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Ma plage de Pampelonne à Ramatuelle, je l'aime. Je l'aime à toutes les saisons, ma préférée étant l'hiver, je vais m'y baigner vers 14h quand le soleil est bien chaud, je me prépare un sandwich et un dessert que je dévore dès je sors de l'eau gelée. Le plus dur est de me déshabiller dans le froid et souvent dans le vent. Mais dès que je pénètre dans la mer, c'est fini, je ne sens plus le froid tellement c'est beau, je suis émerveillée par tant de beauté, voilà,  c'est exactement ça, j'entre sans difficulté dans l'eau parce que j'entre dans de la beauté.

En été, je vais nager à 7 heures du matin quand il n'y a personne et que l'eau est toute reposée de la nuit. je fais mes allers retours, puis je rentre à la maison, je n'aime pas voir ma plage être envahie. Au mois d'août, je n'y vais jamais. Même le matin très tôt, je sens le sable fatigué, et puis il y a très souvent une brume de chaleur qui salit tout.

Au mois de juin et de septembre, c'est délicieux, je peux rester à me prélasser sur le sable, le temps s'arrête, c'est aussi le temps des piques-niques le soir, des bains de nuit, j'adore !

 

Sylvie Bourgeois Harel - Club 55 - Plage de Pampelonne - Ramatuelle - Golfe de Saint-Tropez

Sylvie Bourgeois Harel - Club 55 - Plage de Pampelonne - Ramatuelle - Golfe de Saint-Tropez

Plage de Pampelonne - Ramatuelle - Golfe de Saint-Tropez

Plage de Pampelonne - Ramatuelle - Golfe de Saint-Tropez

Sylvie Bourgeois Harel - Club 55 - Plage de Pampelonne - Ramatuelle - Golfe de Saint-Tropez

Sylvie Bourgeois Harel - Club 55 - Plage de Pampelonne - Ramatuelle - Golfe de Saint-Tropez

Sylvie Bourgeois Harel - Club 55 - Plage de Pampelonne - Ramatuelle - Golfe de Saint-Tropez

Sylvie Bourgeois Harel - Club 55 - Plage de Pampelonne - Ramatuelle - Golfe de Saint-Tropez

Sylvie Bourgeois Harel - Club 55 - Plage de Pampelonne - Ramatuelle - Golfe de Saint-Tropez

Sylvie Bourgeois Harel - Club 55 - Plage de Pampelonne - Ramatuelle - Golfe de Saint-Tropez

Plage de Pampelonne - Ramatuelle - Golfe de Saint-Tropez

Plage de Pampelonne - Ramatuelle - Golfe de Saint-Tropez

Plage de Pampelonne - Ramatuelle - Golfe de Saint-Tropez

Plage de Pampelonne - Ramatuelle - Golfe de Saint-Tropez

Sylvie Bourgeois Harel - Club 55 - Plage de Pampelonne - Ramatuelle - Golfe de Saint-Tropez

Sylvie Bourgeois Harel - Club 55 - Plage de Pampelonne - Ramatuelle - Golfe de Saint-Tropez

Sylvie Bourgeois Harel - Club 55 - Plage de Pampelonne - Ramatuelle - Golfe de Saint-Tropez

Sylvie Bourgeois Harel - Club 55 - Plage de Pampelonne - Ramatuelle - Golfe de Saint-Tropez

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Pierre Rabhi rencontre l'écrivain

Sylvie Bourgeois Harel

au Club 55 à Ramatuelle

 

En septembre 2015, je suis invitée pour être coéquipière sur un bateau exclusivement féminin afin de participer aux Voiles de Saint-Tropez. Une semaine avant, j’annule ma présence à bord, ça m’ennuie de ne régater qu’avec des femmes, je préfère la mixité d’autant que lorsque je me trouve au sein d’un groupe d’hommes et de femmes, je sais que je rencontrerai toujours un homme que je vais faire rire, j’adore faire rire, et qui sera ravi, le temps de la rencontre, d’être mon chevalier servant. En tout bien tout honneur !

Bien m’en a pris car cette invitation m’a motivée à retourner à Saint-Tropez où je ne venais plus depuis des années, j’ai passé une semaine formidable au cours de laquelle j’ai rencontré un homme passionnant, Pierre Rabhi, devenu mon ami.

L’histoire est suffisamment mignonne pour que j’aie envie de la raconter. Nous sommes le 1er octobre. Je suis sur la plage de Pampelonne à regarder les vagues. Mon frère aîné m’attend pour déjeuner au Club 55. Il y a du vent. Je ne suis pas pressée. Le mistral apporte un bleu fascinant. Je suis subjuguée par toute cette beauté de la lumière du Sud dont je ne me lasse pas.

Un peu plus loin, à une cinquantaine de mètres, une dizaine de personnes, en chemise et pantalon, se rassemblent devant des photographes. Soudain, un petit bonhomme, en manteau bleu marine avec une sacoche, quitte le groupe et s’avance vers moi. Je le reconnais, il s’agit de Pierre Rabhi, un paysan devenu écrivain et conférencier qui raconte avec sagesse et philosophie comment, depuis 50 ans, il cultive son potager sans pesticides, ni produits chimiques.

Mon vieil ami restaurateur ramatuellois, Patrice de Colmont, lui a organisé ainsi qu’à Paul Watson, le fondateur de Sea Shepherd, un grand déjeuner en leur honneur. La veille, il m’avait dit qu’il était embêté car il ne savait pas à côté de qui asseoir Pierre Rabhi.

— Tu vois, m’avait-il confié, il faut que je lui trouve la bonne personne qui sera importante pour lui avec qui il pourra bien échanger d’autant que son entourage n’aime pas quand je lui fais faire des mondanités.

L’année précédente, il lui avait présenté Leonardo DiCaprio qui avait invité Pierre sur son yacht au large de Ramatuelle pour un entretien d’une heure avec la promesse qu’il fera tout pour que ses livres soient publiés et médiatisés aux Etats-Unis.

— Tu n’as qu’à me le présenter ton Pierre Rabhi, je lui réponds, je m’occuperai de lui, au moins, avec moi, il rira.
— Non, non, me dit mon vieux pote, c’est trop compliqué.

Je lève les yeux au ciel, j’adore Patrice, mais je déteste que l’on me dise non. C’est pour cela d’ailleurs que je ne demande jamais rien ou alors que très rarement afin de ne pas souffrir du non. Quoique, avec le recul, je me dis que je devrais peut-être demander plus souvent, ainsi, je pourrais toujours avoir la bonne surprise du oui et le non me motive à gagner.

En effet, je ne sais pas ce qu’il s’est passé alors à cet instant précis dans ma tête, mais je décide que le lendemain, Pierre Rabhi ne soit s’occuper que de moi, qu’il doit être mon chevalier servant.

Et hop, ça a marché, merci l’univers de me protéger et d’être aussi gentil avec moi. Arrivé à ma hauteur, Pierre me prend la main qu’il embrasse délicatement et me demande qui je suis. Je lui réponds que je m’appelle Sylvie et que je me suis habillée en vert prairie pour lui rendre hommage. Nous discutons pendant quelques minutes au bord de l’eau, j’ai lu ses livres, je connais son implication pour le respect de la terre. Au bout d’un moment, voyant son groupe lui faire des grands signes, je lui dis au-revoir.

— Ne pars pas Sylvie, viens faire la photo avec nous.
— Non, parfois, je suis sur la photo, mais là, il n’y aucune raison.
— Alors, viens déjeuner avec moi.
— J’ai déjà un déjeuner, Pierre, mais promis, je fais vite et je te rejoins.

Trois quarts d’heure plus tard, je le rejoins à sa grande table d’honneur où il m’a gardé la place à ses côtés, personne n’a le droit de s’y asseoir. Nous avons parlé toute l’après-midi jusqu’à son départ. Nous sommes devenus amis à nous téléphoner régulièrement, à nous voir au moins deux fois par an. Hélas, Pierre est décédé le 4 décembre 2021.

C’est ce 1er octobre 2015 qu’il m’a appris que 75% des semences reproductibles avaient disparu du patrimoine mondial.

Cette phrase m’a choquée au point que deux ans plus tard, j’ai créé ma chaîne YouTube Marcelline l’aubergine. C'est comme pour mes romans, avant d'aborder un sujet, il faut que celui-ci m'ait choquée, qu'il m'ait fait rire ou mal, attristée ou fascinée, mais qu'il ait, d'une manière ou d'une autre, flirté avec moi, je ne peux pas écrire sur ce que je ne connais pas.

Puis Marcelline est devenue la présidente de mon association Avec Sylvie on sème pour la vie, destinée à préserver les semences reproductibles.

 

Sylvie Bourgeois Harel

Sylvie Bourgeois Harel - Pierre Rabhi - Photo de Geneviève Frachon

Sylvie Bourgeois Harel - Pierre Rabhi - Photo de Geneviève Frachon

Pierre Rabhi - Patrice de Colmont - Sylvie Bourgeois Harel - Lablachère

Pierre Rabhi - Patrice de Colmont - Sylvie Bourgeois Harel - Lablachère

Pierre Rabhi - Patrice de Colmont - Sylvie Bourgeois Harel - Marcelline l'aubergine

Pierre Rabhi - Patrice de Colmont - Sylvie Bourgeois Harel - Marcelline l'aubergine

Château de La Mole - Fonds de Dotation Pierre Rabhi

Château de La Mole - Fonds de Dotation Pierre Rabhi

Château de La Mole - Fonds de Dotation Pierre Rabhi

Château de La Mole - Fonds de Dotation Pierre Rabhi

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Leonardo DiCaprio - Sylvie Bourgeois Harel - Marcelline l'aubergine - Saint-Tropez

Leonardo DiCaprio - Sylvie Bourgeois Harel - Marcelline l'aubergine - Saint-Tropez

En juillet 2017, je suis chez moi, à Paris, en train de faire des crêpes lorsqu’un ami m’apprend que Leonardo DiCaprio organise trois jours plus tard un gala caritatif à Saint-Tropez en l’honneur de sa Fondation dédiée à la nature.

 

— Il faut absolument que tu y ailles avec Marcelline, me dit-il.

 

Marcelline est le personnage de la chaîne YouTube Marcelline l’aubergine que je viens de créer.

 

Ni une, ni deux, je téléphone à Patrice de Colmont qui, tous les ans, reçoit DiCaprio dans son restaurant du Club 55 à Ramatuelle.

 

— Quand Gatsby (un des organisateurs de la soirée) viendra déjeuner, peux-tu stp lui demander une invitation pour moi, mais juste pour le cocktail, je m’en fous du dîner.

 

Je le sens embêté, mais comme il adore Marcelline dont il est le partenaire historique, il me promet qu’il parlera le lendemain midi à Gastby qui, en effet, a réservé une table.

 

Le lendemain, Patrice me téléphone, enchanté.

 

— Tu as ton invitation.

— Génial !

— Ce qui est surtout génial, c’est la façon dont cela s’est passé, je suis allé voir Gatsby qui déjeunait avec le producteur de DiCaprio, un gros bonhomme, dès que j’ai dit que tu désirais venir à leur cocktail avec Marcelline, le gros producteur s’est réjoui et a crié avec un fort accent américain Marcelline l’aubergine ! Voyant l’euphorie du producteur, Gatsby t’a mis deux invitations pour le dîner.

 

Depuis que j’écris des romans, Patrice, un vieux pote depuis presque 40 ans, très fier que je sois devenue écrivain, met chaque année des affiches de mes livres dans son resto. Il a donc mis une affiche de Marcelline et de moi. Le gros producteur en voyant une blonde qui sourit à une aubergine aux grandes lunettes dorées a tout de suite tilté et a imprimé dans sa tête cette image un peu loufoque, d’où son enthousiasme, autant dire que mon vieux pote était fier et soulagé que je sois ainsi identifiée.

 

Je téléphone illico à mon ami Christophe Guillarmé pour qu’il me prête une robe et, hop, je saute dans un TGV, la soirée est le lendemain.

 

J’arrive tôt. C’est ma 3ème vidéo, je ne maîtrise pas totalement la technique. Je m’approche de Sean Penn qui, étonné de la mine de Marcelline, demande à ses potes-body-guard de me laisser m’asseoir un instant à ses côtés, je lui explique alors que Marcelline est une organic eggplant, il éclate de rire et me dit qu’avec le bruit, il ne comprend rien. La scène est formidable sauf que je n’ai pas appuyé sur le bon bouton, ça ne filme pas.

 

Durant toute la soirée, je suis tellement concentrée à essayer de bien faire que je ne prends pas le temps de m’asseoir. Et même lorsqu’un Américain plus tout jeune mais plutôt bel homme m’invite à sa table, je décline, je reste très professionnelle. Je ne suis pas là pour sympathiser, mais pour filmer !

 

Le lendemain matin, Var-Matin me téléphone :

 

— Sylvie, il paraît que tu étais au gala de DiCaprio, on peut faire une interview ?

— Ok.

— Tu as une photo de toi avec Leonardo ?

— Non, je n’ai pas pensé à en faire.

— Dommage, ça aurait été bien.

— Je ne suis pas très groupie, je ne demande jamais à faire de photos.

 

Ni une, ni deux, je téléphone à Patrice qui me dit que DiCaprio vient déjeuner chez lui à 16 heures, que je n’ai qu’à venir, il me le présentera pour faire une photo.

 

— Merci, mais ça me fait chier ce genre de truc, je n’ai pas envie de passer pour une groupie, tu sais quoi, comme il n’a pas de bateau cette année, il va comme d’habitude venir par les poubelles et arriver dans l’endroit où tu as tes paniers de crudités, je me mettrai là avec Marcelline que je photographierai avec les légumes sans m’occuper de Leo, s’il a envie de me voir, c’est lui qui me dira bonjour.

 

À 16 heures, je suis donc concentrée à photographier Marcelline au milieu des tomates lorsqu’un aéropage de mecs arrive, je ne les regarde pas, seule ma petite aubergine occupe mes pensées. Soudain, une main saisit Marcelline, je lève les yeux et voit le beau Léo qui éclate de rire en voyant mon aubergine.

 

— Who is she ? Who is she? me demande-t-il hilare.

— She’s Marcelline, an organic eggplant, je commence à lui expliquer.

 

Hélas, une dizaine de serveurs accourent pour le prendre en photo. Excédée, sa bande de potes entraînent aussitôt Leo qui se cache immédiatement sous sa capuche, certainement fatigué que sa notoriété l’empêche de retrouver son âme d’enfant car il faut avoir encore son âme d’enfant pour avoir envie de s’amuser aussi spontanément avec ma petite Marcelline.

 

Patrice vient alors me chercher pour me dire que Leonardo, installé à table, est d’accord pour faire une photo avec moi. Mais je décline. Ça m’emmerde l’idée d’être une groupie.

 

Et puis, mon obsession est de réussir ma vidéo avec Marcelline, pas d’avoir une photo avec le beau Leo. Le lendemain, Var-Matin est venu faire un portrait de Marcelline à mes côtés, c’est ainsi qu’elle a eu sa première interview et sa première pleine page dans un quotidien.

 

Sylvie Bourgeois Harel

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Patrice de Colmont - Sylvie bourgeois Harel - Le Club 55 - Ramatuelle - Plage de Pampelonne

Patrice de Colmont - Sylvie bourgeois Harel - Le Club 55 - Ramatuelle - Plage de Pampelonne

Mon ami Patrice de Colmont

Saint-Tropez

En septembre 2015, je décide de revenir plus souvent seule à Saint-Tropez dont je suis tombée amoureuse à 20 ans lorsque j'ai travaillé durant le mois d'août au Planteur, une plage de Pampelonne à Ramatuelle. Je prends une chambre pour une semaine à l'hôtel du Colombier, je ne loue pas de voiture, j'ai envie de vivre le village de l'intérieur, de tout faire à pied, je vais d'ailleurs me baigner pieds nus à la Ponche, c'est un véritable bonheur, la lumière, les odeurs, les couleurs, tout me ravit et me séduit.

Patrice de Colmont

Au moment de rentrer à Paris, mon vieil ami Patrice de Colmont que j'ai connu en 1984, ravi de m'avoir retrouvée, il était très fier que je sois devenue écrivain et affichait tous les ans au Club 55 les affiches de mes romans, personne n'a le droit d'y toucher, m'avait dit un jour sa soeur, me propose de rester une semaine dans le château qu'il vient d'acheter à La Mole. J'accepte. Je passe des jours délicieux où je ris beaucoup de voir comment mon ancien amoureux passionné et romantique est devenu un homme d'affaires qui ne fait que travailler au lieu de profiter de la nature qu'il dit aimer. Il m'avoue qu'il est prisonnier, pieds et mains liés, de son activité professionnelle et qu'il en souffre. Je ne pensais pas que tu étais devenu aussi riche, je lui dis en éclatant de rire devant sa mine déconfite d'homme puissant dans la région que tout le monde craint, pour moi, tu resteras toujours mon beau et tendre Patrice qui m'embrassait pendant des heures lorsque nous nous sommes rencontrés.

Ma liberté l'épate et l'amuse, le distrait certainement aussi. Alors je lui raconte mille projets que nous pourrions réaliser ensemble, aller nourrir les enfants qui meurent de faim, créer un sanctuaire pour protéger les loups, planter un potager médicinal... des projets qui le séduisent autant qu'ils l'effraient...

La lumière du Sud

De son côté, Saint-Tropez n'arrête de me solliciter afin que je revienne régulièrement, comme un appel de la lumière du Sud qui veut m'attirer à elle, la chaîne de web télé locale, Global TV, me demande de leur faire des interviews, l'hôtel de Paris m'offre une suite afin que je fasse une lecture d'extraits de mes romans en plein mois de novembre alors que le village est vide, n'empêche, la salle est remplie, le Café des Arts m'organise également une soirée littéraire, idem avec plein de monde, tout cela est très joyeux.

Le château de La Mole

Patrice qui désire me garder vers lui propose de m'embaucher dans sa propriété agroécologique dans laquelle il me met à disposition dans son charmant château provençal une jolie chambre ainsi qu'une voiture électrique. J'accepte à condition que ce soit à mi-temps, je n'ai aucune envie de quitter Paris où je vis avec mon mari, entourée de tous mes amis.

Mes amis les animaux

Immédiatement, je deviens copine avec tous les vers de terre, oiseaux, renards, chevaux, abeilles qui vivent sur le terrain, j'ai même une couleuvre Lily qui aime se dorer au soleil sous ma fenêtre et un lièvre Lolo qui me fait coucou tous les matins avec ses grandes oreilles qui dépassent dans les herbes. J'ai toujours aimé la nature et là, je me régale. Mes nouveaux amis, que des animaux, me le rendent bien. C'est ainsi que le jour anniversaire de la mort de ma maman alors que je suis en train de pleurer sur mon lit, un couple de rolliers, de magnifiques oiseaux bleus migrateurs, est entré dans ma chambre et a fait deux tours au-dessus de mes yeux en larmes avant de m'observer depuis le platane centenaire. Je ne saurai jamais s'ils voulaient me consoler ou si c'était un message de ma mère qui me disait de retrouver ma gaieté, quoiqu'il en soit, j'ai pris ma petite voiture bleue et je suis allée nager avec mes amis poissons dans la mer en pensant avec joie et gratitude à ma mère, l'amour de ma vie. Puis un petit chat m'a adopté qui est tombé du ciel un matin sur mes pieds qu'il a immédiatement léchés. Je l'ai appelé Lumière du Sud, du nom de cette belle lumière du Sud qui m'a attirée à Saint-Tropez comme tous les grands peintres et artistes qui ont vécu ici. À moi maintenant de prendre le relais.

Avec Sylvie on sème pour la vie

Pour remercier Patrice de tout son amour et de ses bontés qu'il déposait à mes pieds, je décide alors de créer une chaîne YouTube Avec Sylvie on sème pour la vie que j'ai très rapidement rebaptisée Marcelline l'aubergine, afin de le mettre en valeur. 

Le Club 55 partenaire de Marcelline l'aubergine

En finançant mes premiers épisodes, Patrice devient mon partenaire historique. Dans nos contrats, je dois parler et filmer son restaurant du Club 55 situé à Ramatuelle sur la plage de Pampelonne, de sa ferme des Bouis où il produit du vin, du maraîchage et de l'huile d'olive, et bien sûr du château de La Mole et des légumes du potager cultivés en agriculture biologique. Je lui réalise donc plein d'interviews, il adore, il adore Marcelline, il adore que je le filme, il me cherche des sujets, il veut que je crée la chaîne de télé du Club 55 et une autre au château de La mole, comme ça, on aura deux plateaux de tournage, me dit-il exalté par le projet, nous cherchons le logo, il me donne une vieille mappemonde et un drapeau abimé et me demande de les mettre dans l'eau sur la plage afin que Daniel, le photographe, les prenne en photo pour notre visuel, il est excité et regorge d'idées, son père faisait des films, s'il en faisait aussi avec moi, ce serait formidable, la boucle serait bouclée, il rajeunit, tous ses clients le lui disent, il sait que je soigne mes vidéos, dans celle où il raconte les débuts de la Nioulargue, les régates de voiliers qu'il a créées avec sa bande de copains de l'époque, pour 23 minutes de vidéo, j'ai une semaine de montage rien que sur lui et 400 points de coupe afin de retirer ses scories, ses répétitions, ses hésitations, pour qu'il soit fluide à regarder, je suis contente, lui aussi, le résultat est très réussi avec les nombreuses images d'archives que j'ai mises dedans.

Patatras

Notre complicité crée beaucoup de jalousie, je me fais agresser, insulter. Je décide alors de m'éloigner du château de La Mole et m'installe dans une petite maison que Patrice me prête au coeur du village de Ramatuelle. La méchanceté continue, on me vole mon chat Lumière du Sud, je le cherche partout, je continue d'être violentée, insultée, je résiste par des sourires et des mots gentils à la façon de Martin Luther King, sûre que ma gentillesse finira par gagner .

Badaboum

En décembre 2020, Patrice me téléphone pour m'annoncer qu'il n'a plus les moyens financiers  de me garder (oh le gros mensonge... ! ) et qu'il doit me licencier. Je le remercie. Il est étonné. Il est toujours étonné de mes réactions bienveillantes. C'est mon état d'esprit, je cherche toujours le positif même lorsque l'on me fait du mal. En mars 2021, je signe donc tout un tas de papiers administratifs sans rien regarder. Lui-même est perturbé, il sait que tout un merveilleux pan de sa vie vient de tomber.

Sur le lien ci-dessous, vous pouvez lire en version numérique mon roman Tous les prénoms ont été changés que j'ai écrit au château de La Mole. Sa version papier sort en avril 2024.

Sylvie Bourgeois Harel Patrice de Colmont par Gilles Bensimon

Sylvie Bourgeois Harel Patrice de Colmont par Gilles Bensimon

Capitaine Paul Watson de Sea Shepherd Patrice de Colmont Sylvie Bourgeois Harel 2017 Club 55

Capitaine Paul Watson de Sea Shepherd Patrice de Colmont Sylvie Bourgeois Harel 2017 Club 55

Pierre Rabhi Patrice de Colmont Sylvie Bourgeois Harel Lablachère Ardéche

Pierre Rabhi Patrice de Colmont Sylvie Bourgeois Harel Lablachère Ardéche

Ferme des Bouis Ramatuelle Patrice de Colmont Sylvie Bourgeois Harel les border collie Pastis et Mistral

Ferme des Bouis Ramatuelle Patrice de Colmont Sylvie Bourgeois Harel les border collie Pastis et Mistral

Château de la Mole Fonds de Dotation Pierre Rabhi Vallée de la Mole 83 Var

Château de la Mole Fonds de Dotation Pierre Rabhi Vallée de la Mole 83 Var

Les voyageurs sans trace Geneviève et Bernard de Colmont Colorado et Green River

Les voyageurs sans trace Geneviève et Bernard de Colmont Colorado et Green River

Paul et Yana Watson Patrice de Colmont Sylvie Bourgeois Harel Le Club 55 Ramatuelle Saint-Tropez

Paul et Yana Watson Patrice de Colmont Sylvie Bourgeois Harel Le Club 55 Ramatuelle Saint-Tropez

Patrice de Colmont Sylvie Bourgeois Harel Club 55 plage de Pampelonne Ramatuelle Golfe de Saint-Tropez

Patrice de Colmont Sylvie Bourgeois Harel Club 55 plage de Pampelonne Ramatuelle Golfe de Saint-Tropez

Quand Patrice de Colmont affiche au Club 55 J'aime ton mari, un roman de Sylvie Bourgeois

Quand Patrice de Colmont affiche au Club 55 J'aime ton mari, un roman de Sylvie Bourgeois

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Saint-Tropez, été 1983, ma première fois dans la presqu'île

 

J'ai 20 ans et je viens enfin, pour la première fois de ma vie, de passer deux mois idylliques, seule, avec mes parents à Besançon. Mais ce bonheur ne durera pas. Vincent, un de mes frères qui a 3 ans de plus que moi, et avec qui je viens de passer une année très dure à Cap-d’Ail où je travaillais comme hôtesse à Monaco vient de débarquer. 

Vincent est beau, gentil, intelligent, très intelligent même, mais il ne va pas bien psychologiquement. Personne ne me croit quand je dis qu’il a des problèmes psychiatriques, au contraire, je passe pour la méchante sœur qui veut le faire soigner. Cinq ans plus tard, il sera diagnostiqué schizophrène et sera interné à de multiples reprises.

Comme je ne suis pas en état de le supporter après tout ce que j’ai vécu à Cap-d’Ail, le matin, si je lui disais non, il me mordait le bras pour que je lui donne de l’argent, la nuit, il écoutait trois radios à fond, si des amis venaient dormir, il repeignait leur chambre d’onomatopées de guerrier, je décide de fuir la maison familiale où pourtant j’étais heureuse de profiter de mes parents. 

Je téléphone à l’Office de Tourisme de Deauville, Megève et Saint-Tropez, trois villes que je ne connaissais pas, mais qui me faisaient rêver, pour savoir s’il n’y aurait pas une annonce pour du travail. À Saint-Tropez, on me répond qu’en effet, une pizzeria recherche un serveur confirmé. Je convaincs le propriétaire que je suis un serveur confirmé. 

Le lendemain, je débarque avec quatre heures de retard, mon train ayant écrasé une vache, peut-être une vache qui, comme moi, s’était sentie obligée de quitter sa famille aimante pour avoir la paix, à la gare de Saint-Raphaël où le frère du patron m’engueule. 

À deux heures du matin, le chef de rang de la pizzéria m’accompagne à ma chambre derrière chez Sénéquier, j’étais logée, nourrie, et là, stupeur, il y a deux fois quatre lits superposés, avec sept personnes qui dorment déjà, le huitième lit est pour moi. Non seulement ça pue des pieds, mais il m’est impossible de me coucher dans une telle promiscuité, sans parler du popo qui doit être commun et la douche certainement aussi. 

Je retourne voir le patron qui comptait ses sous, suivie du chef de rang qui porte mes trois valises, à 20 ans, je voyageais toujours avec des tonnes de vêtements comme si ma vie en dépendait, aujourd’hui, j’ai tout simplifié, que je parte pour un mois ou trois jours, je prends toujours la même petite valise remplie de l’essentiel.

— Pouvez-vous m’indiquer un hôtel, il est hors de question que je dorme avec sept personnes qui puent des pieds, dis-je au patron qui me regarde, étonné.
— Nous sommes le 1er août, vous n’en trouverez pas.
— Je vais alors dormir chez vous.

Il me regarde encore plus étonné.

— Vous avez une pizzeria, vous devez bien avoir une maison, non ?
— Non, je vis dans un studio avec ma femme et notre bébé.

Le chef de rang avait dû me trouver mignonne, il me propose sa chambre de chef de rang, son statut de chef lui donnait le privilège de dormir seul. Il reprend mes trois valises et les dépose dans une chambre où, en effet, il n’y a qu’un seul lit mais avec une hauteur sous plafond d’un mètre quarante à tout casser, et toujours pas de popo ni de douches. Je le remercie.

J’attends qu’il soit loin et pars me promener dans Saint-Tropez à la recherche de pains au chocolat tout chauds. C’est une manie, la nuit, je mangeais des biscuits ou des pains au chocolat à la sortie des boîtes de nuit où j’adorais aller danser. Et Saint-Tropez est une boîte de nuit géante, il est trois heures du matin et c’est la fête partout, je suis conquise d’autant qu’en face du Yaca, un monsieur vend des pains au chocolat tout chauds. 

Tout en avalant mon troisième, je lui raconte mes aventures, mon frère fou, sa poule encore plus folle que lui qui, chaque jour, montait sur la branche du néflier pour pondre son œuf qui, inévitablement, s’écrasait sur la terrasse, mes parents que j’aime et que je suis triste d’avoir été obligée de quitter, la pauvre vache éprise, elle aussi, de liberté, les pieds qui puent des serveurs, le popo en commun, quand un garçon à peine plus âgé que moi qui m’écoutait, fasciné, me propose de m’emmener chez lui, ses parents ont un grand appartement à Port-Grimaud. 

J’achète quatre pains au chocolat pour remercier le chef de rang, le gentil garçon prend mes trois valises et hop me voilà enfin couchée, seule, dans un vrai lit avec des toilettes propres et une grande salle bains. 

Le lendemain matin, le gentil garçon retarde son retour à Grenoble et m’emmène faire le tour des plages afin que je trouve du travail pour le mois d’août. Je n’avais pas assez dormi, j’étais épuisée, il était vraiment gentil, il me portait sur son dos. 

À la Bouillabaisse, ils recherchent un cuisinier confirmé pour le snack. Je les convaincs que je suis un cuisinier confirmé. Par chance, je tombe sur la fille d’amis de mes parents qui travaille également là. Elle me propose de m’héberger chez sa fiancée, une riche allemande plus âgée. Le soir, après le dîner, je comprends que je dois dormir dans leur lit. Je prétexte une folle envie de sortir et file aux Caves du Roy où je danse en dormant debout car je suis exténuée de fatigue. 

Pendant trois jours, je mets un fichu sur mes cheveux et je fais des frites et des hamburgers. La nuit, je danse en dormant debout et je mange des pains au chocolat pour tenir le coup. La 4ème nuit, le monsieur me donne le téléphone de son copain qui recherche une serveuse confirmée pour son restaurant Le Planteur situé sur la plage de Pampelonne. Je le convaincs que je suis une serveuse confirmée et je commence à travailler dans ce très joli endroit où je suis logée dans un bungalow pour moi toute seule au bord de la mer où je me baigne matin et soir avec Frantz, le gentil plagiste de mon âge.

C’était une plage d’habitués bien élevés. À 11 heures, je passais entre les matelas prendre les commandes et à 13h, tout le monde était à table. Les deux patrons s'occupaient de la cuisine. L'un était petit et fluet, l'autre était baraqué, tatoué, le crâne rasé, Frantz m’avait dit que c’était un ancien légionnaire ou mercenaire, le genre à ne pas aimer être embêté. 

Un jour, comme d’habitude, j’entre dans la cuisine avec mon carnet de commandes plein, mais ils ont tellement bu la veille qu’ils sont incapables de préparer le repas. Sur la terrasse, les clients commencent à s’impatienter. En tant que serveuse confirmée, je prends les dessus et retourne dans la cuisine en tapant dans mes mains :

— Allez, hop, les mecs, je leur dis en riant, il faut vraiment vous mettre au boulot, sinon je vais avoir une mutinerie, nos vacanciers meurent de faim.

Je devais, sans m’en rendre compte, être un brin autoritaire du haut de mes 45 kilos si bien que le mercenaire-légionnaire-tatoué-baraqué-rasé m’a soulevée du sol.

— Non mais, la princesse, je rêve, tu crois vraiment que tu vas me donner des ordres, écoute bien, je n’ai jamais obéi à personne dans ma vie, et ce n’est pas une jolie poupée comme toi qui vas commencer à me transformer en toutou à sa maman.

Il m’a balancée dans la chambre froide entre les morceaux de viande et les plaquettes de beurre, et l'a refermée en râlant qu’il avait encore soif. Je n’ai eu la vie sauve que grâce au gentil Frantz qui, ne me voyant plus, s’est inquiété. Le petit patron fluet, moins prêt que son copain tatoué à commettre un crime qu'il aurait dû cacher en me cuisinant le lendemain pour ses clients afin de faire disparaître mon corps, lui a avoué où j’étais.

Sylvie Bourgeois photographiée par Vincent Bourgeois à Cap-d'Ail

Sylvie Bourgeois photographiée par Vincent Bourgeois à Cap-d'Ail

Sylvie Bourgeois Cours Jean-Laurent Cochet

Sylvie Bourgeois Cours Jean-Laurent Cochet

Sylvie Bourgeois et le photographe Ku Khan chez Michel Barnes

Sylvie Bourgeois et le photographe Ku Khan chez Michel Barnes

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Entre ambiguïtés et contradictions, pourquoi j'écris ?

 

Ma nouvelle Prologue sera dans mon prochain recueil de nouvelles à paraître début avril 2024.

 

Sylvie Bourgeois Harel - Plage de Pampelonne - Ramatuelle

Sylvie Bourgeois Harel - Plage de Pampelonne - Ramatuelle

Sylvie Bourgeois Harel - Plage de Pampelonne - Ramatuelle

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Un nouveau prix littéraire vient d’être créé afin de récompenser la meilleure biographie de l’année, le Prix Pampelonne Ramatuelle, qui a été attribué, sous l’impulsion de son président du jury David Foenkinos, à Tonino Benacquista pour son roman Porca miseria, paru chez Gallimard.

 

Une séance de dédicaces est prévue ce samedi 11 juin, de 15h à 18h, au chai du domaine viticole Fondugues Pradugues, chez Laurent Nouvion et Stephen Roberts qui cultivent leurs vignes en biodynamie. Seront également présents les auteurs Yseult Williams pour On l’appelait Maïco, Cécile Maistre Chabrol pour Torremolinos et Alyssa Wenz pour L’homme sans fil.

 

Au cours de l’après-midi, l’humoriste comédien Stéphane de Groodt, l’acteur metteur en scène de théâtre Nicolas Briançon et le journaliste Alexis Trégarot liront des extraits des livres sélectionnés.

 

Je m’amuse à croire que le fantôme de Guy de Maupassant n’est pas étranger au fait que de nombreux prix littéraires ont fleuri cette année dans le Golfe. La valse des récompenses a commencé le 21 mai avec le Prix Hôtel La Ponche décerné à Nathalie Azoulai pour son roman La fille parfaite paru chez POL. Le 27 août aura lieu le Prix de la Méduse, créé par l’entrepreneur de mode David Frèche (boutiques Loft), tandis que le Prix de l’Hôtel de Paris clôturera la saison en octobre.

 

Je m’amuse également de mes quelques similitudes avec Maupassant, comme lui, j’écris dans mes romans « youyou » lorsque je parle des petites embarcations légères qui font la navette entre les bateaux et le rivage, je trouve ce mot mignon comme pompette, ils relativisent et sont poétiques, comme lui, avant que je ne devienne écrivain, j’ai régulièrement séjourné à l’hôtel Sube situé sur le port face à la statue du Bailli de Suffren, l’ancien propriétaire me donnait sa chambre (celle de Maupassant, pas la sienne), comme lui, je suis arrivée pour la première fois en voilier à Saint-Tropez, Guy, c’était le 12 avril 1988 sur son voilier bel-Ami, moi, j’avais 14 ans, c’était sur le voilier de mes parents, l’Achille, le prénom de mon grand-père Bourgeois qui n’a jamais vu la mer. J’avais été émerveillée par la beauté des lieux. Et très en colère que mon frère aîné, qui faisait office de capitaine et de skipper, m’ordonne de laver les voiles sur le pont pendant qu’il était parti prendre l’apéritif chez Sénéquier, argumentant que pour devenir une bonne équipière, il fallait savoir tout faire.

 

C’est d’ailleurs l’anecdote qu’a retenue le Musée du cinéma et de la Gendarmerie de Saint-Tropez pour rédiger le paragraphe à mon sujet, en tant que scénariste, dans leur livre relatant l’histoire du cinéma de la célèbre presqu’île, lorsque j’ai co-écrit le film Les Randonneurs à Saint-Tropez avec feu Éric Assous et mon mari Philippe Harel qui l’a réalisé.

 

Étant toujours sous le choc amoureux de ma première rencontre avec ce joli village, j’ai poursuivi ma collection de Sophie démarrée chez Flammarion avec Sophie à Cannes et Sophie au Flore, en écrivant Sophie à Saint-Tropez, une fable écologique dans laquelle mon héroïne qui se meurt d’un chagrin d’amour aide un drôle d’architecte ruiné et alcoolique, mais terriblement doué, à remonter la pente. En le sauvant, elle retrouve le goût de vivre.

 

Et pour rester sur le thème de l’alcoolisme et de l’amour, je terminerai par ma phrase préférée de mon cher Charles Bukowski, grand alcoolique et grand écrivain (je devrais peut-être me mettre à boire ?), qui résume si bien nos choix, nos peurs, nos croyances : Le problème est que nous cherchons quelqu'un pour vieillir ensemble, alors que le secret est de trouver quelqu'un avec qui rester enfant.

 

Prix Pampelonne Ramatuelle attribué à l'écrivain Tonino Benacquista
Prix Pampelonne Ramatuelle attribué à l'écrivain Tonino Benacquista
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Ma maman est collectionneuse et je n'ai pas de papa, mais j'ai un Basquiat. Na ! Ma maman me l'a acheté, il y a deux ans, dans une galerie de New York où il m’avait tout de suite plu. Elle me l'a offert pour me complimenter d’avoir autant de sensibilité. J'adore mon tableau. Il est rouge. Dessus, il y a un bonhomme carré assez mal dessiné qui regarde de côté et sur sa tête qui n'est pas très bien faite non plus, il y a une drôle de couronne. Ma maman m'a expliqué que la couronne, c'était la signature de Basquiat, un peu comme s'il était un roi. Le roi de son monde où il a le droit de dire ce qu'il veut. Et Basquiat, il disait ce qu'il voulait dans ses tableaux. Il faisait exprès aussi de mal les faire comme s’il ne savait pas dessiner. Par exemple, il faisait des bonshommes carrés alors qu’un bonhomme, tout le monde le sait, c’est toujours rond, mais c’était pour montrer que le monde dans lequel il vivait, il était mal fait aussi.
 
Voilà pourquoi j’aime mon Basquiat. Je l’aime parce que moi aussi, je trouve que le monde dans lequel je vis, il est mal fait. Regardez, je vis dans un grand appartement alors que je n’ai pas de papa et que ma maman n'est jamais là. C'est mal fait, je préférerais habiter avec plein de gens au lieu d’être toujours toute seule. J’en ai marre d’avoir personne avec qui parler. J’ai ma nounou, vous me direz, mais elle est bête. La preuve, chaque fois que je lui pose une question sur comment est fait le monde, elle ne sait pas quoi me répondre. Alors quand je m'ennuie trop, je vais regarder mon bonhomme carré. On se comprend. C'est juste dommage qu'il me tourne la tête car je préférerais le regarder dans les yeux, mais il me fait bien marrer quand même. C'est un peu comme s'il était timide.
 
Il y a pas mal de bavures qui coulent du dessin. Un jour que j'en avais marre que ça ne soit pas net, je les ai nettoyées avec de l'eau et du savon, mais j'ai eu beau frotter, ça n'est pas parti. Quand je serai plus grande pour aller toute seule dans les magasins, j'achèterai de la peinture et des pinceaux et je referai bien les contours pour que ça fasse moins brouillon. Je le terminerai en quelque sorte. Basquiat, il n'a pas eu le temps de terminer mon tableau car il est mort d'une overdose. Une overdose, c'est quand on prend trop de drogue d’un coup. Ma maman m'a expliqué que Basquiat, il était très malheureux et qu'il s'était drogué jusqu'à en mourir pour oublier sa vie et que même sa peinture, ça ne lui suffisait plus. Elle m’a dit aussi que les artistes, ils n’étaient jamais satisfaits et que souvent ils se droguaient pour trouver le bonheur qu’il n’arrivait pas à trouver, par exemple, dans les rapports familiaux normaux.
 
- Regarde, a ajouté ma maman, je t'ai, tu me rends heureuse alors je ne me drogue pas.
- Non, mais tu te fais vomir.
- Mais ça ne va, qui t'a dit ça?
- Personne, mais je le sais. Tu vas toujours aux toilettes après le repas, je t'ai déjà suivi plein de fois et j’ai trouvé les bruits que tu faisais tellement tristes que j’ai tout raconté à Mamy. Elle m'a expliqué que tu étais déglinguée depuis que tu avais eu ma grossesse. Tu vois maman, le monde, il est mal fait. Et c’est pour ça que je suis bien contente que tu m’aies acheté mon tableau car je comprends un peu mieux la vie en le regardant.
 
Comme je me posais encore plein de questions et que ma nounou était incapable de me répondre, j’ai tapé Basquiat sur Internet et j’ai lu qu’il avait 27 ans lorsqu'il est mort. Il est mort tout seul dans son grand appartement. Comme moi. J’ai vu aussi sa drôle de tête. Ça m’a fait de la peine d’imaginer sa drôle de tête posée sur son ventilateur quand il est mort, comme s’il avait besoin de respirer un air nouveau alors que c’est l’air de la mort qu’il a trouvé. Mon papa aussi, il est mort. Il est mort quand je suis née. Ou alors peut-être, il est mort parce que je suis née, ce qui expliquerait pourquoi ma maman se fait vomir. Elle doit vomir son malheur. Quand je serai grande, moi aussi je deviendrai artiste et je vomirai sur mes toiles le malheur de ma solitude. Mais j’espère qu’avant de mourir de l’overdose, j’aurais peint suffisamment de tableaux où j’aurais expliqué combien le monde est compliqué et mal fait.
 
En attendant de me droguer, j’ai demandé à ma maman de m’emmener plus souvent avec elle dans les galeries où l’on vend de l’art. Les vendeuses, elles sont toujours très aimables avec nous, car ma maman, si elle le veut, elle peut acheter tout le magasin. J'aime bien sentir que les vendeuses, elles le savent, car ça me rend importante. Dans ces cas-là, je serre très fort la main de ma maman pour bien montrer que c'est la mienne et, que du coup, c'est un peu comme si c'était moi qui pouvait acheter tout le magasin. En plus, ma maman, elle me demande toujours mon avis, en disant aux vendeuses que sa fille, elle a l’œil.
 
J'ai tellement l'œil que ce matin, un monsieur est venu à la maison pour acheter mon Basquiat. Quand j’ai compris que je devais m’en séparer, j'ai pleuré. Beaucoup pleuré. Je ne voulais pas le laisser s'en aller.
 
- Mais on va gagner beaucoup d'argent en le vendant, m'a dit ma maman. Tu as l'œil ma fille, je suis fière, ce tableau coûte aujourd'hui très cher. Tu es encore un peu petite pour comprendre ce qu'est la spéculation, mais tu es suffisamment intelligente pour comprendre le métier de maman qui achète des tableaux pour les revendre quand leur valeur a dépassé le prix de leur achat, tu vois.
- Ce que je vois, je lui ai répondu, c'est que tu veux m'enlever mon tableau qui était mon cadeau pour mes 7 ans d'âge de raison. J'y suis attachée, moi, à mon bonhomme carré. En plus, donner, c'est donner et reprendre, c'est voler.
- Mais enfin Lily, qu'est-ce qu'il te prend? Avec tout l'argent que l'on va gagner, on va pouvoir s'acheter plein d'autres tableaux et peut-être même des encore plus beaux.
- Eh bien, dans ces cas-là, si je n'ai plus mon Basquiat, je veux partir vivre chez Mamy. En plus, je n'aime pas quand tu mets du rouge à lèvres pour recevoir des messieurs à la maison. Je n’aime pas ça, mais pas du tout.
 
Et je suis sortie de ma chambre en faisant exprès de bien faire claquer la porte. Ma maman m'a rattrapée pour me coller une fessée et m'a dit que ce n'était pas du haut de mes 8 ans que j'allais faire la loi à la maison. Je lui ai répondu que sa spéculation, ça n’apportait que du malheur et qu’il valait mieux que je me drogue tout de suite pour qu’ensuite je devienne très vite une artiste qui peindrait tout ce qui avait brisé mon cœur. Ma maman, en m’entendant, s'est mise à pleurer. Le monsieur est arrivé. Et je me suis excusée.
 
- Je suis désolée de t’avoir fait pleurer ma petite maman chérie. Je suis une mauvaise fille, certainement trop gâtée.
- Mais non, ma chérie, tout ça est de ma faute, t’élever toute seule, tu sais, ça ne m’est pas tous les jours facile.
 
Là, le monsieur de la spéculation a regardé ma maman avec un drôle d’air, du genre, si vous voulez ma jolie madame, je veux bien jouer au papa et à la maman avec vous. Je l’aurais volontiers mordu celui-là, je me suis dit. Et aussi quelle drôle d’idée, j’ai eu, a ajouté ma maman de te faire un cadeau à plusieurs millions d’euros. Puis on a pris le thé ensemble. Ça nous a tous calmés. Maman a décidé que le monsieur ne viendrait chercher mon Basquiat que le lendemain matin, ainsi j’aurais encore une nuit à passer auprès de lui pour m’habituer à l’idée que bientôt, je ne le reverrais plus.
 
Dès que le monsieur est parti, ma maman est sortie. J’ai profité que ma nounou faisait pipi pour filer. Je suis montée dans un taxi qui était étonné que je sois toute seule, mais je lui ai dit que chez moi, c’était comme ça, j’étais une petite fille riche, livrée à elle-même, mais pas malheureuse pour autant, la preuve, ma maman m’avait acheté un tableau pas du tout pour enfant, tellement il coûtait d’argent. Le taxi n’a rien compris, mais m’a quand même déposée au BHV. Là, en voyant la diversité des peintures et des couleurs, je me suis écroulée. Mon idée était de me dessiner en étoile filante avec des cheveux jaunes et un cœur bleu comme mes yeux sur mon tableau de Basquiat pour continuer de vivre un peu à ses côtés. Mais devant la difficulté à terminer mon Basquiat, je me suis mise à pleurer. Pleurer que décidément la vie, c'était beaucoup trop compliqué.
BASQUIAT fait partie des 34 nouvelles de mon recueil BRÈVES ENFANCES, paru aux éditions Au Diable Vauvert.
 
BASQUIAT. Une nouvelle de Sylvie Bourgeois. BRÈVES ENFANCES (éditions Au Diable Vauvert)
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En haut de ma rue, il y a une dame que l’on appelle La dame bleue parce que tout ce qu’elle fait, elle le fait en bleu et chez elle, tout est bleu, ses fleurs, ses volets, ses yeux. Et peut-être même aussi ses secrets. Tous les jours, elle va s’asseoir au bord de la mer sur une chaise pliante bleue. Elle a des habits bleus et aussi un bandeau bleu qui retient ses cheveux. Elle reste des heures au même endroit à regarder la mer. Toujours dans la même direction, la direction qu’il a pris son amoureux.

 

Il lui a dit de l’attendre et, en l’attendant, de penser à lui. Que chaque fois qu’elle penserait à lui, il l’entendrait et se sentirait heureux. Qu’ils s’aimaient d’un amour fou. Que c’était ça l’amour. Qu’il l’aimait comme jamais il n’aurait cru possible d’aimer. Qu’elle n’avait que vingt ans et que c’est dans ses bras qu’elle connaîtrait l’amour et la mort. Que la mort n’arriverait jamais à les séparer. Qu’il allait revenir. Très bientôt. Et qu’il ne repartirait plus jamais en mer. Que c’était la dernière fois. Qu’il ne voulait plus jamais la quitter. Plus jamais. Mais que cette dernière pêche, il en avait besoin. Besoin pour payer leur mariage et acheter la petite échoppe qu’il avait repérée, là, pas loin. Une petite échoppe où il vendra du poisson. Il vendra du poisson, oui, mais plus jamais, il ne le pêchera. Plus jamais. Ils se marieront. Il va revenir. Elle le sait puisqu’il le lui a dit. Et même répété. Elle l’a entendu, puis attendu. Tous les jours. Tous les jours, elle va à sa rencontre sur le chemin du bord de mer, à l’endroit où elle a vu pour la dernière fois son bateau s’éloigner. S’éloigner jusqu’à devenir un point. Un point qui a emporté sa féminité. Un point minuscule qui, soudain, a disparu. Elle a eu, ce jour-là, un frisson dans le dos. Elle s’en souvient encore comme si c’était hier. Un frisson qui a ressemblé à un horrible pressentiment. Puis l’image de son amant lui est revenu. Souvent. Très souvent. Elle s’est même vue l’embrasser et le laisser entrer.

 

Alors même si parfois le mauvais temps lui conseille de ne pas sortir, elle met son imperméable bleu sur son corps menu et frêle. Elle prend son parapluie bleu, se noue un fichu bleu sur la tête et sort. Pour attendre son amoureux. On ne sait jamais. Ce serait trop bête qu’il revienne le jour où justement elle ne l’aurait pas attendu. Oh non ! Ca, elle ne le supporterait pas. Elle a tant eu à faire de l’attendre qu’elle n’a jamais pris le temps de faire des connaissances ou même un voyage. Ah quoi bon ? Elle aurait bien le temps quand il reviendra alors de nouer des amitiés et peut-être même d’organiser des dîners ou de visiter des capitales.

 

Elle est morte ce matin. Sans jamais avoir pris le temps de vieillir. Lisse comme une enfant, elle s’est éteinte à l’âge de cent ans. C’est la dame de la mairie qui passait tous les jours la voir qui l’a trouvée endormie à jamais dans son lit. Sur son bureau, il y avait ses dernières volontés rédigées à l’encre bleue sur du papier bleu. Elle demandait que ses cendres soient jetées dans la mer, à l’endroit de son habitude pour qu’elles aillent à la rencontre de son amoureux.

 

Avec ma maman, nous avons rejoint sur le chemin du bord de mer les autres habitants du village. Tout le monde était habillé en bleu comme un dernier cri. Nous avons récité la prière de Marie pendant que la dame de la mairie a jeté les cendres de la centenaire dans la mer qui, ce jour-là, était d’un bleu incendiaire. J’ai sept ans et j’ai juré de ne jamais oublier La dame bleue.

LA DAME BLEUE. Brèves enfances. Sylvie Bourgeois. Éditions Au Diable-Vauvert
LA DAME BLEUE. Brèves enfances. Sylvie Bourgeois. Éditions Au Diable-Vauvert
LA DAME BLEUE. Brèves enfances. Sylvie Bourgeois. Éditions Au Diable-Vauvert
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En ce moment, le soir, je m’endors avec un documentaire sur les F1. C’est assez mal réalisé avec un montage d’images coupées très rapidement et une musique hystérique afin de créer du sensationnel, alors que ce monde de la vitesse est suffisamment sensationnel à lui tout seul, inutile d’en rajouter. Mais ce que j’adore, ce sont les interviews de ces jeunes pilotes qui, pour certains, comme Charles Leclerc ou Esteban Ocon, ont démarré en F1 a, à peine, 20 ans, ce sont mes deux chouchous. Esteban parce qu’il a un bon état d’esprit, et Charles parce que je connaissais son papa, Hervé.
J’ai rencontré Hervé Leclerc à Cap-d’Ail lorsque j’avais 18 ans. Son beau-père Charles Manni était l’ami d’enfance de ma maman. Nous nous sommes revus à Paris, quand je montais de Besançon, en camion, avec mon frère, un autre Hervé, de 7 ans plus âgé que moi, et son meilleur copain, Serge, étudiant, comme lui, en architecture. Le camion, c’était le rêve de mon frère Hervé qui voulait vivre dans un immense camion rouge comme ceux dans lesquels l’écurie Ferrari transportait ses F1 au Grand-Prix de Monaco où nous avions la chance, grâce à Zizi, le directeur de l’Automobile Club de la Principauté, d’avoir des passes pour aller dans les stands.
J’adorais m’y promener avec mon short en daim et mes bottes plates assorties, en daim également, puis pendant la course, m’asseoir dans un coin où je ne gênais personne et admirer la rapidité avec laquelle les mécaniciens, tous en combinaison assortie, changeaient en quelques secondes les pneus des voitures et la vitesse avec laquelle les pilotes repartaient sur le circuit. De son côté, mon père, casquette Achille, du nom de notre voilier, sur la tête, et cigarette au bec, se régalait également d’observer ce manège où perfection rimait avec précision, jusqu’au jour où un policier monégasque s’est posté devant lui, l’empêchant de faire un pas de plus. Ayant son casque anti-bruit sur les oreilles, n’entendant rien de ce qu’il lui disait, mon père, en bon Franc-Comtois, lui a gentiment offert une de ses Disque bleu sans filtre et tendu son briquet, ne pouvant imaginer que cet homme du Sud puisse lui demander autre chose que de partager le plaisir de fumer ensemble, alors que le policier lui intimait l’ordre d’éteindre immédiatement sa cigarette vu les milliers de litres d’essence présents, le moindre mégot mal éteint pouvait faire exploser tout Monaco.
L’année d’après, était-ce de la faute de mon gentil papa rigolo bon-vivant, gros fumeur et grand buveur, seulement d'excellents vins et de vieux whiskys, aimait-il préciser, mais ces passes ont été supprimés, même s’ils étaient distribués au compte-goutte, il était trop dangereux pour les pilotes d’avoir des visiteurs dans les stands. Seul mon frère Vincent, de 4 ans de plus que moi, eut droit à un badge, ayant été embauché par Zizi pour photographier les rails de sécurité. Mais quand il dut rendre son travail à l’Automobile-Club, il se mit en tête que ses photos étaient artistiques et refusa de donner ses négatifs. Il commençait à souffrir de bouffées délirantes qui accentuait sa paranoïa naissante. Ma mère fut obligée de faire développer des milliers de photos de rails, ce qui lui coûta une fortune. Deux ans plus tard, Vincent connut son premier internement à l’hôpital psychiatrique de Nice après avoir voulu récupérer une villa que mon grand-père aurait donné, bien avant la Seconde Guerre mondiale, à sa maîtresse dont le mari était peintre et mon aïeul le seul acheteur de ses tableaux.
J’embêtais souvent mon frère Hervé en lui répétant que son rêve de vivre dans un camion devait certainement venir de sa peur que la possession d’une maison lui tue son imagination comme si, en n’ayant rien, il aurait toujours le désir de créer la maison idéale, quoi qu’il en soit, son rêve de camion rouge, c’est son copain Serge qui l’a réalisé, il a acheté une camionnette J7 beige dans laquelle il a installé très sommairement un lit et un bureau. Serge habitait dans notre maison de Besançon, il adorait mes parents qui étaient drôles, beaux, généreux, ouverts et intelligents. Le talent de mon père architecte l’épatait. De mon côté, j’aurais préféré que mon père se remette à la peinture, ses dessins m’impressionnaient de beauté, de simplicité, de justesse.
Cette année-là, les deux garçons montaient régulièrement à Paris pour voir des chantiers ou des filles, je ne sais plus. Moi, je sautais souvent dans leur camion-maison-bureau et j’allais voir Hervé Leclerc qui me parlait de sa passion pour les voitures et de son rêve d’être pilote de F1. Il vivait chez sa grand-mère, une dame excessivement élégante qui l’aidait financièrement dans son désir de futur champion. J’ai revu Hervé, un an plus tard, lorsque je suis allée vivre seule à Cap-d’Ail dans la maison de vacances de ma mère qu’elle avait hérité de sa propre mère, plus exactement, la demie-maison, sa sœur aînée ayant hérité de l’autre partie. Je voulais gagner ma vie, être indépendante, je travaillais comme hôtesse à Monaco et prenais des cours du soir pour apprendre à dessiner des habits.
Entretemps, Hervé Leclerc avait beaucoup tourné en F3, il était très rapide. Le manager du circuit de la Châtre croyait en lui et voulait le pousser à réussir, mais un autre coureur qui avait une plus grosse expérience que lui en karting, devint leur coureur officiel. Hervé fut terriblement déçu. Il continuait les entraînements et les courses, mais sa souffrance de ne pas avoir été choisi se transforma en obsession. Il s’installa chez sa maman, Monique, une très belle femme, qui avait refait sa vie près de Monaco avec Charles Manni, l’ami d’enfance de la mienne. Charles était pauvre, enfant, peut-être le seul pauvre de Monaco. Il avait fait fortune en fournissant des pièces mécaniques à l’industrie automobile, et avait construit son usine à Fontvieille, un quartier de la Principauté situé sous le zoo où un éléphant pleurait nuit et jour, et à deux pas du vieux port où mes parents et Charles avaient leurs voiliers.
Un matin, Hervé Leclerc, accompagné de son chagrin, vint me voir à Cap-d’Ail, m’offrit un chien, un Braque de Weimar, magnifique, et m’embrassa. Tous les jours, nous marchions main dans la main au bord de la mer. J’écoutais son obsession, sa déception, sa frustration.
Puis ce fut le mois de mai, le Grand Prix de Monaco arriva. La maison de Cap-d’Ail se remplit de jeunes pilotes de Formule 3 qui s'entraînaient à la Châtre avec mon frère Hervé, passionné également d’automobiles, qui, la nuit, au volant de la Talbot Sunbeam GTI noire de ma mère qui aurait préféré une voiture moins sportive, m’apprenait les trajectoires dans les chicanes du circuit et les talons-pointes, me tapant dans l’épaule que je ne devais pas conduire comme une fille, alors que mon statut de fille lui convenait très bien quand je nourrissais, chaque soir, ses copains affamés en leur cuisinant des immenses quiches et pissaladières, et aussi des gâteaux au chocolat que je ne faisais pas beaucoup cuire afin qu’ils soient coulant au centre.
C’est ainsi qu’entre les camions rouges Ferrari qui faisaient rêver mon frère Hervé, la camionnette J7 beige de Serge qui ne ressemblait en rien à ceux de la Scuderia, néanmoins Serge, en bon Italien, arrivait à mettre suffisamment d’étoiles dans ses yeux pour arriver à embrasser des filles dedans, les jeunes pilotes de F3, les espoirs déçus d’Hervé Leclerc, l’usine de pièce automobiles de Charles Manni, la cigarette de mon père dans les stands, les photos des rails du circuit que Vincent n’a jamais voulu donner, les dizaines de pâtes à tarte que je faisais suivant la recette de ma grand-mère, farine, levure de boulanger, eau et huile d’olive, mon chien qui me protégeait de ces nombreux mâles envahissants, toutes ces histoires de voiture qui tournaient en rond, m’ont fatiguée.
Je n’ai plus voulu embrasser Hervé Leclerc. Pourtant, il était drôle, gentil, tendre, mignon, déjà, je ne comprenais rien aux désirs des garçons, et je ne voulais pas tourner en rond avec sa frustration de comprendre qu’il ne sera jamais champion. J’ai quitté Hervé sur un rocher au bord de l’eau. Il a pleuré dans la mer. Ma mère a rendu à la sienne mon chien trop grand pour ma petite vie qui avait mal commencé, mais dont je n’avais jamais parlé. Ni à Hervé Leclerc, ni à ma mère, ni à ma meilleure amie, juste à mon grand chien à qui j’avais confié mon chagrin de petite fille bafouée qui ne pourra plus jamais avoir confiance aux hommes qui disaient l’aimer.
J’ai fui Monaco et je suis partie travailler à Saint-Tropez, j’ai trouvé un travail de serveuse dans un restaurant situé sur la plage de Pampelonne, à Ramatuelle, au Planteur. Le 18 août, comme il pleuvait, mon patron m’a donné mon jour de congé. J’ai fait du stop pour aller embrasser ma mère qui me manquait et qui passait l’été à Cap-D’ail, à 130 kilomètres. Un conducteur m’a pris et m’a violée dans sa voiture qu’il avait fermée à clef après avoir quitté la route du bord de mer pour s’éloigner dans la campagne.
De nouveau, je n’ai rien dit, les victimes se taisent, je me suis tue, perdue dans la honte de croire que c’était de ma faute, que tout ce qui m’arrivait était encore et toujours de ma faute. Alors j’ai fui à Paris pour me perdre encore plus et ne plus voir mes amis qui m’aimaient puisque je me haïssais. Mais chut, sans rien dire à personne. Personne ne devait savoir.
Une dizaine d’années plus tard, Hervé Leclerc s’est marié et a projeté son amour des voitures, sa volonté, son talent, ses désirs de F1, son humour, sa bonne humeur et sa gentillesse sur ses fils qu’il a initiés très tôt au karting. Le fantôme de la victoire de l'ancien coureur de karting, qui a lui coûté son destin de champion, y était certainement pour quelque chose. Très rapidement, Hervé Leclerc a pu admirer les victoires de ses fils qui n’arrêtaient pas de gagner et gravissaient tous les échelons, mais hélas, il n’a pas pu voir le destin de Charles, son deuxième enfant, qui a réalisé son rêve et celui de son père de devenir pilote de F1.
En effet, Hervé est mort le 20 juin 2017, et Charles a intégré l’équipe Sauber le 2 décembre 2017, avant de rejoindre l’année suivante l’écurie Ferrari et ces beaux camions rouges qui ont si longtemps fait rêver l’autre Hervé.
Mon ami Hervé Leclerc, papa de Charles, le jeune et talentueux pilote de F1
Charles Leclerc - Hervé Leclerc

Charles Leclerc - Hervé Leclerc

Charles Leclerc - Hervé Leclerc

Charles Leclerc - Hervé Leclerc

Sylvie Bourgeois Harel - Club 55 - Plage de Pampelonne - Ramatuelle - Saint-Tropez

Sylvie Bourgeois Harel - Club 55 - Plage de Pampelonne - Ramatuelle - Saint-Tropez

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  • : Sylvie Bourgeois Harel, écrivain, novelliste, scénariste, romancière Extrait de mes romans, nouvelles, articles sur la nature, la mer, mes amis, mes coups de cœur
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  • écrivain, scénariste, novelliste

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