant l’hôtel de Paris, une devant le Musée de l'Annonciade (qui contient d'ailleurs de magnifiques toiles de Bonnard et de Kees Van Dongen), une devant le Musée de la Gendarmerie et du Cinéma, et celle-ci devant chez Sénéquier.
 
Lorsque je suis devant une œuvre d’art, une vraie, je suis fascinée. En arrêt. Le temps s’arrête. Place au divin. Place à l’éternité. Place au calme. Place à la sérénité. Place à la paix, Place à la beauté, celle qui nous survivra, celle qui traversera les siècles, celle qui nous donne une raison d’espérer.
 
Je suis gênée par toute cette confusion mercantile qui veut nous faire croire que ces objets de consommation sont des œuvres d’art. De mon côté, je ne suis pas dupe, mais je suis triste de la duperie organisée en arnaque pour tous ces gamins à qui l’on ferait mieux de montrer un coucher de soleil, d’autant qu’ils sont particulièrement sublimes depuis le port de Saint-Tropez, un des rares ports de la Méditerranée à être face au soleil couchant.
 
En plus, ces objets ont des têtes de smiley, le degré zéro de la médiocrité qui a pratiquement remplacé le langage sur les réseaux sociaux. Ces smiley qui ont déjà suffisamment inondé la pauvreté des SMS sur les smartphones. Ces smiley qui, en un quart de seconde, ont pris la place des quelques mots que les adolescents, et les plus grands aussi, auraient pu écrire pour exprimer avec délicatesse leurs émotions, leurs fous-rires, leurs émois, leur amour, leurs désirs, leurs colères.
 
Je suis également écœurée par le message mensonger, soi-disant, plein d’amour et de poésie que ces gros objets manufacturés véhiculent, alors qu’ils appartiennent à 100% à la société de consommation, et à l’arnaque du marché de l’art contemporain que l’artiste veut nous faire croire qu’il dénonce.
 
C’est malhonnête de justifier une démarche commerciale avec un argument de bons sentiments, c’est digne des plus gros prédateurs. Il veut nous faire croire qu’il est hors-système alors qu’il est totalement dans le système qui, lui, a besoin de nous faire croire qu’il existe encore des vrais artistes sincères et talentueux.
 
Saint-Tropez est suffisamment beau. Saint-Tropez n’a pas besoin de ces anecdotes brillantes qui puent le fric et l’arnaque. A Noël, le gigantesque sapin posé devant chez Sénéquier était parfait, en été, un bel olivier, un immense laurier, ou un massif de lavande, symboles de la Provence, serait parfait aussi. Ou un Rodin. Ou rien. C’est très bien rien. C’est beaucoup mieux que ces gros cacas dorés.

Sylvie Bourgeois Harel
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Agrandissement du Musée de l'Annonciade à Saint-Tropez

Agrandissement du Musée de l'Annonciade à Saint-Tropez
 
Je suis bien triste et inquiète d’apprendre que cette petite maison très ancienne de Saint-Tropez, appelée par les uns maison des torpilleurs et par d’autres, maison des douanes, va être bientôt démolie afin que soit construit, à la place, l’extension du musée de l’Annonciade qui vient d'obtenir le label de musée d'Art Moderne. 
 
Triste car le village de Saint-Tropez est beau grâce à l’authenticité de ses vieux bâtiments et de ses anciennes maisons qui reflètent si bien son passé. Un passé qui nous rassure. Un passé simple et sans chichis. Un passé qui nous rappelle un mode de vie calme et joyeux. Un passé qui rayonne dorénavant dans le monde entier. C’est ça, Saint-Tropez, et pas autre chose. C’est un équilibre fragile fait avec juste quelques pâtés de vielles maisons qui ont miraculeusement résisté à la modernité grâce à certains artistes et esthètes qui, après la Seconde Guerre mondiale, ont acheté ces vieilles demeures qu’ils ont eu le bon goût de restaurer à l’identique. Grâce aussi à la vision de Louis Fabre, le maire de l'époque, qui s’est battu afin que les bâtiments bombardés du port soient reconstruits à la même hauteur qu’à l’origine, et qu’il n’y ait aucune spéculation financière de la part des propriétaires qui auraient bien aimé bâtir deux ou trois étages de plus.
 
Outre les mille Tropéziens qui sont partis, après avoir vendu leurs biens, dans les Années 50, certains amoureux de leur village sont restés et n’ont rien changé, habitant toujours dans la demeure de leurs parents et grands-parents qu’ils conservent avec fierté, ne cédant pas aux sirènes de l’argent. 
 
Aujourd’hui, il est inutile de vouloir changer Saint-Tropez, au contraire, le seul slogan possible pour Saint-Tropez doit être : "rien ne doit changer', et encore moins de le moderniser. Moderniser Saint-Tropez est un oxymore, une insulte à sa beauté. Si on change Saint-Tropez, si on essaye de le moderniser, le village perdra son âme, son charme, sa magie. En effet, je me répète, mais cette magie ne vient que de son passé, que des vestiges de son passé, avec ses petites ruelles et ses maisons de pêcheurs de la Ponche, aux couleurs des murs et des volets toutes différentes. 
 
La seule ambition de Saint-Tropez devrait de se battre uniquement pour réussir à le figer dans le temps. Et ce n’est pas une mince affaire quand on voit toutes les constructions, plus ou moins récentes, qui ont et continuent de saccager ses alentours. Fini les potagers, les petites maisons de maçons, les champs, la verdure, qui l’entouraient. Fini cette magie, place au béton. Quelle tristesse ! D’autant que ces abords verts et fleuris faisaient partie de la magie de Saint-Tropez. 
 
Le seul mot qui doit convenir à Saint-Tropez est préservation. Préservation. Préserver. Restaurer. Protéger. Sauvegarder. Il faut de toute urgence avoir la vision d’un Louis Fabre afin de laisser à nos enfants et nos petits-enfants, ce coin de beauté unique qu’est notre village. Ça relève du devoir, de l’éthique, de la transmission. Chaque détail compte.
 
On n’a pas besoin de bâtisseurs ou d’idées soi-disant de grandeur à Saint-Tropez. Saint-Tropez est grand tel qu’il est. Dès qu’une entreprise de construction ou un promoteur immobilier y touche, à chaque fois, on perd de son authenticité. Les Tropéziens sont fiers de leur devise : Ad Usque FidelisFidèle jusqu’au bout. Alors, à notre tour, soyons fidèles à cette devise. Soyons fidèles à Saint-Tropez. Personne ne devrait s’arroger le droit de le transformer, de le moderniser, de le gâcher, de le défigurer. Et surtout au nom de quoi ? Et puis, la beauté intemporelle, féérique et magique de Saint-Tropez, que nous envie le monde entier, est précieuse. Je n’ai à ma connaissance aucun exemple d’une construction jolie et réussie qui ait été bâtie à Saint-tropez depuis 1950. Aucune. Les bâtiments d'habitation érigés après cette date sont tous hideux. 
 
Saint-Tropez est un musée, un musée certes luxueux, mais un musée tout de même. Il doit être pensé comme un musée. Il est impossible de l’agrandir indéfiniment. Il n’y a pas la place. Il est impossible également de créer de nouvelles routes puisque nous sommes une presqu’île, sinon les voitures tourneraient en rond à la queue leu leu, sans jamais pouvoir se garer. C’est mathématique et physique, du pur bon sens !
 
Il est urgent de penser Saint-Tropez dans le « moins de monde » et non pas « dans le plus de monde » qui est destructeur. Lors des siècles passés, les habitants ont su vaillamment combattre les pirates et les envahisseurs venus de toutes parts qui désiraient se l’approprier. À notre tour, sachons repousser les envahisseurs d’aujourd’hui qui s’appellent modernité, restructuration, immeubles…
 
Alors, oui, quand j’apprends que cette jolie petite maison ancienne et toute brinquebalante va être démolie au nom de l’agrandissement du musée de l’Annonciade et de sa modernité afin d’attirer plus de visiteurs, je suis inquiète. Ce musée avec ses 30000 personnes qui le visitent par an, c’est déjà énorme, pourquoi en vouloir 80000 tel que cela a été annoncé ? Oui pourquoi ? Cela me fait penser à la fable de Jean de La Fontaine, La grenouille qui se veut faire plus grosse que le boeuf
 
Comme dans toute réflexion sérieuse, j’aime revenir à la base, à la source. Donc je reviens en 1922 lorsque les peintres Paul Signac, Henri Person et André Turin, tombés amoureux du village où ils étaient venus peindre et s'installer, décidèrent de créer un Musée d’Art Moderne à Saint-Tropez, qu’ils baptisèrent le Museon Tropelen, et qu’ils installèrent dans une salle de la mairie, après avoir demandé à chacun de leurs amis qui avaient peint Saint-Tropez d’offrir une toile. Ce n’est qu’en 1937 que l’héritier et collectionneur Georges Grammont décida de réhabiliter le premier étage du bâtiment de l’Annonciade que venait de quitter un chantier naval qui, devant ses problèmes financiers, décida de ne garder que le rez-de-chaussée. En effet, la loi du libre échange provoqua beaucoup de faillites parmi cette profession, les armateurs préféraient dorénavant faire construire leurs bateaux en Grèce ou dans des pays aux prix plus compétitifs. Bref, en 1950 lorsque le chantier naval a mis définitivement la clef sous la porte, Grammont a réhabilité le bâtiment en entier. Le 7 août 1955, jour de l’inauguration, le musée de l’Annonciade était né dans sa configuration actuelle. Le pauvre Grammont qui donna 57 de ses oeuvres n’en profita pas longtemps car il décéda très rapidement après. 
 
C’est donc grâce à l’amour et à la connaissance de la peinture de Signac, de Person, de Turin et de Grammont, que ce musée existe et qu’il est merveilleusement doté de chefs d’oeuvre. C’est leur inspiration et leur désir de laisser une trace qui font la force et le caractère de ce musée. Il est essentiel de le laisser tel quel. de leur rester fidèles. Chaque été, des expositions temporaires se succèdent, nécessitant, j'imagine, un peu de déménagement et d’organisation pour les employés, mais ça fait aussi partie du charme. 
 
Et quant à cette petite maison, elle aussi fait partie du charme du lieu. Au lieu de la recouvrir de panneaux signalétiques qui ne lui font pas honneur, il serait préférable de les retirer et de ne mettre qu’un joli texte expliquant son histoire et l’histoire des chantiers naval qui ont fait la réputation de Saint-tropez où les plus belles tartanes étaient fabriquées. Et de ne surtout pas la détruire. Elle aussi fait partie du patrimoine de Saint-Tropez. On aura quoi à la place, un bâtiment bien droit, tout propre, façon Gifi ou Ikéa, quelle horreur ! Quelle désolation. Quelle pauvreté d’architecture ! Ce pauvre cher Paul Signac doit se retourner dans sa tombe !
 
Sylvie Bourgeois Harel 
Agrandissement du Musée de l'Annonciade à Saint-Tropez
Agrandissement du Musée de l'Annonciade à Saint-Tropez
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Adieu Patrice de Colmont

 

Adieu Patrice de Colmont

D’habitude lorsque j’écris un texte pour rendre hommage à un ami qui vient de mourir, je suis toujours inspirée et je le rédige d’un seul jet, en quelques minutes, mêlant anecdotes et profondeur, humour et émotion. Pour Patrice, c’est plus compliqué. Ce n’est pas que je n’ai rien à dire, au contraire, j’ai beaucoup à dire. Je dois donc faire un tri. Sinon, j’écrirais un livre. C’est d’ailleurs ce qu’il m’avait demandé en 2016, d’écrire un livre, une sorte d’autobiographie. Je lui avais répondu d’accord. Comme je voulais commencer mon texte avec la mort de son père qui était décédé bien avant que nous fassions connaissance, j’ai demandé à Patrice qu’il me raconte l’enterrement.

 

— Nous avons jeté ses cendres depuis un petit avion au-dessus d’une montagne des Pyrénées où il adorait randonner. 

 

Je commence donc mon récit. Le lendemain, je retourne le voir.

 

— Peux-tu me décrire ce petit avion, sa couleur, l’odeur du tarmac, j’ai besoin de  détails pour peaufiner mon début.

— Ben, je n’y étais pas.

— Comment ça, tu n’y étais pas ?

— Ben non, avec mon frère et ma soeur, c’était au printemps, Le Club était ouvert, les clients étaient nombreux, nous n’y sommes pas allés, le pilote était seul.

— Je suis désolée, Patrice, je t’adore, mais je ne peux pas écrire le livre d’un homme qui, un jour, me raconte une jolie histoire lorsqu’il est allé dans un petit avion jeter les cendres de son père au-dessus de la montagne que celui-ci aimait et, le lendemain, parce que je le questionne pour avoir des précision, m’avoue que c’est faux. Et puis, ça me dégoûte qu’avec ton frère et ta soeur, vous ayez préféré ouvrir votre restaurant qu’aller rendre un dernier hommage à l’homme qui vous a offert un paradis, c’est vrai quoi, sans ton père, jamais vous ne seriez propriétaires de ce splendide morceau de terre sur la plage de Pampelonne, à Ramatuelle, jamais vous ne gagneriez très bien votre vie avec Le Club 55 qu’il a fondé. Jamais. Alors, ton livre, désolée, mais je n’ai plus envie de l’écrire.

 

Et je ne l’ai jamais écrit. Ce qui est bien dommage. Mais je suis ainsi, entière, sans compromis, et surtout pas opportuniste. C’est d’ailleurs, je crois, ce qu’appréciait le plus Patrice en moi, ma liberté de lui dire non. Ayant connu une formidable réussite professionnelle, il était entouré de beaucoup de fausseté. Avec moi, il avait en face de lui de la sincérité. Et une vraie amitié. Notre parole était très libre, très ouverte, je l’engueulais souvent. Comme lorsque quelques années plus tôt, il m’annonce fièrement qu’il a signé avec un éditeur pour faire un beau livre sur Le Club 55, et qu’il aimerait bien que je lui donne des conseils sur le contenu qui ne lui plaisait pas tant que ça.

 

— Tu as signé avec un éditeur, mais n’importe quoi, je lui rétorque en éclatant de rire, tu as surtout signé un gros chèque, j’imagine.

— Euh, oui, de plusieurs dizaines de milliers d’euros, me répond-il, étonné. Ce livre va coûter cher, ils vont scanner toutes mes photos d’archives, et puis il faut payer le journaliste qui va l’écrire.

— Parce qu’en plus, tu ne me demandes pas de l’écrire. Non, mais, c’est vraiment n’importe quoi. Tu es très fier que je sois devenue écrivain. Tous les ans, tu mets les affiches de mes livres dans ton restaurant. Et tu ne me téléphones pas pour me parler de ce projet. Et maintenant, tu veux que je te donne des conseils. Je vais t’en donner un de conseil, un seul, tu arrêtes tout de suite ce projet qui va être nul, il sera convenu, il ressemblera à tous les beaux-livres sans intérêt sur les hôtels et les restaurants qui ne flattent que l’ego des propriétaires. Je ne comprends même pas que tu sois tombé dans le panneau. 

 

Patrice m’a écoutée et a rompu son contrat. Ce livre n’a jamais vu le jour.

 

Aujourd’hui, de ma longue relation amicale de plus de quarante années avec Patrice de Saint-Julle de Colmont, il reste toutes les vidéos que je lui ai faites sur ma chaîne YouTube Marcelline l’aubergine dont il était le partenaire privilégié, après que nous ayons signé trois contrats avec ses sociétés du Club 55, de la Ferme des Bouis et du Domaine de la Mole. Comme beaucoup d’autres personnes comme lui qui sont présentes dans mes deux-cent-cinquante vidéos, des personnes intelligentes, sensibles, drôles, talentueuses, prônant un retour au naturel, Patrice adorait mon concept que ce soit mon aubergine avec ses grandes lunettes dorées et son foulard fleuri qui fasse les interviews. Son souhait était que je mette en avant son amour de la nature. Il a donc raconté à Marcelline comment il a créé La Nioulargue, une régate de bateaux devenue par la suite Les Voiles de Saint-Tropez, sa philosophie de restaurateur, ses propriétés agro-écologiques…

 

De Patrice, je me souviendrai surtout de ses rêves car il était un rêveur, un travailleur aussi, un travailleur forcené qui effectuait le job de dix personnes, mais avant tout un grand rêveur. Lorsque j’ai travaillé pour lui, à mi-temps, pendant quatre ans et huit mois, de 2016 à 2021, au château de la Mole qu’il venait d’acquérir, je lui faisais de grands projets qui le faisaient rêver, un sanctuaire pour protéger les loups, un potager médicinal, aller nourrir en Afrique des villages où les gens meurent de faim, des projets que l’on fantasmait, dans lesquels il était heureux même si ceux-ci n’ont pas vu le jour. 

 

Alors, oui, même si Patrice n’a pas jeté les cendres de son père sur une montagne des Pyrénées, il a rêvé d’y être, il y était d’ailleurs certainement en pensée, en pensée comme dans tous ses rêves, ceux qu’il a réalisés et les autres qu’il a emportés avec lui ce samedi 11 octobre 2025, lorsqu’il est décédé à l’âge de soixante-dix sept ans.

 

Sylvie Bourgeois Harel

Adieu Patrice de Colmont
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Sylvie Bourgeois Harel - Saint-Tropez - La Ponche

Sylvie Bourgeois Harel - Saint-Tropez - La Ponche

La Voix
 
Reste là
 
Reste là. Écoute. Écoute le silence. Écoute la solitude. Écoute le noir. Observe. Observe le silence. Observe sa lenteur. Observe sa blancheur. Il n’est pas pressé. Regarde. Regarde autour de toi. Regarde le malheur. Le malheur de ceux qui n’ont pas compris. Qui ne veulent pas comprendre. Qui ne veulent pas entendre. Je le lui avais dit, mais il ne m’a pas écoutée. Je l’avais prévenu, mais il ne m’a pas crue. J’ai voulu le réveiller, mais il m’a repoussée. Et depuis il pleure. Il souffre. Il erre. Il erre. Et je ne peux rien y faire. Écoute les moments. Il y a des moments pour tout. Écoute les heures. Écoute la forêt. Écoute la mer. Elles savent tout. Ne t’endors pas. Veille. Surveille. Admire. Admire la joie. Admire les sourires. Les rires. La vérité est là. Il était mon mari, mon ami, je l’aimais. Puis il a tué. Il a tué notre enfant. Il a tué sa pureté. Il a tué son innocence. Il a tué sa beauté. Détruit son avenir. Elle était si jolie. Toute petite et toute fine. Gaie et chantante. Jamais capricieuse. Elle disait toujours oui. Elle lui a dit oui, c’était son papa. Elle ne s’est pas méfiée. Elle ne m’a pas appelée. Il était son père. Son univers. Son repère. Il l’a emmenée en enfer. Dans l’enfer des enfants trompés. Dans l’enfer de l’enfance niée. Elle n’a pas pleuré. Ou alors je ne l’ai pas entendue. Ce n’est que la troisième nuit que je me suis réveillée. Et que j’ai vu l’inacceptable. L’impensable. L’horreur. Le crime. La mort. La mort de ma petite fille. Ma petite fille devenue une femme. Elle n’avait que huit ans. Son père était sur elle. Sa main sur sa bouche. Sa jolie bouche qui avait mangé des cerises et du gâteau au chocolat dans l’après-midi. Elle était inerte, morte, étonnée, interdite, flattée, douloureuse. J’ai failli m’écrouler. Mon monde s’écroulait. J’ai revu l’accouchement, puis ma vie s’est arrêtée. Mon âge est parti. Il ne m’a pas entendue. Il était sur elle. La recouvrant de toute sa beauté. Mon mari était beau. La tuant de toute sa grandeur. L’écrasant de toute sa responsabilité. C’est une larme qui m’a alertée. Une larme qui a coulé sur ma joue. Une larme qui m’a réveillée. Qui m’a montré le chemin. Il faisait nuit. Dans sa petite chambre, la pleine lune traversait les volets. Elle se reflétait dans une larme qui coulait des yeux de ma fille. Une larme pour me dire l’indicible. Une larme pour m’avertir. Une larme pour me mettre en colère. Je n’ai pas réfléchi. J’ai pris la chaise de bureau de mon enfant et j’ai tapé avec sur son bourreau de toutes mes forces. De toutes mes résistances qui ne voulaient pas croire ce que je venais de voir. De toute ma fragilité à n’avoir pas su la protéger. J’ai tapé avec l’aide de mon mariage foutu, de ma tromperie bafouée, de ma vie qui s’écroulait. Mes deux amours s’affrontaient. Mes deux raisons s’annihilaient. J’ai voulu mourir. Je l’ai tué. J’ai tué mon amour. J’ai tué le monstre. J’ai tué le noir. J’ai tué papa.
 
Et puis, on a dû faire comme si de rien n’était. Ma fille a continué sa vie de petite fille. Dans la violence. Dans la douceur. Dans la douleur. Plus jamais elle n’a trouvé le calme. La nuit, elle dormait avec moi. Je ne savais pas comment la consoler. Il est parti dans le salon. Il n’en a jamais parlé. Jamais demandé pardon. Il a commencé à picoler. Tout était fini. L’harmonie était finie. Partie. Achevée. Et moi, j’étais anéantie. Affaiblie. Apeurée. En colère. Mais je n’ai pas su parler. Les mots étaient trop faibles. Toujours trop faibles. Alors j’ai prié. Prié. Prié. Ma fille a grandi, mais dormait toujours dans mon lit. Mais un jour, la maison a brûlé et nous sommes morts tous les trois. Le feu nous a pris dans le sommeil. Les flammes ont lavé notre désespoir. Mais je n’en ai pas fini, la nuit, je surveille toutes les petites filles et si un méchant papa, un méchant grand frère, un méchant tonton, cousin, voisin ou ami approche, j’agis, je fais du bruit. J’allume une lumière. Je bouge un meuble. Je claque une porte. J’instaure la terreur pour sauver l’enfant car je n’ai pas pu sauver le mien. Tous les enfants sont miens dorénavant. Je suis le silence qui les observe. Je suis le noir qui les protège. Je suis le vent qui les écoute. Je suis le blanc qui surveille tous les papas, tous les frères, tous les tontons, tous les cousins, voisins et meilleurs amis, tous les faux gentils qui aiment salir l’innocence. Alors toi, Sylvie, dorénavant, écoute le silence des enfants, les silences de leurs mouvements, du mouvement de leurs cheveux, de la maladresse d’un geste, de la maladresse d’un regard, d’un sourire gêné, d’une bouche qui se déforme au lieu de rire, écoute et tu sauras et tu consoleras. Tu leur parleras. Tu leur donneras de la force. Du pouvoir. De l’espoir. Ta douceur les apaisera. Les calmera. Les consolera. Tu es la consolante. Écoute les silences. Nourris-toi de ces silences et insuffle ta force et ton amour dans tous les drames de ces enfants perdus. Sois leur naïveté. Sois leur innocence. Sois leur espoir. Dans le noir, la mort est là. Sois leur lumière et moi je serai leur maman qui les attend. Ta maman qui t’aime."
 
Ce texte est un extrait de mon prochain livre LA VOIX dans lequel je raconte comment trente-trois entités, comme dans le texte ci-dessus, m'ont soufflée dans mon oreille gauche le drame de leur vie, un drame toujours lié à l'amour, un besoin d'amour, un manque d'amour, une déception d'amour, une trahison...
Vous pouvez me contacter sur mon mail : slvbourgeois@wanadoo.fr. Ou au 0680644633.
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Les gigantesques paquebots de croisières qui polluent la Méditerranée

Et si nous parlions de ces gigantesques paquebots de croisières qui polluent la Méditerranée ?

Deux à trois fois par semaine, en été, je suis catastrophée de voir ces gigantesques paquebots stationner devant Saint-Tropez, au beau milieu de l’une des plus belles baies du monde.

Je suis catastrophée et inquiète. Inquiète pour la pollution que ces navires aux dimensions démesurées créent dans la mer. 

Je vais vous raconter une histoire. Un couple sonne à la porte d’une jolie maison entourée d’un beau jardin. Le lieu n’est pas grand, mais il est vraiment sublime. Quand les propriétaires ouvrent, le couple leur dit qu’ils ont eu un coup de coeur pour leur maison et qu’ils aimeraient l’acheter. Les propriétaires refusent. Le couple propose un bon prix. Les propriétaires refusent de nouveau. Le couple double le prix. Les propriétaires hésitent. Le couple quadruple le prix. Les propriétaires réfléchissent, mais refusent quand même. Le couple leur fait alors une proposition financière mirobolante. Les propriétaires finissent pas accepter en disant qu’en effet, c’est une proposition financière qu’ils ne peuvent pas refuser. Qu’avec tout cet argent, ils vont pouvoir s’acheter une maison plus grande et peut-être même encore plus belle. 

Le couple tout content s’installe alors dans leur nouvelle maison. Quelques jours plus tard, survient la fin du monde. Le couple qui avait le pouvoir de voyager dans le temps, en allant dans le futur, avait vu que la fin du monde allait arriver, et qu’une seule maison serait épargnée. Celle qu’ils ont achetée.

Cette métaphore correspond bien à ce qu’il se passe aujourd’hui dans mon beau pays. Mon pays qui est un paradis. Mon pays qui s’appelle la côte d’Azur où je suis née, à Monaco. Mon pays qui s’appelle aujourd’hui le Golfe de Saint-Tropez et plus particulièrement Saint-Tropez où j’habite dorénavant. Saint-Tropez que j’aime passionnément. Mon pays trop souvent pollué par ces gigantesques paquebots qui peuvent accueillir, suivant les compagnies, jusqu’à 6000 personnes.

Á bord de ces véritables villes flottantes, se trouvent des casinos inspirés de ceux de Las Vegas, une dizaine de piscines, des halls en marbre, des restaurants, des cinémas, des salles de jeux. La décoration est clinquante, brillante. Elle n’a rien à voir avec l’authenticité, le charme et les couleurs provençales de ma Méditerranée sur laquelle ces monstres marins naviguent, salissant tout sur leur passage.

Le credo des constructeurs de ces monstres marins est que leurs clients ne doivent jamais s’ennuyer. C’est amusant, lorsque je m’assieds au bord de la mer et que je la contemple, je ne m’ennuie jamais. Au contraire, je suis dans l’émerveillement face à la beauté de cet infini bleu. Ah oui, c’est vrai, j’oubliais que les clients de ces gigantesques paquebots ne voient pas vraiment la mer, puisque pour ne pas qu’ils s’ennuient, je reprends les arguments des constructeurs, ils sont, la plupart du temps, dans les restaurants ou dans les salles de cinéma, de concert, de jeux vidéo, et même de simulation de conduite de F1, ou à plonger dans les piscines, tout est là pour les divertir. Finalement, la mer ne leur sert pas à grand-chose, juste à promener leur ennui. 

Et puis, imaginez si chaque passager descendait à Saint-Tropez pour faire popo à terre, la station d’épuration risquerait de sauter, elle n’est pas conçue pour autant de monde. Ce ne serait alors plus le joli Saint-Tropez luxueux, ce serait une infection insalubre qu’il faudrait des mois à réparer avec des interdictions de se baigner et des odeurs nauséabondes. Je ne voudrais jamais voir ça. Nous avons déjà suffisamment d’insalubrités à terre à gérer l'été, créées par la chaleur, l'afflux de touristes, les embouteillages, l’hygiène qui laisse parfois à désirer, en effet, beaucoup de gens sont sales et irresponsables déposant leurs poubelles un peu partout dans le village, les services de nettoyage ne passant pas assez souvent dans la journée, les déchets s'envolant alors dans les rues pour terminer dans la mer.

Que faire alors pour que ces paquebots monstrueux ne viennent plus polluer nos eaux, plus salir notre paradis, plus détruire notre lieu de vie ? D’ailleurs quand j’en parle autour de moi, toutes les personnes, que ce soit des Tropéziens, des touristes, des étrangers, des saisonniers, tous sont d’accord pour dire que ces énormes paquebots sont un danger pour la Méditerranée qui est déjà suffisamment polluée. Je n’ai jamais entendu quelqu’un me dire que c’était bien.

David Lisnard, le maire de Cannes, et président de l’Association des maires de France, essaye d'agir dans ce sens. Il demande à ce que les tous les maires de la Côte d’Azur dont les communes sont au bord de la Méditerranée, puissent obtenir le droit d’interdire à ces énormes paquebots, mais aussi aux bâtiments commerciaux et aux navires-plateformes de restauration et de loisirs nautiques, d’escaler en face de leurs villes, une décision qui estt du ressort du domaine maritime, donc exclusivement de l’état. 

Les arguments de David Lisnard sont probants. Même s’il reconnaît que ces énormes paquebots peuvent apporter des retombées économiques, il est surtout conscient qu’ils enlaidissent les baies et qu’ils constituent un véritable problème de pollution.

De son côté, Christian Estrosi, maire de Nice, au nom de l'urgence climatique, la protection de la biodiversité marine, la promotion d'un tourisme raisonné et la protection du patrimoine, a  émis un arrêté le 9 juillet 2025 pour interdire d'escale à Nice les paquebots de plus de 450 passagers et de limiter dans la baie de Villefranche, le nombre de navires transportant plus de 2 500 passagers à 65 par an et un seul par jour. Mais le dimanche 13 juillet, le tribunal administratif de Nice, saisi par le préfet des Alpes-Maritime,a suspendu l'arrêté pris par Christian Estrosi, argumentant que celui-ci n’était pas compétent pour édicter de telles mesures et que seul le préfet des Alpes-Maritimes pouvait, dans le cadre de ses pouvoirs de police du plan d'eau, organiser les entrées, les sorties et les mouvements des navires.

J’espère que David Lisnard et Christian Estrosi pourront continuer leur combat pour lutter contre le tourisme de masse, un tourisme de masse qu'il est grand temps de repenser différemment. Mon rêve serait de créer une réserve naturelle dans le Golfe de Saint-Tropez afin de préserver ce paradis unique au monde. Ce serait, certes, radical, mais pourquoi ne pas être radical lorsqu’on a la chance de vivre dans de la beauté ? En effet, que resterait-il de Saint-Tropez si jamais la mer devenait polluée au point de ne plus pouvoir s’y baigner ? Ce serait dramatique. Pourquoi ne pas essayer d’arrêter maintenant l’escalade catastrophique de la pollution quand il en est encore temps ? Et puis, il est toujours bon de rappeler que dans le monde entier, chaque année, ce surplus de flotte maritime qu'elle soit touristique, commerciale, de transports ou militaire, tue plus de 20000 baleines par an. La baleine, comme chacun ne sait peut-être pas, est l'animal essentiel à notre survie. Déjà, elle capte énormément de carbone, encore plus que les forêts amazoniennes, mais ses déjections nourrissent le phytoplancton qui nourrit, à son tour, le zooplancton qui produit des quantités énormes d'oxygène. 

Comme le disait Oscar Wilde : Les gens connaissent le prix de toute chose et la valeur d’aucune. Et comme le dit mon histoire qui apporte plusieurs thèmes intéressants de réflexion, les anciens propriétaires ont gagné beaucoup d’argent, mais avec cet argent, ils n’ont pas pu acheter de rester en vie. Ou encore, ils habitaient un paradis qu’ils ont vendu au plus offrant. À leur décharge, ils ne savaient pas qu’ils habitaient dans un paradis, alors que nous, les Tropéziens, nous le savons ».

Sylvie Bourgeois Harel

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Sylvie Bourgeois Harel - Saint-Tropez - La Ponche

Sylvie Bourgeois Harel - Saint-Tropez - La Ponche

Saint-Tropez mon amour

 

Je le répète souvent, je ne lis pas la presse, je ne regarde pas la télévision, je n’écoute pas la radio, je ne veux pas être polluée par trop de négativité. Mais hier, plusieurs amis m’ont envoyée plusieurs articles de presse qui critiquaient sévèrement Saint-Tropez. L’un, paru dans le Figaro, est écrit par un jeune philosophe d’une quarantaine d’années qui se dit aussi homme politique, ce qui, pour moi, est un oxymore, mais bon, là n’est pas le sujet. Le pauvre chéri n’a pas aimé Saint-Tropez, et il en tartine toute une page du journal. Une page pleine de poncifs et de lieux-communs, c’en est à pleurer de bêtises. Le pauvre garçon en est encore à l’arrivée de Maupassant dans le Golfe et n’a eu comme guide et référence que cette chère Danièle Thompson, titrant son article : « Saint-Trop. Je devais y passer trois jours et deux nuits. Je n’ai pas pu. J’ai fui avant l’heure. » Pour ma part, je préfère dire Saint-Tropez, je ne suis pas pressée, je n’ai pas besoin de faire de contraction d’autant que Saint-Tropez vient du chevalier Torpes qui a été béatifié car il a préféré mourir en l’an 68 plutôt qu’adjurer sa foi chrétienne.

 

Puis le pauvre biquet, en manque de style littéraire car il est aussi écrivain, sous-titre platement son article : « Les euros, les dollars, les roubles ont détruit le petit village fortifié plus sûrement, plus définitivement que les bombes du débarquement de Provence… » Quelle pauvreté et paresse d’observation. En effet, comment a-t-il pu, en quelques heures, puisqu’il a été tellement oppressé par Saint-Tropez qu’il a fui, je ne fais que reprendre ses mots, comment donc en quelques heures, a-t-il pu se faire une idée précise et approfondie de Saint-Tropez ? Non, il a préféré rester sur ses idées préconçues et éructer sa haine parce qu’il a vu dans le port deux, trois bateaux un peu trop gros.

 

Bref, ce jeune journaliste-écrivain-philosophe-homme-politique a peut-être également été effrayé d’avoir croisé quelques filles légèrement vêtues ou des Ferrari qu’il ne saurait sans doute pas conduire. Au lieu de regarder la beauté des ruelles, de la Ponche, de la mer, il a préféré regarder la merde et faire le malin en racontant qu’il a même vu un SDF se préparer pour la nuit. Puisqu’il prône dans un essai le capitalisme classique, qui est d’ailleurs une idée fort intéressante, j’espère qu’il lui a offert ses deux nuits d’hôtel qu’il n’a pas payées et dont il ne voulait pas puisque, soi-disant, il est parti en courant, ainsi ce pauvre homme aurait pu dormir dans un bon lit.

 

Dans Médiapart, c’est simple, l’article est illisible car il est rédigé en écriture inclusive. Je comprends néanmoins qu’il est question de Bernard Arnault, l’un des hommes les plus riche du monde, un Français au demeurant qui, en bon empereur du luxe qu’il est, a acheté beaucoup de territoires à Saint-tropez. Au moins, Bernard Arnault a l’intelligence d’avoir compris que la beauté de Saint-Tropez venait de son passé. Il a donc fait rénover à l’identique toutes les maisons qu’il a acquises. Il n’en a détruite aucune. Bravo et merci à lui. À sa place, des promoteurs immobiliers les auraient rasées et auraient bâti des immeubles moches d’une dizaine d’étages de haut comme cela été le cas pratiquement sur toute la côte d’Azur.

 

Médiapart parle ensuite de la plage d’un hôtel 5* qui, en effet, est assez chère, puisque ce sont les tarifs d’un 5*. Ils oublient juste de dire que Saint-Tropez compte surtout des plages publiques, la Ponche, la Fontanette, les Graniers, la Moutte, les Salins, celles avant la bouillabaisse, toutes des plages non payantes et propres, nettoyées chaque matin, la qualité de l’eau est vérifiée chaque jour aussi. Ensuite Médiapart nous assène encore sur le village de pêcheurs qu’aurait été autrefois Saint-Tropez. Premièrement, grâce aux fonds marins du Golfe de Saint-Tropez que n’affectionnent pas les gros chaluts de pêche industrielle, nos poissons sont encore pêchés artisanalement par les cinq ou six pêcheurs locaux. Certes, ils sont moins nombreux car c’est un métier difficile, mais ils existent toujours d’autant que la prudhommie de pêche de Saint-Tropez qui a été créée au 16ème siècle a été reconnue par la Commission Européenne avec le droit d’exiger des réformes.

 

Deuxièmement Saint-Tropez n’a jamais été un petit village de pêcheurs. Au XVIIIème siècle, c’était le troisième plus important port de commerce de la Méditerranée. Puis dès la fin du XIXème siècle, Saint-Tropez a été connu pour être un village festif. Les riches bourgeois descendaient de Paris pour venir s’encanailler dans les établissements de nuit de Saint-Tropez qui étaient surtout fréquentés par les marins, et dans les huit à douze bordels qui se trouvaient dans des ruelles mal famées. L’endroit a été rasé après la Seconde Guerre mondiale et deviendra la place de la Garonne. Dans les années 20, Mistinguett et la Môme Moineau, entre autres célébrités, se rendaient à Saint-Tropez pour aller danser chez Palmyre dans les bras des beaux et forts lesteurs, les hommes de quai qui chargeaient et déchargeaient les marchandises des bateaux. Les congés payés de 1936 ont ouvert Saint-Tropez à un nouveau tourisme. Et dans les années 50, les artistes de Saint-Germain-des-Près venaient y faire la fête. Certes, il y avait des pécheurs à la Ponche, mais ce n’était pas la plus grande activité économique du village. C’était juste beau et romantique pour les nantis de voir les pointus amarrés à la Ponche. C’est dans les Années 50 aussi que de nombreux Tropéziens ont vendu leur maison qui avaient pris de la valeur. Mille Tropéziens sont partis du village laissant leur paradis à de nouveaux arrivants.

 

Pour en terminer avec Médiapart, ils concluent qu’en hiver, Saint-Tropez est désert. Ce n’est pas désert, le village se repose. Et il en a bien besoin pour se remettre des excès de l’été. Il ne se repose pas longtemps, seulement deux mois et demi, du 15 novembre au 15 décembre et du 10 janvier à fin février. Deux mois et demi nécessaires également pour effectuer les travaux de rénovation. Deux mois et demi magnifiques de calme et de tranquillité où la lumière du Sud est la plus belle. Cette lumière sublime qui a inspiré les peintres Signac, Marquet, Camoin qui, eux aussi, adoraient fréquenter les bordels, notamment celui du Bar des Roses, Marquet en a même fait un tableau peignant son ami Camoin nu couché sur une prostituée à moitié nue aussi, son chapeau cachant son sexe.

 

Alors oui, en hiver, des restaurants et des boutiques sont fermés, mais il y en a suffisamment qui restent ouverts pour se nourrir et se vêtir. Et surtout la nature est là. La nature est quand même mille fois plus intéressante que les boutiques. Pourquoi tous ces journaux malveillants ne parlent pas, par exemple, des dizaines de kilomètres de promenade que l’on peut faire au bord de mer ? Et pourquoi plutôt que de dénigrer Saint-Tropez, ils ne citent pas toute la jeune génération qui oeuvrent à ouvrir des établissements de qualité ? Il y a, entre autres, Martin et son magasin vintage Saint-Martin-sur-mer, Vivian et ses restaurants chez Mamé et Lorette, Lilian et son restaurant À l’amitié, et plein d’autres. Pourquoi ils ne parlent pas d’eux qui se démènent à faire vivre un joli Saint-Tropez authentique et convivial ?

 

Si la presse, soudain, s’acharne autant sur mon beau Saint-Tropez que j’aime et où j’ai choisi de venir habiter il y a un petit peu plus de deux ans maintenant faisant de moi une Tropézienne fière de mon village, certainement l’un des plus beaux du monde, il y a certainement plusieurs raisons à ça. Déjà, nous sommes depuis plusieurs années dans l’ère de la médiocrité. C’est l’heure des médiocres, c’est leur moment de gloire, ils peuvent tous s’exprimer, on leur déroule même des tapis rouges. Sauf que Saint-Tropez est tout sauf médiocre. Il n’y a pas un village en France qui lui ressemble. Pas un. Tout le littoral méditerranéen de Menton à Perpignan est magnifique lorsque l'on est face à la mer, mais dès que l’on se retourne, on voit des barres d’immeubles horribles et désolantes. Saint-Tropez, grâce au maire Louis Fabre qui a exigé, après les bombardement de la Seconde Guerre mondiale dont parle le petit chéri du Figaro, que les immeubles du port soient reconstruits à l’identique, se battant contre les propriétaires tropéziens qui voulaient bâtir deux ou trois étages de plus. Grâce à cet homme visionnaire qui a su dire non à la spéculation immobilière, Saint-tropez a conservé son authenticité qui sent si bon le passé.

 

Saint-Tropez n’a jamais été un endroit tiède, indifférent, alors oui, tout est exacerbé, c’est peut-être plus visible qu’ailleurs parce qu’on est un tout petit village et que le monde entier veut venir s’y agglutiner, la concentration y est donc plus forte. C’est vrai aussi qu’en été, Saint-Tropez est compliqué. Nous sommes sur une presqu’île en plus. Ce qui ne facilite rien pour les milliers de voitures qui veulent y passer chaque jour. D’où des embouteillages et la foule sur le port. Mais il y ici une belle diversité de gens de toutes les classes sociales et c’est ce melting-pot qui fait le charme et l’amusement de Saint-Tropez. Alors oui, il y a de la vulgarité, mais il y a aussi les plus belles filles du monde. Tout dépend de ce que l’on a envie de regarder.

 

Beaucoup d’anciens disent que Saint-Tropez a changé. Bien sûr, mais le monde entier a changé. Et Saint-Tropez, je trouve, a su bien résister. Et doit encore résister pour cultiver sa différence, même si, aujourd’hui, il y a une forte tendance chez certains à ne pas aimer la différence et à vouloir une pensée unique. Saint-Tropez ne cédera jamais à la mondialisation. Saint-Tropez ne cédera jamais à la pression médiatique. Saint-Tropez restera unique même si ça fait chier le Figaro, Médiapart ou le Parisien qui râle car la mairie a eu la bonne idée d’offrir un concert aux Tropéziens chaque 15 août.

 

Et puis, il y a plusieurs Saint-Tropez. Chacun peut y trouver le sien. Quand le matin, je nage à La Ponche avec les quelques personnes qui, comme moi, aiment la tranquillité car on peut trouver de la tranquillité en été à Saint-Tropez, et une tranquillité liée à un exceptionnel art de vivre, je remercie le ciel, la nature et Dieu d’être venue vivre ici.

 

J’espère que la Mairie et l’Office du Tourisme ne riposteront pas à ces attaques médiatiques. Comme dit mon mari : "il faut laisser glouglouter les égouts."

 

Sylvie Bourgeois Harel

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Des tics et des tocs

Des tics et des tocs

 

Je m’appelle Frédérique et je suis pleine de tics et de tocs. Je n’ai jamais vraiment compris la différence. La seule chose que je sais, c’est que mes tics et mes tocs, mes tic-tocs, comme je les appelle, m’accompagnent partout. Depuis que j’ai 8 ans. Depuis que j’ai vieilli en une nuit. Ils sont mes amis. Mes gardes du corps. Mes bouées de sauvetage. Ils me rassurent et me font oublier.  Tout oublier. Grâce à eux, je redeviens une petite fille qui voudrait que sa maman ne l’ait jamais laissée seule chez son tonton. Ce n’était pas de sa faute. Elle ne pouvait pas savoir. Elle était partie se faire opérer d’un sein dans une clinique de Strasbourg, et mon papa n’était pas là. J’avais un papa, mais il n’était jamais là, Je l’appelais mon papa pas là. D’où l’idée de mon tonton pour me garder.

 

Mon tonton qui, au moment d’aller me coucher, a glissé sa main dans mon pantalon et n’a plus arrêté. Il m’a dit qu’on allait prier très fort pour que ma maman ne meure pas. Que pour bien prier, on devait être très près, très proches, très serrés. Puis il a retiré mon pantalon tout en faisant chut avec sa main posée sur ma bouche afin que je ne crie pas. Je n’ai pas osé bouger puisque si je bougeais et priais mal, ma maman allait mourir. Et puis c’était mon tonton quand même. Le frère aîné de ma maman. Celui qui me servait de papa quand le mien n’était pas là. Alors, comme j’aimais ma maman, même si ça ne me plaisait pas du tout, mais pas du tout, tous ces doigts de tonton dans ma culotte qu’il a fait glisser le long de mes jambes jusqu’à ce que je me retrouve toute nue, je me suis tue. Je ne voulais pas qu’elle meure.

 

Soudain, mon ventre s’est fracassé. J’ai hurlé. Hurlé tellement j’ai eu mal. C’était pire que tout. Pire que lorsque je m’étais brûlée les fesses en m’essayant sur un radiateur électrique. Pire que lorsque deux filles à la récré ont enroulé la corde à sauter autour de mon cou parce que j’étais meilleure qu’elles et ont tiré chacune de leur côté. Pire que lorsque je suis tombée sur le nez à vélo. Je n’ai pas de mot pour décrire cette boule de feu qui s’est emparée de mon sexe. Mes yeux se sont embués. Toute ma vie de petite fille heureuse s’est s’écroulée. J’ai eu la sensation que tout était fini pour moi. Tout était fini. Plus jamais, je ne pourrais aller jouer avec Nathalie après l’école, plus jamais je ne rigolerais des blagues de Christophe, plus jamais je ne voudrais que mon papa pas là me prenne dans ses bras. Plus jamais. Plus jamais. Tout était fini.

 

Mon tonton tout entier était entré en moi. Sa chemise frottait mon visage. De plus en vite. De plus en plus douloureusement. Alors pour ne plus avoir mal et pour que ma maman ne meure pas, j’ai décidé de mourir. Du haut de mes 8 ans, de tout ce que je pouvais savoir de la mort, je suis morte. J’ai donné ma vie pour que vive ma maman. Puis je me suis envolée dans les cieux. Je me suis envolée loin de mon corps, loin de mon pantalon qui gisait au sol, loin de mon tonton qui respirait si bruyamment sur moi. Je suis morte cette nuit-là.

 

Aujourd’hui, j’ai 58 ans, et mon sexe est toujours mort. Je ne ressens ni douleur, ni plaisir. Je suis morte à 8 ans, mais mon tonton a continué de vivre comme si de rien n’était, à venir déjeuner tous les dimanches à la maison, a emprunté de l’argent à ma maman parce qu’il n’en avait jamais assez. Moi, avec mon corps mort, je me taisais. Il m’avait fait promettre de me taire sinon ma maman finirait sous terre mangée par les vers.

 

Je me souviens aussi qu’il m’a portée jusque dans la baignoire et a fait couler de l’eau sur mes jambes. Il les a nettoyées avec une éponge pleine de sang qu’il a jetée. Puis il m’a séchée et m’a embrassée sur les cheveux en me prenant la tête. Je suis retournée me coucher. Je n’avais plus de larmes pour pleurer. Le lendemain, je ne suis pas allée à l’école, ni le jour suivant. Tonton a été très gentil avec moi, il m’a achetée du chocolat au lait avec des noisettes et une robe. Le chocolat, je l’ai vomi, et la robe, le premier jour où je l’ai portée, j’ai fait exprès de la tâcher avec de la confiture de fraises afin que ma maman comprenne que tout ce rouge à la hauteur du bas de mon ventre, ce n’était pas normal pour une petite fille. Mais elle n’a pas compris, elle m’a seulement grondée que tonton n’avait pas beaucoup d’argent et que cette robe lui avait coûtée beaucoup de sous.

 

Trois jours plus tard, lorsque ma maman est rentrée de l’hôpital, j’ai enfin pu retourner chez moi. Dès que j’ai passé le pas de la porte avec mon secret que je devais porter toute ma vie, une voix est descendue du ciel, la voix d’un ange, une voix venue me sauver. Elle m’a dit de toucher le mur. Cinq fois. Que si je touchais le mur cinq fois de suite et le plus souvent possible avec le grand doigt du milieu de ma main droite, plus jamais, mais plus jamais, ma maman ne retomberait malade, et plus jamais mon tonton ne retirerait mon pantalon.

 

Le lendemain matin, alors que je n’arrivais pas à avaler mon bol de chocolat chaud que ma maman m’avait préparée en raison du chocolat au lait avec des noisettes que mon tonton m’avait offert et que j’avais vomi, la voix est redescendue du ciel. Elle m’a dit de continuer de toucher le mur avec mon doigt et de toucher aussi mon nez avec ma lèvre supérieure et de le faire toujours cinq fois de suite. Je lui ai obéi. Elle a ajouté que cela me protégerait de mon tonton et de tous les garçons qui voudront retirer mon pantalon.

 

Dès que j’ai senti le velouté de ma lèvre supérieure toucher le bout de mon nez, j’ai éprouvé une douceur dans mon coeur. Un bonheur s’est emparé de mon cerveau. Un soulagement délicat comme un soupir m’a plongée dans un état de félicité comme lorsque je me réfugiais dans les bras de ma maman. J’ai même eu faim. C’était extraordinaire. C’était délicieux. C’était unique. Pendant une seconde, j’ai oublié les doigts de tonton. J’ai oublié mon pantalon mort sur le plancher. J’ai oublié ma douleur qui a fracassé mon zizi. Je n’ai jamais eu de zizi, les zizis c’est pour les garçons, mais ma maman qui a été élevée avec des garçons dont tonton a toujours appelé ça zizi. Alors je fais pareil, je dis zizi. Plus je touchais mon nez avec ma lèvre supérieure, plus je me sentais moins mourir.

 

Je suis alors partie à l’école en n’arrêtant pas de toucher le bout de mon nez avec ma lèvre supérieure et tous les murs ou grilles de maison ou poteaux de signalisation avec mon majeur. C’était bon. C’était bien. C’était mieux qu’une amie. En chemin, la voix venue du ciel, une voix qui n’était ni féminine, ni masculine, juste une voix divine à la sonorité encourageante qui me donnait confiance, m’a proposé un nouveau marché : en plus de toucher les murs avec mon majeur et le bout de mon nez avec ma mère supérieure, je devais aussi toucher le bout de mon pied droit avec ma main droite. Elle a ajouté que je pouvais le faire de deux manières différentes : soit je soulevais ma jambe droite vers l’arrière et je me penchais légèrement afin que ma main droite puisse toucher le bout de mon pied, soit je me baissais au sol pour le toucher. Elle me laissait le choix, mais il fallait que je le fasse toujours cinq fois de suite. Ça m’a plu d’avoir le choix. J’ai également choisi de ne plus jamais aller chez tonton, je me suis dit en arrivant à l’école. J’ai fait ça jusqu’à mes 17 ans. Les murs, le nez, mon pied, le sol, je n’arrêtais pas. Je trouvais toujours un prétexte, une excuse, si j’étais accompagnée. Oh j’ai perdu un bout de papier, je dois le ramasser. Oh ce mur a une drôle de consistance. Oh j’aime bien faire des grimaces, celle-là, c’est ma préférée.

 

À 17 ans, j’ai alors demandé à la voix divine et protectrice si je pouvais arrêter de toucher mon nez avec ma lèvre supérieure et de toucher mon pied avec ma main. Elle m’a répondu oui, mais qu’à la place, je devais tout en gardant la tête droite, tourner mes  yeux le plus possible vers la droite. Et le plus souvent possible et toujours cinq fois de suite. Ça et toucher les murs sont restés ma protection. Plus tard, j’ai appris que cinq était mon chiffre de vie que j’ai obtenu en additionnant le jour, le mois et mon année de naissance. La voix du ciel était donc vraiment divine pour l'avoir  su avant moi. La même voix qui guide mes sculptures aujourd’hui.

 

Aujourd’hui, j’ai 58 ans, je sculpte, je suis heureuse, j’ai mes périodes d’angoisse et de doutes, mon sexe est toujours mort au plaisir, et j’ai encore mes tics et mes tocs, mes tics-tocs, comme je dis en riant à mon compagnon quand il me voit toucher cinq fois le mur de notre maison lorsque je pars à mon atelier le matin. Je n’ai pas fait d’enfant afin qu’il n’ait jamais à croiser la route d’un tonton si je devais aller à l’hôpital. Je déteste le chocolat au lait avec des noisettes, et je n’ose pas refaire le geste de toucher le bout de mon nez avec ma lèvre supérieure tellement j’ai peur de reprendre gout à cet état de sérénité et de douceur qu’il me procurait. C’était même plus qu’un état de sérénité et de douceur, c’était un plaisir. Un véritable plaisir. Un plaisir rien qu’à moi. Un plaisir que je n’avais pas à donner, ni à partager.  Un plaisir intime entre ma douleur et moi. Comme une jouissance. Ma jouissance. Si je recommençais ne serait-ce qu’une fois, je sais que je n’arrêterais plus jamais tellement c’était bon.

 

J’ai 58 ans et je vis avec mes tics et mes tocs, mes tic-tocs, qui sont toujours mes amis, ma protection, ma superstition. Parfois, j’essaye de les arrêter. Mais c’est impossible. Je n’y arrive pas. Mais ils ne m’empêchent pas de vivre. Bien au contraire, ils m’aident, ils me soutiennent, ils me comprennent. Ils sont les seuls à savoir pour tonton. Ma maman est morte l’année dernière. Je ne lui ai jamais rien dit. J’attends que tonton meurt pour en parler, pour raconter, pour l’accuser. Tant qu’il est vivant, j’ai trop peur. Ce jour-là, peut-être que je me mettrai enfin à renaître.

 

Sylvie Bourgeois Harel

 

 

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Sylvie Bourgeois Harel - Saint-Tropez - La Ponche

Sylvie Bourgeois Harel - Saint-Tropez - La Ponche

Saint-Tropez du XVème au XVIIème siècle
 
Comprendre l'Histoire, le passé, essayer de recréer les situations à partir des documents d'archives, me passionne. Et comme j'aime Saint-Tropez où j'ai choisi de venir vivre, il y a deux ans, je me plais à connaître son histoire. Je trouve que les grands oubliés des textes racontant la Bravade qui a lieu, chaque année, les 16, 17 et 18 mai sont ces vingt-et-un chefs de famille génois qui sont venus avec leur famille, au XVème siècle, repeupler, reconstruire et défendre Saint-Tropez qui était, depuis quatre-vingt ans, déserté par les Tropéziens partis se réfugier dans les terres, lassés d'être constamment attaqués par les pirates et les barbaresques.
 
En effet, en 1470, un acte de transaction a été signé devant maître Jean Pauletti, notaire de Grimaud, entre le seigneur de Grimaud, Jean de Cossa, âgé de 70 ans, et le seigneur de Ligure, Raphaël de Garezzo, qui est ainsi devenu le nouveau seigneur de Saint-Tropez.
 
Ces vingt-et-un chefs de famille génois étaient présents et ont également signés cet acte qui allait changer leur existence puisqu'ils ont abandonné leur Italie natale pour venir vivre à Saint-Tropez où tout était à recréer, une aventure hors norme. Ils ne parlaient même pas la langue.
 
Ces chefs de famille à qui l'on doit la reconstruction, la protection et la défense de Saint-Tropez, que Jean de Cossa n'avait pas réussi à obtenir, en vingt-neuf ans, avec les Provençaux locaux, puisque le roi René lui avait donné ces terres qui correspondent à l'actuel Golfe de Saint-Tropez en 1441 avec l'ordre de les repeupler et de les défendre, sont :
 
Raphaël de Garezzio
Egregius Paulus
Ramens Thomasi de Montegrosso
Joanes Calvi
Joannes Martin
Valentinus Barberi
Domenicus Riquerini
Petrus Barberi
Paulus Raimondi
Romeus Roubie
Guillemus Bertolie
Antonius Massa
Trenquerius de Trenqueria
Domenicus Millo
Albertus Brugone
Philippus Augery
Joannes Lambert
Bartholo-meus de Pornaria
Antonius Leoni
Bartholomeus Molinari de Augusta
Liade di Loro
 
Dans cet acte ratifié par le roi René le 18 janvier 1472, il est stipulé que ces vingt-et-un chefs ainsi que leur famille, seront francs, libres et exempts d'impôt. En échange, il devront défendre le littoral de Sainte-Maxime à Cavalaire.
 
Sous les ordres de Raphaël de Garezzio, ceux-ci, aidés de leur personnel, soldats, employés, ouvriers, maçons, qu'ils aveint emmenés avec eux, ont immédiatement bâti des habitations, construit des remparts, élevé deux tours de défense. Ils se sont également vaillamment battus entre 1474 et 1475 contre des pirates espagnols venus les attaquer, parvenant à capturer deux de leurs grandes galères et cinq galiotes.
 
Les Tropéziens rassurés sont alors revenus habiter dans leur cité, entraînant certainement des mariages, mais aussi des disputes et des rivalités puisqu'en 1558, il a été décidé afin qu'aucun de ces hommes ne puisse prendre le pouvoir de cette communauté somme toute très libre et très riche puisque personne ne payait d'impôts, qu'un Capitaine de Ville serait élu chaque Lundi de Pâques, ayant toute autorité sur Saint-Tropez, mais seulement durant une année.
 
Sylvie Bourgeois Harel
 
Pour connaître l'histoire de la Bravade :
https://www.sylviebourgeois.com/2025/05/la-bravade-de-saint-tropez.html
Sylvie Bourgeois Harel et Marcelline l'aubergine en bravadeuses

Sylvie Bourgeois Harel et Marcelline l'aubergine en bravadeuses

Sylvie Bourgeois Harel et Marcelline l'aubergine en bravadeuses

Sylvie Bourgeois Harel et Marcelline l'aubergine en bravadeuses

Sylvie Bourgeois Harel - Bravade - Saint-Tropez

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La Bravade de Saint-Tropez

La Bravade de Saint-Tropez
 
Tous les ans, les 16, 17 et 18 mai, à Saint-Tropez, nous fêtons la Bravade, une fête autant religieuse que militaire, en hommage au Chevalier Torpes, martyr chrétien qui donna son nom au village, ainsi qu'aux hommes, Génois et Tropéziens, qui, durant un siècle, défendirent avec bravoure le village des nombreuses attaques maritimes fomentées par les barbaresques.
 
Côté militaire, tout a commencé en 1441. Le roi René donne les terres désertées depuis 1388 de l'actuel Golfe de Saint-Tropez à Jean de Cossa, seigneur de Grimaud, en lui intimant l'ordre de repeupler Saint-Tropez dont les habitants, lassés d’être régulièrement envahis par les pirates et autre ennemis, s’étaient réfugiés dans les campagnes loin du littoral.
 
Le 15 octobre 1470, Cossa signe une convention avec Raphaël Garezzo, seigneur de Pornassio, afin que celui-ci envoie vingt-et-une familles génoises vivre à Saint-Tropez. Ces vingt-et-un chefs de famille, que des nobles, ont donc emmené avec eux leur femme, leurs enfants, leurs cousins, leurs oncles, leurs serviteurs, paysans, boulangers, marins, soldats, mais aussi des mauvais garçons qu'ils ont pu faire sortir du bagne car il leur fallait des hommes costauds, sans peur, et qui surtout savaient se battre. C'est d'ailleurs pour cette raison que certains s'appelaient, par exemple, Quindici qui veut dire quinze en italien. Ces bagnards n'ayant plus d'identité, ils ont donc été enregistrés sous le chiffre de leur matricule de prisonnier qui avait été gravé au fer à rouge sur leur avant-bras.
 
En échange d'une franchise fiscale, d'une immunité totale (pour les bagnards), d'une exonération d'impôts et d'une autonomie en armes, ces Italiens devaient rebâtir le port, construire des remparts, et surtout défendre la cité.
 
C’est ainsi que sans aucune contrainte royale, bénéficiant d'une totale liberté, une véritable communauté solidaire et unie - la mairie achetait le blé pour le redistribuer équitablement, donnait de l'argent aux filles-mères pour subvenir à leurs besoins -, s'est alors établie. Petit à petit, les Tropéziens sont revenus vivre dans leur village, s'alliant avec ces Génois pour le meilleur et pour le pire. Afin qu'il n'y ait aucun dérapage de prise de pouvoir, dès 1558, chaque Lundi de Pâques, un Capitaine de Ville était nommé pour seulement un an. Sa mission était de former et de diriger la milice locale.
 
Mais le 20 juillet 1672, Louis XIV décida de stopper cette fabuleuse organisation. Une garnison royale fut dépêchée pour remplacer la milice locale. Le roi exigea également le paiement des impôts. Les Tropéziens, furieux de perdre leur indépendance, leur liberté et leurs privilèges financiers, alors qu’ils avaient su repousser tout seuls et vaillamment, de nombreux ennemis, décidèrent de continuer de nommer chaque année, à chaque lundi de Pâques, à titre honorifique, un Capitaine de Ville, afin que les générations suivantes n'oublient jamais leur bravoure et leur courage. Encore aujourd'hui, un Capitaine de Ville est nommé le Lundi de Pâques pour un an, et défile en tête de la Bravade.
 
Côté religieux, la Bravade honore Saint Torpes. Nous sommes le 29 avril de l'an 68. Lors de l'inauguration, à Pise, d'un temple dédié à la déesse Diane, l'Empereur Néron, qui était polythéiste, demande au chef de sa garde personnelle, le Chevalier Torpes, d'adjurer sa foi chrétienne. Celui-ci refuse. Furieux, Néron le fait flageller, mais le poteau auquel il était attaché, tombe tuant le bourreau. Néron le fait alors jeter aux fauves, mais ceux-ci se couchent aux pieds de Torpes. Néron ordonne sa décapitation. Le corps sans tête du chevalier est mis dans une barque avec un coq et un chien censés le dévorer.
 
La barque a dérivé sur le fleuve Arno, puis a rejoint la Méditerranée et a fini par s'échouer le 17 mai de la même année sur la plage d’Héracléa avec, à son bord, le corps intact du Chevalier Torpes qui est devenu le Saint-Patron de Saint-Tropez à qui il donna son nom. Le coq s'est s'envolé vers des champs de lin, donnant son nom au village de Cogolin et le chien donna son nom à celui de Grimaud qui veut dire vieux chien en provençal.
 
Les bravadeurs qui font partie de l’association Les Amis de la Bravade défilent de façon très protocolaire en uniformes militaires anciens, tandis que les femmes, en tenues provençales, dansent. Entre les coups de tromblons qui résonnent dans tout le village, la clique joue du fifre et des tambours. Quant à Torpes, son buste, après être sortt de façon très solennelle de l’église, prend la tête d’une longue procession religieuse dans les ruelles. Des messes sont également prévues avec bénédiction des armes et des bouquets de fleurs rouge et blanches. Le rouge et le blanc étant les couleurs de la cité, tous les Tropéziens s'habillent ainsi.
 
La Bravade est la fête des résistants, un hymne à la liberté.
 
C'est bruyant, joyeux, sérieux et émouvant.
 
Sylvie Bourgeois Harel
Bravade de Saint-Tropez - Sylvie Bourgeois Harel et Marcelline l'aubergine

Bravade de Saint-Tropez - Sylvie Bourgeois Harel et Marcelline l'aubergine

Bravade de Saint-Tropez - Sylvie Bourgeois Harel

Bravade de Saint-Tropez - Sylvie Bourgeois Harel

Bravade de Saint-Tropez - Sylvie Bourgeois Harel et Marcelline l'aubergine

Bravade de Saint-Tropez - Sylvie Bourgeois Harel et Marcelline l'aubergine

Bravade de Saint-Tropez - Sylvie Bourgeois Harel

Bravade de Saint-Tropez - Sylvie Bourgeois Harel

Bravade de Saint-Tropez - Sylvie Bourgeois Harel

Bravade de Saint-Tropez - Sylvie Bourgeois Harel

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SHORT ROUGE

SHORT ROUGE

Nous sommes en février 2007. Il pleut. Il fait froid. Dans la vitrine parisienne du magasin Diesel, à deux pas de chez nous, à Saint-Germain-des-Prés, mon mari voit sur un mannequin un short rouge, taille haute, très bien coupé, dans un joli coton épais.

– Qu’est-ce que tu serais belle avec ce short rouge, me dit-il, viens, je te l’offre.
– Merci, je lui réponds, mais ça ne m’amuse pas d’acheter un short d’été au mois de février.

C’est mon côté enfant, dès que j’ai un vêtement nouveau, je veux le porter immédiatement, donc compliqué de porter un short rouge en plein hiver.

– Et puis, il est trop cher pour un short, j’ajoute.
– On s’en fout, il est beau.

Mon mari me prend par la main et m’entraîne dans le magasin.

La taille 34 que je fais est sur le mannequin en vitrine. Je dis à la vendeuse qui veut le déshabiller, qu’il n’y a pas d’urgence, nous habitons à deux pas, nous reviendrons. Mon mari est terriblement déçu que je ne veuille pas essayer ce short rouge qui lui plaît temps. Depuis trois ans que nous nous connaissons, alors qu’il est plutôt un intellectuel sombre et pessimiste, il adore faire les magasins avec moi et m’acheter plein de vêtements. Ça l’amuse de jouer à la poupée avec moi, je crois. De mon côté, je dis toujours oui, j’adore les habits. Mais là, je ne sais pas pourquoi, je ne veux pas de ce short rouge. Et rien ne peut me faire changer d’avis.

Le temps passe. Régulièrement, mon mari, qui est en préparation de son nouveau film, me demande si je suis allée chez Diesel acheter le short. À chaque fois, je lui trouve une excuse bidon : c’était fermé, je n’ai pas eu le temps, j’irai demain. Il se propose alors de m’accompagner le prochain samedi quand il aura du temps. Mais je refuse. Je n’arrive pas à me l’expliquer, je suis littéralement contre cet achat. Et puis, je me trouve trop vieille pour le porter.

Début mai, nous arrivons à Saint-Tropez pour le tournage du film de mon mari qui débute le lendemain. À peine le taxi nous dépose au Pandaï Palais, l’hôtel où nous devons séjourner pendant deux mois, mon mari repère la boutique Diesel.

– Super ma chérie, allons acheter ton short rouge.

Je l’essaye, en effet, ce short me va hyper bien. Mais je n’en veux toujours pas. Sans aucune raison.

– Et ne t’avise pas de me l’acheter en cachette, je dis assez autoritairement à mon mari en sortant de la boutique, ça ne me fera pas plaisir, je le rapporterai immédiatement.

Je ne sais pas pourquoi, je fais une fixette sur ce short alors que j’adore les shorts, les habits, les cadeaux, mais ce short rouge qui me va pourtant divinement bien avec sa taille haute, je n’en veux pas.

Voyant que mon mari affiche une mine toute triste, je m’adoucis.

– Ce short, c’est un attrape-mecs, je lui dis, comme je ne vais pas te voir pendant tes deux mois de tournage, je ne veux pas le porter toute seule, sans toi, dans Saint-Tropez. Si tu veux me l’offrir, il faut que tu m’offres la semaine de vacances qui va avec, je le taquine sachant que c’est impossible, après les deux mois à Saint-Tropez, il a encore quatre semaines de tournage à Paris, puis trois mois de montage.

Dix jours plus tard, l’un des acteurs principaux attrape dans la mer une pneumo-bronchiolite. Le médecin des assurances du cinéma arrive en urgence de Paris par le premier avion. Verdict : le tournage doit être arrêté pendant deux se-maines. C’est une catastrophe. Les villas, les yachts, les places au port, les hôtels, ont été loués à dates fixes. C’est impossible de tout repousser aussi longtemps. Le tournage peut être arrêté une semaine, mais pas deux. Deux semaines, c’est la mort du film qui serait immédiatement mis en sinistre.

Le comédien adorable essaye de négocier avec le médecin. Il veut un traitement de cheval afin d’être d’attaque dans une semaine. Celui-ci accepte. Il reviendra dans sept jours pour décider de son état de santé et du sort du film.

En sortant de sa réunion avec la production, mon mari d’un calme olympien par rapport à l’arrêt de son film me prend la main :

– La voilà, Sylvie, ta semaine de vacances. Viens, on va acheter ton short rouge.

Vu la situation, je ne peux rien dire. On arrive chez Diesel et là, boum patatras, la vendeuse nous annonce que la taille 34 a été vendue. J’essaye le 36 mais il est trop grand. Désolée, je me tourne vers mon mari qui est assis, la tête dans les mains, catastrophé. Son film arrêté, il assume, mais le short rouge que l’on ne peut pas acheter, il est totalement démoralisé, pire que si l’univers s’était abattu sur lui.

D’un air vraiment malheureux, il me dit :

– Tu étais si belle dans ce short rouge !

Son cri d’amour me brise le cœur. J’ai peur d’avoir tout détruit. C’est rare d’être autant aimée par un homme qui vous trouve belle encore à mon âge. Je ne suis plus toute jeune. Je me sens soudain idiote de ne pas avoir voulu offrir à mon ma-ri qui m’aime passionnément ce mini-plaisir, et de m’être battue avec autant de ténacité contre l’achat de ce short rouge.

Affolée à l’idée qu’il ne m’aime plus, je demande à la vendeuse de me trouver un 34 n’importe où en France et de me le faire venir, je suis prête à tout pour conso-ler mon mari.

Ouf, un short en 34 est disponible dans la boutique de Cannes. Le lendemain, un assistant qui désirait aller au festival est allé me le chercher. Et ouf, le film n’a été arrêté qu’une semaine. Il a donc pu être terminé. Je traverse d’ailleurs quelques scènes avec mon short rouge que la costumière, voulant faire plaisir à mon mari, était également allée acheter sans nous le dire !

Depuis, quand mon mari, ou quelqu’un d’autre, me fait un cadeau, même si ça ne me plaît pas, je dis oui. Un grand oui. Et je souris. Et tous les étés, je porte mon short rouge » !

Sylvie Bourgeois Harel 

SHORT ROUGE
https://youtu.be/SkhFvg_MhQs?si=TfNDBJ2IBYojj8HQ

https://youtu.be/SkhFvg_MhQs?si=TfNDBJ2IBYojj8HQ

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  • : Sylvie Bourgeois Harel, écrivain, novelliste, scénariste, romancière Extrait de mes romans, nouvelles, articles sur la nature, la mer, mes amis, mes coups de cœur
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