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Pierre Rabhi rencontre l'écrivain

Sylvie Bourgeois Harel

au Club 55 à Ramatuelle

 

En septembre 2015, je suis invitée pour être coéquipière sur un bateau exclusivement féminin afin de participer aux Voiles de Saint-Tropez. Une semaine avant, j’annule ma présence à bord, ça m’ennuie de ne régater qu’avec des femmes, je préfère la mixité d’autant que lorsque je me trouve au sein d’un groupe d’hommes et de femmes, je sais que je rencontrerai toujours un homme que je vais faire rire, j’adore faire rire, et qui sera ravi, le temps de la rencontre, d’être mon chevalier servant. En tout bien tout honneur !

Bien m’en a pris car cette invitation m’a motivée à retourner à Saint-Tropez où je ne venais plus depuis des années, j’ai passé une semaine formidable au cours de laquelle j’ai rencontré un homme passionnant, Pierre Rabhi, devenu mon ami.

L’histoire est suffisamment mignonne pour que j’aie envie de la raconter. Nous sommes le 1er octobre. Je suis sur la plage de Pampelonne à regarder les vagues. Mon frère aîné m’attend pour déjeuner au Club 55. Il y a du vent. Je ne suis pas pressée. Le mistral apporte un bleu fascinant. Je suis subjuguée par toute cette beauté de la lumière du Sud dont je ne me lasse pas.

Un peu plus loin, à une cinquantaine de mètres, une dizaine de personnes, en chemise et pantalon, se rassemblent devant des photographes. Soudain, un petit bonhomme, en manteau bleu marine avec une sacoche, quitte le groupe et s’avance vers moi. Je le reconnais, il s’agit de Pierre Rabhi, un paysan devenu écrivain et conférencier qui raconte avec sagesse et philosophie comment, depuis 50 ans, il cultive son potager sans pesticides, ni produits chimiques.

Mon vieil ami restaurateur ramatuellois, Patrice de Colmont, lui a organisé ainsi qu’à Paul Watson, le fondateur de Sea Shepherd, un grand déjeuner en leur honneur. La veille, il m’avait dit qu’il était embêté car il ne savait pas à côté de qui asseoir Pierre Rabhi.

— Tu vois, m’avait-il confié, il faut que je lui trouve la bonne personne qui sera importante pour lui avec qui il pourra bien échanger d’autant que son entourage n’aime pas quand je lui fais faire des mondanités.

L’année précédente, il lui avait présenté Leonardo DiCaprio qui avait invité Pierre sur son yacht au large de Ramatuelle pour un entretien d’une heure avec la promesse qu’il fera tout pour que ses livres soient publiés et médiatisés aux Etats-Unis.

— Tu n’as qu’à me le présenter ton Pierre Rabhi, je lui réponds, je m’occuperai de lui, au moins, avec moi, il rira.
— Non, non, me dit mon vieux pote, c’est trop compliqué.

Je lève les yeux au ciel, j’adore Patrice, mais je déteste que l’on me dise non. C’est pour cela d’ailleurs que je ne demande jamais rien ou alors que très rarement afin de ne pas souffrir du non. Quoique, avec le recul, je me dis que je devrais peut-être demander plus souvent, ainsi, je pourrais toujours avoir la bonne surprise du oui et le non me motive à gagner.

En effet, je ne sais pas ce qu’il s’est passé alors à cet instant précis dans ma tête, mais je décide que le lendemain, Pierre Rabhi ne soit s’occuper que de moi, qu’il doit être mon chevalier servant.

Et hop, ça a marché, merci l’univers de me protéger et d’être aussi gentil avec moi. Arrivé à ma hauteur, Pierre me prend la main qu’il embrasse délicatement et me demande qui je suis. Je lui réponds que je m’appelle Sylvie et que je me suis habillée en vert prairie pour lui rendre hommage. Nous discutons pendant quelques minutes au bord de l’eau, j’ai lu ses livres, je connais son implication pour le respect de la terre. Au bout d’un moment, voyant son groupe lui faire des grands signes, je lui dis au-revoir.

— Ne pars pas Sylvie, viens faire la photo avec nous.
— Non, parfois, je suis sur la photo, mais là, il n’y aucune raison.
— Alors, viens déjeuner avec moi.
— J’ai déjà un déjeuner, Pierre, mais promis, je fais vite et je te rejoins.

Trois quarts d’heure plus tard, je le rejoins à sa grande table d’honneur où il m’a gardé la place à ses côtés, personne n’a le droit de s’y asseoir. Nous avons parlé toute l’après-midi jusqu’à son départ. Nous sommes devenus amis à nous téléphoner régulièrement, à nous voir au moins deux fois par an. Hélas, Pierre est décédé le 4 décembre 2021.

C’est ce 1er octobre 2015 qu’il m’a appris que 75% des semences reproductibles avaient disparu du patrimoine mondial.

Cette phrase m’a choquée au point que deux ans plus tard, j’ai créé ma chaîne YouTube Marcelline l’aubergine. C'est comme pour mes romans, avant d'aborder un sujet, il faut que celui-ci m'ait choquée, qu'il m'ait fait rire ou mal, attristée ou fascinée, mais qu'il ait, d'une manière ou d'une autre, flirté avec moi, je ne peux pas écrire sur ce que je ne connais pas.

Puis Marcelline est devenue la présidente de mon association Avec Sylvie on sème pour la vie, destinée à préserver les semences reproductibles.

 

Sylvie Bourgeois Harel

Sylvie Bourgeois Harel - Pierre Rabhi - Photo de Geneviève Frachon

Sylvie Bourgeois Harel - Pierre Rabhi - Photo de Geneviève Frachon

Pierre Rabhi - Patrice de Colmont - Sylvie Bourgeois Harel - Lablachère

Pierre Rabhi - Patrice de Colmont - Sylvie Bourgeois Harel - Lablachère

Pierre Rabhi - Patrice de Colmont - Sylvie Bourgeois Harel - Marcelline l'aubergine

Pierre Rabhi - Patrice de Colmont - Sylvie Bourgeois Harel - Marcelline l'aubergine

Château de La Mole - Fonds de Dotation Pierre Rabhi

Château de La Mole - Fonds de Dotation Pierre Rabhi

Château de La Mole - Fonds de Dotation Pierre Rabhi

Château de La Mole - Fonds de Dotation Pierre Rabhi

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Leonardo DiCaprio - Sylvie Bourgeois Harel - Marcelline l'aubergine - Saint-Tropez

Leonardo DiCaprio - Sylvie Bourgeois Harel - Marcelline l'aubergine - Saint-Tropez

En juillet 2017, je suis chez moi, à Paris, en train de faire des crêpes lorsqu’un ami m’apprend que Leonardo DiCaprio organise trois jours plus tard un gala caritatif à Saint-Tropez en l’honneur de sa Fondation dédiée à la nature.

 

— Il faut absolument que tu y ailles avec Marcelline, me dit-il.

 

Marcelline est le personnage de la chaîne YouTube Marcelline l’aubergine que je viens de créer.

 

Ni une, ni deux, je téléphone à Patrice de Colmont qui, tous les ans, reçoit DiCaprio dans son restaurant du Club 55 à Ramatuelle.

 

— Quand Gatsby (un des organisateurs de la soirée) viendra déjeuner, peux-tu stp lui demander une invitation pour moi, mais juste pour le cocktail, je m’en fous du dîner.

 

Je le sens embêté, mais comme il adore Marcelline dont il est le partenaire historique, il me promet qu’il parlera le lendemain midi à Gastby qui, en effet, a réservé une table.

 

Le lendemain, Patrice me téléphone, enchanté.

 

— Tu as ton invitation.

— Génial !

— Ce qui est surtout génial, c’est la façon dont cela s’est passé, je suis allé voir Gatsby qui déjeunait avec le producteur de DiCaprio, un gros bonhomme, dès que j’ai dit que tu désirais venir à leur cocktail avec Marcelline, le gros producteur s’est réjoui et a crié avec un fort accent américain Marcelline l’aubergine ! Voyant l’euphorie du producteur, Gatsby t’a mis deux invitations pour le dîner.

 

Depuis que j’écris des romans, Patrice, un vieux pote depuis presque 40 ans, très fier que je sois devenue écrivain, met chaque année des affiches de mes livres dans son resto. Il a donc mis une affiche de Marcelline et de moi. Le gros producteur en voyant une blonde qui sourit à une aubergine aux grandes lunettes dorées a tout de suite tilté et a imprimé dans sa tête cette image un peu loufoque, d’où son enthousiasme, autant dire que mon vieux pote était fier et soulagé que je sois ainsi identifiée.

 

Je téléphone illico à mon ami Christophe Guillarmé pour qu’il me prête une robe et, hop, je saute dans un TGV, la soirée est le lendemain.

 

J’arrive tôt. C’est ma 3ème vidéo, je ne maîtrise pas totalement la technique. Je m’approche de Sean Penn qui, étonné de la mine de Marcelline, demande à ses potes-body-guard de me laisser m’asseoir un instant à ses côtés, je lui explique alors que Marcelline est une organic eggplant, il éclate de rire et me dit qu’avec le bruit, il ne comprend rien. La scène est formidable sauf que je n’ai pas appuyé sur le bon bouton, ça ne filme pas.

 

Durant toute la soirée, je suis tellement concentrée à essayer de bien faire que je ne prends pas le temps de m’asseoir. Et même lorsqu’un Américain plus tout jeune mais plutôt bel homme m’invite à sa table, je décline, je reste très professionnelle. Je ne suis pas là pour sympathiser, mais pour filmer !

 

Le lendemain matin, Var-Matin me téléphone :

 

— Sylvie, il paraît que tu étais au gala de DiCaprio, on peut faire une interview ?

— Ok.

— Tu as une photo de toi avec Leonardo ?

— Non, je n’ai pas pensé à en faire.

— Dommage, ça aurait été bien.

— Je ne suis pas très groupie, je ne demande jamais à faire de photos.

 

Ni une, ni deux, je téléphone à Patrice qui me dit que DiCaprio vient déjeuner chez lui à 16 heures, que je n’ai qu’à venir, il me le présentera pour faire une photo.

 

— Merci, mais ça me fait chier ce genre de truc, je n’ai pas envie de passer pour une groupie, tu sais quoi, comme il n’a pas de bateau cette année, il va comme d’habitude venir par les poubelles et arriver dans l’endroit où tu as tes paniers de crudités, je me mettrai là avec Marcelline que je photographierai avec les légumes sans m’occuper de Leo, s’il a envie de me voir, c’est lui qui me dira bonjour.

 

À 16 heures, je suis donc concentrée à photographier Marcelline au milieu des tomates lorsqu’un aéropage de mecs arrive, je ne les regarde pas, seule ma petite aubergine occupe mes pensées. Soudain, une main saisit Marcelline, je lève les yeux et voit le beau Léo qui éclate de rire en voyant mon aubergine.

 

— Who is she ? Who is she? me demande-t-il hilare.

— She’s Marcelline, an organic eggplant, je commence à lui expliquer.

 

Hélas, une dizaine de serveurs accourent pour le prendre en photo. Excédée, sa bande de potes entraînent aussitôt Leo qui se cache immédiatement sous sa capuche, certainement fatigué que sa notoriété l’empêche de retrouver son âme d’enfant car il faut avoir encore son âme d’enfant pour avoir envie de s’amuser aussi spontanément avec ma petite Marcelline.

 

Patrice vient alors me chercher pour me dire que Leonardo, installé à table, est d’accord pour faire une photo avec moi. Mais je décline. Ça m’emmerde l’idée d’être une groupie.

 

Et puis, mon obsession est de réussir ma vidéo avec Marcelline, pas d’avoir une photo avec le beau Leo. Le lendemain, Var-Matin est venu faire un portrait de Marcelline à mes côtés, c’est ainsi qu’elle a eu sa première interview et sa première pleine page dans un quotidien.

 

Sylvie Bourgeois Harel

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Jack Nicholson à Saint-Tropez - Sylvie Bourgeois

Jack Nicholson à Saint-Tropez - Sylvie Bourgeois

Jack Nicholson, un été à Saint-Tropez

 

J’ai 41 ans, je suis à Nice lorsque mon téléphone sonne, je décroche et j’entends une petite voix me dire : bonjour Sylvie, on m’a donné vos coordonnées, il paraît que vous pouvez m’aider, vous êtes voyante, c’est ça ? Euh, non, je réponds, dites-moi quand même quel est votre problème. La petite voix m’explique qu’elle souffre car son amant ne quitte pas sa maîtresse officielle alors qu’il lui promet qu’il va le faire, elle est désespérée et ne fait que pleurer. La petite voix est une héritière très riche, divorcée d’un milliardaire né dans une famille dont, me dit-elle, on ne divorce jamais, mais elle, avec sa petite voix, elle a osé partir.

 

Par chance, un ami travaille chez la maîtresse en question. Je peux donc avoir toutes les infos nécessaires sur les nombreux déplacements de l’amant, qu’il dit être strictement professionnels alors que ce sont souvent des week-ends d’amoureux avec sa maîtresse. Évidemment, la petite voix ne sait pas d’où viennent mes précieuses infos qui s’avèrent toujours justes dès qu’elle désire coincer son amant sur ses nombreux mensonges.

 

Au bout d’un mois, la petite voix que je ne connais toujours pas m’invite au George V pour me remercier. À la fin du dîner, elle me confie qu’elle est contente que nous ayons parlé philosophie car elle avait un peu peur que nous ne parlions que d’habits, ce qu’elle fait d’habitude avec ses amies. Ravie, elle m’invite à passer le mois d’août avec elle à Saint-Tropez. Euh, non, un mois c’est trop, je lui réponds, je viendrai deux ou trois jours, non, non, non, elle insiste en tapant des pieds comme une petite fille gâtée, je veux que tu viennes un mois. Je négocie deux semaines, ça me suffit.

 

La maison qu’elle a louée est sublime, les pieds dans l’eau, avec ponton privé d’où je plonge chaque matin après mon footing quotidien, à cette époque, je suis anorexique et je fais trois heures de sport par jour pour sécher mon corps. Dommage, je n’écrivais pas encore sinon je ne serais jamais sortie de ce paradis, tandis que là, dès 8 heures, je file en scooter chez Sénéquier retrouver mes copains jusqu’à l’heure du déjeuner sur une plage ou nous allons souvent en bateau.

 

La petite voix est invitée à toutes les soirées mondaines où je n’ai aucune envie de l’accompagner, les dîners placés y sont trop longs et ennuyeux, ça ne parle que d’habits, d’achats, de restaurants et de nouveaux hôtels formidaaables. Néanmoins, comme je l’adore et que je suis devenue sa poupée, je la laisse m’habiller avec ses très jolis vêtements de grandes marques, mais arrivées dans les sublimes propriétés, j’enlève discrètement nos noms des tables. Après quelques bisous et small talk, je cache la petite voix contente de retrouver ses 10 ans dans les toilettes et hop, de là, nous filons à la voiture. En route, je téléphone au cuisinier afin qu’il nous prépare des frites avec un œuf plongé dans la friteuse, un régal, et qu’il installe notre table sur le ponton. Après le repas, nous plongeons nues dans la nuit, un délice. La petite voix est heureuse que je lui apprenne ma simplicité des bons moments.

 

Un matin, la petite voix ravie qu’Yves Rénier se soit épris de moi, il ne me quitte plus et m’appelle tout le temps, décide de faire un cocktail dînatoire le soir-même en mon honneur, elle trouve ça très gai son coup de foudre alors que je n’ai jamais fait le moindre bisou à Yves avec qui d’ailleurs je suis restée très amie.

 

En début d’après-midi, Jack Nicholson débarque en short à la maison avec sa fiancée Lara Flynn Boyle, Willy Rizzo qui a amarré son Riva devant le ponton et son épouse Dominique. Autour d’un café sur la terrasse, j’explique à Jack que la petite voix a organisé un cocktail mais s’il veut avoir la paix, qu’il se sente à l’aise, il n’est pas obligé d’y participer. You are explaining to me that you would prefer I not be present ? me demande l’homme que le monde entier, j’imagine, aimerait avoir à sa table. Le ton est mis.  

 

Durant la soirée qui, évidemment, n’est pas placée, Jack, très cool, s’installe en short, chemise hawaïenne et casquette à la table des enfants et joue tranquillou avec eux. C’est top, il a fallu un certain temps avant que les invités le reconnaissent.

 

Le lendemain matin, c’est la cacophonie, tous les téléphones se mettent à sonner, même le mien, d’Eddie Barclay à Tony Murray, toute la presqu’île veut inviter Nicholson. Sentant qu’il veut être tranquille avec Lara, je lui propose de prendre ma réservation pour deux au 55, puisque qu’elle est à mon nom, aucun paparazzi ne saura qu’il va déjeuner là-bas, je lui laisse même ma BX avec mon vélo dedans, oui, chaque soir, j’allais pédaler une heure, pour être totalement incognito. Good idea, me dit-il en m’embrassant sur le front. Come with us, I invite you, you’re fun. No, no, je réponds. Pourquoi ? Je ne sais pas. Toute ma vie tient peut-être justement dans mes choix bizarres.

 

Le soir, au moment de partir dîner à l’Auberge de La Mole dont les plats sont trop copieux et trop gras pour une anorexique comme moi, je suis vautrée sur le canapé en pyjama en soie choisie par la petite voix quand Jack me demande pourquoi je ne suis pas prête. I’m tired, I said en baillant, I prefer to stay at home. Pas habitué à ce qu’on lui dise non, Jack me soulève par les épaules : Sylvie, stop always saying no. C’est très mignon de sa part. Hop, je saute dans une paire de mules en sequins de la petite voix afin de transformer mon pyjama de soie en tenue de soirée, hop, je me retrouve assise à ses côtés dans la voiture, hop, avec Lara aussi maigre que moi, au resto, c’est top, en voyant le menu foie gras, on se comprend aussitôt, hop, ni vu, ni connu, on se trouve un gentil chien pour finir nos assiettes, sauf pour le dessert, la mousse au chocolat mélangée à de la crème fraîche, aucune anorexique ne peut résister.

 

Le lendemain matin, en rentrant de mon footing, j’ai couru une heure de plus afin d’éliminer mon excès de mousse au chocolat, je retrouve la maisonnée au petit-déjeuner servi sur la terrasse quand Jack m’annonce que nous sommes invités à déjeuner chez Barclay, avant même que j’ouvre la bouche, don’t say no little girl, me dit-il en croquant dans sa tartine.

 

Dans le Riva, pendant que Dominique et Lara bronzent sur la banquette arrière, je raconte à Willy et Jack mon amour pour Schopenhauer. Soudain, je réalise que je suis en train de traduire l’un pour l’autre nos pensées philosophiques. Don't tell me you don't speak French and Willy no English, je dis à Jack en éclatant de rire. You are the first who noticed it, éclate-t-il de rire à son tour. Depuis le temps que ces deux meilleurs amis se connaissant, et bien, il ne se parlent qu’en faisant des yéé yéé franco-anglais ou des claques sur l’épaule, c’est peut-être ça d’ailleurs le secret d’une amitié qui dure, se parler par télépathie.

 

Chez Barclay, après le déjeuner, Jack m’entraîne dans le jardin pour continuer de converser sur le sens à donner à notre vie, ma question de toujours, pourquoi quelque chose plutôt que rien ? Puis nous allons tous les cinq nous baigner au mouillage devant Pampelonne, à sauter dans la mer depuis le Riva, les habituelles photos que l’on voit tous les étés dans Paris-Match.

 

Le soir, après le dîner à la maison, vautrée en robe longue de soirée sur le canapé du salon, je lance le sujet sur l’amour, le sexe et l’argent. Lara me dit que nous, les Françaises, sommes idiotes car nous donnons gratuitement aux hommes l’escalade de nos prouesses sexuelles, contrairement aux Américaines qui le monnayent, genre tu veux un blow job, ok, déjà, jamais le premier soir, et ensuite combien tu es prêt à donner pour atteindre le nirvana que tu attendras le temps qu’il faudra ? Effarée, je regarde Jack qui me montre le magnifique bracelet en diamant autour du poignet tout maigre de Lara. Ah oui, quand même, putain, je me dis, c’est sûr que je suis différente…

 

Le lendemain, Jack, Lara, Willy au volant de son joli Riva et Dominique repartent à Saint-Jean-Cap-Ferrat. Sur le ponton, je leur dis de bien faire attention aux rochers qui sont un peu plus loin, que l’on ne voit pas à fleur d’eau, car vu que j’ai faites toutes les manoeuvres du bateau la veille pour accoster et repartir de chez Barclay, je crains que Willy ne soit fatigué. Une heure plus tard, le téléphone sonne, ils se sont plantés exactement au même endroit.

 

Avec Lara, nous nous écrivons quelques mails rigolos, on s’échange nos adresses de restos où l’on peut ne manger qu’une carotte et perdre encore un kilo, elle m’invite chez elle à LA, je n’y suis jamais allée. Pourquoi ? Je ne sais pas. La petite voix me demande de rester plus longtemps à Saint-Tropez, jusqu’à fin septembre, elle a prolongé la location, l’arrière-saison est superbe, elle ajoute que c’est chouette que je fasse du 35 comme elle et que je puisse porter ses habits, elle veut d’ailleurs m’emmener faire du shopping au village, bien sûr, c’est elle qui payera tout. Non, non, je lui réponds, j’ai dit deux semaines, c’est bon, je veux maintenant rentrer dans ma vie et aller m’acheter un jean XXXS chez Gap.

 

 

Nous on s'aime, une chanson de Georges Chelon

Tous les prénoms ont été changés un roman de Sylvie Bourgeois Harel

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Anorexie adulte, comment j'ai accepté de me faire soigner

et de guérir

 

Enfant, je ne mangeais rien, excepté des crêpes, des tartines de pain beurré avec du miel ou de la confiture rouge, je ne sais pas pourquoi mais il fallait vraiment qu’elle soit rouge, d’ailleurs encore aujourd’hui, je ne mange que de la confiture rouge, plus exactement de la confiture de framboises épépinées, et des pâtes, ce qui rendait folle ma mère, et je la comprends, quand ma petite chatte Cécile refuse de manger les bonnes carottes et courgettes que je lui prépare, je suis triste et inquiète qu’elle n’ait pas sa dose de vitamines et de sels minéraux. Je me souviens qu’un dimanche matin, au petit déjeuner, elle, ma maman pas Cécile, m’avait servi mon assiette de soupe que je refusais d’avaler depuis trois jours. Ça n’avait rien changé excepté que ce jour-là, je n’avais pas eu droit à mon bol de chocolat chaud avec mes tartines, et que cela m’avait marquée au point de m’en souvenir encore aujourd’hui. 

 

À cette époque, on ne parlait pas d’anorexie. Anorexique, je devais certainement l’être enfant. Anorexique, je le suis devenue adulte, à 33 ans, à la mort de mon père suivie quelques mois plus tard de celle de ma mère. Je faisais trois heures de sport tous les jours, beaucoup de cardio pour sécher comme disent les sportifs, je me levais, je courais, quand j’étais à l’étranger, je découvrais les villes grâce à mes footings, je me pesais matin et soir, je voyageais toujours avec un pèse-personne dans ma valise, je ne mangeais rien, excepté des œufs durs, du blanc de poulet, du saumon fumé, des courgettes avec des carottes, les mêmes que Cécile refuse d’avaler, et des pommes ou des framboises. Toute la journée, je ne pensais qu’à ce que je n’allais pas manger, j’organisais mon temps en fonction des repas que je ne prenais pas. Paradoxalement, j’avais énormément d’énergie. J’étais toute maigre, mais ça ne me suffisait jamais, il fallait toujours que je perde quelques grammes. Et quand je passais à table avec des amis, j’étais fière de ne pas me précipiter sur la nourriture, je trouvais vulgaire d’avoir faim, je me croyais être un elfe qui n’a besoin de rien, j’étais un esprit aérien qui ne se vautre pas dans la nourriture terrestre, mes nourritures étaient célestes, je me nourrissais de livres et de mots.

 

Six ans plus tard, une jeune amie que j’avais invitée à Saint-Tropez, qui hélas s’est suicidée depuis, peut-être avait-elle vu dans le côté mortuaire de mon anorexie sa propre mort qu’elle a désiré affronter avant l’heure, m’a expliqué sur la plage de Pampelonne que j’allais perdre mes cheveux et mes dents et m’a conseillée de voir un grand professeur en endocrinologie chez qui elle faisait son internat de médecine. Mes dents, mes cheveux, ça m’a fait peur, j’ai pris rendez-vous. Après la consultation, ce professeur m’a téléphoné le soir-même pour me dire que je l’avais ému, qu’il était tombé amoureux et qu’il allait me soigner car il désirait m’épouser. J’ai accepté de me faire hospitaliser, on m’a fait des tas d’examens, même une IRM, la veille de mon départ, il m’a enfermée dans son bureau pour essayer de m’embrasser, j’ai refusé, il me serrait fort dans ses bras, il a fini par ouvrir la porte, le lendemain, il a fait venir dans ma chambre tous ses collègues qui, chacun avec leur spécialité, m’ont expliqué l’importance de la nourriture pour notre santé et vitalité, j’ai accepté son protocole de soins à savoir aller chaque semaine à l’hôpital faire des examens et un rééquilibrage hormonal, je lui ai promis de prendre les médicaments et les piqures qui allaient m’ouvrir l’appétit afin de faire cinq repas par jour, j’ai demandé à changer de médecin, il a pleuré, s’est excusé et a accepté, peut-être qu’il était vraiment tombé amoureux de moi, je ne lui en ai pas voulu, il m’a guérie et je comprends qu’on puisse m’aimer.  

 

Quand j’ai retrouvé mon poids normal, un miracle s’est produit, j’ai écrit, sans même le savoir, mon premier roman en un mois. Tous ces mots ou tous ces maux qui ne demandaient qu’à s’exprimer devaient être coincés dans mon cerveau qui ne pensait qu’à la nourriture que je ne devais pas avaler. Plusieurs éditeurs m’ont demandé d’écrire sur l’anorexie, je le ferai peut-être un jour. Depuis, j’ai repris plaisir à manger et je mange en fonction de mon appétit. Je m’intéresse à la nourriture pour sa qualité. Je choisis les meilleurs produits, rien d’industriel bien sûr, et quand je vais au restaurant dans le Sud où je vis dorénavant, je ne vais que chez les chefs en qui j’ai confiance, qui se fournissent localement avec des légumes qui ont poussé sans pesticides, ni produits chimiques, comme Dominique le Stanc de La Mérenda à Nice ou André Del Monte au Maurin des Maures au Rayol-Canadel ou encore le jeune Yohan Aupiais du Braise and Cow à Cogolin. 

 

Et chaque fois que je dévore une soupe de légumes que j’adore maintenant, je pense à ma maman en lui envoyant des baisers au ciel, qui doit être si contente de me voir avaler ma soupe avec autant de plaisir et un si bon appétit.

Anorexie adulte, comment j'ai accepté de me faire soigner et de guérir
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Saint-Tropez, été 1983, ma première fois dans la presqu'île

 

J'ai 20 ans et je viens enfin, pour la première fois de ma vie, de passer deux mois idylliques, seule, avec mes parents à Besançon. Mais ce bonheur ne durera pas. Vincent, un de mes frères qui a 3 ans de plus que moi, et avec qui je viens de passer une année très dure à Cap-d’Ail où je travaillais comme hôtesse à Monaco vient de débarquer. 

Vincent est beau, gentil, intelligent, très intelligent même, mais il ne va pas bien psychologiquement. Personne ne me croit quand je dis qu’il a des problèmes psychiatriques, au contraire, je passe pour la méchante sœur qui veut le faire soigner. Cinq ans plus tard, il sera diagnostiqué schizophrène et sera interné à de multiples reprises.

Comme je ne suis pas en état de le supporter après tout ce que j’ai vécu à Cap-d’Ail, le matin, si je lui disais non, il me mordait le bras pour que je lui donne de l’argent, la nuit, il écoutait trois radios à fond, si des amis venaient dormir, il repeignait leur chambre d’onomatopées de guerrier, je décide de fuir la maison familiale où pourtant j’étais heureuse de profiter de mes parents. 

Je téléphone à l’Office de Tourisme de Deauville, Megève et Saint-Tropez, trois villes que je ne connaissais pas, mais qui me faisaient rêver, pour savoir s’il n’y aurait pas une annonce pour du travail. À Saint-Tropez, on me répond qu’en effet, une pizzeria recherche un serveur confirmé. Je convaincs le propriétaire que je suis un serveur confirmé. 

Le lendemain, je débarque avec quatre heures de retard, mon train ayant écrasé une vache, peut-être une vache qui, comme moi, s’était sentie obligée de quitter sa famille aimante pour avoir la paix, à la gare de Saint-Raphaël où le frère du patron m’engueule. 

À deux heures du matin, le chef de rang de la pizzéria m’accompagne à ma chambre derrière chez Sénéquier, j’étais logée, nourrie, et là, stupeur, il y a deux fois quatre lits superposés, avec sept personnes qui dorment déjà, le huitième lit est pour moi. Non seulement ça pue des pieds, mais il m’est impossible de me coucher dans une telle promiscuité, sans parler du popo qui doit être commun et la douche certainement aussi. 

Je retourne voir le patron qui comptait ses sous, suivie du chef de rang qui porte mes trois valises, à 20 ans, je voyageais toujours avec des tonnes de vêtements comme si ma vie en dépendait, aujourd’hui, j’ai tout simplifié, que je parte pour un mois ou trois jours, je prends toujours la même petite valise remplie de l’essentiel.

— Pouvez-vous m’indiquer un hôtel, il est hors de question que je dorme avec sept personnes qui puent des pieds, dis-je au patron qui me regarde, étonné.
— Nous sommes le 1er août, vous n’en trouverez pas.
— Je vais alors dormir chez vous.

Il me regarde encore plus étonné.

— Vous avez une pizzeria, vous devez bien avoir une maison, non ?
— Non, je vis dans un studio avec ma femme et notre bébé.

Le chef de rang avait dû me trouver mignonne, il me propose sa chambre de chef de rang, son statut de chef lui donnait le privilège de dormir seul. Il reprend mes trois valises et les dépose dans une chambre où, en effet, il n’y a qu’un seul lit mais avec une hauteur sous plafond d’un mètre quarante à tout casser, et toujours pas de popo ni de douches. Je le remercie.

J’attends qu’il soit loin et pars me promener dans Saint-Tropez à la recherche de pains au chocolat tout chauds. C’est une manie, la nuit, je mangeais des biscuits ou des pains au chocolat à la sortie des boîtes de nuit où j’adorais aller danser. Et Saint-Tropez est une boîte de nuit géante, il est trois heures du matin et c’est la fête partout, je suis conquise d’autant qu’en face du Yaca, un monsieur vend des pains au chocolat tout chauds. 

Tout en avalant mon troisième, je lui raconte mes aventures, mon frère fou, sa poule encore plus folle que lui qui, chaque jour, montait sur la branche du néflier pour pondre son œuf qui, inévitablement, s’écrasait sur la terrasse, mes parents que j’aime et que je suis triste d’avoir été obligée de quitter, la pauvre vache éprise, elle aussi, de liberté, les pieds qui puent des serveurs, le popo en commun, quand un garçon à peine plus âgé que moi qui m’écoutait, fasciné, me propose de m’emmener chez lui, ses parents ont un grand appartement à Port-Grimaud. 

J’achète quatre pains au chocolat pour remercier le chef de rang, le gentil garçon prend mes trois valises et hop me voilà enfin couchée, seule, dans un vrai lit avec des toilettes propres et une grande salle bains. 

Le lendemain matin, le gentil garçon retarde son retour à Grenoble et m’emmène faire le tour des plages afin que je trouve du travail pour le mois d’août. Je n’avais pas assez dormi, j’étais épuisée, il était vraiment gentil, il me portait sur son dos. 

À la Bouillabaisse, ils recherchent un cuisinier confirmé pour le snack. Je les convaincs que je suis un cuisinier confirmé. Par chance, je tombe sur la fille d’amis de mes parents qui travaille également là. Elle me propose de m’héberger chez sa fiancée, une riche allemande plus âgée. Le soir, après le dîner, je comprends que je dois dormir dans leur lit. Je prétexte une folle envie de sortir et file aux Caves du Roy où je danse en dormant debout car je suis exténuée de fatigue. 

Pendant trois jours, je mets un fichu sur mes cheveux et je fais des frites et des hamburgers. La nuit, je danse en dormant debout et je mange des pains au chocolat pour tenir le coup. La 4ème nuit, le monsieur me donne le téléphone de son copain qui recherche une serveuse confirmée pour son restaurant Le Planteur situé sur la plage de Pampelonne. Je le convaincs que je suis une serveuse confirmée et je commence à travailler dans ce très joli endroit où je suis logée dans un bungalow pour moi toute seule au bord de la mer où je me baigne matin et soir avec Frantz, le gentil plagiste de mon âge.

C’était une plage d’habitués bien élevés. À 11 heures, je passais entre les matelas prendre les commandes et à 13h, tout le monde était à table. Les deux patrons s'occupaient de la cuisine. L'un était petit et fluet, l'autre était baraqué, tatoué, le crâne rasé, Frantz m’avait dit que c’était un ancien légionnaire ou mercenaire, le genre à ne pas aimer être embêté. 

Un jour, comme d’habitude, j’entre dans la cuisine avec mon carnet de commandes plein, mais ils ont tellement bu la veille qu’ils sont incapables de préparer le repas. Sur la terrasse, les clients commencent à s’impatienter. En tant que serveuse confirmée, je prends les dessus et retourne dans la cuisine en tapant dans mes mains :

— Allez, hop, les mecs, je leur dis en riant, il faut vraiment vous mettre au boulot, sinon je vais avoir une mutinerie, nos vacanciers meurent de faim.

Je devais, sans m’en rendre compte, être un brin autoritaire du haut de mes 45 kilos si bien que le mercenaire-légionnaire-tatoué-baraqué-rasé m’a soulevée du sol.

— Non mais, la princesse, je rêve, tu crois vraiment que tu vas me donner des ordres, écoute bien, je n’ai jamais obéi à personne dans ma vie, et ce n’est pas une jolie poupée comme toi qui vas commencer à me transformer en toutou à sa maman.

Il m’a balancée dans la chambre froide entre les morceaux de viande et les plaquettes de beurre, et l'a refermée en râlant qu’il avait encore soif. Je n’ai eu la vie sauve que grâce au gentil Frantz qui, ne me voyant plus, s’est inquiété. Le petit patron fluet, moins prêt que son copain tatoué à commettre un crime qu'il aurait dû cacher en me cuisinant le lendemain pour ses clients afin de faire disparaître mon corps, lui a avoué où j’étais.

Sylvie Bourgeois photographiée par Vincent Bourgeois à Cap-d'Ail

Sylvie Bourgeois photographiée par Vincent Bourgeois à Cap-d'Ail

Sylvie Bourgeois Cours Jean-Laurent Cochet

Sylvie Bourgeois Cours Jean-Laurent Cochet

Sylvie Bourgeois et le photographe Ku Khan chez Michel Barnes

Sylvie Bourgeois et le photographe Ku Khan chez Michel Barnes

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Entre ambiguïtés et contradictions, pourquoi j'écris ?

Je n’arrive pas à dire que je suis écrivain. Même si ces quinze dernières années, j'ai publié dix romans et chez des éditeurs importants dont certains à l’étranger, chaque fois que l'on me demande ce que je fais, je réponds, en ce moment, j'écris. Ce n'est pas par excès d'humilité, je ne suis ni humble, ni prétentieuse, mais je n’arrive pas à me projeter dans un métier et encore moins à me définir par une passion d'autant que l'écriture n'est pas une passion, je n'ai jamais désiré écrire, mais j'écris. La seule chose dans laquelle je sais me projeter est mon mari. Je l’ai rencontré, il y a seize ans. Une semaine après la publication de mon premier roman. Depuis, à tout bout de champ, pratiquement tout le temps, je dis mon mari. Surtout lorsque je ne connais pas la personne qui s’adresse à moi, très vite, pour ne pas dire immédiatement, dès la première phrase, je lui parle de mon mari, mon mari a fait ci, mon mari a fait ça, mon mari m’aime, il m’épate tellement il m’aime, si, si, je vous assure, quoique je dise, quoi je fasse, il m’aime, j’ajoute en riant.

 

Dans ces cas, les femmes (plus enclines à croire aux histoires d’amour) m’envient surtout si une amie est là pour confirmer, je n’ai jamais vu un couple aussi fusionnel, il la regarde toute la journée avec des yeux remplis d’admiration, c’est très beau, elle a beaucoup de chance, j’aimerais tellement vivre la même chose. Les hommes sont plus sceptiques. Certains prennent cela pour une provocation lorsque j’affirme que je n’embrasserais plus personne d’autre que mon mari. Ils ne comprennent pas ma soif d’absolu. Ni l’exigence, ni la beauté, ni la tranquillité que je mets dans ma fidélité. Ils échafaudent alors toutes sortes d’arguments pour me déstabiliser ou me faire rougir comme si je leur avais proposé un challenge et mis en place une invitation à jouer. Ce n’est pas la réaction que je recherche. Je ne recherche rien d’ailleurs. C’est ce qu’ils ne comprennent pas. Que je ne veuille rien d’eux. Comme si ma fidélité les castrait ou était une atteinte à leur virilité. Celle-ci délimite seulement un territoire. Mon territoire. Je les positionne à l’extérieur. C’est tout. Et ils le seront toujours. À l’extérieur. De ça, j’en suis persuadée. Ils n’auront jamais la possibilité d’entrer. Il n’y a pas de clé. Pas de lumière pour se repérer. Mon intimité est interdite. À peine est-elle lisible ou détectable dans mes romans. Mais pas dans mes yeux.

 

C’est pour cela que j’aime dire, mon mari. C’est ma protection. Comme une porte. Un mur. Un mur qui m’encerclerait. Qui m'enfermerait. Me grandirait. Cette protection me rend forte. Je me sens en sécurité. Je suis en sécurité. Je peux dire ce que je veux. Tout ce qui me passe par la tête. Comme les enfants. C’est très satisfaisant. Mieux qu’un baiser volé. Il m’arrive aussi de parler de sexualité. En toute liberté. Ça me rassure de pouvoir offrir une possibilité. La possibilité de ce qui ne sera jamais. Comme un rêve. J’ouvre. Sans rien donner. Sans rien montrer. Sans ambiguïté. Pour me différencier. Pour installer ma particularité. Dessiner ma force. Me persuader de l’être. Me soigner. Voilà, je le dis, je l’affirme, je pourrais le crier, le hurler aussi, les deux mots, mon mari, me protègent de cet inconnu planté en face de moi. Un inconnu qui me plaît terriblement.

Sylvie Bourgeois Harel

 

 

Sylvie Bourgeois Harel - Plage de Pampelonne - Ramatuelle

Sylvie Bourgeois Harel - Plage de Pampelonne - Ramatuelle

Sylvie Bourgeois Harel - Plage de Pampelonne - Ramatuelle

Sylvie Bourgeois Harel - Plage de Pampelonne - Ramatuelle

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Les samedi 17 et dimanche 18 septembre, de 10h à 19h, aura lieu la 6ème opération Dessine-moi une tomate, à la Chapelle de la Queste, à Grimaud, dans le Golfe de Saint-Tropez, organisée par l'association Je fais ma part 83, la même association qui a créé le potager participatif Oasis Esperanza, avec des stands, des animations, pour les adultes et les enfants, des conférences, des tables rondes, des rencontres, des ventes de miel, des échanges de semences, des papoti-papota, des rires, des bisous bisous et des bonnes choses à grignoter et à boire.

Tout cela me fait remonter à six ans en arrière. Nous sommes en septembre 2015. Je n'habite pas encore dans le Sud. Je vis à Paris, à Saint-Germain-des-Prés, mon quartier préféré et je viens de décider de vivre dix jours par mois à Saint-Tropez, seule, sans copine, sans mari. Juste moi et la mer. Je ne savais pas encore que la forêt et La Garde-Freinet allaient avoir raison de mon cœur au point de me faire déménager en avril 2022.

Avant ce fameux mois de septembre 2015 qui a fait basculer beaucoup de choses dans mon existence, lorsque je rentrais de Ramatuelle où je n'allais plus très souvent depuis le tournage du film Les randonneurs à Saint-Tropez que j'avais coécrit avec feu le scénariste Éric Assous et mon mari, Philippe Harel, qui l'a réalisé, je racontais à mes amis de Paris la douceur de l’eau, le sable de l’Escalet aussi blanc que celui des Maldives, le vert de toutes les vignes qui se marie si bien avec celui des pins, les sangliers qui détruisent les jardins, les amusants petits-déjeuners chez Sénéquier où l'on commence à deux et où l'on termine à quinze avec tous les copains des copains, les virées en voilier, les piques-niques en hélico, les soirées à danser, les délicieuses tartes tropéziennes de la boulangerie des Deux Frères, les restos dégueulasses où je vomis à chaque fois en sortant, le village de Saint-Tropez tellement ravissant qu'il devrait être classé patrimoine mondial par l'Unesco afin de mettre fin à toutes ces constructions d'immeubles horribles qui le défigurent, mais depuis mon dernier séjour où je suis venue passer une semaine seule début septembre à l'hôtel du Colombier et où je me suis régalée d'aller pieds-nus me baigner à la Ponche, je ne parle plus que d'agroécologie, de permaculture, de vers de terre, de pollinisation, de biodiversité, de semences reproductibles, de vision holistique, de cultures sur buttes, de composts ou de résilience écologique.

En effet, la veille de rentrer chez moi, je dîne avec un vieux pote à La Forge, un restaurant italien et ramatuellois (où je ne vomis pas... ) qui  me convainc de ne pas repartir tout de suite à Paris et m'invite à passer une semaine dans la propriété qu'il vient d'acheter. Il me dit que ça va m'amuser. J'accepte. Je change mes billets de TGV. Et hop ! Je me retrouve à dîner avec Paul Watson, pirate-fondateur de Sea-Shepherd, qui a dédié sa vie pour sauver des milliers de baleines, requins, tortues, phoques, dauphins, et dénoncer les dégâts de la pêche intensive. D'ailleurs, c'est simple, pour être embauché chez Sea-Shepherd, Paul demande au futur candidat s'il serait prêt à donner sa vie pour sauver une baleine. Si la réponse est non, exit. En revanche, si c'est oui, bienvenue dans ce monde de justiciers des mers !

Le lendemain matin, je suis réveillée par une centaine de bénévoles, au look gentiment baba-cool,  rien à voir avec ma bande bien coiffée de chez Sénéquier ou du Club 55, qui commencent à installer des stands, des toilettes et une cantine dans le jardin. En effet, tout cela est très amusant. Une Marie vient à ma rencontre et se présente, elle est présidente de l'association Colibris Golfe de Saint-Tropez qui fête ses 1 an et organise l'opération Dessine-moi une tomate, nom inspiré du Petit-Prince de Saint-Exupéry qui a grandi jusqu'à 5 ans dans ce domaine, peut-être même a-t-il dormi ou joué dans ma chambre ? La seule chose que je sais, c'est juste après le détour qu'il a fait en avion pour aller, comme à son habitude, faire trois ronds dans le ciel histoire de saluer sa maman, une autre Marie, revenue habiter dans cette maison, qu'il a été descendu quelques minutes plus tard au large des côtes marseillaises.

Durant deux jours, j'ai écouté, au milieu de plus de 2500 visiteurs, une dizaine de conférences au cours desquelles les intervenants tous aussi passionnants les uns que les autres ont raconté leurs expériences et leur combat pour un plus grand respect de la nature et de la terre. Émue et séduite, j'ai même failli acheter un poussin extraordinairement mignon issu d’une race de poule ancienne très jolie avec des grosses pattes exagérément fournies en plumes, mais malgré tout l'amour que j'aurais pu lui apporter, je n'ai pas sauté le pas, petit-poussin-devenu-grand aurait été malheureux sur mon balcon parisien.

Même si je suis très vigilante sur la provenance et la qualité de mon alimentation (je n’avale jamais de nourriture transformée et issue de l'industrie) et que dans mes romans, mes héroïnes militent toujours, à leur façon et avec leur dialectique, contre les dérives et les dangers des pesticides et les dramatiques techniques d'agriculture qui à force de rechercher une rentabilité uniquement financière ont épuisé nos sols et asséché nos nappes phréatiques, et ce au niveau mondial, durant ce week-end varois, j’ai beaucoup appris. J’ai appris, entre autres, que l’homme a besoin du ver de terre pour vivre mais que le ver de terre (mon nouveau héros) n’a pas besoin de l’homme, que les semences OGM sont un crime contre l'humanité, que le requin avec sa moyenne de dix morts par an est l’animal le moins meurtrier, en comparaison, le moustique en tue 830000, qu’un végétalien qui roule en voiture pollue moins qu’un carnivore qui circule à vélo, que 40% des poissons pêchés servent à nourrir d’autres animaux, que les cochons mangent plus de poissons que les requins, que 80 millions de requins sont tués chaque année, qu’une baleine défèque 3 tonnes de déchets par jour qui servent à nourrir le plancton, que 300000 baleines ont été décimées au XXème siècle, ce qui a entraîné une réduction de 50% du plancton.

Le soir de l'inauguration de ce premier Dessine-moi une tomate,  je suis littéralement séduite par la bienveillance et la volonté de tous ceux que je rencontre de préserver les ressources naturelles de notre planète. Conquise et émue, j'embrasse un tilleul bicentenaire pour le remercier d'être là, quand un monsieur que je connais vaguement, certainement attiré par le député et le nombre de maires de la région présents à cette manifestation, me demande en ricanant, un verre de vin rouge à la main, si je cautionne ce genre d’alimentation.

— C’est-à-dire ? je lui réponds.

— Allons, Sylvie, vous m’avez compris.

— Ben… non.

— Avouez quand même qu’ils sont très naïfs.

Préférant rester polie, réalisant que la conversation risque de devenir pénible et n'ayant aucune envie de perdre mon énergie et ma bonne humeur à essayer de le convaincre (pour certains, c'est peine perdue) en lui expliquant mon attirance pour ce nouveau monde de demain qui s'ouvre à moi avec ses connaissances et ses espoirs, je lui raconte l'histoire que Pierre Rabhi, inspirateur de cet événement, adore narrer : " Il était une fois un immense feu de forêt. Un tatou se moque d’un colibri qui porte de l’eau dans son  bec et s'évertue à la verser sur les flammes. Quand on connait la taille minuscule du colibri, on peut imaginer celle de son bec et celle de la goutte d'eau qu'il transporte. Pfut ! Ne te fatigue pas l’ami, dit le tatou. Ça ne sert à rien. Tu crois peut-être qu’avec tes quelques gouttes, tu vas arrêter l’incendie ? Je ne sais pas,  répond le colibri, mais je fais ma part !

Et comme je ne veux pas gâcher mon plaisir d’être là, j’adresse au monsieur ricaneur et pas gentil un joyeux sourire et je pars caresser un bébé oie qui ressemble étrangement à un canard.

Six ans plus tard, aujourd'hui, 1er septembre 2015, je téléphone à Marie, pas la maman d'Antoine de Saint-Exupéry, l'autre, celle de Dessine-moi une tomate..., je lui demande des informations avant de faire ma vidéo avec ma petite Marcelline, histoire d'annoncer cet événement annuel qui continue d'exister grâce aux bonnes volontés de tous ceux qui essayent de créer le monde demain, un monde de solidarité, d'échanges, de bon sens, de bienveillance, de légumes sans pesticides, de belles tomates, de soleil, de nature, d'amitiés, un monde qui est un peu loin de mes mondanités parisiennes que j'aime aussi et que je ne renie pas, un monde nouveau pour moi et qui prend de plus en plus de place dans mon cœur.

Sylvie Bourgeois Harel

Oasis Esperanza Jardin participatif et partagé de Je fais ma part à Grimaud - Sylvie Bourgeois Harel

Oasis Esperanza Jardin participatif et partagé de Je fais ma part à Grimaud - Sylvie Bourgeois Harel

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Un nouveau prix littéraire vient d’être créé afin de récompenser la meilleure biographie de l’année, le Prix Pampelonne Ramatuelle, qui a été attribué, sous l’impulsion de son président du jury David Foenkinos, à Tonino Benacquista pour son roman Porca miseria, paru chez Gallimard.

 

Une séance de dédicaces est prévue ce samedi 11 juin, de 15h à 18h, au chai du domaine viticole Fondugues Pradugues, chez Laurent Nouvion et Stephen Roberts qui cultivent leurs vignes en biodynamie. Seront également présents les auteurs Yseult Williams pour On l’appelait Maïco, Cécile Maistre Chabrol pour Torremolinos et Alyssa Wenz pour L’homme sans fil.

 

Au cours de l’après-midi, l’humoriste comédien Stéphane de Groodt, l’acteur metteur en scène de théâtre Nicolas Briançon et le journaliste Alexis Trégarot liront des extraits des livres sélectionnés.

 

Je m’amuse à croire que le fantôme de Guy de Maupassant n’est pas étranger au fait que de nombreux prix littéraires ont fleuri cette année dans le Golfe. La valse des récompenses a commencé le 21 mai avec le Prix Hôtel La Ponche décerné à Nathalie Azoulai pour son roman La fille parfaite paru chez POL. Le 27 août aura lieu le Prix de la Méduse, créé par l’entrepreneur de mode David Frèche (boutiques Loft), tandis que le Prix de l’Hôtel de Paris clôturera la saison en octobre.

 

Je m’amuse également de mes quelques similitudes avec Maupassant, comme lui, j’écris dans mes romans « youyou » lorsque je parle des petites embarcations légères qui font la navette entre les bateaux et le rivage, je trouve ce mot mignon comme pompette, ils relativisent et sont poétiques, comme lui, avant que je ne devienne écrivain, j’ai régulièrement séjourné à l’hôtel Sube situé sur le port face à la statue du Bailli de Suffren, l’ancien propriétaire me donnait sa chambre (celle de Maupassant, pas la sienne), comme lui, je suis arrivée pour la première fois en voilier à Saint-Tropez, Guy, c’était le 12 avril 1988 sur son voilier bel-Ami, moi, j’avais 14 ans, c’était sur le voilier de mes parents, l’Achille, le prénom de mon grand-père Bourgeois qui n’a jamais vu la mer. J’avais été émerveillée par la beauté des lieux. Et très en colère que mon frère aîné, qui faisait office de capitaine et de skipper, m’ordonne de laver les voiles sur le pont pendant qu’il était parti prendre l’apéritif chez Sénéquier, argumentant que pour devenir une bonne équipière, il fallait savoir tout faire.

 

C’est d’ailleurs l’anecdote qu’a retenue le Musée du cinéma et de la Gendarmerie de Saint-Tropez pour rédiger le paragraphe à mon sujet, en tant que scénariste, dans leur livre relatant l’histoire du cinéma de la célèbre presqu’île, lorsque j’ai co-écrit le film Les Randonneurs à Saint-Tropez avec feu Éric Assous et mon mari Philippe Harel qui l’a réalisé.

 

Étant toujours sous le choc amoureux de ma première rencontre avec ce joli village, j’ai poursuivi ma collection de Sophie démarrée chez Flammarion avec Sophie à Cannes et Sophie au Flore, en écrivant Sophie à Saint-Tropez, une fable écologique dans laquelle mon héroïne qui se meurt d’un chagrin d’amour aide un drôle d’architecte ruiné et alcoolique, mais terriblement doué, à remonter la pente. En le sauvant, elle retrouve le goût de vivre.

 

Et pour rester sur le thème de l’alcoolisme et de l’amour, je terminerai par ma phrase préférée de mon cher Charles Bukowski, grand alcoolique et grand écrivain (je devrais peut-être me mettre à boire ?), qui résume si bien nos choix, nos peurs, nos croyances : Le problème est que nous cherchons quelqu'un pour vieillir ensemble, alors que le secret est de trouver quelqu'un avec qui rester enfant.

 

Prix Pampelonne Ramatuelle attribué à l'écrivain Tonino Benacquista
Prix Pampelonne Ramatuelle attribué à l'écrivain Tonino Benacquista
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Paul, une nouvelle écrite sur la plage de Ramatuelle

Mon papa ne m’aime pas, sa femme non plus, sa fille encore moins. Peut-être que je sens mauvais ou que je suis très laid. Je n’ai jamais dormi dans sa maison qui est pourtant immense avec plein de fenêtres et chacun a sa voiture qui passe très vite matin et soir devant la mienne, sans même freiner pour me faire un petit coucou de la main, où je vis seul avec ma mère et mon chat qu’en cachette le soir lorsqu’il se couche contre ma joue j’appelle papa pour voir comment ça fait d’avoir un papa qui me fait des bisous et des câlins.


 

Mon chat a 8 ans comme moi. Il s’appelle Victor comme mon papa. C’est ma mère qui l’a baptisé ainsi afin de pouvoir lui crier dessus tout la journée et le disputer en lui disant qu’il est méchant. Elle aimerait aussi qu’il lui obéisse alors qu’on sait bien qu’un chat c’est comme un papa absent, ça n’obéit pas. C’est ma marraine spécialiste de poulpes et de poissons qui le lui a offert quand je suis né afin qu’elle ait deux bébés à s’occuper et qu’elle arrête de pleurer en pensant à mon papa qui ne l’aime pas non plus.


 

Dans la famille on ne s’aime pas, je demande mon cousin. Mon cousin, c’est moi qui ne l’aime plus depuis que je l’ai vu tuer les bébés que Poupoune la chatte de notre voisine a eu avec Victor, mon chat pas mon papa, quoi que mon papa, ça ne m’étonnerait pas qu’il soit, comme mon chat, un sacré matou à mettre son zizi partout et ensuite à ne pas savoir quoi faire de tous ses bébés que mon cousin a noyés dans le lavabo de sa salle de bains avant de les enfermer dans un sac plastique et de les balancer direction la grosse poubelle jaune au bout de la rue.


 

Quand j’ai vu leurs petites pattes qui se débattaient dans le vide, j’en ai été tout asphyxié à m’étouffer et à ne plus pouvoir respirer pire que si c’était moi qu’il noyait, ce qu’aurait, paraît-il, adoré faire mon père qui a hurlé mille fois à ma mère de m’avorter, m’a raconté exprès pour me faire pleurer mon cousin meurtrier de bébés qui ne savaient pas encore nager. Heureusement que ce criminel n’avait que 6 ans lorsque je suis né, sinon j’aurais terminé mort noyé dans le lavabo de sa salle de bains comme les pauvres chatons si mignons que Poupoune a longtemps cherchés, affolée, dans toutes les poubelles du quartier.


 

Parfois, le soir quand je vois la voiture de mon papa passer devant la fenêtre de ma chambre sans même qu’il me jette un regard, je suis si triste que pendant la nuit, je me réveille en nage et j’entends résonner entre les battements de mon cœur la haine de mon père qui hurle fort son désir de ma mort. Une nuit où ma marraine copine de poulpes et de poissons dormait à la maison, j’ai tellement pleuré qu’elle est venue me consoler dans mon lit qui était trempé de ma sueur de petit garçon pas aimé, elle sentait si bon avec ses longs cheveux blonds que je lui ai tout raconté, mon cousin qui a failli me noyer, les chatons assassinés de Poupoune, le zizi de mon papa qui ne n’aime pas.


 

Elle m’a expliqué que mon papa était un grand couillon, que ce n'était pas moi qu'il n’aimait pas, mais ma maman à qui il n’a jamais dit je t’aime, ni même invité au restaurant et encore moins qu’il voulait un enfant avec elle. D’où sa colère. Ce n’est pas pour l’excuser, mon petit chéri, a ajouté ma marraine en me caressant la joue, mais depuis que son amoureuse l’a quitté, il y a trente ans, ton papa fait n’importe quoi. Son amoureuse était très belle et très jeune, un matin, elle lui a dit qu’elle était trop jeune se marier, qu’elle préférait sa liberté et le soir-même, elle l’a quitté pour partir vivre à Paris. Ton papa ne s’en est jamais remis. Par dépit et par fierté, plutôt que de se battre pour aller la rechercher et la récupérer, il s’est marié quelque temps plus tard avec une fille qu’il n’aimait pas et a plongé dans son travail pour oublier le drame qui a ruiné sa vie. Mais mon petit Paul, a continué ma marraine, il est impossible d’oublier l’amour surtout quand c’est, comme pour ton papa, un grand amour, l’amour de sa vie, celui-ci a tellement besoin d’exister qu’il ressort par tous les pores de ton corps, il suffit que tu t’assoupisses un instant, et les images, l’odeur, la douceur, la beauté de l’être aimé, vont immédiatement revenir te narguer, te chatouiller les narines et te faire souffrir, certaines personnes d’ailleurs peuvent en mourir. Pour ne pas mourir, ton papa a noyé son chagrin dans le travail, mais quand il a compris que tout l’argent qu’il gagnait n’arriverait jamais à le consoler, il s’est vengé en couchant avec plein de filles qu’il n’aimait pas histoire de les faire souffrir autant que lui avait souffert. J’avoue que ce n’est pas très intelligent comme comportement, a souri ma marraine pour dédramatiser ma vie de petit garçon non désiré, mais beaucoup d’hommes sont comme ton papa, ils ont peur de leurs sentiments et font n’importe quoi.


 

Tandis que toi, mon petit Paul, a ajouté ma marraine qui sent si bon avec ses longs cheveux blonds, ce soir, je vais t’offrir un merveilleux pouvoir, même si tu n’es pas ce que l’on appelle à proprement parler un enfant de l’amour, sache qu’à partir de cette nuit, tu vas devenir un super-héros qui pourra activer son pouvoir autant de fois qu’il le voudra. Et ce pouvoir s’appelle l’Amour avec un grand A.


 

Pendant que je m'imaginais en Spiderman dont j’ai le déguisement dans le placard de ma chambre, ma marraine a ajouté que chaque fois que je sentirais monter en moi du chagrin ou de la colère, je devrais respirer profondément pour trouver le calme et la paix au fond de mon cœur et, comme par magie, des mots tout doux et tout gentils sortiront tout seuls de ma bouche, ils apaiseront ma souffrance et mes larmes, et aussi que c’était la peur que mon papa les quitte pour moi et me donne beaucoup de son argent qui avait rendu sa femme et sa fille si méchantes. Voilà mon petit Paul, a continué ma marraine fée, sois plus fort que ton papa pas là, sois plus fort que sa femme qui n’a jamais voulu te faire des crêpes dans sa grande maison, sois plus fort que ta sœur qui t’évite lorsqu’elle te croise au village, sois heureux Paul, sois heureux de tout l’amour que tu vas pouvoir leur donner, tu verras, l’univers te le rendra au centuple.


 

Je me suis senti devenir le fils de Dieu, le Jésus Christ de mon catéchisme mort sur la croix d’avoir pardonné à tous les papas aussi couillons que le mien de ne pas aimer leurs petits chatons non désirés. Un jour, j’en suis sûre, a repris ma marraine créatrice de super-héros, ton papa viendra te demander pardon et tu lui pardonneras, tu pleureras certainement car tu lui en voudras de ne pas avoir été là quand tu faisais tes premiers pas, mais tu verras, tu le prendras dans tes bras ton pauvre petit papa aussi malheureux que toi, comme s’il était ton enfant, et ton super pouvoir de l’Amour saura le consoler avec des mots tout doux et tout gentils qui sortiront tout seuls de ta bouche comme par magie.


 

Je l’aime bien ma marraine mais elle est partie loin vivre dans un lagon près de Tahiti avec un poulpe ou un poisson, je n’ai pas bien compris, dont elle est tombée amoureuse. Comme amie à qui je peux confier mes soucis, je n’ai plus que Victor et Mélanie, ma copine d’école, dont je suis amoureux mais qui ne peut pas m’embrasser pour le moment car elle est déjà en couple avec Kevin qui a la chance d’avoir, en plus des bisous de Mélanie, un vrai papa chez lui.


 

Tout à l’heure, je ne sais pas ce qu’il m’a pris, mais quand ma mère a de nouveau refusé de me donner de l’argent de poche que je voulais donner à la voisine afin que les nouveaux chatons que vient d’avoir Poupoune ne terminent pas comme moi noyés dans le lavabo de mon cousin meurtrier, d’autant que je voulais en offrir un à Mélanie pour qu’elle ait un peu de moi dans ses bras, je me suis mis en colère. En une seconde, je suis devenu mon père. Toute sa colère est sortie de mon corps. Ce ne sont pas des mots tout doux et tout gentils que la magie a fait sortir de ma bouche, mais ses quatre vérités bien salées que j'ai balancées à ma mère sans plus pouvoir m'arrêter.


 

Je lui ai crié qu’elle n’avait jamais été aimée et qu’à cause d’elle, je n’avais pas le droit de jouer avec mon papa au volley sur la plage comme le fait tous les dimanches Kevin pendant que Mélanie l’admire en riant aux éclats et en l’applaudissant chaque fois qu’il gagne, et que j'étais né uniquement, ainsi que me l’a dit mon cousin qui cette fois ne pourra pas noyer les chatons de Poupoune car je les sauverai avant, pour toucher tous les mois un chèque conséquent de mon papa le plus riche de la région, et plutôt que de dépenser cet argent en virée avec ses copines divorcées trop maquillées, j’avais bien mérité de pouvoir acheter avec l’amour de Mélanie.


 

Avant de recevoir la claque que ma mère était prête à me donner, j’ai filé dans ma chambre que j’ai fermée à clé. J’ai enfilé ma combinaison de Spiderman sur laquelle j’avais dessiné au feutre un grand A sur la poitrine afin que tout le quartier sache que j'étais un super-héros de l’Amour, puis j’ai sauté par la fenêtre en rêvant un instant que mon papa absent passe au même moment, et j'ai couru jusqu'à la plage.


 

Je suis entré dans la mer. L’eau est gelée. Nous sommes le 31 janvier. Je continue d’avancer. J’ai besoin d’aller raconter mon chagrin aux poissons, et dire aux poulpes qui sont des animaux sous-marins dotés d’une aussi grande sensibilité que la mienne, m’a appris ma marraine, que j’ai encore souvent mal à mon papa pas là. L’eau est gelée mais je continue d’avancer. Je sais que de l’autre côté ma marraine m’attend, je veux la retrouver dans son lagon doré de Tahiti. Je nage tout habillé vers l’horizon aveuglé par le soleil qui guide ma destinée. Je suis heureux. Ma colère s’est apaisée. C’est décidé, je ne veux plus de ma mère. Je ne veux plus de mon père et encore moins de son argent. Je veux seulement un bébé chat de Poupoune que j’élèverai avec Mélanie et Victor à qui, dans la précipitation, j’ai oublié de dire au revoir.


 

Je me sens lourd. Ma combinaison est toute gonflée. J’ai froid. J’ai du mal à nager. Et à respirer. Je tremble. J’ai l’impression d’être un chaton dans le lavabo de mon cousin. Je tremble. J’ai froid. J’agite mes bras. Je crie. Papa ! Maman ! Mais personne ne m’entend. Je n’ai plus de force. Je coule. Des bulles sortent de ma bouche trop pleine du manque d’amour. Mon grand A sur la poitrine essaye de remonter à la surface. Je coule dans une eau noire. Il n’y a plus de bleu, plus de soleil. J’ai peur. Je ne suis pas un super-héros, juste un petit garçon de 8 ans.

Sylvie Bourgeois Harel

PAUL est l'une de mes nouvelles sur l'enfance.

 
 
Sylvie Bourgeois Harel. Avec Pompon et Hussard. Château de La Mole. VAr

Sylvie Bourgeois Harel. Avec Pompon et Hussard. Château de La Mole. VAr

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Mon papa, je le vois une heure par an, quand il va au Festival de Cannes pour s’occuper de stars de cinéma, je le retrouve dans un jardin public, celui qui est derrière l’hôtel Negresco et pendant ce temps, ma grand-mère m’attend. Pas longtemps. Je le vois aussi parfois en photo dans Paris-Match, mais jamais en entier, en général je ne vois que le bout de son nez comme s’il avait fait des acrobaties pour se retrouver à tout prix sur la photo alors qu’on voit bien que le sujet ce n’est pas lui, mais plutôt une actrice ou même un comédien. Ma grand-mère qui me fait office de papa et aussi de maman m’a expliqué que dans le cinéma, l’amour n’existe pas et que les gens, ils sont souvent obligés de faire des pieds et des mains pour avoir leur place sur la photo car c’est un métier qui les rend fous, à force de trop fréquenter des vedettes, ça les fait croire important. Alors que dans leur vraie vie, ils deviennent très vite tristes dès qu’ils ne sentent plus briller sur eux la lumière des célébrités, et après ils ne font qu’embêter leur famille à leur reprocher de ne pas être connues pour que leurs journées, elles soient plus rigolotes. C’est pour ça que mon papa, il ne m’aime pas. Parce que je ne suis qu’un petit garçon de huit ans, et il ne trouve pas ça très marrant. Il préférerait certainement que je sois un grand artiste de music-hall surdoué pour mon jeune âge à jouer déjà des claquettes, comme ça il serait fier de me promener partout dans les boutiques où les gens me demanderaient des autographes. Mais comme ma vie, c’est plutôt de jouer avec mon cousin et ma cousine, ça l’ennuie.

 

Avec ma grand-mère de toute façon, on s’en fiche complètement d’être deux abandonnés, elle, c’est son mari qui est parti, et même qu’on est très content que ceux qui sont censés nous aimer soit par monts et par vaux, comme ça on n’a que nous deux à s’occuper. Et on s’occupe très bien de nous. Ma grand-mère, je l’aime beaucoup. Je l’adore même. C’est une grand-mère enfant, dans le sens qu’elle rit tout le temps. C’est comme si elle avait mon âge, sauf qu’elle a le droit d’aller toute seule en ville, alors que moi, pas encore. Mais elle m’emmène souvent avec elle, et elle est très fière de me tenir par la main. C’est bien simple, elle dit à tous les commerçants que je suis le plus joli petit garçon de Nice. Ma grand-mère, c’est la maman de ma maman et ma maman, je ne la vois pas souvent non plus car elle était trop jeune quand je suis né pour porter ma responsabilité. Mais là maintenant c’est bien car elle a trouvé un nouveau mari et même qu’à la fin de la semaine je vais prendre le train pour aller la retrouver et vivre avec elle à Montpellier. Au téléphone, elle m’a dit mon chéri, on va enfin habiter ensemble. Et ça m’a fait très plaisir presque à en pleurer, mais je me suis retenu, je ne voulais pas montrer que j’étais content à ma grand-mère qui sera bientôt triste de ne plus pouvoir me faire à manger ou m’acheter des beaux habits. Car ma grand-mère souvent je l’ai entendu dire à ses copines en cachette sans savoir que j’étais là, que c’était pitié pour un petit d’être sans ses parents, mais qu’en même temps j’étais pour elle un cadeau des dieux tellement c’était merveilleux de pouvoir s’occuper d’un enfant quand on a soixante ans et suffisamment d’argent.

 

Il a été décidé que je prendrai le train avec ma tante mimi qui doit rendre visite à ses filles qui habitent aussi près de Montpellier, mais un peu plus loin sur la voie ferrée. Je me suis dit qu’il y avait certainement dans cette région un nid de maris pour les filles de notre famille, sinon je ne vois pas la raison.

 

Quand on est arrivé, ma maman m’attendait sur le quai de la gare et j’ai couru très vite pour me jeter dans ses bras et la serrer fort contre mon cœur, car même si je ne la vois pas souvent, c’est quand même ma maman et je l’aime. Je crois. Après elle m’a amené dans sa nouvelle maison et elle m’a présenté Roger qui allait être mon futur beau-papa, il a dit comme ça. Puis on a déjeuné, c’était bon, mais j’ai quand même demandé à téléphoner à ma grand-mère qui devait se faire du souci de me savoir pas en face d’elle comme tous les midis depuis que je suis né. Je l’ai sentie faire exprès d’être gaie, mais j’ai entendu des sanglots qu’elle cachait dans sa voix, alors je lui ai dit de ne pas s’inquiéter, que c’était juste la normalité qui s’installait entre nous, qu’un petit garçon, ça devait vivre avec sa maman, surtout quand il était encore un enfant, mais que promis, je viendrai la voir souvent et qu’elle pourrait aussi venir dormir ici, la maison semblait suffisamment grande, même si je n’avais pas encore vu ma chambre, ni accrocher mes habits dans un placard ainsi qu’elle me l’avait appris.

 

Puis ma maman m’a accompagné dans un jardin public pour me promener, je crois, je ne sais pas, je n’ai pas osé lui demander. Il n’y a pas encore entre nous la même intimité qu’avec ma grand-mère où l’on se dit tout et même des fois des grosses bêtises juste pour nous faire rire. Et après ma grand-mère, elle devient toute rouge et elle m’embrasse en me serrant fort contre son cœur que je suis si gentil.

 

Quand on est rentré, Roger nous a demandé de nous dépêcher, la route était longue quand même avant d’arriver. Ma maman ne m’a pas regardé quand je lui ai posé la question de notre destination, elle a juste dit à Roger de prendre alors le bagage du petit, ce à quoi, il a répondu qu’il était déjà dans le coffre de la voiture et qu’il n’attendait que nous. Puis il m’a souri. C’était la première fois de la journée. Vous me ramenez chez grand-mère ? J’ai dit ? On part déjà en vacances ? Super ! Où ? Aux Etats-Unis ? Mais ils n’ont pas ri, et je me suis allé m’asseoir à l’arrière de leur Renault, et ma maman devant, mais pas au volant. Pendant le trajet, j’ai regardé le paysage qui s’avançait dans la campagne, surtout des vignes, partout. Puis on a tourné après un village dans un grand parc où au bout, il y avait comme le château de La Belle au bois dormant que je ne lis pas vraiment car c’est plus un livre pour les filles, mais que j’aimais bien quand même quand ma grand-mère me le lisait au lit quand j’étais encore petit.

 

On s’est garé et j’ai vu plein d’enfants qui ont couru pour venir me regarder comme si j’étais le pape que l’on ne voit jamais si ce n’est à la télévision. C’est quoi ? On est où ? J’ai demandé, mais encore une fois, je n’ai eu que leur silence comme réponse. J’ai essayé de m’énerver et de faire un de mes caprices qui fonctionne si bien avec ma grand-mère, mais ma maman m’a saisi la main qu’elle avait bien froide soudain et on a monté un grand escalier de pierres, pendant que Roger sortait ma valise. J’ai eu envie de pleurer, je vivais les mêmes images que j’avais déjà vues dans un vieux film au cinéma. Mais je n’en ai pas eu le temps car un monsieur est arrivé et m’a fixé droit dans les yeux en me souhaitant bienvenue dans son pensionnat. Ma vie s’est écroulée.

 

On est entré dans un bureau, puis ma maman m’a embrassé et Roger m’a serré l’épaule en me disant que j’allais me faire plein de camarades ici. J’ai failli lui répondre que des amis, ce n’était pas ce qui me manquait à Nice, j’avais Benoît, Anatole et Charles, je n’avais donc pas besoin des siens de sa région qui sent trop le vin, mais j’ai préféré l’ignorer. C’était mieux ainsi. Je venais surtout de comprendre que pour lui, je n’étais rien d’autre qu’une vieille chaussette qu’on peut abandonner n’importe où, histoire de pouvoir continuer d’embrasser ma maman à sa guise et même de lui glisser une main entre les jambes comme pendant le repas comme s’il croyait que je n’avais rien remarqué.

 

Et ma maman qui ne me parlait pas. Je me suis dit que finalement, une maman, ça ne servait à rien, à part de pouvoir souvent rêver à elle et d’imaginer combien ce serait bien si elle me coiffait les cheveux chaque matin avant que j’aille à l’école, en me déposant un baiser sur le front. Je suis un idiot, j’ai ajouté, car chaque fois que je pleure, c’est toujours ma maman que j’appelle dans mes sanglots en croyant qu’elle seule peut me sauver. Autant appeler le bon Dieu, je me suis dit. Le bon Dieu, il a fallu le prier quand nous sommes passés à table. C’était dégoûtant leur nourriture.

 

Quand je me suis couché sur mon lit en fer, rangé aligné, dans ce long dortoir qui allait dorénavant me faire office de maison, j’ai eu peur. Peur que ma vie, ça veut dire à présent être tout seul. J’ai eu peur aussi que ma grand-mère meurt sans que j’aie le temps de lui dire combien elle me manque déjà. C’est la première fois que j’ai pensé à ça, même si je me moquais souvent de son grand âge, je n’avais jamais imaginé qu’elle puisse un jour mourir pour de vrai, pour toujours. Ca m’a fait froid. Froid à en crier. Froid à vouloir me réfugier dans l’odeur de ses baisers un peu fanés. Froid à ne pas oser regarder les ombres flotter devant mes yeux. C’étaient les garçons de l’institution, ceux qui ont déjà l’habitude de vivre dans le noir de la nuit à se promener partout entre les lits sans que le surveillant ne les entende. Ils étaient venus m’embêter parce que je suis le dernier arrivé. Le petit nouveau. Ils n’ont pas arrêté de me chahuter, mais leurs pincements et leurs moqueries, ce n’était rien comparé aux fantômes et aux démons qui dansaient dans ma tête. Du coup, ils se sont lassés de mon immobilité et ils sont repartis se coucher. Et je me suis retrouvé enfin seul dans mon chagrin. Moi qui ai toujours cru que je descendais d’un cavalier noir sans peur et sans reproche, je me suis mis à trembler et j’ai regretté d’être né d’un papa dans le cinéma et d’une maman trop jeune.

 

Soudain, je me suis réveillé. Je me suis réveillé car j’étais mouillé. J’étais mouillé et ça sentait mauvais. Bouah ! Très mauvais même. J’ai soulevé mon drap. Et là, j’ai compris que j’étais encore trop petit pour affronter ma nouvelle réalité. Tout était parti. Tout. C’était dégoutant. J’avais tout évacué, ma douleur, ma colère, ma peur, mes regrets, ma mère, mon père, ils étaient tous sortis de mon univers. Pourtant j’avais toujours été un petit garçon bien propre. Alors je me suis levé, j’ai retiré mes draps et je suis allé les laver car je voulais que personne ne connaisse mon intimité si martyrisée. J’étais mouillé et sale, et j’ai eu honte. Terriblement honte. Honte d’aimer autant ma maman.

HENRI, une nouvelle de Sylvie Bourgeois. BRÈVES ENFANCES - Festival de Cannes
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