- Je veux être comme ces Américaines qui sillonnent les États-Unis pour donner des conférences sur des sujets qui ont changé leur vie, qui vendent leur expérience, tu vois ? dit Sophie.
- Non, répond Sylvain.
- Eh bien, je veux être une de ces femmes.
- Parler ne devrait pas te poser de soucis, mais tu vas dire quoi ?
- Que bien faire l’amour est primordial pour la santé et la paix dans le monde.
- Pardon ?
- Tu accepterais d’être l’homme qui me suivrait partout, qui réserverait les hôtels, qui contacterait les mairies, les associations ?
- J’ai déjà un travail.
- Que tu arrêterais le jour où je commencerais à gagner de l’argent. Avoue que tu serais parfait pour t’occuper de moi, tu es très organisé.
- Je me demande si tu n’es pas folle.
- Parce que je veux réussir ma vie ?
- Mais t’as quoi comme expérience pour parler de ça en dehors de nos treize années de vie commune à Annecy ?
- Je me suis documentée, j’ai lu plein de bouquins sur la question.
- Et pourquoi tu ne m’en as jamais fait profiter ?
- Arrête de tout ramener à toi ! Mon rêve serait d’arriver à créer un centre d’éducation sexuelle, calqué sur le modèle des Weight Watchers.
- Quelle drôle d’idée, on était pourtant heureux.
- Je suis en mutation, Sylvain.
- Mets-toi au golf.
- Tu ne crois donc pas en moi ?
- C’est que…
- Je dois alors te quitter.
- Pardon ?
- Soit on fonce ensemble, soit je suis seule.
- Quoi ?
- Je vais aller vivre à Paris, Sylvain, ce que j’aurais dû faire il y a vingt ans au lieu de m’enterrer, vivante, ici.
- Et moi ? Je t’aime Sophie.
- Oui, parce que je suis ta petite femme enfant qui a besoin de toi pour acheter ses vêtements.
- Ça ne va pas de dire ça ?
- Avoue que me gâter flatte ta virilité.
- Tu n’es pas obligée d’accepter.
- Je veux laisser une trace dans le cœur des gens avant de mourir.
- Ce n’est pas une raison pour me quitter.
- Si. Il faut que je n’aie pas d’autre choix que réussir, tu comprends ? Je suis une grosse paresseuse. Si je sais que je peux compter sur toi, je n'évoluerai jamais.
- Mais qu’est-ce que t’as ?
- 40 ans.
- Ma pauvre chérie.
- Tu veux que je te fasse des crêpes pour le dîner ?
- Tu as envie de te faire d’autres mecs, c'est ça ?
- Alors là, c’est le dernier de mes soucis.
- Je ne te crois pas.
- Changer de vie ne veut pas forcément dire changer d’homme.
- Tu serais la seule femme à penser ça !
- Je suis une féministe, Sylvain. Mon épanouissement ne dépend pas du bon vouloir d’un homme de me désirer ou non.
- Et si l’on se mariait ?
- C’est fini nous deux.
- On pourra encore faire l’amour avant ton départ ?
- Sache que je suis aussi triste que toi de te quitter, mais si je le fais, c’est également pour nous deux. Reconnais que nous stagnons dans la monotonie.
- Et si on commençait par aller se consoler tout de suite?
- Tu ne penses vraiment qu’à ça.
- Ça te va bien de dire ça !
Sophie sait parfaitement que son projet d'école de sexe ne veut rien dire, mais elle n'a pas trouvé mieux pour provoquer Sylvain, et lui faire mal. Elle ne lui pardonne pas d'avoir refusé de s'associer, il y a quelques années, dans son concept de vente de laines péruviennes et de tricots à confectionner soi-même. Sylvain avait décliné, prétextant qu’il n’avait aucune envie de devenir son esclave d’autant que Sophie peut se révéler autoritaire et péremptoire dès qu’il s'agit de prendre des décisions (surtout si c’est à la place des autres). Chaque fois qu'elle regrette de ne pas avoir eu le cran de monter seule son entreprise, ses remords retombent sur ce pauvre Sylvain à qui elle reproche son manque d'ambition professionnelle (et de ne jamais porter le pull avec un bonhomme de neige qu’elle lui a tricoté). Elle n’accepte pas qu'il se satisfasse de son travail chez Franck Palmier, le plus gros cabinet d'architecture de la région. Vu ses qualités, il pourrait devenir son propre patron. Mais Sylvain préfère la stabilité et la tranquillité que lui offre son poste pour lequel il a non seulement un très bon salaire, mais surtout suffisamment de temps libre pour s'adonner à ses trois passions : Sophie, la photographie (son sujet préféré est Sophie) et le vélo (qu'il pratique avec Sophie).
Communiqué de presse
Novelliste, romancière et scénariste (notamment pour son époux le réalisateur Philippe Harel), Sylvie Bourgeois s’est lancé un nouveau défi : donner vie à Sophie, un personnage attachant et fantasque qui aura toujours 40 ans, et qui à chaque début de roman veut ou doit changer de vie. Après Sophie à Cannes qui se déroulait dans les coulisses du festival, nous retrouvons notre héroïne dans Sophie au Flore au cœur de Saint-Germain-des-Prés.
Sophie au Flore est autant une satyre de notre époque qu’une peinture fidèle de Saint-Germain-des-Prés où Sophie fragilisée par sa rupture et sa perte de repères tombe sous la coupe d’un homme politique manipulateur qui l’abreuve de textos érotiques pour lui faire croire à une belle histoire d’amour.
Entre Rastignac et Madame Bovary, il y a Sophie. Figaro Madame.
Sylvie Bourgeois, tout en réussissant à nous amuser et nous émouvoir avec le thème des amours virtuels, nous parle des femmes de quarante ans, de leur beauté, de leur énergie et de leur incroyable volonté quand elles décident de changer de vie. Quarante ans, un âge décisif pour celles qui veulent tout recommencer et considèrent que c'est le dernier moment avant qu’il ne soit trop tard.
Sylvie Bourgeois poursuit ici les aventures de Sophie, étonnante héroïne, plus drôle que jamais, qui aime à répéter que sa seule ambition est d'être humainement fréquentable.
4ème de couverture
Sur un coup de tête, Sophie quitte Annecy et Sylvain, son compagnon, pour tenter sa chance à Paris, comme elle aurait déjà dû le faire, il y a vingt ans... Mais comment réussir quand on a quarante ans, qu’on sous-loue une chambre chez une vieille dame, qu’on ne sait pas quoi faire de ses journées, et qu’on ne rêve pas d’un bon mariage ? En attendant de trouver une réponse, Sophie passe toutes ses après-midis à boire des chocolats chauds sur les banquettes en moleskine du Café de Flore. Et si c’était ça la vraie vie ? Après Sophie à Cannes, qui se déroulait dans les coulisses du festival, nous retrouvons, dans un style toujours aussi alerte et plein d’humour, Sophie au cœur de Saint-Germain-des-Prés.