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Entre ambiguïtés et contradictions, pourquoi j'écris ?

 

Ma nouvelle Prologue sera dans mon prochain recueil de nouvelles à paraître début avril 2024.

 

Sylvie Bourgeois Harel - Plage de Pampelonne - Ramatuelle

Sylvie Bourgeois Harel - Plage de Pampelonne - Ramatuelle

Sylvie Bourgeois Harel - Plage de Pampelonne - Ramatuelle

Sylvie Bourgeois Harel - Plage de Pampelonne - Ramatuelle

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En haut de ma rue, il y a une dame que l’on appelle La dame bleue parce que tout ce qu’elle fait, elle le fait en bleu et chez elle, tout est bleu, ses fleurs, ses volets, ses yeux. Et peut-être même aussi ses secrets. Tous les jours, elle va s’asseoir au bord de la mer sur une chaise pliante bleue. Elle a des habits bleus et aussi un bandeau bleu qui retient ses cheveux. Elle reste des heures au même endroit à regarder la mer. Toujours dans la même direction, la direction qu’il a pris son amoureux.

 

Il lui a dit de l’attendre et, en l’attendant, de penser à lui. Que chaque fois qu’elle penserait à lui, il l’entendrait et se sentirait heureux. Qu’ils s’aimaient d’un amour fou. Que c’était ça l’amour. Qu’il l’aimait comme jamais il n’aurait cru possible d’aimer. Qu’elle n’avait que vingt ans et que c’est dans ses bras qu’elle connaîtrait l’amour et la mort. Que la mort n’arriverait jamais à les séparer. Qu’il allait revenir. Très bientôt. Et qu’il ne repartirait plus jamais en mer. Que c’était la dernière fois. Qu’il ne voulait plus jamais la quitter. Plus jamais. Mais que cette dernière pêche, il en avait besoin. Besoin pour payer leur mariage et acheter la petite échoppe qu’il avait repérée, là, pas loin. Une petite échoppe où il vendra du poisson. Il vendra du poisson, oui, mais plus jamais, il ne le pêchera. Plus jamais. Ils se marieront. Il va revenir. Elle le sait puisqu’il le lui a dit. Et même répété. Elle l’a entendu, puis attendu. Tous les jours. Tous les jours, elle va à sa rencontre sur le chemin du bord de mer, à l’endroit où elle a vu pour la dernière fois son bateau s’éloigner. S’éloigner jusqu’à devenir un point. Un point qui a emporté sa féminité. Un point minuscule qui, soudain, a disparu. Elle a eu, ce jour-là, un frisson dans le dos. Elle s’en souvient encore comme si c’était hier. Un frisson qui a ressemblé à un horrible pressentiment. Puis l’image de son amant lui est revenu. Souvent. Très souvent. Elle s’est même vue l’embrasser et le laisser entrer.

 

Alors même si parfois le mauvais temps lui conseille de ne pas sortir, elle met son imperméable bleu sur son corps menu et frêle. Elle prend son parapluie bleu, se noue un fichu bleu sur la tête et sort. Pour attendre son amoureux. On ne sait jamais. Ce serait trop bête qu’il revienne le jour où justement elle ne l’aurait pas attendu. Oh non ! Ca, elle ne le supporterait pas. Elle a tant eu à faire de l’attendre qu’elle n’a jamais pris le temps de faire des connaissances ou même un voyage. Ah quoi bon ? Elle aurait bien le temps quand il reviendra alors de nouer des amitiés et peut-être même d’organiser des dîners ou de visiter des capitales.

 

Elle est morte ce matin. Sans jamais avoir pris le temps de vieillir. Lisse comme une enfant, elle s’est éteinte à l’âge de cent ans. C’est la dame de la mairie qui passait tous les jours la voir qui l’a trouvée endormie à jamais dans son lit. Sur son bureau, il y avait ses dernières volontés rédigées à l’encre bleue sur du papier bleu. Elle demandait que ses cendres soient jetées dans la mer, à l’endroit de son habitude pour qu’elles aillent à la rencontre de son amoureux.

 

Avec ma maman, nous avons rejoint sur le chemin du bord de mer les autres habitants du village. Tout le monde était habillé en bleu comme un dernier cri. Nous avons récité la prière de Marie pendant que la dame de la mairie a jeté les cendres de la centenaire dans la mer qui, ce jour-là, était d’un bleu incendiaire. J’ai sept ans et j’ai juré de ne jamais oublier La dame bleue.

LA DAME BLEUE. Brèves enfances. Sylvie Bourgeois. Éditions Au Diable-Vauvert
LA DAME BLEUE. Brèves enfances. Sylvie Bourgeois. Éditions Au Diable-Vauvert
LA DAME BLEUE. Brèves enfances. Sylvie Bourgeois. Éditions Au Diable-Vauvert
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Ma nouvelle Alliata fait partie de mon nouveau recueil qui paraîtra début avril 2024.

Alliata, princesse de mes fesses
Alliata, princesse de mes fesses
Alliata, princesse de mes fesses
Alliata, princesse de mes fesses
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En ce moment, le soir, je m’endors avec un documentaire sur les F1. C’est assez mal réalisé avec un montage d’images coupées très rapidement et une musique hystérique afin de créer du sensationnel, alors que ce monde de la vitesse est suffisamment sensationnel à lui tout seul, inutile d’en rajouter. Mais ce que j’adore, ce sont les interviews de ces jeunes pilotes qui, pour certains, comme Charles Leclerc ou Esteban Ocon, ont démarré en F1 a, à peine, 20 ans, ce sont mes deux chouchous. Esteban parce qu’il a un bon état d’esprit, et Charles parce que je connaissais son papa, Hervé.
J’ai rencontré Hervé Leclerc à Cap-d’Ail lorsque j’avais 18 ans. Son beau-père Charles Manni était l’ami d’enfance de ma maman. Nous nous sommes revus à Paris, quand je montais de Besançon, en camion, avec mon frère, un autre Hervé, de 7 ans plus âgé que moi, et son meilleur copain, Serge, étudiant, comme lui, en architecture. Le camion, c’était le rêve de mon frère Hervé qui voulait vivre dans un immense camion rouge comme ceux dans lesquels l’écurie Ferrari transportait ses F1 au Grand-Prix de Monaco où nous avions la chance, grâce à Zizi, le directeur de l’Automobile Club de la Principauté, d’avoir des passes pour aller dans les stands.
J’adorais m’y promener avec mon short en daim et mes bottes plates assorties, en daim également, puis pendant la course, m’asseoir dans un coin où je ne gênais personne et admirer la rapidité avec laquelle les mécaniciens, tous en combinaison assortie, changeaient en quelques secondes les pneus des voitures et la vitesse avec laquelle les pilotes repartaient sur le circuit. De son côté, mon père, casquette Achille, du nom de notre voilier, sur la tête, et cigarette au bec, se régalait également d’observer ce manège où perfection rimait avec précision, jusqu’au jour où un policier monégasque s’est posté devant lui, l’empêchant de faire un pas de plus. Ayant son casque anti-bruit sur les oreilles, n’entendant rien de ce qu’il lui disait, mon père, en bon Franc-Comtois, lui a gentiment offert une de ses Disque bleu sans filtre et tendu son briquet, ne pouvant imaginer que cet homme du Sud puisse lui demander autre chose que de partager le plaisir de fumer ensemble, alors que le policier lui intimait l’ordre d’éteindre immédiatement sa cigarette vu les milliers de litres d’essence présents, le moindre mégot mal éteint pouvait faire exploser tout Monaco.
L’année d’après, était-ce de la faute de mon gentil papa rigolo bon-vivant, gros fumeur et grand buveur, seulement d'excellents vins et de vieux whiskys, aimait-il préciser, mais ces passes ont été supprimés, même s’ils étaient distribués au compte-goutte, il était trop dangereux pour les pilotes d’avoir des visiteurs dans les stands. Seul mon frère Vincent, de 4 ans de plus que moi, eut droit à un badge, ayant été embauché par Zizi pour photographier les rails de sécurité. Mais quand il dut rendre son travail à l’Automobile-Club, il se mit en tête que ses photos étaient artistiques et refusa de donner ses négatifs. Il commençait à souffrir de bouffées délirantes qui accentuait sa paranoïa naissante. Ma mère fut obligée de faire développer des milliers de photos de rails, ce qui lui coûta une fortune. Deux ans plus tard, Vincent connut son premier internement à l’hôpital psychiatrique de Nice après avoir voulu récupérer une villa que mon grand-père aurait donné, bien avant la Seconde Guerre mondiale, à sa maîtresse dont le mari était peintre et mon aïeul le seul acheteur de ses tableaux.
J’embêtais souvent mon frère Hervé en lui répétant que son rêve de vivre dans un camion devait certainement venir de sa peur que la possession d’une maison lui tue son imagination comme si, en n’ayant rien, il aurait toujours le désir de créer la maison idéale, quoi qu’il en soit, son rêve de camion rouge, c’est son copain Serge qui l’a réalisé, il a acheté une camionnette J7 beige dans laquelle il a installé très sommairement un lit et un bureau. Serge habitait dans notre maison de Besançon, il adorait mes parents qui étaient drôles, beaux, généreux, ouverts et intelligents. Le talent de mon père architecte l’épatait. De mon côté, j’aurais préféré que mon père se remette à la peinture, ses dessins m’impressionnaient de beauté, de simplicité, de justesse.
Cette année-là, les deux garçons montaient régulièrement à Paris pour voir des chantiers ou des filles, je ne sais plus. Moi, je sautais souvent dans leur camion-maison-bureau et j’allais voir Hervé Leclerc qui me parlait de sa passion pour les voitures et de son rêve d’être pilote de F1. Il vivait chez sa grand-mère, une dame excessivement élégante qui l’aidait financièrement dans son désir de futur champion. J’ai revu Hervé, un an plus tard, lorsque je suis allée vivre seule à Cap-d’Ail dans la maison de vacances de ma mère qu’elle avait hérité de sa propre mère, plus exactement, la demie-maison, sa sœur aînée ayant hérité de l’autre partie. Je voulais gagner ma vie, être indépendante, je travaillais comme hôtesse à Monaco et prenais des cours du soir pour apprendre à dessiner des habits.
Entretemps, Hervé Leclerc avait beaucoup tourné en F3, il était très rapide. Le manager du circuit de la Châtre croyait en lui et voulait le pousser à réussir, mais un autre coureur qui avait une plus grosse expérience que lui en karting, devint leur coureur officiel. Hervé fut terriblement déçu. Il continuait les entraînements et les courses, mais sa souffrance de ne pas avoir été choisi se transforma en obsession. Il s’installa chez sa maman, Monique, une très belle femme, qui avait refait sa vie près de Monaco avec Charles Manni, l’ami d’enfance de la mienne. Charles était pauvre, enfant, peut-être le seul pauvre de Monaco. Il avait fait fortune en fournissant des pièces mécaniques à l’industrie automobile, et avait construit son usine à Fontvieille, un quartier de la Principauté situé sous le zoo où un éléphant pleurait nuit et jour, et à deux pas du vieux port où mes parents et Charles avaient leurs voiliers.
Un matin, Hervé Leclerc, accompagné de son chagrin, vint me voir à Cap-d’Ail, m’offrit un chien, un Braque de Weimar, magnifique, et m’embrassa. Tous les jours, nous marchions main dans la main au bord de la mer. J’écoutais son obsession, sa déception, sa frustration.
Puis ce fut le mois de mai, le Grand Prix de Monaco arriva. La maison de Cap-d’Ail se remplit de jeunes pilotes de Formule 3 qui s'entraînaient à la Châtre avec mon frère Hervé, passionné également d’automobiles, qui, la nuit, au volant de la Talbot Sunbeam GTI noire de ma mère qui aurait préféré une voiture moins sportive, m’apprenait les trajectoires dans les chicanes du circuit et les talons-pointes, me tapant dans l’épaule que je ne devais pas conduire comme une fille, alors que mon statut de fille lui convenait très bien quand je nourrissais, chaque soir, ses copains affamés en leur cuisinant des immenses quiches et pissaladières, et aussi des gâteaux au chocolat que je ne faisais pas beaucoup cuire afin qu’ils soient coulant au centre.
C’est ainsi qu’entre les camions rouges Ferrari qui faisaient rêver mon frère Hervé, la camionnette J7 beige de Serge qui ne ressemblait en rien à ceux de la Scuderia, néanmoins Serge, en bon Italien, arrivait à mettre suffisamment d’étoiles dans ses yeux pour arriver à embrasser des filles dedans, les jeunes pilotes de F3, les espoirs déçus d’Hervé Leclerc, l’usine de pièce automobiles de Charles Manni, la cigarette de mon père dans les stands, les photos des rails du circuit que Vincent n’a jamais voulu donner, les dizaines de pâtes à tarte que je faisais suivant la recette de ma grand-mère, farine, levure de boulanger, eau et huile d’olive, mon chien qui me protégeait de ces nombreux mâles envahissants, toutes ces histoires de voiture qui tournaient en rond, m’ont fatiguée.
Je n’ai plus voulu embrasser Hervé Leclerc. Pourtant, il était drôle, gentil, tendre, mignon, déjà, je ne comprenais rien aux désirs des garçons, et je ne voulais pas tourner en rond avec sa frustration de comprendre qu’il ne sera jamais champion. J’ai quitté Hervé sur un rocher au bord de l’eau. Il a pleuré dans la mer. Ma mère a rendu à la sienne mon chien trop grand pour ma petite vie qui avait mal commencé, mais dont je n’avais jamais parlé. Ni à Hervé Leclerc, ni à ma mère, ni à ma meilleure amie, juste à mon grand chien à qui j’avais confié mon chagrin de petite fille bafouée qui ne pourra plus jamais avoir confiance aux hommes qui disaient l’aimer.
J’ai fui Monaco et je suis partie travailler à Saint-Tropez, j’ai trouvé un travail de serveuse dans un restaurant situé sur la plage de Pampelonne, à Ramatuelle, au Planteur. Le 18 août, comme il pleuvait, mon patron m’a donné mon jour de congé. J’ai fait du stop pour aller embrasser ma mère qui me manquait et qui passait l’été à Cap-D’ail, à 130 kilomètres. Un conducteur m’a pris et m’a violée dans sa voiture qu’il avait fermée à clef après avoir quitté la route du bord de mer pour s’éloigner dans la campagne.
De nouveau, je n’ai rien dit, les victimes se taisent, je me suis tue, perdue dans la honte de croire que c’était de ma faute, que tout ce qui m’arrivait était encore et toujours de ma faute. Alors j’ai fui à Paris pour me perdre encore plus et ne plus voir mes amis qui m’aimaient puisque je me haïssais. Mais chut, sans rien dire à personne. Personne ne devait savoir.
Une dizaine d’années plus tard, Hervé Leclerc s’est marié et a projeté son amour des voitures, sa volonté, son talent, ses désirs de F1, son humour, sa bonne humeur et sa gentillesse sur ses fils qu’il a initiés très tôt au karting. Le fantôme de la victoire de l'ancien coureur de karting, qui a lui coûté son destin de champion, y était certainement pour quelque chose. Très rapidement, Hervé Leclerc a pu admirer les victoires de ses fils qui n’arrêtaient pas de gagner et gravissaient tous les échelons, mais hélas, il n’a pas pu voir le destin de Charles, son deuxième enfant, qui a réalisé son rêve et celui de son père de devenir pilote de F1.
En effet, Hervé est mort le 20 juin 2017, et Charles a intégré l’équipe Sauber le 2 décembre 2017, avant de rejoindre l’année suivante l’écurie Ferrari et ces beaux camions rouges qui ont si longtemps fait rêver l’autre Hervé.
 
Sylvie Bourgeois Harel
Mon ami Hervé Leclerc, papa de Charles, le jeune et talentueux pilote de F1
Charles Leclerc - Hervé Leclerc

Charles Leclerc - Hervé Leclerc

Charles Leclerc - Hervé Leclerc

Charles Leclerc - Hervé Leclerc

Sylvie Bourgeois Harel - Club 55 - Plage de Pampelonne - Ramatuelle - Saint-Tropez

Sylvie Bourgeois Harel - Club 55 - Plage de Pampelonne - Ramatuelle - Saint-Tropez

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Hélène Bourgeois (née Onimus) 31 janvier 1926 - 7 juillet 1997 - Cap-d'Ail. Mon chien Sam et la chatte Pyramide

Hélène Bourgeois (née Onimus) 31 janvier 1926 - 7 juillet 1997 - Cap-d'Ail. Mon chien Sam et la chatte Pyramide

Ma mère aurait eu 95 ans aujourd’hui. Elle est morte à 70 ans d’un cancer du cardia. Elle est morte à la maison (dans laquelle elle est née), dans mes bras. J’en avais décidé ainsi. Il était hors de question qu’elle meure dans l’anonymat d’un hôpital. Elle m’a donnée la vie, je l’ai accompagnée aux portes de la mort. C’était mon devoir, mais aussi ma fierté et la continuité de mon amour. Jamais je n’aurais pu l’abandonner sans mes larmes sur ses joues, dans lesquelles se reflétait la lumière du Sud de ce 7 juillet, et qui ont, j'en suis sûre, illuminé le chemin qu'elle a pris pour se rendre dans cet autre ailleurs. Pour pouvoir rester à ses côtés, la soigner, la nourrir, la faire rire, j’ai réduit mon activité professionnelle, je faisais constamment des AR express à Paris (c’était encore agréable et facile de prendre l’avion avec la navette Paris-Nice, je sautais dedans au dernier moment… ). Je me suis beaucoup battue pour pouvoir la garder à la maison, ce qui était son souhait, et aussi le mien. Je me suis, entre autres, battue contre la clinique dans laquelle elle ne devait passer que deux jours afin qu’on lui pose deux cathéters pour les futures perfusions de morphine, et qui ne voulait plus me la rendre. Je me souviens des trois copropriétaires qui me disaient avec des trémolos dans la voix : « votre pauvre maman est bien malade, on va la garder ici », et moi de leur répondre : « ma pauvre maman, comme vous dites, n’est pas bien malade, elle est mourante et elle ne mourra pas chez vous, elle mourra à la maison, comme elle me l’a demandé, et dans mes bras, alors soit vous me la rendez, soit j’envoie demain ses deux ambulanciers qui l’adorent, la chercher et me la ramener, et je vous promets qu'ils ne repartiront pas sans elle ». Je ne remercierai jamais assez le professeur Jacques Belghiti, un grand chirurgien de l’hôpital Beaujon, doté d’une humanité exceptionnelle, qui m’avait annoncé que ma mère avait un cancer généralisé, qu’il n’y avait rien à faire excepté commencer très rapidement les anti-douleur, qu’elle allait mourir dans les quatre mois, et qu’elle ne voulait pas savoir qu’elle était condamnée. À distance, il m’apprenait l’avancée de sa maladie afin que je puisse anticiper chaque geste et chaque soin. Grâce à lui et aux soignants de l’hospitalisation à domicile, j’ai pu offrir à ma mère mon dernier cadeau d’amour. Un cadeau que je me suis fait aussi, un cadeau qui, aujourd’hui, est devenu ma force et ma paix. Au revoir maman, je t’aime maman.

 

Manoëlle Gaillard - En attendant que les beaux jours reviennent - Éditions Les Escales. Piper (Allemagne). Pocket (livre de poche)

En attendant que les beaux jours reviennent. Éditions Les Escales - Piper (Allemagne) - Pocket (livre de poche)

En attendant que les beaux jours reviennent. Éditions Les Escales - Piper (Allemagne) - Pocket (livre de poche)

Extrait En attendant que les beaux jours reviennent ( éditions Les Escales. Piper (Allemagne). Pocket (livre de poche)

En attendant que les beaux jours reviennent

En attendant que les beaux jours reviennent

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Sophie veut sauver la France / roman-feuilleton / 2

— De… de rien, bégaye Rémy qui ne veut pas perdre la face.

— Je suis allergique, continue Sophie, les bleus fabriqués en Chine m’ont provoquée une dermite séborrhéique avec des plaques rouges prurigineuses qui me démangeaient jour et nuit, une horreur, ma dermato a eu un mal fou à me soigner, depuis j’ai un certificat médical pour ne porter que ceux-ci.

Sophie sort de son sac un masque transparent en plastique et l’essaye devant Rémy.

— Tu vois, ça se pose sur le menton, du coup, ça ne touche pas le visage, en plus comme je suis une femme joyeuse, on voit mon sourire, pas mal, non ? Et c’est français, ajoute-t-elle en pointant son index droit, c’est primordial d’acheter français, ils sont dans les Landes, à Sanguinet, près d’Arcachon.

— Mais ça ne protège pas.

— Bien sûr que si, mon chaton. J’imagine que tu fumes toujours ?

— Tu veux une clope, propose Rémy en sortant un paquet de cigarettes de sa poche.

— Non, allume ton briquet.

Pendant que Rémy s’exécute, Sophie prend une longue inspiration, s’approche à quelques millimètres de la flamme et souffle dessus de toutes ses forces sans que celle-ci ne bouge pas d’un iota.

— C’est ça, balance-moi tes microbes, râle Rémy en faisant un bond en arrière.

Sophie éclate de rire.

— Tu es vraiment rigolo, il faut que l’on se voie plus souvent, si ta flamme ne s’est pas éteinte, mes microbes ou virus ou tout ce que tu veux, ne peuvent pas t’atteindre, ils ne vont pas escalader la paroi, tels des vaillants alpinistes, et ensuite aller se nicher exactement là où il faut pour te tuer, c’est logique, non ? Je le nettoie sous l’eau avec du savon chaque fois que je sors ou que je rentre chez moi, c’est mille fois plus hygiénique que la couche-culotte que tu as sur le nez, c’est ta femme qui te l’a choisie ?

— Je veux bien qu’on se voit plus souvent, Sophie, tu as gardé le même numéro de téléphone ?

Sophie soupire en levant les yeux au ciel. Certes Rémy est très mignon, très beau garçon même, mais non, sa vie est déjà suffisamment compliquée comme ça aujourd’hui, il est hors de question qu’elle flirte, ne serait-ce qu’un instant, avec son ancien copain de lycée. Et puis les hommes mariés, ça va, elle a donné.

— Mais comme à la droguerie où je dois acheter un cubitainer de vinaigre blanc, continue-t-elle en se concentrant sur son masque afin de ne pas avoir à répondre aux avances de Rémy, ils ne m’acceptent pas avec mon Stop Spit, c’est le nom de la marque qui les fabrique, je suis obligée de mettre celui en tissu que m’a donné ma voisine. Je file, à bientôt, c’était chouette de te voir.

Sophie s’avance vers Rémy pour lui faire une bise au moment où celui-ci tend de nouveau son poing en guise d’au revoir avec un sourire en coin.

— Ah oui, tu es vraiment rigolo, tu veux bien me sauter mais pas m’embrasser ! Si je te disais, oui mon chéri, allons à l’hôtel, là, tout de suite, enfin si on en trouve un d’ouvert et qu’on arrive à faire la bonne attestation pour justifier de prendre une chambre dans la ville où l’on habite, tu ferais comment ?

— Tu veux aller à l’hôtel ? s’empresse-t-il de répondre en effectuant une mimique plutôt craquante, tu sais que je suis dans l’immobilier, j’ai les clefs d’une dizaine d’appartements dont certains sont meublés avec jacuzzi et tutti quanti.

— Réponds-moi plutôt, tu ferais comment pour m’embrasser avec ton masque que si tu pouvais le monter jusqu’à ton front tu le ferais ?

— Ma femme m’engueule si je le porte sous le nez.

— Je te l’ai dit tout à l’heure, change de femme, rit Sophie.

— Je dois aussi le porter à la maison.

— Je me souviens que tu étais déjà un fayot au lycée, c’est pour ça d’ailleurs que je n’ai jamais voulu coucher avec toi.

— Tu m’avais dit que tu attendais d’avoir 18 ans.

— Ben, je t’ai menti, la preuve, quand je t’ai quitté, j’ai couché pour la première fois quelques semaines plus tard avec Pierre-Henri dont je n’étais pas vraiment amoureuse, j’avais 17 ans et demi, c’était plus pour faire comme Géraldine, tu te souviens de ma copine Géraldine Chambon.

— Je me souviens surtout de m’être battu avec Pierre-Henri, il n’habite pas loin de chez moi, on se voyait au golf quand on avait encore le droit d’y jouer, il est devenu pharmacien.

— Au secours ! se met à hurler Sophie. Au secours !

— Qu’est-ce qu’il t’arrive, s’inquiète Rémy.

— Au secours ! continue-t-elle de crier. Ne me dis pas que tu n’embrasses plus tes gosses.

— Ben si, avoue Rémy en regardant ses pieds.

— Les pauvres chéris. Tu n’as pas honte ?

— Ma femme…

— Ça suffit avec ta femme, le coupe-t-elle, tu es prêt à la tromper avec moi, mais tu ne sais pas lui dire non, maintenant fini tes conneries ? Et avant de te coucher, tu te frottes la bite avec ton gel hydroalcoolique que tu tiens à la main comme si c’était une bouée de secours ? Non mais, je rêve !

— Tu vas me dire que le gel ne sert à rien ? s’énerve-t-il.

— Je vais surtout te dire que j’y suis allergique aussi, il y a trop de produits chimique dedans. Le plus efficace est de se laver les mains avec de l’eau et du savon. Et si tu ne peux pas te les nettoyer, tu gardes sur toi une solution que tu te prépares avec de l’eau et de l’alcool à 70°, c’est le plus sûr moyen pour stériliser.

— Tu ne serais pas un peu complotiste ?

— C’est quoi cet amalgame ?

Sophie regarde Rémy, effarée, oui, il est mignon mais qu’est-ce qu’il est con, il pourrait passer à la télévision, se dit-elle en hésitant entre partir et le laisser en plan ou essayer de ranger le taudis qu’il a dans la tête.

— Je peux t’assurer que je ne fais aucun complot, sourit Sophie, je ne vole pas le courrier de mes voisins, je ne détourne pas non plus les mails de mes clients, tu veux que je te raconte le premier complot, c’est quand les Néandertaliens ont voulu tuer un mammouth, je te promets, ils ont sacrément comploté, ils l’ont l’observé pendant des semaines pour connaître ses habitudes, savoir où il dormait, échafauder un plan pour le coincer, mais moi, non, je n’ai jamais chassé de mammouth, je suis pour la paix, je serai même plutôt anti-complotiste.

— N’empêche, tu ne me convaincs pas avec ton masque en plastique.

— Je ne cherche pas à te convaincre, mon chaton, ce serait une trop grande perte de temps et d’énergie.

— Si tout le monde est irresponsable comme toi, on ne s’en sortira jamais.

— Je ne suis pas irresponsable, je suis allergique.

— Hum !

— Comment ça, hum, tu veux que je te montre les photos de mes plaques rouges ? Et si tu veux t’aventurer sur le chemin de l’irresponsabilité, je te signale que nous sommes à cent mètres de chez moi, que je travaille à la maison, mon jules aussi, et que je ne sors pour ainsi jamais, tandis que toi avec ta boîte dans l’immobilier, j’imagine que tu te balades toute la journée avec tes autorisations de boulot, j’ai faux ?

— Non, mais…

— Et puis merde, le coupe Sophie qui s’échauffe, ce n’est pas un virus, tu descends dans la rue, tu tombes, tu meurs.

— Tu es belle quand tu t’énerves.

— Et je suis encore plus belle sans masque si tu veux savoir !

— Je suis sûr que tu es pour Raoult.

— Tu es mignon, mais tu es trop couillon, je me souviens, en quatrième, ta mère qui, à l’époque, était copine avec la mienne qui disait couillon à tout bout de champ, couillon et fada, c’était ses termes préférés quand elle parlait des hommes, te traitait souvent de couillon, crois-moi, elle est mieux dans son Ehpad que de t’entendre déblatérer des idioties aussi grosses que ta voiture, tu as toujours ton énorme 4X4 qui pollue à cent kilomètres à la ronde ? C’est idiot d’être pour ou contre le professeur Raout, c’est aussi bête que d’être pour ou contre la Tour Eiffel, elle est là, un point c’est tout, on ne peut que le constater, comme Didier Raoult, on ne peut que constater que c’est une sommité mondiale, et depuis au moins une douzaine d’années.

— Non mais son traitement…

Sophie ne laisse pas Rémy terminer sa phrase tellement elle a l’impression de l’avoir déjà entendue mille fois.

— Il peut marcher sur toi et pas sur moi, regarde, je suis allergique à deux antibiotiques, décidément, réfléchit Sophie, je suis beaucoup allergique, je ne dis pas pour autant que les antibiotiques, c’est nul, non, les antibios ont sauvé des millions de vie, simplement, certains ne sont pas pour moi, le soin médical, c’est un contrat de confiance entre toi et ton docteur, même ton conjoint, il n’a pas à s’en mêler, le problème n’est pas que ça marche ou que ça ne marche pas, comme je viens de te le dire, ça peut marcher sur toi et pas sur moi ou inversement, le problème est que ce vieux médicament qui a été en vente libre pendant plus de 70 ans, ait été classé substances vénéneuses le 15 janvier, juste avant l’épidémie, et que le 27 mars, par un décret officiel, les médecins de ville n’ont plus eu le droit de le prescrire et les pharmaciens de le vendre, excepté à leurs patients qui l’ont en traitement pour le lupus, les polyarthrites ou une lucite, alors qu’en 2019, trente-six millions de comprimés ont été distribués en France. Et puis qu’est-ce qui te prend, pourquoi tu m’agresses ?

— Je ne t’agresse pas, c’est que j’ai toujours aimé en toi, tu es passionnée, tu t’enflammes vite, je n’ai jamais ce genre de discussion à la maison.

— C’est d’accord.

— C’est d’accord, quoi ?

— Prends les clés de l’un de tes penthouse avec jacuzzi, et allons faire l’amour.

Rémy reste interdit.

— Mais non, je plaisantais, ajoute Sophie hilare en lui donnant une grande claque dans le dos, quoique je coucherais bien avec toi rien que pour faire chier ta femme, je crois que je suis allergique aussi à ses idées convenues, pas embrasser ses gosses, je te jure, ajoute Sophie qui s’éloigne en agitant sa main pour dire au-revoir à Rémy.

— J’aime bien quand tu m’appelles mon chaton ! lui crie-t-il, ébahi, à ne plus savoir s’il doit suivre Sophie ou continuer son chemin.

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  • : Sylvie Bourgeois fait son blog
  • : Sylvie Bourgeois Harel, écrivain, novelliste, scénariste, romancière Extrait de mes romans, nouvelles, articles sur la nature, la mer, mes amis, mes coups de cœur
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