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Paul Watson, Patrice de Colmont, Sylvie Bourgeois Harel au Club 55 à Ramatuelle, dans le Golfe de SAint-Tropez

Paul Watson, Patrice de Colmont, Sylvie Bourgeois Harel au Club 55 à Ramatuelle, dans le Golfe de SAint-Tropez

Je suis bouleversée d’apprendre que mon ami, le capitaine Paul Watson, le seul défenseur des baleines, a été arrêté ce dimanche 21 juillet 2024, au Groenland par les autorités danoises sur la base de la notice rouge d’Interpol, mise en place en 2013, suite au mandat d’arrêt du Japon, a annoncé Sea Shepherd France, alors qu’avec son bateau, le John Paul de Joria, et son équipe, ils faisaient escale à la capitale Nuuk afin de se ravitailler en carburant.

 

La mission de l’expédition de Paul Watson était d’intercepter le nouveau et immense baleinier japonais, le Kangei Maru, de cent mètres de long, qui avait quitté le Japon en mai 2024, dans le but de tuer 200 baleines par an en Antarctique.

 

J’ai connu Paul Watson et son épouse Yana, maman de leurs deux jeunes garçons, dont l’aîné est déjà un talentueux joueur d’échecs, en 2016, lorsque j’ai commencé à travailler à mi-temps au château de La Mole, dans le Var, pour mon vieux copain Patrice de Colmont, propriétaire avec sa soeur Véronique du Club 55, un restaurant sur la plage de Pampelonne à Ramatuelle, qui a hébergé Paul et sa femme dans la maison à côté du château où j’habitais lorsque je venais dans la Sud. 

 

Paul est un homme que je trouve formidable, intègre, courageux, qui ne fait aucun compromis. Son combat me paraît exemplaire et essentiel. En effet, outre le côté triste, dramatique, émotionnel, à pleurer, que les baleines soient tuées avec des harpons explosifs, ne leur laissant aucune chance de s’échapper, Paul m’a appris que la baleine contribue à notre survie pour deux raisons. Leurs matières fécales, qu’elles déversent en grand nombre, vu leur taille, contiennent de l’azote, du fer et du phosphore, nécessaires au développement du phytoplancton. Ces créatures microscopiques produisent au moins 50% de l’oxygène de notre atmosphère tout en absorbant environ 40% de la production totale de CO2, soit l’équivalent de 1700 milliards d’arbres (4 forêts amazoniennes… ). Plus il y a de phytoplancton, plus il y a de captage de CO2. Plus il y a de baleines, plus il y a de phytoplancton qu’elles nourrissent et aident à se reproduire sur les mers et océans du monde entier lors de leurs migrations. 

 

Mais ce n’est pas tout. Grâce à sa taille énorme, la baleine capte énormément de carbone dans l’atmosphère et le stocke. Plus elle vit longtemps, plus elle en accumule. Et quand elle meurt de mort naturelle, elle entraîne dans sa carcasse tout le carbone qu’elle a capté, au fond des océans où celui-ci s’intègre aux sédiments marins et participe aux écosystèmes des grands fonds. Et c’est toujours ça de moins dans l’atmosphère.

 

Paul m’a expliqué que son combat gênait évidement le Japon où il était accusé d’éco-terrorisme, le royaume du Danemark où il se battait contre le massacre annuel de 500 dauphins aux îles Féroé, les baleiniers, mais aussi les industries mondiales liées à la pêche intensive qu’il combat également. Car Paul est un vrai combattant, un pirate comme il aime à se définir, qui s’interpose vraiment physiquement, avec ses équipes, entre les baleines et les harpons des  baleiniers, au risque de leur vie. Ce qui suscite mon admiration et mon respect.

 

Paul, après avoir été contraint de démissionner de Sea Shepherd Global, l’ONG qu’il avait créée il ya plus de quarante ans, qui s’était fait noyauter par des financiers contre lesquels il se battait, a créé, il y a deux ans, la Fondation Paul Watson afin de pouvoir poursuivre son combat sur la mer pour sauver les baleines dont le nombre a diminué de façon alarmante et dramatique, de pratiquement 3/4, passant de 4 à 5 millions auparavant à 1,3 million aujourd’hui. 

 

Si comme moi, vous aimez la mer, les baleines, les dauphins, les poissons, et que vous désirez soutenir le combat essentiel de Paul Watson et l’aider à payer les frais de justice, vous pouvez envoyer vos dons à : paulwatsonfoundation.org/donate

 

Sylvie Bourgeois Harel

 

Voici le lien pour regarder la vidéo de ma petite Marcelline l’aubergine qui interviewe Lamya Essemlali, alors présidente de Sea Shepherd France :

https://youtu.be/f2CczMVmjuo?feature=shared

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Ma plage de Pampelonne à Ramatuelle, je l'aime. Je l'aime à toutes les saisons, ma préférée étant l'hiver, je vais m'y baigner vers 14h quand le soleil est bien chaud, je me prépare un sandwich et un dessert que je dévore dès je sors de l'eau gelée. Le plus dur est de me déshabiller dans le froid et souvent dans le vent. Mais dès que je pénètre dans la mer, c'est fini, je ne sens plus le froid tellement c'est beau, je suis émerveillée par tant de beauté, voilà,  c'est exactement ça, j'entre sans difficulté dans l'eau parce que j'entre dans de la beauté.

En été, je vais nager à 7 heures du matin quand il n'y a personne et que l'eau est toute reposée de la nuit. je fais mes allers retours, puis je rentre à la maison, je n'aime pas voir ma plage être envahie. Au mois d'août, je n'y vais jamais. Même le matin très tôt, je sens le sable fatigué, et puis il y a très souvent une brume de chaleur qui salit tout.

Au mois de juin et de septembre, c'est délicieux, je peux rester à me prélasser sur le sable, le temps s'arrête, c'est aussi le temps des piques-niques le soir, des bains de nuit, j'adore !

 

Sylvie Bourgeois Harel - Club 55 - Plage de Pampelonne - Ramatuelle - Golfe de Saint-Tropez

Sylvie Bourgeois Harel - Club 55 - Plage de Pampelonne - Ramatuelle - Golfe de Saint-Tropez

Plage de Pampelonne - Ramatuelle - Golfe de Saint-Tropez

Plage de Pampelonne - Ramatuelle - Golfe de Saint-Tropez

Sylvie Bourgeois Harel - Club 55 - Plage de Pampelonne - Ramatuelle - Golfe de Saint-Tropez

Sylvie Bourgeois Harel - Club 55 - Plage de Pampelonne - Ramatuelle - Golfe de Saint-Tropez

Sylvie Bourgeois Harel - Club 55 - Plage de Pampelonne - Ramatuelle - Golfe de Saint-Tropez

Sylvie Bourgeois Harel - Club 55 - Plage de Pampelonne - Ramatuelle - Golfe de Saint-Tropez

Sylvie Bourgeois Harel - Club 55 - Plage de Pampelonne - Ramatuelle - Golfe de Saint-Tropez

Sylvie Bourgeois Harel - Club 55 - Plage de Pampelonne - Ramatuelle - Golfe de Saint-Tropez

Plage de Pampelonne - Ramatuelle - Golfe de Saint-Tropez

Plage de Pampelonne - Ramatuelle - Golfe de Saint-Tropez

Plage de Pampelonne - Ramatuelle - Golfe de Saint-Tropez

Plage de Pampelonne - Ramatuelle - Golfe de Saint-Tropez

Sylvie Bourgeois Harel - Club 55 - Plage de Pampelonne - Ramatuelle - Golfe de Saint-Tropez

Sylvie Bourgeois Harel - Club 55 - Plage de Pampelonne - Ramatuelle - Golfe de Saint-Tropez

Sylvie Bourgeois Harel - Club 55 - Plage de Pampelonne - Ramatuelle - Golfe de Saint-Tropez

Sylvie Bourgeois Harel - Club 55 - Plage de Pampelonne - Ramatuelle - Golfe de Saint-Tropez

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Pierre Rabhi rencontre l'écrivain

Sylvie Bourgeois Harel

au Club 55 à Ramatuelle

 

En septembre 2015, je suis invitée pour être coéquipière sur un bateau exclusivement féminin afin de participer aux Voiles de Saint-Tropez. Une semaine avant, j’annule ma présence à bord, ça m’ennuie de ne régater qu’avec des femmes, je préfère la mixité d’autant que lorsque je me trouve au sein d’un groupe d’hommes et de femmes, je sais que je rencontrerai toujours un homme que je vais faire rire, j’adore faire rire, et qui sera ravi, le temps de la rencontre, d’être mon chevalier servant. En tout bien tout honneur !

Bien m’en a pris car cette invitation m’a motivée à retourner à Saint-Tropez où je ne venais plus depuis des années, j’ai passé une semaine formidable au cours de laquelle j’ai rencontré un homme passionnant, Pierre Rabhi, devenu mon ami.

L’histoire est suffisamment mignonne pour que j’aie envie de la raconter. Nous sommes le 1er octobre. Je suis sur la plage de Pampelonne à regarder les vagues. Mon frère aîné m’attend pour déjeuner au Club 55. Il y a du vent. Je ne suis pas pressée. Le mistral apporte un bleu fascinant. Je suis subjuguée par toute cette beauté de la lumière du Sud dont je ne me lasse pas.

Un peu plus loin, à une cinquantaine de mètres, une dizaine de personnes, en chemise et pantalon, se rassemblent devant des photographes. Soudain, un petit bonhomme, en manteau bleu marine avec une sacoche, quitte le groupe et s’avance vers moi. Je le reconnais, il s’agit de Pierre Rabhi, un paysan devenu écrivain et conférencier qui raconte avec sagesse et philosophie comment, depuis 50 ans, il cultive son potager sans pesticides, ni produits chimiques.

Mon vieil ami restaurateur ramatuellois, Patrice de Colmont, lui a organisé ainsi qu’à Paul Watson, le fondateur de Sea Shepherd, un grand déjeuner en leur honneur. La veille, il m’avait dit qu’il était embêté car il ne savait pas à côté de qui asseoir Pierre Rabhi.

— Tu vois, m’avait-il confié, il faut que je lui trouve la bonne personne qui sera importante pour lui avec qui il pourra bien échanger d’autant que son entourage n’aime pas quand je lui fais faire des mondanités.

L’année précédente, il lui avait présenté Leonardo DiCaprio qui avait invité Pierre sur son yacht au large de Ramatuelle pour un entretien d’une heure avec la promesse qu’il fera tout pour que ses livres soient publiés et médiatisés aux Etats-Unis.

— Tu n’as qu’à me le présenter ton Pierre Rabhi, je lui réponds, je m’occuperai de lui, au moins, avec moi, il rira.
— Non, non, me dit mon vieux pote, c’est trop compliqué.

Je lève les yeux au ciel, j’adore Patrice, mais je déteste que l’on me dise non. C’est pour cela d’ailleurs que je ne demande jamais rien ou alors que très rarement afin de ne pas souffrir du non. Quoique, avec le recul, je me dis que je devrais peut-être demander plus souvent, ainsi, je pourrais toujours avoir la bonne surprise du oui et le non me motive à gagner.

En effet, je ne sais pas ce qu’il s’est passé alors à cet instant précis dans ma tête, mais je décide que le lendemain, Pierre Rabhi ne soit s’occuper que de moi, qu’il doit être mon chevalier servant.

Et hop, ça a marché, merci l’univers de me protéger et d’être aussi gentil avec moi. Arrivé à ma hauteur, Pierre me prend la main qu’il embrasse délicatement et me demande qui je suis. Je lui réponds que je m’appelle Sylvie et que je me suis habillée en vert prairie pour lui rendre hommage. Nous discutons pendant quelques minutes au bord de l’eau, j’ai lu ses livres, je connais son implication pour le respect de la terre. Au bout d’un moment, voyant son groupe lui faire des grands signes, je lui dis au-revoir.

— Ne pars pas Sylvie, viens faire la photo avec nous.
— Non, parfois, je suis sur la photo, mais là, il n’y aucune raison.
— Alors, viens déjeuner avec moi.
— J’ai déjà un déjeuner, Pierre, mais promis, je fais vite et je te rejoins.

Trois quarts d’heure plus tard, je le rejoins à sa grande table d’honneur où il m’a gardé la place à ses côtés, personne n’a le droit de s’y asseoir. Nous avons parlé toute l’après-midi jusqu’à son départ. Nous sommes devenus amis à nous téléphoner régulièrement, à nous voir au moins deux fois par an. Hélas, Pierre est décédé le 4 décembre 2021.

C’est ce 1er octobre 2015 qu’il m’a appris que 75% des semences reproductibles avaient disparu du patrimoine mondial.

Cette phrase m’a choquée au point que deux ans plus tard, j’ai créé ma chaîne YouTube Marcelline l’aubergine. C'est comme pour mes romans, avant d'aborder un sujet, il faut que celui-ci m'ait choquée, qu'il m'ait fait rire ou mal, attristée ou fascinée, mais qu'il ait, d'une manière ou d'une autre, flirté avec moi, je ne peux pas écrire sur ce que je ne connais pas.

Puis Marcelline est devenue la présidente de mon association Avec Sylvie on sème pour la vie, destinée à préserver les semences reproductibles.

 

Sylvie Bourgeois Harel

Sylvie Bourgeois Harel - Pierre Rabhi - Photo de Geneviève Frachon

Sylvie Bourgeois Harel - Pierre Rabhi - Photo de Geneviève Frachon

Pierre Rabhi - Patrice de Colmont - Sylvie Bourgeois Harel - Lablachère

Pierre Rabhi - Patrice de Colmont - Sylvie Bourgeois Harel - Lablachère

Pierre Rabhi - Patrice de Colmont - Sylvie Bourgeois Harel - Marcelline l'aubergine

Pierre Rabhi - Patrice de Colmont - Sylvie Bourgeois Harel - Marcelline l'aubergine

Château de La Mole - Fonds de Dotation Pierre Rabhi

Château de La Mole - Fonds de Dotation Pierre Rabhi

Château de La Mole - Fonds de Dotation Pierre Rabhi

Château de La Mole - Fonds de Dotation Pierre Rabhi

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Leonardo DiCaprio - Sylvie Bourgeois Harel - Marcelline l'aubergine - Saint-Tropez

Leonardo DiCaprio - Sylvie Bourgeois Harel - Marcelline l'aubergine - Saint-Tropez

En juillet 2017, je suis chez moi, à Paris, en train de faire des crêpes lorsqu’un ami m’apprend que Leonardo DiCaprio organise trois jours plus tard un gala caritatif à Saint-Tropez en l’honneur de sa Fondation dédiée à la nature.

 

— Il faut absolument que tu y ailles avec Marcelline, me dit-il.

 

Marcelline est le personnage de la chaîne YouTube Marcelline l’aubergine que je viens de créer.

 

Ni une, ni deux, je téléphone à Patrice de Colmont qui, tous les ans, reçoit DiCaprio dans son restaurant du Club 55 à Ramatuelle.

 

— Quand Gatsby (un des organisateurs de la soirée) viendra déjeuner, peux-tu stp lui demander une invitation pour moi, mais juste pour le cocktail, je m’en fous du dîner.

 

Je le sens embêté, mais comme il adore Marcelline dont il est le partenaire historique, il me promet qu’il parlera le lendemain midi à Gastby qui, en effet, a réservé une table.

 

Le lendemain, Patrice me téléphone, enchanté.

 

— Tu as ton invitation.

— Génial !

— Ce qui est surtout génial, c’est la façon dont cela s’est passé, je suis allé voir Gatsby qui déjeunait avec le producteur de DiCaprio, un gros bonhomme, dès que j’ai dit que tu désirais venir à leur cocktail avec Marcelline, le gros producteur s’est réjoui et a crié avec un fort accent américain Marcelline l’aubergine ! Voyant l’euphorie du producteur, Gatsby t’a mis deux invitations pour le dîner.

 

Depuis que j’écris des romans, Patrice, un vieux pote depuis presque 40 ans, très fier que je sois devenue écrivain, met chaque année des affiches de mes livres dans son resto. Il a donc mis une affiche de Marcelline et de moi. Le gros producteur en voyant une blonde qui sourit à une aubergine aux grandes lunettes dorées a tout de suite tilté et a imprimé dans sa tête cette image un peu loufoque, d’où son enthousiasme, autant dire que mon vieux pote était fier et soulagé que je sois ainsi identifiée.

 

Je téléphone illico à mon ami Christophe Guillarmé pour qu’il me prête une robe et, hop, je saute dans un TGV, la soirée est le lendemain.

 

J’arrive tôt. C’est ma 3ème vidéo, je ne maîtrise pas totalement la technique. Je m’approche de Sean Penn qui, étonné de la mine de Marcelline, demande à ses potes-body-guard de me laisser m’asseoir un instant à ses côtés, je lui explique alors que Marcelline est une organic eggplant, il éclate de rire et me dit qu’avec le bruit, il ne comprend rien. La scène est formidable sauf que je n’ai pas appuyé sur le bon bouton, ça ne filme pas.

 

Durant toute la soirée, je suis tellement concentrée à essayer de bien faire que je ne prends pas le temps de m’asseoir. Et même lorsqu’un Américain plus tout jeune mais plutôt bel homme m’invite à sa table, je décline, je reste très professionnelle. Je ne suis pas là pour sympathiser, mais pour filmer !

 

Le lendemain matin, Var-Matin me téléphone :

 

— Sylvie, il paraît que tu étais au gala de DiCaprio, on peut faire une interview ?

— Ok.

— Tu as une photo de toi avec Leonardo ?

— Non, je n’ai pas pensé à en faire.

— Dommage, ça aurait été bien.

— Je ne suis pas très groupie, je ne demande jamais à faire de photos.

 

Ni une, ni deux, je téléphone à Patrice qui me dit que DiCaprio vient déjeuner chez lui à 16 heures, que je n’ai qu’à venir, il me le présentera pour faire une photo.

 

— Merci, mais ça me fait chier ce genre de truc, je n’ai pas envie de passer pour une groupie, tu sais quoi, comme il n’a pas de bateau cette année, il va comme d’habitude venir par les poubelles et arriver dans l’endroit où tu as tes paniers de crudités, je me mettrai là avec Marcelline que je photographierai avec les légumes sans m’occuper de Leo, s’il a envie de me voir, c’est lui qui me dira bonjour.

 

À 16 heures, je suis donc concentrée à photographier Marcelline au milieu des tomates lorsqu’un aéropage de mecs arrive, je ne les regarde pas, seule ma petite aubergine occupe mes pensées. Soudain, une main saisit Marcelline, je lève les yeux et voit le beau Léo qui éclate de rire en voyant mon aubergine.

 

— Who is she ? Who is she? me demande-t-il hilare.

— She’s Marcelline, an organic eggplant, je commence à lui expliquer.

 

Hélas, une dizaine de serveurs accourent pour le prendre en photo. Excédée, sa bande de potes entraînent aussitôt Leo qui se cache immédiatement sous sa capuche, certainement fatigué que sa notoriété l’empêche de retrouver son âme d’enfant car il faut avoir encore son âme d’enfant pour avoir envie de s’amuser aussi spontanément avec ma petite Marcelline.

 

Patrice vient alors me chercher pour me dire que Leonardo, installé à table, est d’accord pour faire une photo avec moi. Mais je décline. Ça m’emmerde l’idée d’être une groupie.

 

Et puis, mon obsession est de réussir ma vidéo avec Marcelline, pas d’avoir une photo avec le beau Leo. Le lendemain, Var-Matin est venu faire un portrait de Marcelline à mes côtés, c’est ainsi qu’elle a eu sa première interview et sa première pleine page dans un quotidien.

 

Sylvie Bourgeois Harel

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Patrice de Colmont - Sylvie bourgeois Harel - Le Club 55 - Ramatuelle - Plage de Pampelonne

Patrice de Colmont - Sylvie bourgeois Harel - Le Club 55 - Ramatuelle - Plage de Pampelonne

Mon ami Patrice de Colmont

Saint-Tropez

En septembre 2015, je décide de revenir plus souvent seule à Saint-Tropez dont je suis tombée amoureuse à 20 ans lorsque j'ai travaillé durant le mois d'août au Planteur, une plage de Pampelonne à Ramatuelle. Je prends une chambre pour une semaine à l'hôtel du Colombier, je ne loue pas de voiture, j'ai envie de vivre le village de l'intérieur, de tout faire à pied, je vais d'ailleurs me baigner pieds nus à la Ponche, c'est un véritable bonheur, la lumière, les odeurs, les couleurs, tout me ravit et me séduit.

Patrice de Colmont

Au moment de rentrer à Paris, mon vieil ami Patrice de Colmont que j'ai connu en 1984, ravi de m'avoir retrouvée, il était très fier que je sois devenue écrivain et affichait tous les ans au Club 55 les affiches de mes romans, personne n'a le droit d'y toucher, m'avait dit un jour sa soeur, me propose de rester une semaine dans le château qu'il vient d'acheter à La Mole. J'accepte. Je passe des jours délicieux où je ris beaucoup de voir comment mon ancien amoureux passionné et romantique est devenu un homme d'affaires qui ne fait que travailler au lieu de profiter de la nature qu'il dit aimer. Il m'avoue qu'il est prisonnier, pieds et mains liés, de son activité professionnelle et qu'il en souffre. Je ne pensais pas que tu étais devenu aussi riche, je lui dis en éclatant de rire devant sa mine déconfite d'homme puissant dans la région que tout le monde craint, pour moi, tu resteras toujours mon beau et tendre Patrice qui m'embrassait pendant des heures lorsque nous nous sommes rencontrés.

Ma liberté l'épate et l'amuse, le distrait certainement aussi. Alors je lui raconte mille projets que nous pourrions réaliser ensemble, aller nourrir les enfants qui meurent de faim, créer un sanctuaire pour protéger les loups, planter un potager médicinal... des projets qui le séduisent autant qu'ils l'effraient...

La lumière du Sud

De son côté, Saint-Tropez n'arrête de me solliciter afin que je revienne régulièrement, comme un appel de la lumière du Sud qui veut m'attirer à elle, la chaîne de web télé locale, Global TV, me demande de leur faire des interviews, l'hôtel de Paris m'offre une suite afin que je fasse une lecture d'extraits de mes romans en plein mois de novembre alors que le village est vide, n'empêche, la salle est remplie, le Café des Arts m'organise également une soirée littéraire, idem avec plein de monde, tout cela est très joyeux.

Le château de La Mole

Patrice qui désire me garder vers lui propose de m'embaucher dans sa propriété agroécologique dans laquelle il me met à disposition dans son charmant château provençal une jolie chambre ainsi qu'une voiture électrique. J'accepte à condition que ce soit à mi-temps, je n'ai aucune envie de quitter Paris où je vis avec mon mari, entourée de tous mes amis.

Mes amis les animaux

Immédiatement, je deviens copine avec tous les vers de terre, oiseaux, renards, chevaux, abeilles qui vivent sur le terrain, j'ai même une couleuvre Lily qui aime se dorer au soleil sous ma fenêtre et un lièvre Lolo qui me fait coucou tous les matins avec ses grandes oreilles qui dépassent dans les herbes. J'ai toujours aimé la nature et là, je me régale. Mes nouveaux amis, que des animaux, me le rendent bien. C'est ainsi que le jour anniversaire de la mort de ma maman alors que je suis en train de pleurer sur mon lit, un couple de rolliers, de magnifiques oiseaux bleus migrateurs, est entré dans ma chambre et a fait deux tours au-dessus de mes yeux en larmes avant de m'observer depuis le platane centenaire. Je ne saurai jamais s'ils voulaient me consoler ou si c'était un message de ma mère qui me disait de retrouver ma gaieté, quoiqu'il en soit, j'ai pris ma petite voiture bleue et je suis allée nager avec mes amis poissons dans la mer en pensant avec joie et gratitude à ma mère, l'amour de ma vie. Puis un petit chat m'a adopté qui est tombé du ciel un matin sur mes pieds qu'il a immédiatement léchés. Je l'ai appelé Lumière du Sud, du nom de cette belle lumière du Sud qui m'a attirée à Saint-Tropez comme tous les grands peintres et artistes qui ont vécu ici. À moi maintenant de prendre le relais.

Avec Sylvie on sème pour la vie

Pour remercier Patrice de tout son amour et de ses bontés qu'il déposait à mes pieds, je décide alors de créer une chaîne YouTube Avec Sylvie on sème pour la vie que j'ai très rapidement rebaptisée Marcelline l'aubergine, afin de le mettre en valeur. 

Le Club 55 partenaire de Marcelline l'aubergine

En finançant mes premiers épisodes, Patrice devient mon partenaire historique. Dans nos contrats, je dois parler et filmer son restaurant du Club 55 situé à Ramatuelle sur la plage de Pampelonne, de sa ferme des Bouis où il produit du vin, du maraîchage et de l'huile d'olive, et bien sûr du château de La Mole et des légumes du potager cultivés en agriculture biologique. Je lui réalise donc plein d'interviews, il adore, il adore Marcelline, il adore que je le filme, il me cherche des sujets, il veut que je crée la chaîne de télé du Club 55 et une autre au château de La mole, comme ça, on aura deux plateaux de tournage, me dit-il exalté par le projet, nous cherchons le logo, il me donne une vieille mappemonde et un drapeau abimé et me demande de les mettre dans l'eau sur la plage afin que Daniel, le photographe, les prenne en photo pour notre visuel, il est excité et regorge d'idées, son père faisait des films, s'il en faisait aussi avec moi, ce serait formidable, la boucle serait bouclée, il rajeunit, tous ses clients le lui disent, il sait que je soigne mes vidéos, dans celle où il raconte les débuts de la Nioulargue, les régates de voiliers qu'il a créées avec sa bande de copains de l'époque, pour 23 minutes de vidéo, j'ai une semaine de montage rien que sur lui et 400 points de coupe afin de retirer ses scories, ses répétitions, ses hésitations, pour qu'il soit fluide à regarder, je suis contente, lui aussi, le résultat est très réussi avec les nombreuses images d'archives que j'ai mises dedans.

Patatras

Notre complicité crée beaucoup de jalousie, je me fais agresser, insulter. Je décide alors de m'éloigner du château de La Mole et m'installe dans une petite maison que Patrice me prête au coeur du village de Ramatuelle. La méchanceté continue, on me vole mon chat Lumière du Sud, je le cherche partout, je continue d'être violentée, insultée, je résiste par des sourires et des mots gentils à la façon de Martin Luther King, sûre que ma gentillesse finira par gagner .

Badaboum

En décembre 2020, Patrice me téléphone pour m'annoncer qu'il n'a plus les moyens financiers  de me garder (oh le gros mensonge... ! ) et qu'il doit me licencier. Je le remercie. Il est étonné. Il est toujours étonné de mes réactions bienveillantes. C'est mon état d'esprit, je cherche toujours le positif même lorsque l'on me fait du mal. En mars 2021, je signe donc tout un tas de papiers administratifs sans rien regarder. Lui-même est perturbé, il sait que tout un merveilleux pan de sa vie vient de tomber.

Sur le lien ci-dessous, vous pouvez lire en version numérique mon roman Tous les prénoms ont été changés que j'ai écrit au château de La Mole. Sa version papier sort en avril 2024.

Sylvie Bourgeois Harel Patrice de Colmont par Gilles Bensimon

Sylvie Bourgeois Harel Patrice de Colmont par Gilles Bensimon

Capitaine Paul Watson de Sea Shepherd Patrice de Colmont Sylvie Bourgeois Harel 2017 Club 55

Capitaine Paul Watson de Sea Shepherd Patrice de Colmont Sylvie Bourgeois Harel 2017 Club 55

Pierre Rabhi Patrice de Colmont Sylvie Bourgeois Harel Lablachère Ardéche

Pierre Rabhi Patrice de Colmont Sylvie Bourgeois Harel Lablachère Ardéche

Ferme des Bouis Ramatuelle Patrice de Colmont Sylvie Bourgeois Harel les border collie Pastis et Mistral

Ferme des Bouis Ramatuelle Patrice de Colmont Sylvie Bourgeois Harel les border collie Pastis et Mistral

Château de la Mole Fonds de Dotation Pierre Rabhi Vallée de la Mole 83 Var

Château de la Mole Fonds de Dotation Pierre Rabhi Vallée de la Mole 83 Var

Les voyageurs sans trace Geneviève et Bernard de Colmont Colorado et Green River

Les voyageurs sans trace Geneviève et Bernard de Colmont Colorado et Green River

Paul et Yana Watson Patrice de Colmont Sylvie Bourgeois Harel Le Club 55 Ramatuelle Saint-Tropez

Paul et Yana Watson Patrice de Colmont Sylvie Bourgeois Harel Le Club 55 Ramatuelle Saint-Tropez

Patrice de Colmont Sylvie Bourgeois Harel Club 55 plage de Pampelonne Ramatuelle Golfe de Saint-Tropez

Patrice de Colmont Sylvie Bourgeois Harel Club 55 plage de Pampelonne Ramatuelle Golfe de Saint-Tropez

Quand Patrice de Colmont affiche au Club 55 J'aime ton mari, un roman de Sylvie Bourgeois

Quand Patrice de Colmont affiche au Club 55 J'aime ton mari, un roman de Sylvie Bourgeois

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Saint-Tropez, été 1983, ma première fois dans la presqu'île

 

J'ai 20 ans et je viens enfin, pour la première fois de ma vie, de passer deux mois idylliques, seule, avec mes parents à Besançon. Mais ce bonheur ne durera pas. Vincent, un de mes frères qui a 3 ans de plus que moi, et avec qui je viens de passer une année très dure à Cap-d’Ail où je travaillais comme hôtesse à Monaco vient de débarquer. 

Vincent est beau, gentil, intelligent, très intelligent même, mais il ne va pas bien psychologiquement. Personne ne me croit quand je dis qu’il a des problèmes psychiatriques, au contraire, je passe pour la méchante sœur qui veut le faire soigner. Cinq ans plus tard, il sera diagnostiqué schizophrène et sera interné à de multiples reprises.

Comme je ne suis pas en état de le supporter après tout ce que j’ai vécu à Cap-d’Ail, le matin, si je lui disais non, il me mordait le bras pour que je lui donne de l’argent, la nuit, il écoutait trois radios à fond, si des amis venaient dormir, il repeignait leur chambre d’onomatopées de guerrier, je décide de fuir la maison familiale où pourtant j’étais heureuse de profiter de mes parents. 

Je téléphone à l’Office de Tourisme de Deauville, Megève et Saint-Tropez, trois villes que je ne connaissais pas, mais qui me faisaient rêver, pour savoir s’il n’y aurait pas une annonce pour du travail. À Saint-Tropez, on me répond qu’en effet, une pizzeria recherche un serveur confirmé. Je convaincs le propriétaire que je suis un serveur confirmé. 

Le lendemain, je débarque avec quatre heures de retard, mon train ayant écrasé une vache, peut-être une vache qui, comme moi, s’était sentie obligée de quitter sa famille aimante pour avoir la paix, à la gare de Saint-Raphaël où le frère du patron m’engueule. 

À deux heures du matin, le chef de rang de la pizzéria m’accompagne à ma chambre derrière chez Sénéquier, j’étais logée, nourrie, et là, stupeur, il y a deux fois quatre lits superposés, avec sept personnes qui dorment déjà, le huitième lit est pour moi. Non seulement ça pue des pieds, mais il m’est impossible de me coucher dans une telle promiscuité, sans parler du popo qui doit être commun et la douche certainement aussi. 

Je retourne voir le patron qui comptait ses sous, suivie du chef de rang qui porte mes trois valises, à 20 ans, je voyageais toujours avec des tonnes de vêtements comme si ma vie en dépendait, aujourd’hui, j’ai tout simplifié, que je parte pour un mois ou trois jours, je prends toujours la même petite valise remplie de l’essentiel.

— Pouvez-vous m’indiquer un hôtel, il est hors de question que je dorme avec sept personnes qui puent des pieds, dis-je au patron qui me regarde, étonné.
— Nous sommes le 1er août, vous n’en trouverez pas.
— Je vais alors dormir chez vous.

Il me regarde encore plus étonné.

— Vous avez une pizzeria, vous devez bien avoir une maison, non ?
— Non, je vis dans un studio avec ma femme et notre bébé.

Le chef de rang avait dû me trouver mignonne, il me propose sa chambre de chef de rang, son statut de chef lui donnait le privilège de dormir seul. Il reprend mes trois valises et les dépose dans une chambre où, en effet, il n’y a qu’un seul lit mais avec une hauteur sous plafond d’un mètre quarante à tout casser, et toujours pas de popo ni de douches. Je le remercie.

J’attends qu’il soit loin et pars me promener dans Saint-Tropez à la recherche de pains au chocolat tout chauds. C’est une manie, la nuit, je mangeais des biscuits ou des pains au chocolat à la sortie des boîtes de nuit où j’adorais aller danser. Et Saint-Tropez est une boîte de nuit géante, il est trois heures du matin et c’est la fête partout, je suis conquise d’autant qu’en face du Yaca, un monsieur vend des pains au chocolat tout chauds. 

Tout en avalant mon troisième, je lui raconte mes aventures, mon frère fou, sa poule encore plus folle que lui qui, chaque jour, montait sur la branche du néflier pour pondre son œuf qui, inévitablement, s’écrasait sur la terrasse, mes parents que j’aime et que je suis triste d’avoir été obligée de quitter, la pauvre vache éprise, elle aussi, de liberté, les pieds qui puent des serveurs, le popo en commun, quand un garçon à peine plus âgé que moi qui m’écoutait, fasciné, me propose de m’emmener chez lui, ses parents ont un grand appartement à Port-Grimaud. 

J’achète quatre pains au chocolat pour remercier le chef de rang, le gentil garçon prend mes trois valises et hop me voilà enfin couchée, seule, dans un vrai lit avec des toilettes propres et une grande salle bains. 

Le lendemain matin, le gentil garçon retarde son retour à Grenoble et m’emmène faire le tour des plages afin que je trouve du travail pour le mois d’août. Je n’avais pas assez dormi, j’étais épuisée, il était vraiment gentil, il me portait sur son dos. 

À la Bouillabaisse, ils recherchent un cuisinier confirmé pour le snack. Je les convaincs que je suis un cuisinier confirmé. Par chance, je tombe sur la fille d’amis de mes parents qui travaille également là. Elle me propose de m’héberger chez sa fiancée, une riche allemande plus âgée. Le soir, après le dîner, je comprends que je dois dormir dans leur lit. Je prétexte une folle envie de sortir et file aux Caves du Roy où je danse en dormant debout car je suis exténuée de fatigue. 

Pendant trois jours, je mets un fichu sur mes cheveux et je fais des frites et des hamburgers. La nuit, je danse en dormant debout et je mange des pains au chocolat pour tenir le coup. La 4ème nuit, le monsieur me donne le téléphone de son copain qui recherche une serveuse confirmée pour son restaurant Le Planteur situé sur la plage de Pampelonne. Je le convaincs que je suis une serveuse confirmée et je commence à travailler dans ce très joli endroit où je suis logée dans un bungalow pour moi toute seule au bord de la mer où je me baigne matin et soir avec Frantz, le gentil plagiste de mon âge.

C’était une plage d’habitués bien élevés. À 11 heures, je passais entre les matelas prendre les commandes et à 13h, tout le monde était à table. Les deux patrons s'occupaient de la cuisine. L'un était petit et fluet, l'autre était baraqué, tatoué, le crâne rasé, Frantz m’avait dit que c’était un ancien légionnaire ou mercenaire, le genre à ne pas aimer être embêté. 

Un jour, comme d’habitude, j’entre dans la cuisine avec mon carnet de commandes plein, mais ils ont tellement bu la veille qu’ils sont incapables de préparer le repas. Sur la terrasse, les clients commencent à s’impatienter. En tant que serveuse confirmée, je prends les dessus et retourne dans la cuisine en tapant dans mes mains :

— Allez, hop, les mecs, je leur dis en riant, il faut vraiment vous mettre au boulot, sinon je vais avoir une mutinerie, nos vacanciers meurent de faim.

Je devais, sans m’en rendre compte, être un brin autoritaire du haut de mes 45 kilos si bien que le mercenaire-légionnaire-tatoué-baraqué-rasé m’a soulevée du sol.

— Non mais, la princesse, je rêve, tu crois vraiment que tu vas me donner des ordres, écoute bien, je n’ai jamais obéi à personne dans ma vie, et ce n’est pas une jolie poupée comme toi qui vas commencer à me transformer en toutou à sa maman.

Il m’a balancée dans la chambre froide entre les morceaux de viande et les plaquettes de beurre, et l'a refermée en râlant qu’il avait encore soif. Je n’ai eu la vie sauve que grâce au gentil Frantz qui, ne me voyant plus, s’est inquiété. Le petit patron fluet, moins prêt que son copain tatoué à commettre un crime qu'il aurait dû cacher en me cuisinant le lendemain pour ses clients afin de faire disparaître mon corps, lui a avoué où j’étais.

Sylvie Bourgeois photographiée par Vincent Bourgeois à Cap-d'Ail

Sylvie Bourgeois photographiée par Vincent Bourgeois à Cap-d'Ail

Sylvie Bourgeois Cours Jean-Laurent Cochet

Sylvie Bourgeois Cours Jean-Laurent Cochet

Sylvie Bourgeois et le photographe Ku Khan chez Michel Barnes

Sylvie Bourgeois et le photographe Ku Khan chez Michel Barnes

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Entre ambiguïtés et contradictions, pourquoi j'écris ?

 

Ma nouvelle Prologue sera dans mon prochain recueil de nouvelles à paraître début avril 2024.

 

Sylvie Bourgeois Harel - Plage de Pampelonne - Ramatuelle

Sylvie Bourgeois Harel - Plage de Pampelonne - Ramatuelle

Sylvie Bourgeois Harel - Plage de Pampelonne - Ramatuelle

Sylvie Bourgeois Harel - Plage de Pampelonne - Ramatuelle

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Les samedi 17 et dimanche 18 septembre, de 10h à 19h, aura lieu la 6ème opération Dessine-moi une tomate, à la Chapelle de la Queste, à Grimaud, dans le Golfe de Saint-Tropez, organisée par l'association Je fais ma part 83, la même association qui a créé le potager participatif Oasis Esperanza, avec des stands, des animations, pour les adultes et les enfants, des conférences, des tables rondes, des rencontres, des ventes de miel, des échanges de semences, des papoti-papota, des rires, des bisous bisous et des bonnes choses à grignoter et à boire.

Tout cela me fait remonter à six ans en arrière. Nous sommes en septembre 2015. Je n'habite pas encore dans le Sud. Je vis à Paris, à Saint-Germain-des-Prés, mon quartier préféré et je viens de décider de vivre dix jours par mois à Saint-Tropez, seule, sans copine, sans mari. Juste moi et la mer. Je ne savais pas encore que la forêt et La Garde-Freinet allaient avoir raison de mon cœur au point de me faire déménager en avril 2022.

Avant ce fameux mois de septembre 2015 qui a fait basculer beaucoup de choses dans mon existence, lorsque je rentrais de Ramatuelle où je n'allais plus très souvent depuis le tournage du film Les randonneurs à Saint-Tropez que j'avais coécrit avec feu le scénariste Éric Assous et mon mari, Philippe Harel, qui l'a réalisé, je racontais à mes amis de Paris la douceur de l’eau, le sable de l’Escalet aussi blanc que celui des Maldives, le vert de toutes les vignes qui se marie si bien avec celui des pins, les sangliers qui détruisent les jardins, les amusants petits-déjeuners chez Sénéquier où l'on commence à deux et où l'on termine à quinze avec tous les copains des copains, les virées en voilier, les piques-niques en hélico, les soirées à danser, les délicieuses tartes tropéziennes de la boulangerie des Deux Frères, les restos dégueulasses où je vomis à chaque fois en sortant, le village de Saint-Tropez tellement ravissant qu'il devrait être classé patrimoine mondial par l'Unesco afin de mettre fin à toutes ces constructions d'immeubles horribles qui le défigurent, mais depuis mon dernier séjour où je suis venue passer une semaine seule début septembre à l'hôtel du Colombier et où je me suis régalée d'aller pieds-nus me baigner à la Ponche, je ne parle plus que d'agroécologie, de permaculture, de vers de terre, de pollinisation, de biodiversité, de semences reproductibles, de vision holistique, de cultures sur buttes, de composts ou de résilience écologique.

En effet, la veille de rentrer chez moi, je dîne avec un vieux pote à La Forge, un restaurant italien et ramatuellois (où je ne vomis pas... ) qui  me convainc de ne pas repartir tout de suite à Paris et m'invite à passer une semaine dans la propriété qu'il vient d'acheter. Il me dit que ça va m'amuser. J'accepte. Je change mes billets de TGV. Et hop ! Je me retrouve à dîner avec Paul Watson, pirate-fondateur de Sea-Shepherd, qui a dédié sa vie pour sauver des milliers de baleines, requins, tortues, phoques, dauphins, et dénoncer les dégâts de la pêche intensive. D'ailleurs, c'est simple, pour être embauché chez Sea-Shepherd, Paul demande au futur candidat s'il serait prêt à donner sa vie pour sauver une baleine. Si la réponse est non, exit. En revanche, si c'est oui, bienvenue dans ce monde de justiciers des mers !

Le lendemain matin, je suis réveillée par une centaine de bénévoles, au look gentiment baba-cool,  rien à voir avec ma bande bien coiffée de chez Sénéquier ou du Club 55, qui commencent à installer des stands, des toilettes et une cantine dans le jardin. En effet, tout cela est très amusant. Une Marie vient à ma rencontre et se présente, elle est présidente de l'association Colibris Golfe de Saint-Tropez qui fête ses 1 an et organise l'opération Dessine-moi une tomate, nom inspiré du Petit-Prince de Saint-Exupéry qui a grandi jusqu'à 5 ans dans ce domaine, peut-être même a-t-il dormi ou joué dans ma chambre ? La seule chose que je sais, c'est juste après le détour qu'il a fait en avion pour aller, comme à son habitude, faire trois ronds dans le ciel histoire de saluer sa maman, une autre Marie, revenue habiter dans cette maison, qu'il a été descendu quelques minutes plus tard au large des côtes marseillaises.

Durant deux jours, j'ai écouté, au milieu de plus de 2500 visiteurs, une dizaine de conférences au cours desquelles les intervenants tous aussi passionnants les uns que les autres ont raconté leurs expériences et leur combat pour un plus grand respect de la nature et de la terre. Émue et séduite, j'ai même failli acheter un poussin extraordinairement mignon issu d’une race de poule ancienne très jolie avec des grosses pattes exagérément fournies en plumes, mais malgré tout l'amour que j'aurais pu lui apporter, je n'ai pas sauté le pas, petit-poussin-devenu-grand aurait été malheureux sur mon balcon parisien.

Même si je suis très vigilante sur la provenance et la qualité de mon alimentation (je n’avale jamais de nourriture transformée et issue de l'industrie) et que dans mes romans, mes héroïnes militent toujours, à leur façon et avec leur dialectique, contre les dérives et les dangers des pesticides et les dramatiques techniques d'agriculture qui à force de rechercher une rentabilité uniquement financière ont épuisé nos sols et asséché nos nappes phréatiques, et ce au niveau mondial, durant ce week-end varois, j’ai beaucoup appris. J’ai appris, entre autres, que l’homme a besoin du ver de terre pour vivre mais que le ver de terre (mon nouveau héros) n’a pas besoin de l’homme, que les semences OGM sont un crime contre l'humanité, que le requin avec sa moyenne de dix morts par an est l’animal le moins meurtrier, en comparaison, le moustique en tue 830000, qu’un végétalien qui roule en voiture pollue moins qu’un carnivore qui circule à vélo, que 40% des poissons pêchés servent à nourrir d’autres animaux, que les cochons mangent plus de poissons que les requins, que 80 millions de requins sont tués chaque année, qu’une baleine défèque 3 tonnes de déchets par jour qui servent à nourrir le plancton, que 300000 baleines ont été décimées au XXème siècle, ce qui a entraîné une réduction de 50% du plancton.

Le soir de l'inauguration de ce premier Dessine-moi une tomate,  je suis littéralement séduite par la bienveillance et la volonté de tous ceux que je rencontre de préserver les ressources naturelles de notre planète. Conquise et émue, j'embrasse un tilleul bicentenaire pour le remercier d'être là, quand un monsieur que je connais vaguement, certainement attiré par le député et le nombre de maires de la région présents à cette manifestation, me demande en ricanant, un verre de vin rouge à la main, si je cautionne ce genre d’alimentation.

— C’est-à-dire ? je lui réponds.

— Allons, Sylvie, vous m’avez compris.

— Ben… non.

— Avouez quand même qu’ils sont très naïfs.

Préférant rester polie, réalisant que la conversation risque de devenir pénible et n'ayant aucune envie de perdre mon énergie et ma bonne humeur à essayer de le convaincre (pour certains, c'est peine perdue) en lui expliquant mon attirance pour ce nouveau monde de demain qui s'ouvre à moi avec ses connaissances et ses espoirs, je lui raconte l'histoire que Pierre Rabhi, inspirateur de cet événement, adore narrer : " Il était une fois un immense feu de forêt. Un tatou se moque d’un colibri qui porte de l’eau dans son  bec et s'évertue à la verser sur les flammes. Quand on connait la taille minuscule du colibri, on peut imaginer celle de son bec et celle de la goutte d'eau qu'il transporte. Pfut ! Ne te fatigue pas l’ami, dit le tatou. Ça ne sert à rien. Tu crois peut-être qu’avec tes quelques gouttes, tu vas arrêter l’incendie ? Je ne sais pas,  répond le colibri, mais je fais ma part !

Et comme je ne veux pas gâcher mon plaisir d’être là, j’adresse au monsieur ricaneur et pas gentil un joyeux sourire et je pars caresser un bébé oie qui ressemble étrangement à un canard.

Six ans plus tard, aujourd'hui, 1er septembre 2015, je téléphone à Marie, pas la maman d'Antoine de Saint-Exupéry, l'autre, celle de Dessine-moi une tomate..., je lui demande des informations avant de faire ma vidéo avec ma petite Marcelline, histoire d'annoncer cet événement annuel qui continue d'exister grâce aux bonnes volontés de tous ceux qui essayent de créer le monde demain, un monde de solidarité, d'échanges, de bon sens, de bienveillance, de légumes sans pesticides, de belles tomates, de soleil, de nature, d'amitiés, un monde qui est un peu loin de mes mondanités parisiennes que j'aime aussi et que je ne renie pas, un monde nouveau pour moi et qui prend de plus en plus de place dans mon cœur.

Sylvie Bourgeois Harel

Oasis Esperanza Jardin participatif et partagé de Je fais ma part à Grimaud - Sylvie Bourgeois Harel

Oasis Esperanza Jardin participatif et partagé de Je fais ma part à Grimaud - Sylvie Bourgeois Harel

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Ma maman est collectionneuse et je n'ai pas de papa, mais j'ai un Basquiat. Na ! Ma maman me l'a acheté, il y a deux ans, dans une galerie de New York où il m’avait tout de suite plu. Elle me l'a offert pour me complimenter d’avoir autant de sensibilité. J'adore mon tableau. Il est rouge. Dessus, il y a un bonhomme carré assez mal dessiné qui regarde de côté et sur sa tête qui n'est pas très bien faite non plus, il y a une drôle de couronne. Ma maman m'a expliqué que la couronne, c'était la signature de Basquiat, un peu comme s'il était un roi. Le roi de son monde où il a le droit de dire ce qu'il veut. Et Basquiat, il disait ce qu'il voulait dans ses tableaux. Il faisait exprès aussi de mal les faire comme s’il ne savait pas dessiner. Par exemple, il faisait des bonshommes carrés alors qu’un bonhomme, tout le monde le sait, c’est toujours rond, mais c’était pour montrer que le monde dans lequel il vivait, il était mal fait aussi.
 
Voilà pourquoi j’aime mon Basquiat. Je l’aime parce que moi aussi, je trouve que le monde dans lequel je vis, il est mal fait. Regardez, je vis dans un grand appartement alors que je n’ai pas de papa et que ma maman n'est jamais là. C'est mal fait, je préférerais habiter avec plein de gens au lieu d’être toujours toute seule. J’en ai marre d’avoir personne avec qui parler. J’ai ma nounou, vous me direz, mais elle est bête. La preuve, chaque fois que je lui pose une question sur comment est fait le monde, elle ne sait pas quoi me répondre. Alors quand je m'ennuie trop, je vais regarder mon bonhomme carré. On se comprend. C'est juste dommage qu'il me tourne la tête car je préférerais le regarder dans les yeux, mais il me fait bien marrer quand même. C'est un peu comme s'il était timide.
 
Il y a pas mal de bavures qui coulent du dessin. Un jour que j'en avais marre que ça ne soit pas net, je les ai nettoyées avec de l'eau et du savon, mais j'ai eu beau frotter, ça n'est pas parti. Quand je serai plus grande pour aller toute seule dans les magasins, j'achèterai de la peinture et des pinceaux et je referai bien les contours pour que ça fasse moins brouillon. Je le terminerai en quelque sorte. Basquiat, il n'a pas eu le temps de terminer mon tableau car il est mort d'une overdose. Une overdose, c'est quand on prend trop de drogue d’un coup. Ma maman m'a expliqué que Basquiat, il était très malheureux et qu'il s'était drogué jusqu'à en mourir pour oublier sa vie et que même sa peinture, ça ne lui suffisait plus. Elle m’a dit aussi que les artistes, ils n’étaient jamais satisfaits et que souvent ils se droguaient pour trouver le bonheur qu’il n’arrivait pas à trouver, par exemple, dans les rapports familiaux normaux.
 
- Regarde, a ajouté ma maman, je t'ai, tu me rends heureuse alors je ne me drogue pas.
- Non, mais tu te fais vomir.
- Mais ça ne va, qui t'a dit ça?
- Personne, mais je le sais. Tu vas toujours aux toilettes après le repas, je t'ai déjà suivi plein de fois et j’ai trouvé les bruits que tu faisais tellement tristes que j’ai tout raconté à Mamy. Elle m'a expliqué que tu étais déglinguée depuis que tu avais eu ma grossesse. Tu vois maman, le monde, il est mal fait. Et c’est pour ça que je suis bien contente que tu m’aies acheté mon tableau car je comprends un peu mieux la vie en le regardant.
 
Comme je me posais encore plein de questions et que ma nounou était incapable de me répondre, j’ai tapé Basquiat sur Internet et j’ai lu qu’il avait 27 ans lorsqu'il est mort. Il est mort tout seul dans son grand appartement. Comme moi. J’ai vu aussi sa drôle de tête. Ça m’a fait de la peine d’imaginer sa drôle de tête posée sur son ventilateur quand il est mort, comme s’il avait besoin de respirer un air nouveau alors que c’est l’air de la mort qu’il a trouvé. Mon papa aussi, il est mort. Il est mort quand je suis née. Ou alors peut-être, il est mort parce que je suis née, ce qui expliquerait pourquoi ma maman se fait vomir. Elle doit vomir son malheur. Quand je serai grande, moi aussi je deviendrai artiste et je vomirai sur mes toiles le malheur de ma solitude. Mais j’espère qu’avant de mourir de l’overdose, j’aurais peint suffisamment de tableaux où j’aurais expliqué combien le monde est compliqué et mal fait.
 
En attendant de me droguer, j’ai demandé à ma maman de m’emmener plus souvent avec elle dans les galeries où l’on vend de l’art. Les vendeuses, elles sont toujours très aimables avec nous, car ma maman, si elle le veut, elle peut acheter tout le magasin. J'aime bien sentir que les vendeuses, elles le savent, car ça me rend importante. Dans ces cas-là, je serre très fort la main de ma maman pour bien montrer que c'est la mienne et, que du coup, c'est un peu comme si c'était moi qui pouvait acheter tout le magasin. En plus, ma maman, elle me demande toujours mon avis, en disant aux vendeuses que sa fille, elle a l’œil.
 
J'ai tellement l'œil que ce matin, un monsieur est venu à la maison pour acheter mon Basquiat. Quand j’ai compris que je devais m’en séparer, j'ai pleuré. Beaucoup pleuré. Je ne voulais pas le laisser s'en aller.
 
- Mais on va gagner beaucoup d'argent en le vendant, m'a dit ma maman. Tu as l'œil ma fille, je suis fière, ce tableau coûte aujourd'hui très cher. Tu es encore un peu petite pour comprendre ce qu'est la spéculation, mais tu es suffisamment intelligente pour comprendre le métier de maman qui achète des tableaux pour les revendre quand leur valeur a dépassé le prix de leur achat, tu vois.
- Ce que je vois, je lui ai répondu, c'est que tu veux m'enlever mon tableau qui était mon cadeau pour mes 7 ans d'âge de raison. J'y suis attachée, moi, à mon bonhomme carré. En plus, donner, c'est donner et reprendre, c'est voler.
- Mais enfin Lily, qu'est-ce qu'il te prend? Avec tout l'argent que l'on va gagner, on va pouvoir s'acheter plein d'autres tableaux et peut-être même des encore plus beaux.
- Eh bien, dans ces cas-là, si je n'ai plus mon Basquiat, je veux partir vivre chez Mamy. En plus, je n'aime pas quand tu mets du rouge à lèvres pour recevoir des messieurs à la maison. Je n’aime pas ça, mais pas du tout.
 
Et je suis sortie de ma chambre en faisant exprès de bien faire claquer la porte. Ma maman m'a rattrapée pour me coller une fessée et m'a dit que ce n'était pas du haut de mes 8 ans que j'allais faire la loi à la maison. Je lui ai répondu que sa spéculation, ça n’apportait que du malheur et qu’il valait mieux que je me drogue tout de suite pour qu’ensuite je devienne très vite une artiste qui peindrait tout ce qui avait brisé mon cœur. Ma maman, en m’entendant, s'est mise à pleurer. Le monsieur est arrivé. Et je me suis excusée.
 
- Je suis désolée de t’avoir fait pleurer ma petite maman chérie. Je suis une mauvaise fille, certainement trop gâtée.
- Mais non, ma chérie, tout ça est de ma faute, t’élever toute seule, tu sais, ça ne m’est pas tous les jours facile.
 
Là, le monsieur de la spéculation a regardé ma maman avec un drôle d’air, du genre, si vous voulez ma jolie madame, je veux bien jouer au papa et à la maman avec vous. Je l’aurais volontiers mordu celui-là, je me suis dit. Et aussi quelle drôle d’idée, j’ai eu, a ajouté ma maman de te faire un cadeau à plusieurs millions d’euros. Puis on a pris le thé ensemble. Ça nous a tous calmés. Maman a décidé que le monsieur ne viendrait chercher mon Basquiat que le lendemain matin, ainsi j’aurais encore une nuit à passer auprès de lui pour m’habituer à l’idée que bientôt, je ne le reverrais plus.
 
Dès que le monsieur est parti, ma maman est sortie. J’ai profité que ma nounou faisait pipi pour filer. Je suis montée dans un taxi qui était étonné que je sois toute seule, mais je lui ai dit que chez moi, c’était comme ça, j’étais une petite fille riche, livrée à elle-même, mais pas malheureuse pour autant, la preuve, ma maman m’avait acheté un tableau pas du tout pour enfant, tellement il coûtait d’argent. Le taxi n’a rien compris, mais m’a quand même déposée au BHV. Là, en voyant la diversité des peintures et des couleurs, je me suis écroulée. Mon idée était de me dessiner en étoile filante avec des cheveux jaunes et un cœur bleu comme mes yeux sur mon tableau de Basquiat pour continuer de vivre un peu à ses côtés. Mais devant la difficulté à terminer mon Basquiat, je me suis mise à pleurer. Pleurer que décidément la vie, c'était beaucoup trop compliqué.
BASQUIAT fait partie des 34 nouvelles de mon recueil BRÈVES ENFANCES, paru aux éditions Au Diable Vauvert.
 
BASQUIAT. Une nouvelle de Sylvie Bourgeois. BRÈVES ENFANCES (éditions Au Diable Vauvert)
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En haut de ma rue, il y a une dame que l’on appelle La dame bleue parce que tout ce qu’elle fait, elle le fait en bleu et chez elle, tout est bleu, ses fleurs, ses volets, ses yeux. Et peut-être même aussi ses secrets. Tous les jours, elle va s’asseoir au bord de la mer sur une chaise pliante bleue. Elle a des habits bleus et aussi un bandeau bleu qui retient ses cheveux. Elle reste des heures au même endroit à regarder la mer. Toujours dans la même direction, la direction qu’il a pris son amoureux.

 

Il lui a dit de l’attendre et, en l’attendant, de penser à lui. Que chaque fois qu’elle penserait à lui, il l’entendrait et se sentirait heureux. Qu’ils s’aimaient d’un amour fou. Que c’était ça l’amour. Qu’il l’aimait comme jamais il n’aurait cru possible d’aimer. Qu’elle n’avait que vingt ans et que c’est dans ses bras qu’elle connaîtrait l’amour et la mort. Que la mort n’arriverait jamais à les séparer. Qu’il allait revenir. Très bientôt. Et qu’il ne repartirait plus jamais en mer. Que c’était la dernière fois. Qu’il ne voulait plus jamais la quitter. Plus jamais. Mais que cette dernière pêche, il en avait besoin. Besoin pour payer leur mariage et acheter la petite échoppe qu’il avait repérée, là, pas loin. Une petite échoppe où il vendra du poisson. Il vendra du poisson, oui, mais plus jamais, il ne le pêchera. Plus jamais. Ils se marieront. Il va revenir. Elle le sait puisqu’il le lui a dit. Et même répété. Elle l’a entendu, puis attendu. Tous les jours. Tous les jours, elle va à sa rencontre sur le chemin du bord de mer, à l’endroit où elle a vu pour la dernière fois son bateau s’éloigner. S’éloigner jusqu’à devenir un point. Un point qui a emporté sa féminité. Un point minuscule qui, soudain, a disparu. Elle a eu, ce jour-là, un frisson dans le dos. Elle s’en souvient encore comme si c’était hier. Un frisson qui a ressemblé à un horrible pressentiment. Puis l’image de son amant lui est revenu. Souvent. Très souvent. Elle s’est même vue l’embrasser et le laisser entrer.

 

Alors même si parfois le mauvais temps lui conseille de ne pas sortir, elle met son imperméable bleu sur son corps menu et frêle. Elle prend son parapluie bleu, se noue un fichu bleu sur la tête et sort. Pour attendre son amoureux. On ne sait jamais. Ce serait trop bête qu’il revienne le jour où justement elle ne l’aurait pas attendu. Oh non ! Ca, elle ne le supporterait pas. Elle a tant eu à faire de l’attendre qu’elle n’a jamais pris le temps de faire des connaissances ou même un voyage. Ah quoi bon ? Elle aurait bien le temps quand il reviendra alors de nouer des amitiés et peut-être même d’organiser des dîners ou de visiter des capitales.

 

Elle est morte ce matin. Sans jamais avoir pris le temps de vieillir. Lisse comme une enfant, elle s’est éteinte à l’âge de cent ans. C’est la dame de la mairie qui passait tous les jours la voir qui l’a trouvée endormie à jamais dans son lit. Sur son bureau, il y avait ses dernières volontés rédigées à l’encre bleue sur du papier bleu. Elle demandait que ses cendres soient jetées dans la mer, à l’endroit de son habitude pour qu’elles aillent à la rencontre de son amoureux.

 

Avec ma maman, nous avons rejoint sur le chemin du bord de mer les autres habitants du village. Tout le monde était habillé en bleu comme un dernier cri. Nous avons récité la prière de Marie pendant que la dame de la mairie a jeté les cendres de la centenaire dans la mer qui, ce jour-là, était d’un bleu incendiaire. J’ai sept ans et j’ai juré de ne jamais oublier La dame bleue.

LA DAME BLEUE. Brèves enfances. Sylvie Bourgeois. Éditions Au Diable-Vauvert
LA DAME BLEUE. Brèves enfances. Sylvie Bourgeois. Éditions Au Diable-Vauvert
LA DAME BLEUE. Brèves enfances. Sylvie Bourgeois. Éditions Au Diable-Vauvert
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  • : Sylvie Bourgeois Harel, écrivain, novelliste, scénariste, romancière Extrait de mes romans, nouvelles, articles sur la nature, la mer, mes amis, mes coups de cœur
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