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SHORT ROUGE

SHORT ROUGE

Nous sommes en février 2007. Il pleut. Il fait froid. Dans la vitrine parisienne du magasin Diesel, à deux pas de chez nous, à Saint-Germain-des-Prés, mon mari voit sur un mannequin un short rouge, taille haute, très bien coupé, dans un joli coton épais.

– Qu’est-ce que tu serais belle avec ce short rouge, me dit-il, viens, je te l’offre.
– Merci, je lui réponds, mais ça ne m’amuse pas d’acheter un short d’été au mois de février.

C’est mon côté enfant, dès que j’ai un vêtement nouveau, je veux le porter immédiatement, donc compliqué de porter un short rouge en plein hiver.

– Et puis, il est trop cher pour un short, j’ajoute.
– On s’en fout, il est beau.

Mon mari me prend par la main et m’entraîne dans le magasin.

La taille 34 que je fais est sur le mannequin en vitrine. Je dis à la vendeuse qui veut le déshabiller, qu’il n’y a pas d’urgence, nous habitons à deux pas, nous reviendrons. Mon mari est terriblement déçu que je ne veuille pas essayer ce short rouge qui lui plaît temps. Depuis trois ans que nous nous connaissons, alors qu’il est plutôt un intellectuel sombre et pessimiste, il adore faire les magasins avec moi et m’acheter plein de vêtements. Ça l’amuse de jouer à la poupée avec moi, je crois. De mon côté, je dis toujours oui, j’adore les habits. Mais là, je ne sais pas pourquoi, je ne veux pas de ce short rouge. Et rien ne peut me faire changer d’avis.

Le temps passe. Régulièrement, mon mari, qui est en préparation de son nouveau film, me demande si je suis allée chez Diesel acheter le short. À chaque fois, je lui trouve une excuse bidon : c’était fermé, je n’ai pas eu le temps, j’irai demain. Il se propose alors de m’accompagner le prochain samedi quand il aura du temps. Mais je refuse. Je n’arrive pas à me l’expliquer, je suis littéralement contre cet achat. Et puis, je me trouve trop vieille pour le porter.

Début mai, nous arrivons à Saint-Tropez pour le tournage du film de mon mari qui débute le lendemain. À peine le taxi nous dépose au Pandaï Palais, l’hôtel où nous devons séjourner pendant deux mois, mon mari repère la boutique Diesel.

– Super ma chérie, allons acheter ton short rouge.

Je l’essaye, en effet, ce short me va hyper bien. Mais je n’en veux toujours pas. Sans aucune raison.

– Et ne t’avise pas de me l’acheter en cachette, je dis assez autoritairement à mon mari en sortant de la boutique, ça ne me fera pas plaisir, je le rapporterai immédiatement.

Je ne sais pas pourquoi, je fais une fixette sur ce short alors que j’adore les shorts, les habits, les cadeaux, mais ce short rouge qui me va pourtant divinement bien avec sa taille haute, je n’en veux pas.

Voyant que mon mari affiche une mine toute triste, je m’adoucis.

– Ce short, c’est un attrape-mecs, je lui dis, comme je ne vais pas te voir pendant tes deux mois de tournage, je ne veux pas le porter toute seule, sans toi, dans Saint-Tropez. Si tu veux me l’offrir, il faut que tu m’offres la semaine de vacances qui va avec, je le taquine sachant que c’est impossible, après les deux mois à Saint-Tropez, il a encore quatre semaines de tournage à Paris, puis trois mois de montage.

Dix jours plus tard, l’un des acteurs principaux attrape dans la mer une pneumo-bronchiolite. Le médecin des assurances du cinéma arrive en urgence de Paris par le premier avion. Verdict : le tournage doit être arrêté pendant deux se-maines. C’est une catastrophe. Les villas, les yachts, les places au port, les hôtels, ont été loués à dates fixes. C’est impossible de tout repousser aussi longtemps. Le tournage peut être arrêté une semaine, mais pas deux. Deux semaines, c’est la mort du film qui serait immédiatement mis en sinistre.

Le comédien adorable essaye de négocier avec le médecin. Il veut un traitement de cheval afin d’être d’attaque dans une semaine. Celui-ci accepte. Il reviendra dans sept jours pour décider de son état de santé et du sort du film.

En sortant de sa réunion avec la production, mon mari d’un calme olympien par rapport à l’arrêt de son film me prend la main :

– La voilà, Sylvie, ta semaine de vacances. Viens, on va acheter ton short rouge.

Vu la situation, je ne peux rien dire. On arrive chez Diesel et là, boum patatras, la vendeuse nous annonce que la taille 34 a été vendue. J’essaye le 36 mais il est trop grand. Désolée, je me tourne vers mon mari qui est assis, la tête dans les mains, catastrophé. Son film arrêté, il assume, mais le short rouge que l’on ne peut pas acheter, il est totalement démoralisé, pire que si l’univers s’était abattu sur lui.

D’un air vraiment malheureux, il me dit :

– Tu étais si belle dans ce short rouge !

Son cri d’amour me brise le cœur. J’ai peur d’avoir tout détruit. C’est rare d’être autant aimée par un homme qui vous trouve belle encore à mon âge. Je ne suis plus toute jeune. Je me sens soudain idiote de ne pas avoir voulu offrir à mon ma-ri qui m’aime passionnément ce mini-plaisir, et de m’être battue avec autant de ténacité contre l’achat de ce short rouge.

Affolée à l’idée qu’il ne m’aime plus, je demande à la vendeuse de me trouver un 34 n’importe où en France et de me le faire venir, je suis prête à tout pour conso-ler mon mari.

Ouf, un short en 34 est disponible dans la boutique de Cannes. Le lendemain, un assistant qui désirait aller au festival est allé me le chercher. Et ouf, le film n’a été arrêté qu’une semaine. Il a donc pu être terminé. Je traverse d’ailleurs quelques scènes avec mon short rouge que la costumière, voulant faire plaisir à mon mari, était également allée acheter sans nous le dire !

Depuis, quand mon mari, ou quelqu’un d’autre, me fait un cadeau, même si ça ne me plaît pas, je dis oui. Un grand oui. Et je souris. Et tous les étés, je porte mon short rouge » !

Sylvie Bourgeois Harel 

SHORT ROUGE
https://youtu.be/SkhFvg_MhQs?si=TfNDBJ2IBYojj8HQ

https://youtu.be/SkhFvg_MhQs?si=TfNDBJ2IBYojj8HQ

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Sylvie Bourgeois Harel - Lily of the Valley - La Croix Valmer

Sylvie Bourgeois Harel - Lily of the Valley - La Croix Valmer

ÉMILIE

 

“Je m’appelle Émilie et j’ai le cerveau en bouillie. À l’instant encore, je viens de trouver la porte de mon réfrigérateur ouverte. Je l’ai regardée un instant, interloquée, ne comprenant pas pourquoi elle était ouverte. Je vis seule dans ma maison. Personne n’est venu me rendre visite. Et je ne suis pas retournée dans ma cuisine de la journée. En effet, j’ai été tellement occupée que je n’ai pas trouvé le temps de m’arrêter, ne serait-ce qu’un instant, pour me préparer un déjeuner. Puis je me suis souvenue que j’avais ouvert mon réfrigérateur ce matin pour sortir mon pot de confiture de framboises afin de me faire une tartine histoire d’accompagner ma deuxième tasse de thé que je n’ai pas bu puisqu’elle est toujours sur la table à côté de ma tartine beurrée et de mon pot de confiture que je n’ai pas ouvert, alors qu’il est presque 18 heures.

 

Lorsque j’ai compris que j’avais laissé mon réfrigérateur ouvert pendant plus de sept heures, je me suis effondrée sur mon canapé et je me suis mise à pleurer. À pleurer à chaudes larmes. À appeler ma maman, comme je le faisais enfant, sauf que je ne suis plus une enfant, j’ai 59 ans, et ma maman est morte, il y a cinq ans. J’ai alors téléphoné à Amandine, ma meilleure amie. Elle m’a dit de respirer doucement, que ce n’était pas bien grave. Et pour me faire rire, Amandine sait toujours me faire rire, elle m’a demandé si, cette fois, j’avais bien refermé la porte de mon réfrigérateur. Puis, elle m’a conseillée de prendre un papier et un crayon et d’écrire tout ce que j’avais fait dans la journée. 

 

Je me suis alors souvenue qu’en voyant la couleur de ma confiture, j’ai pensé à ma culotte de couleur framboise justement que j’avais posée dans le lavabo de ma salle de bains et que je n’avais toujours pas lavée. Je lave ma lingerie à la main. C’est le seul moyen pour la préserver longtemps et ne pas l’abimer. Et je dis réfrigérateur, jamais frigidaire qui, comme tout le monde le sait, est une marque de réfrigérateur, une marque, certes, qui est passée dans le langage courant, mais ma mère m’a appris que c’était aux détails d’un langage châtié que l’on reconnaissait les dames.

 

Je ne sais pas si je suis une dame, mais en me rendant dans ma salle de bains pour laver ma culotte, j’ai reçu sur mon téléphone que j’avais dans la poche de ma veste, une notification comme quoi un certain Jacky avait commenté ma publication sur Facebook. C’est Amandine qui m’a conseillée de m’inscrire sur Facebook lorsque mon mari m’a quittée. Non pas pour trouver un homme, mais pour avoir des contacts sociaux. J’avoue que c’est très rigolo. J’y passe des heures. Je regarde tout. Je lis tout. Je commente tout.

 

De mon côté, je ne publie que des photos de Benjamin, mon chat tigré qui m’a adoptée lorsque Julien est parti. Benjamin a tout compris de la vie, et de la mienne aussi. Il a compris qu’il y avait une place vide à prendre dans mon lit, il s’y est installé, et le soir, comme je le faisais pour Julien qui était très gourmand, je prépare à mon Benjamin chéri un bon petit plat à base de crevettes ou de poulet. C’est un amour. Benjamin pas Julien. Comme il a beaucoup de succès sur Facebook, Benjamin pas Julien qui ne publie que des photos de lui, heureux avec sa nouvelle femme, comme pour me narguer ou faire croire que nos vingt-sept années de mariage n’ont jamais existé, j’ai aussi créé un compte Instagram. J’allais répondre à ce Jacky qui me demandait l’âge de Benjamin quand réfléchir à l’âge de mon chat que je ne connais pas, m’a fait penser au mien que je connais bien et aussi à ma carte d’identité que je dois renouveler. 

 

J’ai donc pris mon ordinateur pour faire une demande en ligne, mais au moment d’ouvrir le site du service public, j’ai préféré répondre au mail que ma fille qui vit en Nouvelle-Zélande m’avait envoyé durant la nuit. J’allais lui écrire que j’aimerais bien lui rendre visite à Noël, mais avant de lui faire une fausse joie, j’ai voulu regarder les prix des billets d’avion pour Auckland où elle habite avec son mari. Je suis alors tombée sur un article qui titrait qu’il n’y avait pas de serpent en Nouvelle-Zélande, ce qui est une bonne nouvelle car j’en ai une trouille bleue. 

 

Parlant de trouille, je me suis alors rendue dans ma chambre pour évaluer si je pouvais réparer seule mon volet qui ferme mal, elle est au rez-de- chaussée, je ne voudrais pas qu’un individu mal intentionné pénètre la nuit pour me cambrioler, même s’il n’y a plus rien à prendre, Julien a tout pris. Je devrais peut-être acheter un chien de garde, mais alors seulement à mon retour d’Auckland, je ne saurais pas quoi en faire pendant mon voyage, je ne pourrais pas le laisser à Amandine qui a déjà un Husky très jaloux. Je suis donc descendue à la cave chercher des outils pour réparer mon volet lorsque je suis tombée sur mes chaussures de ski, je skiais beaucoup lorsque j’étais jeune, c’est d’ailleurs le seul sport où j’étais excellente. C’est ce qui avait plu à Julien lorsqu’il m’a connue à la montagne, j’étais plus rapide que lui. Ça l’a épaté, il m’a embrassée, puis c’est allé très vite entre nous, notre fille est née, nous nous sommes mariés, et il m’a quittée. 

 

Mes chaussures de ski étaient pleines de poussière, je les ai apportées dans mon jardin pour les nettoyer avec un chiffon. C’est ainsi que j’ai découvert que mon citronnier était rempli de cochenilles. J’en ai écrasé une avec le chiffon, c’est étrange lorsque l’on écrase ces petites boules blanches, ça fait des tâches orange comme si la cochenille avait du sang orange. Les extraterrestres ont peut-être aussi du sang orange, je me suis dit en allant chercher du vinaigre blanc et du papier absorbant pour tuer ces horribles insectes qui ont envahi mon citronnier. Le vinaigre blanc est épatant, je nettoie tout avec. Et je ne dis jamais Sopalin, mais papier absorbant, ma mère avait peut-être raison, je suis une dame.

 

C’est alors que j’ai reçu une notification sur Instagram comme quoi ma voisine avait liké une photo de Benjamin, les pattes en l’air, certainement pour se faire pardonner d’avoir demandé à la mairie de brûler les herbes, qu’elle se permet d’appeler des mauvaises herbes, qui poussent sur le trottoir devant ma maison alors que ce sont des résistantes très émouvantes, d’avoir trouvé la force de pousser dans le goudron. Une petite faille, de la lumière, un peu d’eau de pluie, et hop, elles ont grandi comme moi lorsque Julien m’a quittée. En effet, c’est dans les failles de mon cœur brisé que j’ai puisé la force de continuer de vivre sans son amour.

 

J’ai alors imaginé ma voisine pas gentille face à des extraterrestres au sang orange. Ça m’a fait rire. Sur mon téléphone, j’ai tapé extraterrestre. Je suis tombée sur une interview qui avait l’air passionnante d’un Jean-Pierre Petit, très bel homme au demeurant, c’est un amoureux comme cela qu’il me faudrait rencontrer, je me suis dit en m’asseyant au soleil. Un instant, j’ai cru que j’étais, moi aussi, une petite plante résistante à qui le moindre rayon de lumière avait le pouvoir de lui redonner espoir. 

 

C’est la faim qui m’a sortie de ma rêverie, et le froid aussi, il était presque 18 heures. Je suis donc allée dans ma cuisine pour grignoter un bout de fromage et préparer les crevettes de Benjamin, lorsque j’ai découvert la porte de mon réfrigérateur ouverte. En relisant tout ce que j’avais fait dans la journée, j’ai de nouveau pleuré. Ma culotte couleur framboise n’est toujours pas lavée, je n’ai pas répondu à ce Jacky qui est presque aussi beau, en plus jeune, que le Jean-Pierre Petit des extraterrestres, je n’ai pas fait ma demande de carte d’identité, je n’ai pas répondu à ma fille, je n’ai pas réservé mon billet d’avion pour Auckland, je n’ai pas lu l’article sur les serpents non présents en Nouvelle-Zélande, je n’ai pas réparé mon volet, je n’ai pas nettoyé mes chaussures de ski, je n’ai pas retiré la cochenille de mon citronnier, je n’ai pas liké la publication de ma voisine pour lui faire comprendre que je ne lui en voulais pas, je n’ai pas écouté l’interview de Jean-Pierre Petit, je n’ai pas bu mon thé de ce matin, ni mangé ma tartine beurrée, je n’ai rien fait de la journée, et pourtant je suis épuisée tellement je n’ai pas arrêté.”

 

Sylvie Bourgeois Harel

Émilie fait partie des 19 nouvelles de mon recueil On oublie toujours quelque chose.

Pour le commander, vous pouvez m’envoyer un message à : slvbourgeois@wanadoo.fr

Sylvie Bourgeois Harel - Saint-Tropez - La Ponche

Sylvie Bourgeois Harel - Saint-Tropez - La Ponche

Sylvie Bourgeois Harel - Plage de Pampelonne - Ramatuelle - Golfe de Saint-Tropez

Sylvie Bourgeois Harel - Plage de Pampelonne - Ramatuelle - Golfe de Saint-Tropez

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Sylvie Bourgeois Harel  - Saint-Tropez hiver

Sylvie Bourgeois Harel - Saint-Tropez hiver

Et si nous parlions de Saint-Tropez l'hiver ?
Je suis amoureuse de Saint-Tropez. Je l’ai toujours été. Et je le suis encore plus aujourd’hui, depuis un an et demi, que j’y habite. Et je suis encore plus amoureuse  de Saint-Tropez durant l’hiver. Saint-Tropez durant l’hiver est un ravissement. Déjà, les températures méditerranéennes sont douces, il est rare de descendre en dessous de 3 degrés. C’est le temps idéal pour faire de grandes promenades. Après mes séances d’écriture, je pars marcher une ou deux heures, au bord de l’eau. J’en profite pour me baigner presque tous les jours. La mer est, certes, froide, mais pas gelée. Elle est surtout très vivifiante. Mes bains de mer, l’hiver, sont mon meilleur médicament pour booster mon système immunitaire. Mon deuxième médicament-bonheur est la lumière d’hiver. Elle est sublime. La lumière du Sud, en hiver, exalte les couleurs. Elles ne sont pas saturées, comme en été, à cause de la chaleur. Au contraire, le froid sec les amplifie, les définit. C’est ce qui me manque le plus lorsque je remonte, de temps à temps, à Paris, mon ciel bleu. Il est où mon ciel bleu ? je n’arrête pas de répéter à mes amis qui se sont tristement habitués au ciel parisien, gris et déprimant. Moi, je ne ne veux m’habituer à rien. Je veux vivre pleinement. Je veux profiter de chaque instant. Je ne veux plus me passer de mon ciel bleu et de ma lumière du Sud.

Pourtant, j’ai été une vraie parisienne à avoir une vie très festive, assez mondaine, à sortir tout le temps, à adorer les restaurants, les avant-premières de cinéma, les générales de théâtre, les dîners jusqu’au bout de la nuit. Ce que je ne retrouve pas ici, mais ce n’est pas ce que je recherche non plus. J’ai aimé Paris. J’aime toujours Paris d’ailleurs. Je suis contente d’aller y passer une ou deux semaines, comme je l’ai fait en octobre pour la sortie de mon livre, mais je suis contente de ne plus y habiter. J’ai quitté Paris sans frustration, ni ras-le-bol, juste avec l’envie de me créer une nouvelle vie.  Une nouvelle vie à Saint-Tropez dont j’ai toujours été amoureuse. Je ne l’ai pas fait avant car ce n’était pas le bon moment. L’énergie de Paris me retenait encore un peu.

C’était peut-être un leurre car ici, proche de la nature et de la mer, j’ai découvert une autre énergie. Plus profonde. Moins superficielle. Plus spirituelle. Vous allez rire en me lisant, une énergie spirituelle à Saint-Tropez ? Oui, il y a plusieurs Saint-Tropez. Chacun peut trouver le sien qui lui convient. Le mien de Saint-Tropez est spirituel. La nature qui m’entoure et que je fréquente chaque jour m’apprend beaucoup sur le sens que je donne à ma vie. Des lieux comme la Chapelle Sainte-Anne, le Monastère de la Verne, les Roches Blanches au-dessus de La Garde-Freinet où je passe tous mes week-ends dans ma maison provençale au coeur du village, sont très telluriques et chargés de magnétisme.

Alors lorsque j’entends des gens râler que Saint-Tropez est mort en hiver, je les plains de ne pas savoir apprécier toute cette richesse naturelle et cette beauté qu’ils ont autour d’eux. Ce sont d’ailleurs souvent les mêmes qui râlent en été que Saint-Tropez est trop bondé. Saint-Tropez n’est pas mort en hiver. Ainsi que je le disais à une touriste qui, l’autre jour, me posait la question sur le parking du port, vous savez madame, moi, je suis très vivante, je lui ai répondu en riant. C’est vrai quoi, la joie se trouve dans notre coeur, dans notre capacité à sourire, à rire, à s’intéresser, à apprendre, à transmettre, à contempler, à s’émerveiller, à décider de couper la télé, à fermer les journaux, à éteindre la radio. Elle ne se trouve pas dans le divertissement à outrance.

Mon divertissement à moi, c’est de me réjouir de mon ciel marine, de la mer transparente, de mon poulpe qui m’accompagne à chacun de mes bains, s’enlaçant tel un amoureux autour de ma cheville pour nager avec moi. Ce sont aussi les oiseaux, les fleurs, les arbres, les renards que je rencontre dans la forêt et qui sont pleins de curiosité à m’observer, prêts à vouloir jouer. Quand je croise un animal, je me mets en mode alpha, je respire calmement pour espacer les battements de mon coeur afin de lui transmettre des ondes de douceur, d’amour, de compréhension. Je rêve de rencontrer un loup avec sa famille. Mon autre rêve serait de leur offrir un sanctuaire pour les protéger.  

Saint-Tropez n’est pas mort en hiver. Saint-Tropez se repose. Le village se repose des excès de l’été. Il reprend des forces nécessaires tellement il y a eu de monde durant la saison. Il se répare aussi. De nombreux travaux de voirie ou de rénovation sont organisés à cette période. Saint-Tropez a évolué. Saint-Tropez est une vieille dame devenue un sorte de musée à ciel ouvert, connu du monde entier pour son authenticité. Il faut donc le ménager. Et ces trois mois d’hiver contribuent à lui refaire une beauté. À saint-Tropez, on réapprend également à vivre suivant le rythme des saisons. En hiver, on hiberne, on calme le jeu, on se retrouve le soir autour des feux de cheminée, on fait des gâteaux, on reste au chaud. C’est une période d’introspection, de réflexion, de projets.

Certes, de nombreux restaurants et de boutiques sont fermés, mais la mer reste ouverte, la plage aussi, le littoral également. Il est impossible de s’ennuyer. Et puis, pour ceux qui veulent sortir, les propositions sont suffisantes. Le cinéma Star programme trois films différents par semaine. La mairie organise régulièrement des conférences, des concerts, des spectacles. Le Café de Paris, le Clémenceau, le Sporting, le Sube, et d‘autres établissements, restent ouverts. Des orchestres sont invités les soirs de week-end. C’est très joyeux. Mon cher Sénéquier est là également. J’y vais régulièrement écrire en fin de journée avec mon ordinateur autour d’un délicieux chocolat chaud accompagné de deux madeleines. Et puis, cette année, le Tigrr Ermitage a eu la bonne idée d’ouvrir toute l’année. On peut y prendre un thé ou un champagne sur la terrasse, dès 17 heures, afin d’admirer le soleil se coucher sur la mer, puis dîner au chaud à l’intérieur, et bien sûr danser. Car Saint-Tropez est festif, quoi qu’il se passe,  quelle que soit la saison, on trouve toujours une occasion de danser !

Sans oublier les vacances de Noël qui sont féériques à Saint-Tropez avec le village totalement illuminé et le Père Noël qui arrive par la mer. Sur le port, des centaines de personnes l’attendent, les yeux remplis de joie enfantine et de leurs souvenirs familiaux. Les enfants sont sur les épaules des parents à appeler le Père Noël. Chacun achète des gaufres, des crêpes, des hot-dogs aux petits chalets en bois le long des quais. Et quand la barque du Père Noël s’amarre devant la statue du Bailli de Suffren, et que le père Noël descend tout doucement de son mat, tous en choeur, nous chantons Petit Papa Noël sur les airs de Tino Rossi.  C’est alors une véritable communion d’émotion qui se produit.

Ne me demandez pas où je serai cet hiver, je serai à Saint-Tropez » !

Sylvie Bourgeois Harel

Sébastien Peiffert - Sylvie Bourgeois Harel - Minou - Le Tigrr Ermitage hôtel Saint-Tropez

Sébastien Peiffert - Sylvie Bourgeois Harel - Minou - Le Tigrr Ermitage hôtel Saint-Tropez

Saint-Tropez l'hiver - La Ponche

Saint-Tropez l'hiver - La Ponche

Saint-Tropez l'hiver - Sénéquier

Saint-Tropez l'hiver - Sénéquier

Sylvie Bourgeois Harel - Saint-Tropez l'hiver

Sylvie Bourgeois Harel - Saint-Tropez l'hiver

Sylvie Bourgeois Harel - Saint-Tropez l'hiver

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Et si Paul Watson avait organisé une opération kamikaze pour mieux faire entendre son combat afin de sauver les baleines ?

Et si Paul Watson avait organisé une opération kamikaze

pour mieux faire entendre son combat afin d sauver les baleines ?

 

En tant qu’écrivain, je m’efforce de ne jamais subir l’information de façon frontale. Je me pose toujours de multiples questions pour mieux la comprendre et l’analyser. Je la regarde aussi sous plusieurs angles, et souvent sous l’angle du : « Et si… ? » 

 

Donc, aujourd’hui, je me pose la question à savoir : et si Paul Watson, incarcéré au Groenland depuis le 21 juillet 2024, avait organisé une opération extrêmement risquée, en mettant sa vie et sa liberté en danger, pour arriver enfin à sensibiliser le monde entier au drame que représente le massacre des baleines par le Japon, la Norvège et l’Islande, trois pays hors-la-loi qui refusent d’accepter le moratoire international promulgué en 1986 par la Commission Baleinière qui interdit la chasse à la baleine ? 

 

Depuis plus de quarante ans, Paul Watson se bat contre ces massacres sans qu’aucune ligne de force n’ait vraiment bougé. Certes, il a réussi à sauver 5000 baleines, mais combien d’entre elles continuent de mourir tous les ans sous les harpons électroniques des baleiniers ? Leur nombre aurait chuté de 5 à 6 millions répertoriés dans les années 50, à seulement 1,5 million aujourd’hui.

 

J’ai du mal à imaginer que Paul se soit fait prendre et arrêter comme un bleu. Trop d’éléments me portent à croire qu’il s’est mis exprès en situation de danger afin que sa parole et son combat touchent enfin le monde entier. Et c’est d’ailleurs ce qu’il s’est passé. Si tel était son but, il a gagné. Paul a gagné. En effet, le nom de Paul Watson, jusque là connu uniquement des quelques amoureux et défenseurs de la mer, résonne dorénavant dans tous les pays, des photos de baleines et des slogans #freepaulwatson inondent les réseaux sociaux, des chanteurs composent des hymnes en son honneur, des pétitions demandant sa libération sont signées. Bref, Paul Watson que j’ai connu lorsqu’il était mon voisin en 2016 avec son épouse Yana dans le Golfe de Saint-Tropez, est en passe de devenir un héros, une légende. Son combat pour sauver les baleines est enfin entendu. Bravo Paul ! Bravo et merci ! Bravo à ton courage. Bravo à ton opiniâtreté ! Mille bravos  !!!

 

Pour en revenir à mon questionnement, plusieurs éléments me font me penser que Paul a pris exprès le risque de se jeter dans la gueule du loup pour se faire entendre, pour organiser la plus grande opération de communication qui soit. Déjà, il faut savoir que Paul Watson est intelligent, très intelligent. Il est également un excellent communicant. Étudiant, il a suivi des cours de communication au cours desquels il a appris que pour sensibiliser les gens, il fallait produire de l’information chaude, à savoir montrer des images. À contrario, l’information froide est celle fournie par la presse écrite, les gens lisent, mais ne s’identifient pas. Paul s’est donc fait filmer dans tous ses combats. Pour montrer des images qui sensibilisent, mais aussi pour se protéger en apportant des preuves comme quoi, il n’a jamais blessé personne.

 

Depuis que Paul est incarcéré au Groenland, dans les rares interviews et interventions qu’il a pu accorder, il répète régulièrement qu’il est en opération pour sauver les baleines. En expert de la communication, si Paul répète ce mot opération, ce n’est pas anodin, c’est qu’il y a une raison. Il utilise ce mot lorsqu’il prépare et organise une opération en mer avec sa flotte et son équipe. S’il est en opération, comme il aime à le dire, c’est qu’il y a eu, au préalable, une préparation et une organisation.

 

Paul a toujours dit qu’il était capable de donner sa vie pour sauver une baleine. C’est peut-être ce qu’il fait aujourd’hui ? À 73 ans, il a peut-être décidé de jouer le tout pour le tout ?

 

Fin septembre, à ma grande stupéfaction, j’ai appris que Paul Watson avait demandé à l’un de ses mécènes de racheter, il y a un an, un baleinier japonais qui allait être remplacé. Ce sont d’excellents navires capables d’aller sur toutes les mers, que les Japonais changent environ tous les 20 ans. Le mécène a donc fait acheter ce baleinier par un ami afin que le nom de Paul Watson n’interfère pas. Jusque-là, tout va bien. Mais lorsqu’il y a eu la passation de propriétaire, ce qui est un moment extrêmement protocolaire, et ce dans les marines du monde entier, avec tout l’équipage en uniforme, avec l’ancien capitaine qui donne le Handover, c’est à dire la passation des documents techniques et des codes des coffres-forts, au nouveau capitaine, avec la musique de l’hymne national du Japon qui se joue pendant la descente du drapeau, suivi de l’hymne national des États-Unis pendant la levée du nouveau drapeau. Sauf que, hic, ce n’est pas le drapeau américain qui aurait été levé, mais le drapeau de la Foundation Captain Paul Watson (que Paul a créée il y a deux ans lorsqu’il s’est fait évincer de Sea Shepherd Global, l’ONG qu’il a fondée, il y a quarante ans). Par ce pied de nez humiliant, Paul a donc ouvertement fait une déclaration de guerre au Japon. D’ailleurs, le Japon n’a pas tardé à riposter, depuis quelques mois, un nouveau mandat Interpol était lancé contre Watson qui était au courant.

 

C’est ainsi qu’à l’instar du toréador qui agite sa cape rouge pour exciter le taureau et susciter les applaudissements du public, Paul a excité le Japon. Tel un guerrier qui part sabre au clair, il est ensuite allé affronter son pire ennemi sur le champ de bataille. À savoir les mers du Nord et l’Océan Arctique où le baleinier avait prévu de se rendre pour tuer 200 baleines. Sachant qu’il y avait, depuis peu, un mandat international contre lui qui avait refait surface, Paul n’était pas obligé de s’embarquer sur son nouveau navire, l’ancien baleinier japonais, baptisé John Paul DeJoria, du nom de l’un de ses fidèles donateurs. Il pouvait, ainsi qu’il l’a fait plusieurs fois, laisser son équipage et gérer le combat depuis Paris devant son ordinateur et ses appareils de navigation à distance. 

 

Une fois en mer, lorsqu’il a fallu faire le plein en fuel à Nuuk, Paul, connaissant le danger d’aller à terre, pouvait rester loin sur une annexe, hors des eaux territoriales du Danemark, avec quelques membres d’équipage, et attendre en sécurité que le ravitaillement soit effectué. Non, il y est allé. Il s’est rendu à Nuuk, certainement le ventre noué, mais il s’y est rendu en héros, en héros qui n’a pas peur, en héros qui risque sa vie pour sauver les baleines. 

 

Aujourd’hui, grâce au courage et à la témérité de Paul Watson, de nombreuses personnes connaissent enfin l’importance du rôle essentiel que joue la baleine pour notre survie. En effet, ce magnifique et émouvant mammifère marin capte énormément de carbone qu’il accumule. Quand la baleine meurt de mort naturelle, elle entraîne au fond des océans tout ce CO2 qui participe aux écosystèmes des grands fonds marins. D’autre part, ses excréments, remplis d’azote, de fer, de phosphore, nourrissent le phytoplancton qui, à son tour, nourrit le zooplancton qui produit 40% de l’oxygène de notre atmosphère tout en absorbant environ 40% de la production totale de CO2, encore plus que 1700 milliards d’arbres.

 

Pour que Paul Watson n’ait pas fait tout son combat pour rien, il est important de savoir que les baleines sont, certes, victimes de ces baleiniers hors la loi qui les tuent, mais qu’elles meurent aussi, et en très grande quantité, environ 20000 par an, à cause des collisions qu’elles subissent contre les navires marchands, de transports, militaires, les cargos, les bateaux-citernes, les paquebots de croisières, dont le nombre s’est multiplié de façon alarmante. À tel point que certains pays demandent à réguler la vitesse de ces navires. Une autre solution serait d’armer les bateaux de répulsifs à ondes qui préviendraient les baleines de leur arrivée afin de les faire fuir. La future course de voiliers Le Vendée Globes demande d’ailleurs cette année à ses participants d’utiliser ces radars.

 

Un autre problème concernant ces pauvres baleines dont nous avons grandement besoin est que les fonds marins sont devenus extrêmement bruyants d’autant que les bruits sous l’eau se déplacent cinq fois plus rapidement que dans l’air et sur des distances de plusieurs milliers de kilomètres. Entre les forages pour l’industrie pétrolière, le bruit des bateaux, les expériences acoustiques militaires, les cétacés qui communiquent entre eux par des sons très précis, sont désorientés. Affolés, perdus, ainsi que l’explique Greenpeace qui milite pour la création de sanctuaires afin de protéger les baleines, il arrive que ces grands cétacés remontent tellement vite à la surface pour fuir ces bruits qui les effrayent, les stressent et les déboussolent, que cela fait éclater leurs vaisseaux sanguins, ou qu’ils meurent d’une intoxication à l’azote comme le plongeur qui n’aurait pas effectué ses paliers. 

 

Mon cher Paul Watson, encore une fois, bravo et merci pour toutes tes actions héroïques. Je te souhaite de pouvoir retrouver très bientôt ton épouse Yana qui t’attend à Paris auprès de vos deux jeunes garçons. 

 

Sylvie Bourgeois Harel

Interview BFM TV lors de la mobilisation à Paris pour Paul Watson organisée par la Fondation Brigitte Bardot

Interview BFM TV lors de la mobilisation à Paris pour Paul Watson organisée par la Fondation Brigitte Bardot

Sylvie Bourgeois Harel Interview BFM TV Paris

Sylvie Bourgeois Harel Interview BFM TV Paris

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Saint-Tropez mon amour - La Ponche - Sylvie Bourgeois Harel

Saint-Tropez mon amour - La Ponche - Sylvie Bourgeois Harel

Saint-Tropez mon amour - La Ponche

Saint-Tropez mon amour - La Ponche

Saint-Tropez mon amour - La Ponche - Sylvie Bourgeois Harel

Saint-Tropez mon amour - La Ponche - Sylvie Bourgeois Harel

Saint-Tropez mon amour - La Ponche

Saint-Tropez mon amour - La Ponche

Saint-Tropez mon amour - La Ponche - Sylvie Bourgeois Harel

Saint-Tropez mon amour - La Ponche - Sylvie Bourgeois Harel

Saint-Tropez mon amour - La Ponche - Sylvie Bourgeois Harel - Marcelline l'aubergine

Saint-Tropez mon amour - La Ponche - Sylvie Bourgeois Harel - Marcelline l'aubergine

Saint-Tropez mon amour - La Ponche - Sylvie Bourgeois Harel - Marcelline l'aubergine

Saint-Tropez mon amour - La Ponche - Sylvie Bourgeois Harel - Marcelline l'aubergine

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Ma plage de Pampelonne à Ramatuelle, je l'aime. Je l'aime à toutes les saisons, ma préférée étant l'hiver, je vais m'y baigner vers 14h quand le soleil est bien chaud, je me prépare un sandwich et un dessert que je dévore dès je sors de l'eau gelée. Le plus dur est de me déshabiller dans le froid et souvent dans le vent. Mais dès que je pénètre dans la mer, c'est fini, je ne sens plus le froid tellement c'est beau, je suis émerveillée par tant de beauté, voilà,  c'est exactement ça, j'entre sans difficulté dans l'eau parce que j'entre dans de la beauté.

En été, je vais nager à 7 heures du matin quand il n'y a personne et que l'eau est toute reposée de la nuit. je fais mes allers retours, puis je rentre à la maison, je n'aime pas voir ma plage être envahie. Au mois d'août, je n'y vais jamais. Même le matin très tôt, je sens le sable fatigué, et puis il y a très souvent une brume de chaleur qui salit tout.

Au mois de juin et de septembre, c'est délicieux, je peux rester à me prélasser sur le sable, le temps s'arrête, c'est aussi le temps des piques-niques le soir, des bains de nuit, j'adore !

 

Sylvie Bourgeois Harel - Club 55 - Plage de Pampelonne - Ramatuelle - Golfe de Saint-Tropez

Sylvie Bourgeois Harel - Club 55 - Plage de Pampelonne - Ramatuelle - Golfe de Saint-Tropez

Plage de Pampelonne - Ramatuelle - Golfe de Saint-Tropez

Plage de Pampelonne - Ramatuelle - Golfe de Saint-Tropez

Sylvie Bourgeois Harel - Club 55 - Plage de Pampelonne - Ramatuelle - Golfe de Saint-Tropez

Sylvie Bourgeois Harel - Club 55 - Plage de Pampelonne - Ramatuelle - Golfe de Saint-Tropez

Sylvie Bourgeois Harel - Club 55 - Plage de Pampelonne - Ramatuelle - Golfe de Saint-Tropez

Sylvie Bourgeois Harel - Club 55 - Plage de Pampelonne - Ramatuelle - Golfe de Saint-Tropez

Sylvie Bourgeois Harel - Club 55 - Plage de Pampelonne - Ramatuelle - Golfe de Saint-Tropez

Sylvie Bourgeois Harel - Club 55 - Plage de Pampelonne - Ramatuelle - Golfe de Saint-Tropez

Plage de Pampelonne - Ramatuelle - Golfe de Saint-Tropez

Plage de Pampelonne - Ramatuelle - Golfe de Saint-Tropez

Plage de Pampelonne - Ramatuelle - Golfe de Saint-Tropez

Plage de Pampelonne - Ramatuelle - Golfe de Saint-Tropez

Sylvie Bourgeois Harel - Club 55 - Plage de Pampelonne - Ramatuelle - Golfe de Saint-Tropez

Sylvie Bourgeois Harel - Club 55 - Plage de Pampelonne - Ramatuelle - Golfe de Saint-Tropez

Sylvie Bourgeois Harel - Club 55 - Plage de Pampelonne - Ramatuelle - Golfe de Saint-Tropez

Sylvie Bourgeois Harel - Club 55 - Plage de Pampelonne - Ramatuelle - Golfe de Saint-Tropez

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Pierre Rabhi rencontre l'écrivain

Sylvie Bourgeois Harel

au Club 55 à Ramatuelle

 

En septembre 2015, je suis invitée pour être coéquipière sur un bateau exclusivement féminin afin de participer aux Voiles de Saint-Tropez. Une semaine avant, j’annule ma présence à bord, ça m’ennuie de ne régater qu’avec des femmes, je préfère la mixité d’autant que lorsque je me trouve au sein d’un groupe d’hommes et de femmes, je sais que je rencontrerai toujours un homme que je vais faire rire, j’adore faire rire, et qui sera ravi, le temps de la rencontre, d’être mon chevalier servant. En tout bien tout honneur !

Bien m’en a pris car cette invitation m’a motivée à retourner à Saint-Tropez où je ne venais plus depuis des années, j’ai passé une semaine formidable au cours de laquelle j’ai rencontré un homme passionnant, Pierre Rabhi, devenu mon ami.

L’histoire est suffisamment mignonne pour que j’aie envie de la raconter. Nous sommes le 1er octobre. Je suis sur la plage de Pampelonne à regarder les vagues. Mon frère aîné m’attend pour déjeuner au Club 55. Il y a du vent. Je ne suis pas pressée. Le mistral apporte un bleu fascinant. Je suis subjuguée par toute cette beauté de la lumière du Sud dont je ne me lasse pas.

Un peu plus loin, à une cinquantaine de mètres, une dizaine de personnes, en chemise et pantalon, se rassemblent devant des photographes. Soudain, un petit bonhomme, en manteau bleu marine avec une sacoche, quitte le groupe et s’avance vers moi. Je le reconnais, il s’agit de Pierre Rabhi, un paysan devenu écrivain et conférencier qui raconte avec sagesse et philosophie comment, depuis 50 ans, il cultive son potager sans pesticides, ni produits chimiques.

Mon vieil ami restaurateur ramatuellois, Patrice de Colmont, lui a organisé ainsi qu’à Paul Watson, le fondateur de Sea Shepherd, un grand déjeuner en leur honneur. La veille, il m’avait dit qu’il était embêté car il ne savait pas à côté de qui asseoir Pierre Rabhi.

— Tu vois, m’avait-il confié, il faut que je lui trouve la bonne personne qui sera importante pour lui avec qui il pourra bien échanger d’autant que son entourage n’aime pas quand je lui fais faire des mondanités.

L’année précédente, il lui avait présenté Leonardo DiCaprio qui avait invité Pierre sur son yacht au large de Ramatuelle pour un entretien d’une heure avec la promesse qu’il fera tout pour que ses livres soient publiés et médiatisés aux Etats-Unis.

— Tu n’as qu’à me le présenter ton Pierre Rabhi, je lui réponds, je m’occuperai de lui, au moins, avec moi, il rira.
— Non, non, me dit mon vieux pote, c’est trop compliqué.

Je lève les yeux au ciel, j’adore Patrice, mais je déteste que l’on me dise non. C’est pour cela d’ailleurs que je ne demande jamais rien ou alors que très rarement afin de ne pas souffrir du non. Quoique, avec le recul, je me dis que je devrais peut-être demander plus souvent, ainsi, je pourrais toujours avoir la bonne surprise du oui et le non me motive à gagner.

En effet, je ne sais pas ce qu’il s’est passé alors à cet instant précis dans ma tête, mais je décide que le lendemain, Pierre Rabhi ne soit s’occuper que de moi, qu’il doit être mon chevalier servant.

Et hop, ça a marché, merci l’univers de me protéger et d’être aussi gentil avec moi. Arrivé à ma hauteur, Pierre me prend la main qu’il embrasse délicatement et me demande qui je suis. Je lui réponds que je m’appelle Sylvie et que je me suis habillée en vert prairie pour lui rendre hommage. Nous discutons pendant quelques minutes au bord de l’eau, j’ai lu ses livres, je connais son implication pour le respect de la terre. Au bout d’un moment, voyant son groupe lui faire des grands signes, je lui dis au-revoir.

— Ne pars pas Sylvie, viens faire la photo avec nous.
— Non, parfois, je suis sur la photo, mais là, il n’y aucune raison.
— Alors, viens déjeuner avec moi.
— J’ai déjà un déjeuner, Pierre, mais promis, je fais vite et je te rejoins.

Trois quarts d’heure plus tard, je le rejoins à sa grande table d’honneur où il m’a gardé la place à ses côtés, personne n’a le droit de s’y asseoir. Nous avons parlé toute l’après-midi jusqu’à son départ. Nous sommes devenus amis à nous téléphoner régulièrement, à nous voir au moins deux fois par an. Hélas, Pierre est décédé le 4 décembre 2021.

C’est ce 1er octobre 2015 qu’il m’a appris que 75% des semences reproductibles avaient disparu du patrimoine mondial.

Cette phrase m’a choquée au point que deux ans plus tard, j’ai créé ma chaîne YouTube Marcelline l’aubergine. C'est comme pour mes romans, avant d'aborder un sujet, il faut que celui-ci m'ait choquée, qu'il m'ait fait rire ou mal, attristée ou fascinée, mais qu'il ait, d'une manière ou d'une autre, flirté avec moi, je ne peux pas écrire sur ce que je ne connais pas.

Puis Marcelline est devenue la présidente de mon association Avec Sylvie on sème pour la vie, destinée à préserver les semences reproductibles.

 

Sylvie Bourgeois Harel

Sylvie Bourgeois Harel - Pierre Rabhi - Photo de Geneviève Frachon

Sylvie Bourgeois Harel - Pierre Rabhi - Photo de Geneviève Frachon

Pierre Rabhi - Patrice de Colmont - Sylvie Bourgeois Harel - Lablachère

Pierre Rabhi - Patrice de Colmont - Sylvie Bourgeois Harel - Lablachère

Pierre Rabhi - Patrice de Colmont - Sylvie Bourgeois Harel - Marcelline l'aubergine

Pierre Rabhi - Patrice de Colmont - Sylvie Bourgeois Harel - Marcelline l'aubergine

Château de La Mole - Fonds de Dotation Pierre Rabhi

Château de La Mole - Fonds de Dotation Pierre Rabhi

Château de La Mole - Fonds de Dotation Pierre Rabhi

Château de La Mole - Fonds de Dotation Pierre Rabhi

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Les samedi 17 et dimanche 18 septembre, de 10h à 19h, aura lieu la 6ème opération Dessine-moi une tomate, à la Chapelle de la Queste, à Grimaud, dans le Golfe de Saint-Tropez, organisée par l'association Je fais ma part 83, la même association qui a créé le potager participatif Oasis Esperanza, avec des stands, des animations, pour les adultes et les enfants, des conférences, des tables rondes, des rencontres, des ventes de miel, des échanges de semences, des papoti-papota, des rires, des bisous bisous et des bonnes choses à grignoter et à boire.

Tout cela me fait remonter à six ans en arrière. Nous sommes en septembre 2015. Je n'habite pas encore dans le Sud. Je vis à Paris, à Saint-Germain-des-Prés, mon quartier préféré et je viens de décider de vivre dix jours par mois à Saint-Tropez, seule, sans copine, sans mari. Juste moi et la mer. Je ne savais pas encore que la forêt et La Garde-Freinet allaient avoir raison de mon cœur au point de me faire déménager en avril 2022.

Avant ce fameux mois de septembre 2015 qui a fait basculer beaucoup de choses dans mon existence, lorsque je rentrais de Ramatuelle où je n'allais plus très souvent depuis le tournage du film Les randonneurs à Saint-Tropez que j'avais coécrit avec feu le scénariste Éric Assous et mon mari, Philippe Harel, qui l'a réalisé, je racontais à mes amis de Paris la douceur de l’eau, le sable de l’Escalet aussi blanc que celui des Maldives, le vert de toutes les vignes qui se marie si bien avec celui des pins, les sangliers qui détruisent les jardins, les amusants petits-déjeuners chez Sénéquier où l'on commence à deux et où l'on termine à quinze avec tous les copains des copains, les virées en voilier, les piques-niques en hélico, les soirées à danser, les délicieuses tartes tropéziennes de la boulangerie des Deux Frères, les restos dégueulasses où je vomis à chaque fois en sortant, le village de Saint-Tropez tellement ravissant qu'il devrait être classé patrimoine mondial par l'Unesco afin de mettre fin à toutes ces constructions d'immeubles horribles qui le défigurent, mais depuis mon dernier séjour où je suis venue passer une semaine seule début septembre à l'hôtel du Colombier et où je me suis régalée d'aller pieds-nus me baigner à la Ponche, je ne parle plus que d'agroécologie, de permaculture, de vers de terre, de pollinisation, de biodiversité, de semences reproductibles, de vision holistique, de cultures sur buttes, de composts ou de résilience écologique.

En effet, la veille de rentrer chez moi, je dîne avec un vieux pote à La Forge, un restaurant italien et ramatuellois (où je ne vomis pas... ) qui  me convainc de ne pas repartir tout de suite à Paris et m'invite à passer une semaine dans la propriété qu'il vient d'acheter. Il me dit que ça va m'amuser. J'accepte. Je change mes billets de TGV. Et hop ! Je me retrouve à dîner avec Paul Watson, pirate-fondateur de Sea-Shepherd, qui a dédié sa vie pour sauver des milliers de baleines, requins, tortues, phoques, dauphins, et dénoncer les dégâts de la pêche intensive. D'ailleurs, c'est simple, pour être embauché chez Sea-Shepherd, Paul demande au futur candidat s'il serait prêt à donner sa vie pour sauver une baleine. Si la réponse est non, exit. En revanche, si c'est oui, bienvenue dans ce monde de justiciers des mers !

Le lendemain matin, je suis réveillée par une centaine de bénévoles, au look gentiment baba-cool,  rien à voir avec ma bande bien coiffée de chez Sénéquier ou du Club 55, qui commencent à installer des stands, des toilettes et une cantine dans le jardin. En effet, tout cela est très amusant. Une Marie vient à ma rencontre et se présente, elle est présidente de l'association Colibris Golfe de Saint-Tropez qui fête ses 1 an et organise l'opération Dessine-moi une tomate, nom inspiré du Petit-Prince de Saint-Exupéry qui a grandi jusqu'à 5 ans dans ce domaine, peut-être même a-t-il dormi ou joué dans ma chambre ? La seule chose que je sais, c'est juste après le détour qu'il a fait en avion pour aller, comme à son habitude, faire trois ronds dans le ciel histoire de saluer sa maman, une autre Marie, revenue habiter dans cette maison, qu'il a été descendu quelques minutes plus tard au large des côtes marseillaises.

Durant deux jours, j'ai écouté, au milieu de plus de 2500 visiteurs, une dizaine de conférences au cours desquelles les intervenants tous aussi passionnants les uns que les autres ont raconté leurs expériences et leur combat pour un plus grand respect de la nature et de la terre. Émue et séduite, j'ai même failli acheter un poussin extraordinairement mignon issu d’une race de poule ancienne très jolie avec des grosses pattes exagérément fournies en plumes, mais malgré tout l'amour que j'aurais pu lui apporter, je n'ai pas sauté le pas, petit-poussin-devenu-grand aurait été malheureux sur mon balcon parisien.

Même si je suis très vigilante sur la provenance et la qualité de mon alimentation (je n’avale jamais de nourriture transformée et issue de l'industrie) et que dans mes romans, mes héroïnes militent toujours, à leur façon et avec leur dialectique, contre les dérives et les dangers des pesticides et les dramatiques techniques d'agriculture qui à force de rechercher une rentabilité uniquement financière ont épuisé nos sols et asséché nos nappes phréatiques, et ce au niveau mondial, durant ce week-end varois, j’ai beaucoup appris. J’ai appris, entre autres, que l’homme a besoin du ver de terre pour vivre mais que le ver de terre (mon nouveau héros) n’a pas besoin de l’homme, que les semences OGM sont un crime contre l'humanité, que le requin avec sa moyenne de dix morts par an est l’animal le moins meurtrier, en comparaison, le moustique en tue 830000, qu’un végétalien qui roule en voiture pollue moins qu’un carnivore qui circule à vélo, que 40% des poissons pêchés servent à nourrir d’autres animaux, que les cochons mangent plus de poissons que les requins, que 80 millions de requins sont tués chaque année, qu’une baleine défèque 3 tonnes de déchets par jour qui servent à nourrir le plancton, que 300000 baleines ont été décimées au XXème siècle, ce qui a entraîné une réduction de 50% du plancton.

Le soir de l'inauguration de ce premier Dessine-moi une tomate,  je suis littéralement séduite par la bienveillance et la volonté de tous ceux que je rencontre de préserver les ressources naturelles de notre planète. Conquise et émue, j'embrasse un tilleul bicentenaire pour le remercier d'être là, quand un monsieur que je connais vaguement, certainement attiré par le député et le nombre de maires de la région présents à cette manifestation, me demande en ricanant, un verre de vin rouge à la main, si je cautionne ce genre d’alimentation.

— C’est-à-dire ? je lui réponds.

— Allons, Sylvie, vous m’avez compris.

— Ben… non.

— Avouez quand même qu’ils sont très naïfs.

Préférant rester polie, réalisant que la conversation risque de devenir pénible et n'ayant aucune envie de perdre mon énergie et ma bonne humeur à essayer de le convaincre (pour certains, c'est peine perdue) en lui expliquant mon attirance pour ce nouveau monde de demain qui s'ouvre à moi avec ses connaissances et ses espoirs, je lui raconte l'histoire que Pierre Rabhi, inspirateur de cet événement, adore narrer : " Il était une fois un immense feu de forêt. Un tatou se moque d’un colibri qui porte de l’eau dans son  bec et s'évertue à la verser sur les flammes. Quand on connait la taille minuscule du colibri, on peut imaginer celle de son bec et celle de la goutte d'eau qu'il transporte. Pfut ! Ne te fatigue pas l’ami, dit le tatou. Ça ne sert à rien. Tu crois peut-être qu’avec tes quelques gouttes, tu vas arrêter l’incendie ? Je ne sais pas,  répond le colibri, mais je fais ma part !

Et comme je ne veux pas gâcher mon plaisir d’être là, j’adresse au monsieur ricaneur et pas gentil un joyeux sourire et je pars caresser un bébé oie qui ressemble étrangement à un canard.

Six ans plus tard, aujourd'hui, 1er septembre 2015, je téléphone à Marie, pas la maman d'Antoine de Saint-Exupéry, l'autre, celle de Dessine-moi une tomate..., je lui demande des informations avant de faire ma vidéo avec ma petite Marcelline, histoire d'annoncer cet événement annuel qui continue d'exister grâce aux bonnes volontés de tous ceux qui essayent de créer le monde demain, un monde de solidarité, d'échanges, de bon sens, de bienveillance, de légumes sans pesticides, de belles tomates, de soleil, de nature, d'amitiés, un monde qui est un peu loin de mes mondanités parisiennes que j'aime aussi et que je ne renie pas, un monde nouveau pour moi et qui prend de plus en plus de place dans mon cœur.

Sylvie Bourgeois Harel

Oasis Esperanza Jardin participatif et partagé de Je fais ma part à Grimaud - Sylvie Bourgeois Harel

Oasis Esperanza Jardin participatif et partagé de Je fais ma part à Grimaud - Sylvie Bourgeois Harel

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Ma nouvelle Paul, écrite sur la plage de Pampelonne à Ramatuelle, fait partie de mon prochain recueil à paraître début avril 2024.

 

 

 
Sylvie Bourgeois Harel. Avec Pompon et Hussard. Château de La Mole. VAr

Sylvie Bourgeois Harel. Avec Pompon et Hussard. Château de La Mole. VAr

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Ma maman est collectionneuse et je n'ai pas de papa, mais j'ai un Basquiat. Na ! Ma maman me l'a acheté, il y a deux ans, dans une galerie de New York où il m’avait tout de suite plu. Elle me l'a offert pour me complimenter d’avoir autant de sensibilité. J'adore mon tableau. Il est rouge. Dessus, il y a un bonhomme carré assez mal dessiné qui regarde de côté et sur sa tête qui n'est pas très bien faite non plus, il y a une drôle de couronne. Ma maman m'a expliqué que la couronne, c'était la signature de Basquiat, un peu comme s'il était un roi. Le roi de son monde où il a le droit de dire ce qu'il veut. Et Basquiat, il disait ce qu'il voulait dans ses tableaux. Il faisait exprès aussi de mal les faire comme s’il ne savait pas dessiner. Par exemple, il faisait des bonshommes carrés alors qu’un bonhomme, tout le monde le sait, c’est toujours rond, mais c’était pour montrer que le monde dans lequel il vivait, il était mal fait aussi.
 
Voilà pourquoi j’aime mon Basquiat. Je l’aime parce que moi aussi, je trouve que le monde dans lequel je vis, il est mal fait. Regardez, je vis dans un grand appartement alors que je n’ai pas de papa et que ma maman n'est jamais là. C'est mal fait, je préférerais habiter avec plein de gens au lieu d’être toujours toute seule. J’en ai marre d’avoir personne avec qui parler. J’ai ma nounou, vous me direz, mais elle est bête. La preuve, chaque fois que je lui pose une question sur comment est fait le monde, elle ne sait pas quoi me répondre. Alors quand je m'ennuie trop, je vais regarder mon bonhomme carré. On se comprend. C'est juste dommage qu'il me tourne la tête car je préférerais le regarder dans les yeux, mais il me fait bien marrer quand même. C'est un peu comme s'il était timide.
 
Il y a pas mal de bavures qui coulent du dessin. Un jour que j'en avais marre que ça ne soit pas net, je les ai nettoyées avec de l'eau et du savon, mais j'ai eu beau frotter, ça n'est pas parti. Quand je serai plus grande pour aller toute seule dans les magasins, j'achèterai de la peinture et des pinceaux et je referai bien les contours pour que ça fasse moins brouillon. Je le terminerai en quelque sorte. Basquiat, il n'a pas eu le temps de terminer mon tableau car il est mort d'une overdose. Une overdose, c'est quand on prend trop de drogue d’un coup. Ma maman m'a expliqué que Basquiat, il était très malheureux et qu'il s'était drogué jusqu'à en mourir pour oublier sa vie et que même sa peinture, ça ne lui suffisait plus. Elle m’a dit aussi que les artistes, ils n’étaient jamais satisfaits et que souvent ils se droguaient pour trouver le bonheur qu’il n’arrivait pas à trouver, par exemple, dans les rapports familiaux normaux.
 
- Regarde, a ajouté ma maman, je t'ai, tu me rends heureuse alors je ne me drogue pas.
- Non, mais tu te fais vomir.
- Mais ça ne va, qui t'a dit ça?
- Personne, mais je le sais. Tu vas toujours aux toilettes après le repas, je t'ai déjà suivi plein de fois et j’ai trouvé les bruits que tu faisais tellement tristes que j’ai tout raconté à Mamy. Elle m'a expliqué que tu étais déglinguée depuis que tu avais eu ma grossesse. Tu vois maman, le monde, il est mal fait. Et c’est pour ça que je suis bien contente que tu m’aies acheté mon tableau car je comprends un peu mieux la vie en le regardant.
 
Comme je me posais encore plein de questions et que ma nounou était incapable de me répondre, j’ai tapé Basquiat sur Internet et j’ai lu qu’il avait 27 ans lorsqu'il est mort. Il est mort tout seul dans son grand appartement. Comme moi. J’ai vu aussi sa drôle de tête. Ça m’a fait de la peine d’imaginer sa drôle de tête posée sur son ventilateur quand il est mort, comme s’il avait besoin de respirer un air nouveau alors que c’est l’air de la mort qu’il a trouvé. Mon papa aussi, il est mort. Il est mort quand je suis née. Ou alors peut-être, il est mort parce que je suis née, ce qui expliquerait pourquoi ma maman se fait vomir. Elle doit vomir son malheur. Quand je serai grande, moi aussi je deviendrai artiste et je vomirai sur mes toiles le malheur de ma solitude. Mais j’espère qu’avant de mourir de l’overdose, j’aurais peint suffisamment de tableaux où j’aurais expliqué combien le monde est compliqué et mal fait.
 
En attendant de me droguer, j’ai demandé à ma maman de m’emmener plus souvent avec elle dans les galeries où l’on vend de l’art. Les vendeuses, elles sont toujours très aimables avec nous, car ma maman, si elle le veut, elle peut acheter tout le magasin. J'aime bien sentir que les vendeuses, elles le savent, car ça me rend importante. Dans ces cas-là, je serre très fort la main de ma maman pour bien montrer que c'est la mienne et, que du coup, c'est un peu comme si c'était moi qui pouvait acheter tout le magasin. En plus, ma maman, elle me demande toujours mon avis, en disant aux vendeuses que sa fille, elle a l’œil.
 
J'ai tellement l'œil que ce matin, un monsieur est venu à la maison pour acheter mon Basquiat. Quand j’ai compris que je devais m’en séparer, j'ai pleuré. Beaucoup pleuré. Je ne voulais pas le laisser s'en aller.
 
- Mais on va gagner beaucoup d'argent en le vendant, m'a dit ma maman. Tu as l'œil ma fille, je suis fière, ce tableau coûte aujourd'hui très cher. Tu es encore un peu petite pour comprendre ce qu'est la spéculation, mais tu es suffisamment intelligente pour comprendre le métier de maman qui achète des tableaux pour les revendre quand leur valeur a dépassé le prix de leur achat, tu vois.
- Ce que je vois, je lui ai répondu, c'est que tu veux m'enlever mon tableau qui était mon cadeau pour mes 7 ans d'âge de raison. J'y suis attachée, moi, à mon bonhomme carré. En plus, donner, c'est donner et reprendre, c'est voler.
- Mais enfin Lily, qu'est-ce qu'il te prend? Avec tout l'argent que l'on va gagner, on va pouvoir s'acheter plein d'autres tableaux et peut-être même des encore plus beaux.
- Eh bien, dans ces cas-là, si je n'ai plus mon Basquiat, je veux partir vivre chez Mamy. En plus, je n'aime pas quand tu mets du rouge à lèvres pour recevoir des messieurs à la maison. Je n’aime pas ça, mais pas du tout.
 
Et je suis sortie de ma chambre en faisant exprès de bien faire claquer la porte. Ma maman m'a rattrapée pour me coller une fessée et m'a dit que ce n'était pas du haut de mes 8 ans que j'allais faire la loi à la maison. Je lui ai répondu que sa spéculation, ça n’apportait que du malheur et qu’il valait mieux que je me drogue tout de suite pour qu’ensuite je devienne très vite une artiste qui peindrait tout ce qui avait brisé mon cœur. Ma maman, en m’entendant, s'est mise à pleurer. Le monsieur est arrivé. Et je me suis excusée.
 
- Je suis désolée de t’avoir fait pleurer ma petite maman chérie. Je suis une mauvaise fille, certainement trop gâtée.
- Mais non, ma chérie, tout ça est de ma faute, t’élever toute seule, tu sais, ça ne m’est pas tous les jours facile.
 
Là, le monsieur de la spéculation a regardé ma maman avec un drôle d’air, du genre, si vous voulez ma jolie madame, je veux bien jouer au papa et à la maman avec vous. Je l’aurais volontiers mordu celui-là, je me suis dit. Et aussi quelle drôle d’idée, j’ai eu, a ajouté ma maman de te faire un cadeau à plusieurs millions d’euros. Puis on a pris le thé ensemble. Ça nous a tous calmés. Maman a décidé que le monsieur ne viendrait chercher mon Basquiat que le lendemain matin, ainsi j’aurais encore une nuit à passer auprès de lui pour m’habituer à l’idée que bientôt, je ne le reverrais plus.
 
Dès que le monsieur est parti, ma maman est sortie. J’ai profité que ma nounou faisait pipi pour filer. Je suis montée dans un taxi qui était étonné que je sois toute seule, mais je lui ai dit que chez moi, c’était comme ça, j’étais une petite fille riche, livrée à elle-même, mais pas malheureuse pour autant, la preuve, ma maman m’avait acheté un tableau pas du tout pour enfant, tellement il coûtait d’argent. Le taxi n’a rien compris, mais m’a quand même déposée au BHV. Là, en voyant la diversité des peintures et des couleurs, je me suis écroulée. Mon idée était de me dessiner en étoile filante avec des cheveux jaunes et un cœur bleu comme mes yeux sur mon tableau de Basquiat pour continuer de vivre un peu à ses côtés. Mais devant la difficulté à terminer mon Basquiat, je me suis mise à pleurer. Pleurer que décidément la vie, c'était beaucoup trop compliqué.
BASQUIAT fait partie des 34 nouvelles de mon recueil BRÈVES ENFANCES, paru aux éditions Au Diable Vauvert.
 
BASQUIAT. Une nouvelle de Sylvie Bourgeois. BRÈVES ENFANCES (éditions Au Diable Vauvert)
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