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J'aime ton mari — Le choix des libraires
Ma nouvelle Prologue fait partie des 16 nouvelles de mon prochain recueil à paraître début avril 2024.
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Cette même Charlotte avait tenu à accompagner Emma en voiture à Orly.
– Et tu ne feras pas ta bécasse !
– C’est l’image que tu as de moi ? avait demandé Emma, vexée.
– Tu me comprends, tu sais très bien comment tu peux être parfois.
– Non.
– Donneuse de leçons.
– Moi ?
– Oui, toi.
– Faux.
– Quand on n’est pas d’accord avec toi sur l’écologie, admets que tu t’emportes facilement.
– Ce n’est pas de ma faute si la planète est en train de mourir.
– Tu vois.
– Je veux bien faire un effort, mais si ce soir quelqu’un me cherche sur ce terrain, je ne suis pas sûre de pouvoir me retenir.
– Détends-toi, ça va être un beau mariage.
– Ce n’est pas mon style de sortie, tu sais à quel point, je suis mal à l’aise dans les soirées mondaines.
– Tu vas retrouver plein d’amis.
– Pas forcément. Du côté du marié, il n’y aura que des gros prédateurs de financiers que je ne connais pas mais que je déteste déjà, et du nôtre, pratiquement personne, je n’ai pas bien compris pourquoi, une histoire d’argent. Comme le mari paye tout, il a choisi un endroit magnifique, hors de prix, du coup ma petite sœur n’a pas voulu inviter les amis de ma mère et de mon beau-père, ni d’autres membres de la famille pour ne pas faire celle qui exagérait et ma mère ne pouvait pas s’aligner.
– Bonjour l’ambiance ! Elle a viré pétasse ta petite-sœur ou quoi ?
– Je n’en sais rien, je ne l’ai pas revue depuis deux ans, depuis le jour où elle a rencontré son futur mari, plus un coup de fil, rien. Et quand je l’appelle, elle est toujours occupée et ne peut pas me parler. Je ne sais pas pourquoi, mais je l’appréhende ce mariage.
– Tu m’as dit que le marié avait combien de plus que ta demi-sœur ?
– Trente ans.
– Ah ! Quand même !
– Ce n’est pas tant leur différence d’âge qui m’ennuie, c’est que Myrtille n’ait que 20 ans, c’est un bébé.
– Dommage ! Elle sacrifie l’étape de sa jeunesse.
– Et le plaisir de partager l’insouciance des gens de son âge avec qui refaire le monde des nuits entières.
– Que veux-tu, elle préfère faire la belle parmi les vieux !
– Tu parles d’une joie.
– En fait, elle s’est trouvé un papa friqué.
– D’après ma mère, elle en est amoureuse.
– Elle doit surtout être séduite par son train de vie. Il est bien physiquement ?
– Jamais vu.
– Tu ne le connais pas ?
– Non, c’est dingue, mais on ne me l’a jamais présenté. Tu sais, mon côté grosse tête qui n’est jamais d’accord avec personne n’est pas forcément apprécié, on me cache souvent.
– Tu es née chez Gide, dans Familles, je vous hais ?
– Je t’explique. Ma mère et Fabienne ont toujours fait clan. Moi je faisais clan avec mon père. Quand mes parents ont divorcé, j’avais 15 ans et je suis restée vivre avec lui, ce que ma mère ne m’a jamais pardonnée. Quand elle s’est remariée et a eu Myrtille, j’étais déjà étudiante. On ne se voyait pas souvent, mais dès que je pouvais, je venais m’occuper de ma demi-sœur. Je l’adorais. Je l’aime toujours d’ailleurs, je suis triste de ne plus la voir. Je me sens comme une pestiférée, ce n’est pas évident à assumer.
– Et ta mère ?
– Elle veut que je vienne au mariage de Myrtille alors que je sais pertinemment que ma présence ne lui fera pas plaisir. Et si je n’y vais pas, elle me le reprochera pendant des années !
– Ah oui, compliqué.
– On ne peut pas dire non plus que l’on ne s’aime pas, mais nos rapports ne sont pas chaleureux. J’ai toujours admiré sa beauté, sa féminité. De son côté, il faut que je sois soumise à sa façon de voir les choses. Elle me juge sans cesse, me reproche mes choix. Notre relation est ambiguë. Tu vois, je n’ai pas envie d’aller à ce mariage, mais je suis incapable de ne pas m’y rendre.
– Et Fabienne ?
– Fabienne ? Elle ne s’intéresse qu’à elle. C’est drôle, j’ai deux sœurs à l’opposé de mon état d’esprit. Elles adorent les fringues, leur physique, d’ailleurs elles sont canon. À croire qu’on n’est pas de la même famille.
–– Chez moi, c’est plus simple, nous nous aimons et nous sommes toujours ravis de nous voir.
– Tu as de la chance. D’ailleurs, c’est amusant les événements qui se reproduisent de génération en génération. Myrtille trace un schéma identique à celui de notre mère qui s’est également mariée à 20 ans. Fabienne aussi s’est mariée tôt, à 22. Sauf qu’après être tombée enceinte, elle n’a pas voulu emménager aux États-Unis où une carrière fantastique attendait son mari. Je n’ai jamais compris pourquoi. Elle avait été séduite par le talent de Léonard, persuadée qu’il allait réussir et devenir très riche, puis l’a castré dans son ambition professionnelle. Le pire, c’est que toute la journée, elle lui reproche d’avoir raté sa vie.
– Le pauvre.
– Que veux-tu ? Elle est idiote. Tu es sûre que Benjamin ne fatiguera pas tes parents ?
– Mais non, ils ont l’habitude avec le mien.
– Heureusement que je t’ai, sinon je ne sais pas comment je me débrouillerais seule avec mon petit cœur. Je t’ai déjà raconté que j’étais amoureuse de Léonard quand j’avais 17 ans ? lance Emma au moment où Charlotte se gare devant l’aéroport.
– Quand il était ton prof ? Oui. Pourquoi tu m’en reparles maintenant ? Tu l’aimes toujours ?
– Une chose est sûre, je vais à ce mariage aussi pour lui faire plaisir. Il ne comprendrait pas que je ne sois pas là. Il ne s’est jamais rien passé entre nous, mais on a toujours été très proches.
– Et tu n’oublieras pas tes devoirs de vacances, avait crié Charlotte au travers de la vitre de sa Mini quand Emma était descendue de voiture.
Et quels devoirs de vacances !
*
Emma avait rencontré Charlotte l’année dernière au bar du Marché où chaque matin, après avoir déposé Benjamin à la maternelle, elle allait boire un café avant de filer au CNRS. Dans un premier temps, elle avait été étonnée de sa capacité à épiloguer de si bonne heure avec d’autres mamans divorcées sur les difficultés de leurs relations sentimentales. Elles parlaient si fort et revendiquaient avec tant de véhémence que l’on aurait pu croire que Montreuil était devenu une pouponnière de femmes célibataires prêtes à pénétrer le marché de l’amour, persuadées de pouvoir dynamiser les lois de la concurrence en se mettant au niveau d’un produit de consommation.
Emma, avec sa timidité, ses sarouels trop larges, ses pulls sans forme (l’idée de repasser un chemisier la hérisse) et sa masse de cheveux blonds frisés impossibles à coiffer, détonnait en se tenant seule, à l’écart, debout au bar. Charlotte avait fait le premier pas en l’invitant à se joindre à elles. Emma avait tout d’abord refusé, elle se jugeait différente de ces femmes sûres d’elles, apprêtées dès le matin, qui misaient tout sur leur pouvoir de séduction. Puis elle avait fini par accepter, fascinée par l’énergie et l’humour de Charlotte qui raffolait de narrer dans le détail ses anecdotes croustillantes, à croire qu’elle ne vivait certaines rencontres foireuses que pour le plaisir de pouvoir ensuite les raconter à ses copines. Charlotte était coach en entreprise. Elle organisait des séminaires pour dynamiser les équipes et développer le potentiel de chacun. Forte de ses succès professionnels et de la maîtrise avec laquelle elle avait réussi à rebondir après que son mari l’ait quittée, elle désirait se spécialiser dans le coaching sentimental. Jamais avare de suggestions, chaque matin, elle distillait avec bonne humeur ses points de vue et analyses au bar du Marché devenu le rendez-vous hype de toutes les branchées de Montreuil. Charlotte, très jolie blonde à la peau dorée, genre de femme chatte à faire l’amour du bout des doigts, avait réponse à tout. Emma s’asseyait, ne disait rien et l’écoutait, subjuguée par sa capacité à être aussi légère. Face aux copines en manque d’amour qu’elle espérait requinquer, Charlotte était aussi heureuse que si elle animait une conférence devant mille personnes. Entre les croissants et les tasses de thé BBdetox de chez Kusmi, les conseils de Charlotte fusaient.
– La seule chose que j’ai comprise dans mon passé est de s’obliger chaque jour à ne jamais fréquenter des personnes qui te manquent de considération.
– Avant d’accepter de revoir un homme, faites un effort pour analyser qui vous avez en face de vous. Si vous vous concentrez bien pour vous souvenir de votre première conversation, vous verrez, tout a été dit. Les gens se dévoilent toujours au début. Ce n’est qu’à la deuxième entrevue, suivant qui ils ont en face d’eux, que naissent les manipulations.
– Après, je ne sais pas pourquoi, beaucoup de filles ne veulent pas entendre ce que les hommes essayent de leur dire. Elles ont parfois tellement envie de croire à une belle histoire d’amour qu’elles se voilent la face et se lancent à fond dans la relation en refusant d’en voir le côté glauque. Une forme de désespérance dont seules les femmes sont capables.
– Une des grandes règles de la vie est d’accepter que personne ne change, au mieux, les gens peuvent évoluer sur leurs bases mais jamais s’en fabriquer de nouvelles.
– Concentrez-vous sur vous sur qui vous êtes, sur ce que vous désirez. Vous verrez, le jour où vous ne serez plus éparpillée, vous serez enfin en état de reconnaître l’homme de votre vie quand il vous apparaîtra.
– C’est comme ton abruti, avait-elle dit un matin à une grande Pauline trop maquillée. Ça ne te plaisait pas qu’il démarre votre dîner en disant que tous les hommes étaient infidèles et toi, grosse pomme, au lieu de lui rétorquer qu’il était en train de parler de lui, tu lui as répondu que tu ne voulais pas qu’il s’exprime ainsi. Tu es incohérente, ma chérie. Tu te plains d’avoir mis du temps à réaliser que ton ex était mythomane et le jour où tu tombes sur un type qui essaye de t’expliquer, certes maladroitement, que la fidélité ce n’est pas son truc, tu ne l’écoutes pas. Tu veux le faire rentrer avec force dans ton moule du mec parfait sans voir qu’il déborde de partout. Réfléchis à ton bug, tu verras, ça ira tout de suite mieux.
– Et toi, Jeanne, refuse de partir en week-end chez Paul Chomet, il va te considérer comme une bonne jument, pas même une pouliche, tu as passé l’âge, et en bon cavalier, va vouloir te sauter sans même prendre le temps de te draguer. Il a compris que tu étais la seule trotteuse dispos sur Paris suffisamment cruche pour accepter de passer le week-end du 14 juillet dans son haras, toutes celles de concours sont à Ibiza ou à Saint-Tropez. Elles ont dû lui rire au nez de son invitation à la noix. Et elles ont eu raison, car si on n’aime pas monter à cheval, à part se faire emmerder par les mouches et bouffer par les taons, je ne vois pas l’intérêt d’aller dans ce genre de baraque en été. Que cherches-tu d’ailleurs ?
– Je voudrais un homme qui prenne soin de moi, qui soit mon port d’attache, un homme sur lequel je puisse me reposer, tu vois ? avait répondu Jeanne d’une voix enfantine.
– Je pensais que tu voulais un homme avec qui tu pourrais tout partager, en fait, tu es un boulet, Jeanne, avait conclu Charlotte avec suffisamment de sourire dans son visage pour que Jeanne ne se froisse pas.
– Il faut que tu comprennes, Bénédicte, avait dit Charlotte un autre jour à une charmante prof aux cheveux courts, que cet homme est un rapace. Tu n’es pas de son calibre. Il n’aime que les héritières névrosées. Il sait que tu ne coûtes pas cher et que ce n’est pas la peine de te nourrir avec des gros diamants pour t’avoir, une soupe et trois compliments qui te font rêver, et tu es séduite. Crois-moi, ne le rappelle pas, tu n’es pas armée pour jouer dans cette cour.
– Je vais finir la séance sur notre chère Juliette. Je vous propose d’ailleurs de créer un collectif de copines pour l’aider à sortir de l’emprise de son Monsieur Panpancucu. Quand comprendras-tu ma chérie que tu es juste une pauvre petite chose soumise à sa volonté ?
– J’en suis amoureuse, il est méga intelligent, avait répondu Juliette comme si c’était l’argument définitif contre lequel il était impossible de lutter.
– Réponds-moi sincèrement Juliette, s’il ne te l’avait pas demandé, aurais-tu eu toute seule l’idée (et l’envie) de le brûler à la bougie ? Toutes ces mises en scène sont orchestrées uniquement par lui et pour son propre plaisir. Toi, tu n’es que l’innocente victime qui obéit et qui exécute. Il suffit qu’il s’épanche dans quelques mails sur sa bisexualité pour que cet excès de confiance t’émeuve au point d’attendre sagement son coup de fil où il fixera votre prochain rendez-vous. Je n’appelle pas cela une relation équilibrée.
– Il n’a pas tellement de temps, il est marié.
– Sa femme devrait t’envoyer des fleurs pour te remercier de faire tout le boulot à sa place. Et gratuitement en plus. À Paris, une séance chez une maîtresse peut coûter jusqu’à deux mille euros. Elle en a peut-être marre de ses jeux sadomasos, parce que l’air de rien, ça prend du temps à réaliser ce genre de fantasme, moi, ça me fatiguerait tous ces accessoires. Et puis, le latex, il suffit qu’elle ait pris du poids pour que ça soit bonbon à enfiler avec les bourrelets.
Charlotte était dithyrambique et excessive sur le sujet, reprenant à peine haleine pour balancer ses arguments à Juliette qui la regardait, hyptonisée.
– Il est malin, ton type, c’est un gros manipulateur qui sait te tenir en haleine, son seul effort est de te remercier d’être la seule à le comprendre. Réfléchis pourquoi tu es autant en quête d’identité pour accepter sans broncher celle qu’il te donne de maîtresse parfaite ? Tu crois, quoi, Juliette, qu’en fouettant les fesses de ton industriel, tu vas devenir aussi puissante comme lui ? Ne me dis pas que tu es aussi idiote que les maîtresses des politiciens qui soudain croient avoir tout compris des stratégies mondiales. Comme si le savoir et l’intelligence se transmettaient par la langue !
À force d’entendre Charlotte réprimander et secouer Juliette pour la faire réagir, Emma s’était prise d’affection pour cette récente divorcée d’un homme qui s’était mal comporté durant leur séparation malgré la présence de leur adolescent. Emma se disait que Juliette avec son physique costaud et énergique de fille élevée à la campagne, devait rassurer son panpancucu sur sa capacité à prendre les choses en main d’une façon ferme et dynamique, sans peur, ni paresse.
Parfois, les conseils de Charlotte étaient plus explicites. Ce qui immanquablement faisait rougir Emma.
– Et cette semaine, les filles, vous mettez le paquet sur la musculation de votre périnée.
– D’accord, répondaient-elles en chœur, joyeusement.
– Et pourquoi est-ce si important ? s’était amusée à demander Charlotte, le doigt en l’air telle une maîtresse d’école.
– Parce que sinon, c’est l’incontinence assurée quand nous serons vieilles. Et un périnée musclé, c’est toujours ça de gagné pour garder un homme.
Tous les prénoms ont été changés, le nouveau roman de Sylvie Bourgeois Harel
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Patrice de Colmont, un prince paysan à Pampelonne
du Club 55 au Château de la Mole
par Sylvie Bourgeois Harel pour le magazine américain Maxim
(détenu par Sardar Biglari, propriétaire de Steak and Shake)
Tout a commencé en 1947, lorsque le père de Patrice, Bernard de Colmont (qui fut le premier occidental à entrer en contact avec les Indiens Lacandons en 1935), tourne pour gagner un peu d’argent un documentaire à bord d'un pailebot, un bateau à voiles majorquin qui assure le transport des oranges en Méditerranée. Une tempête de mistral les oblige à s'abriter dans la baie de Pampelonne. Bernard, subjugué par la beauté des lieux qui étaient à l’époque déserts, décide de revenir avec sa famille. « N’est-ce pas l’endroit idéal ? » rétorque-t-il à ses amis du Club des Explorateurs avec lesquels il a voyagé dans le monde entier. « Il n’y a pas d'araignées, ni de serpents mortels, pas de requins, ni de lions, pas de choléra, ni de tsunami… et nous sommes en France, dans une démocratie. »
Après avoir occupé pendant plusieurs étés une cabane de pêcheurs sur la plage de Bonne terrasse, Bernard acquiert en 1954 deux parcelles de terrain au bord de la mer, à l'endroit où les Américains, sous les ordres du Général Patch, ont débarqué pour libérer la France. Sa femme Geneviève est furieuse que son mari qui vient de toucher un petit héritage ait acheté un bout de plage remplie de mines laissées par la guerre alors qu’elle n'a pas de quoi offrir des pull-overs neufs à leurs garçons de 9 et 6 ans. Mais elle aime son homme alors ils quittent la Haute-Savoie et s'installent pour vivre à l'année, sans eau, ni électricité, sous des tentes puis dans trois cabanes en bois que Bernard a dessinées et fabriquées.
Dès les beaux jours, leurs amis pique-niquent au cabanon. Très rapidement, Geneviève leur propose de s'occuper de l'intendance des repas. Un jour de 1955, l'équipe du film de Et Dieu créa la femme avec Brigitte Bardot, qui n'a que 19 ans et n'est pas encore une star, croit qu'il s'agit d'un restaurant et demande à Geneviève si elle peut leur faire la cuisine pour 80 personnes pendant trois semaines. Ça l'amuse terriblement. Elle aime les gens de talent. Pour preuve, elle voulait devenir aviateur, ses parents n'étant pas d'accord, elle a réussi à travailler (bénévolement) pour l'explorateur Paul-Émil Victor. Alors elle dit oui. Elle n’a pas de four. Peu importe ! Elle fait cuire les rôtis dans celui du boulanger. Le film terminé, Roger Vadim et Brigitte Bardot reviennent. Et amènent leurs amis, réalisateurs, comédiens, écrivains, chanteurs, tous les artistes de Saint-Germain-des-Près qui font le Saint-Tropez des années 50. Geneviève, issue de la grande bourgeoisie, n'est pas impressionnée. Le soir, on dîne, on danse, c’est l’endroit où il faut être. Mais tout le monde n’est pas admis. Le Club 55 est né.
Pendant ce temps, Patrice grandit dans, sur et sous l'eau. À 8 ans, son père l'émancipe de façon complice : « À ton âge, les jeunes Lacandons apprennent à fabriquer leurs arcs et flèches pour se nourrir, et bien, toi, fais la même chose ! » Après l'école, Patrice part sur sa ‘’cocotte’’, un joli petit dériveur en acajou, pêcher et dormir derrière le Cap Camarat à l'endroit où la Méditerranée est si transparente que les pierres sont bleues. À 15 ans, Patrice a un rêve : devenir paysan et châtelain comme son cousin de Montfort l'Amaury chez qui il travaille plutôt que d’aller au lycée, aucun prof ne pouvant remplacer le savoir de son père qui lui a tout appris. Mais la vie en décide autrement. Lorsque Patrice a 17 ans, Bernard est obligé de vendre l’une des deux parcelles afin de réunir l’argent nécessaire pour construire une « vraie » maison en pierres (qui est aujourd’hui celle sur laquelle le restaurant est adossé). Patrice ne supporte pas cette injustice. Pourquoi son père si brillant n’a pas les moyens de garder le lieu qu’il aime le plus au monde ? Le lieu de son enfance. Furieux, il part travailler à Paris. Mais sa mère atteinte d’un cancer décède. Son père ne s’en remet pas et tombe à son tour malade. Avant de mourir, il demande à Patrice de revenir. Patrice qui a alors 24 ans reprend avec son frère aîné Jean et leur jeune sœur Véronique le Club 55. Et l’ouvre sur l’extérieur, en restant cependant vigilant sur l’attitude des nouveaux clients qui, pour seul parrainage, doivent émettre des ondes positives.
Patrice tient à garder le même état d’esprit que celui de ses parents, c’est à dire un endroit où rien ne bouge, ni ne change, avec la même cuisine authentique et familiale que celle de sa mère, ratatouille, poisson sauvage grillé amené chaque matin par les pêcheurs locaux, feuilleté de Ramatuelle, et les mêmes principes :
Ici le client n’est pas le roi… parce qu’il est un ami et La cuisine n’est pas faite par le patron.
Très rapidement, le Club devient cosmopolite et le rendez-vous incontournable des rois, des stars, des hommes d’affaires ou d’état en vacances, mais aussi celui de Jack Nicholson, de Sylvester Stallone, de Bono, de Naomi Campbell, de Kate Moss, de Sarah Ferguson pour ne citer qu’eux. Ici, pas de paparazzi, juste un photographe attitré qui ne vend ses photos qu’aux personnes qui sont représentées dessus ! Patrice crée le mouvement et donne le rythme aux employés, impressionnante chorégraphie rodée au centimètre près afin que personne n’attende et soit accueilli comme à la maison. C’est ce qui fait le charme du Club 55 dont Patrice devient le Prince. Un Prince humble qui n’oublie jamais de s’amuser : un jour où deux clients font un pari sur la rapidité de leurs voiliers respectifs, d’emblée, il créée (en se souvenant de sa petite ‘’cocotte’’) une course de bateaux, la Nioulargue, qui devient le must des courses de Méditerranée.
Quelques années plus tard, Jean vend ses parts à Patrice. Le restaurant s’organise désormais pour servir des quantités importantes de repas. Quand on demande à Patrice combien exactement ? Il répond en souriant qu’ils sont dans du déraisonnable ! (en réalité jusqu’à 1000 couverts par jour). Puis il ajoute (toujours en souriant) que l’idée n’est pas de battre des records, mais de faire plaisir à toutes les personnes qui veulent venir déjeuner, comme avec les amis qui s’invitent et qui sont plus nombreux que prévus, on ne les met pas dehors, on se débrouille pour les asseoir et les nourrir.
Patrice construit le mobilier avec le bois flotté qui s’est échoué sur le sable après les tempêtes, et pose sur les tables des nappes bleues, douces et délavées (dans la même tonalité que les matelas de la plage), ainsi que des fleurs... bleues… Plus les matières ont vécu, plus elles respirent la joie de son passé de jeune garçon libre et aventurier, et lui indiquent qu’il peut continuer de vivre dans la mémoire de ses parents sans angoisse puisque rien n’a changé, plus Patrice est heureux. Il investit toute son énergie, sa passion, son temps, son amour des relations humaines dans le Club 55 qui ne désemplit pas et reste ouvert pratiquement toute l’année, excepté les trois mois d’hiver. Patrice est chaque jour au cœur de son restaurant. Il est le cœur du Club 55. Tout le monde l’appelle Patrice. L’embrasse. Lui serre la main. Lui explique sa dernière folie ou son divorce. Il se souvient de tout et de tous. Rit. Blague. Tout en apportant une chaise supplémentaire ou en servant une tarte tropézienne, il raconte le Bailli Pierre-André de Suffren ou le voyage de noces de ses parents qui ont descendu en kayak les fleuves Green et Colorado. Il lui arrive aussi parfois de se mettre en colère et de demander aux indélicats de ne plus revenir. L’endroit devient mythique. On se sent unique et privilégié d’avoir la possibilité d’y déjeuner. C’est le seul lieu où les clients remercient le patron en partant.
En 1993, il rachète enfin la parcelle que son père avait été obligé de vendre et construit des cabanons pour que les habitués puissent séjourner de façon aussi authentique que lui, enfant, sur la plage. Mais malgré sa réussite, son rêve de devenir paysan et châtelain ne le quitte pas. Il cherche des fermes dont les terres seraient intactes et n’auraient jamais été en contact avec les pesticides et autres semences modifiées. Partout. Même dans les Alpes de Haute-Provence. Jusqu’au jour où une famille lui propose d’acheter la ferme de leurs parents. Ils ne veulent la céder qu’à Patrice de Colmont car ils savent qu’avec lui, celle-ci ne changera jamais. Son rêve se réalise enfin, et dans des conditions idéales, la ferme des Bouis est située à cinq minutes du Club 55. Il y installe des chevaux, des ânes, des chèvres, des chiens, qui peuvent contempler, au travers des oliviers, le Cap Camarat, derrière lequel se trouvent ses belles pierres bleues.
Aux Bouis, il fait pousser un potager, des olives et des vignes, fait son vin, son huile et livre le Club 55 en légumes et fruits évidemment bios, toujours dans sa philosophie de faire le plus naturel possible : « Moins on s’éloigne de la nature, moins on se trompe » ajoute-t-il en vous fixant de ses yeux verts. Sur le menu, le label « bio » n’est mentionné nulle part. Patrice préfère éduquer en laissant à chacun la possibilité de découvrir et d’apprécier. En effet, ses clients séduits par la qualité et le goût délicieux des tomates ou radis de ses fameux paniers de crudités l’assaillent de questions. Alors, Patrice prend une grande inspiration et raconte le maraîchage sans tracteur mais avec des chevaux de trait, les semences reproductibles, le danger des OGM, la permaculture, le composte, la résilience écologique, l’influence de la lune, la vision holistique. Il est intarissable. L’idée de Patrice est de sensibiliser ses clients dont certains, financiers ou industriels, sont de gros acteurs de la pollution mondiale, à l’agroécologie, non pas en leur donnant des leçons, mais en leur montrant, par son expérience réussie de prince paysan, que c’est possible. Qu’il est possible de respecter la terre et l’humain. Alors pourquoi ne pas essayer ? les questionnent en silence ses yeux verts.
Son éthique prend une dimension supplémentaire lorsqu’il découvre en 2011 les mots du paysan écrivain philosophe Pierre Rabhi (dont l'actrice Marion Cotillard est proche) : « Il est temps de prendre conscience de notre inconscience. » « Enfin un homme qui pense comme moi ! » se dit Patrice en dévorant ses livres. Désireux de le rencontrer, il l’invite à donner une conférence sur sa plage. Trois jours plus tard, Pierre téléphone à Patrice : « Je sais que je suis capable de résoudre le problème de la faim dans le monde par l’agroécologie. J’aimerais que tu me rejoignes. » Depuis les deux hommes ont créé ensemble le Fonds de dotation Pierre Rabhi. Et Patrice lui a fait rencontrer Léonardo di Caprio. « Pierre, que pensez-vous des OGM ? » lui demande celui-ci. « C’est un crime contre l’humanité », répond Rabhi. « Alors nous allons pouvoir continuer notre conversation parce que je suis d’accord avec vous. » Une réflexion est en cours afin que les trois hommes avancent ensemble.
En mai 2015, Patrice, qui a toujours prôné la patience et la sagesse, concrétise le plus excitant de ses rêves : l’acquisition du Château de la Mole (où a grandi Antoine de Saint-Exupéry, l’auteur du Petit Prince). Le projet est de faire de cette demeure historique une « villa Médicis » de l’agroécologie pour susciter des rencontres et transmettre le savoir, ainsi qu’une ferme comme au XVIIIème siècle, dans le souci d’un écosystème naturel qui préserve la biodiversité.
Au printemps 2016, le potager est planté et trois mois plus tard, les premiers légumes fournissent le Club 55. En quantité impressionnante ! Qui a dit que le bio n’était pas rentable ?
À 20 heures, chaque soir, après douze heures de travail intenses, Patrice ferme la porte de son Club 55 et charge dans le coffre de sa voiture une centaine de kilos d’épluchures qu’il apporte à sa ferme des Bouis pour nourrir ses ânes et ses chevaux. Si on lui demande pourquoi il le fait lui-même, il répond d’un air étonné, presque amusé : « À quoi bon avoir des animaux si ce n’est pas pour les nourrir ? » Puis serein, il rejoint à une quinzaine de kilomètres de là son château de la Mole où l’attend le petit Prince qui, la nuit, l’inspire et lui souffle de…, mais chut, c’est leur secret. Un secret de Princes naturalistes prêts à toutes les bontés pour sauver l’humanité.
Sylvie Bourgeois Harel
Patrice de Colmont - Sylvie Bourgeois Harel - J'aime ton mari (éditions ADORA) - Le Club 55 - Ramatuelle - Saint-Tropez
Patrice de Colmont - La Nioulargue - les Voiles de Saint-Tropez - Le Club 55
Château de La Mole - Patrice de Colmont - Marcelline - Sylvie Bourgeois
Tous les prénoms ont été changés | Monsite
"Madeleine savait... Elle savait qu'en rentrant au bar du Grand Hôtel, un homme serait là pour la sauver. Qu'il serait seul. Hésitant. Qu'il serait plus âgé qu'elle. Qu'il l'écouterait. Qu'el...
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Florence Darel "J'aime ton mari" une lecture à la Fée Maraboutée du roman de Sylvie Bourgeois
Florence Darel "J'aime ton mari" une lecture à la Fée Maraboutée du roman de Sylvie Bourgeois. Quelques extraits devant un public conquis. www.lefashionpost.com
Florence Darel -Sylvie Bourgeois Harel - Boutique La Fée maraboutée du Marais - Paris IV
Extrait. Emma, bluffée par l’aplomb du businessman, le félicite aussitôt.
– Merci, vous êtes mon Zorro ! Grâce à des hommes comme vous, on peut espérer que le genre humain n’est pas totalement foutu.
– Si. Croyez-moi, on est trop nombreux sur terre. Des réactions violentes, comme celle-ci, vont être de plus en plus courantes.
– Que faire alors ?
– Avoir un gun, de l’argent et du pouvoir. Pourquoi croyez-vous que le pilote ne m’a rien dit alors que j’ai été plutôt grossier ? Il a senti que j’étais plus puissant que lui. La vie n’est qu’un rapport de force, une lutte de territoire.
– Mince alors, j’ai tout faux, j’ai tout misé sur la bienveillance. Avec votre raisonnement, je devrais être morte depuis longtemps.
– Vous êtes en état de survie comme tous vos semblables trop gentils. Prenez soin de vous, je dois rejoindre mon siège et ma femme.
J'aime ton mari de Sylvie Bourgeois
chez Adora (Paris)
http://www.20minutes.fr/livres/1302742-20140227-20140219-j-aime-mari-sylvie-bourgeois-chez-ador-paris-france
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J'aime ton mari — Le choix des libraires
Emma, mathématicienne au CNRS, vilain petit canard de sa famille, préférant sauver l'Amazonie que son apparence, se rend au Cap d'Antibes, au luxueux mariage de sa demi-soeur âgée de 20 ans.
Mal à l'aise dans ce monde d'argent éloigné de ses valeurs, elle découvre que ni André, son séduisant nouveau beau-frère, ni Léonard, le mari taciturne de sa soeur aînée, ne correspondent à l'image qu'elle s'en faisait.
Coachée par Fred, coiffeur des stars qui la transforme en bombe sexuelle, et Charlotte, experte en conseils amoureux, notre Cendrillon peu habituée aux attentions masculines va faire tourner la tête de tous les invités.
Le thème du mariage revisité sous la plume vive et espiègle de Sylvie Bourgeois.
Romancière et scénariste, Sylvie Bourgeois a publié plusieurs livres dont les fameux Sophie à Cannes et Sophie au Flore chez Flammarion Une adaptation cinématographique de J'aime ton mari est en cours.
1) Qui êtes-vous ? !
Je m'appelle Sylvie Bourgeois Harel. J'écris depuis 10 ans, date de la parution de mon premier roman Lettres à un Monsieur aux Éditions Blanche. Dorénavant, je signe mes livres sous deux noms, Sylvie Bourgeois et Cécile Harel pour différencier mes deux styles d'écriture, Sylvie Bourgeois pour mes romans drôles et légers comme Sophie à Cannes ou Sophie au Flore parus chez Flammarion et Cécile Harel pour des romans plus bouleversants pour En attendant que les beaux jours reviennent parus aux Escales l'année dernière et actuellement chez Pocket (et en mai en Allemagne chez Piper) ou pour mon prochain livre, L'Architecte, qui sortira en 2015.
2) Quel est le thème central de ce livre ?
La quête amoureuse.
3) Si vous deviez mettre en avant une phrase de ce livre, laquelle choisiriez-vous ?
Pour Emma, avoir une copine excessivement fille capable de discuter pendant des heures de mecs et de sexe était nouveau.
4) Si ce livre était une musique, quelle serait-elle ?
Euh... Voulez-vous coucher avec moi ce soir ?... En fait il s'agit du morceau sur lequel danse Fred pendant sa longue discussion avec Léonard...
5) Qu'aimeriez-vous partager avec vos lecteurs en priorité ?
La joie, l'humour, la réflexion, un état d'esprit plutôt positif.
— Bonjour madame, je suis désolée, j’ai mal à l’épaule, pourriez-vous, s’il vous plaît, mettre mon sac dans le coffre à bagages ? demande Emma poliment à une hôtesse de l’air, en prenant place dans l’avion Paris-Nice.
— Je ne suis pas habilitée à cela, répond celle-ci sur un ton méprisant.
— Je suis confuse d’insister. Mon médecin m’a formellement interdit de soulever le bras, en plus dès que je fais le moindre mouvement, ça devient extrêmement douloureux, se justifie Emma.
— Dans ce cas, il fallait prévoir un sac en adéquation avec votre handicap.
— Pardon ? dit Emma, déconcertée par l’arrogance de l’hôtesse.
Fragilisée par de récentes crises de spasmophilie, Emma est à deux doigts de pleurer.
— Nous n’avons pas le droit de porter les bagages des passagers, en cas d’accident, nous ne serions pas assurés, ajoute l’hôtesse.
— N’importe quoi.
Emma préfère ne rien ajouter pour ne pas envenimer la situation. Apercevant un steward pas loin, elle l’appelle. Mais celui-ci ne l’entend pas (ou fait semblant de ne pas l’entendre).
— Vous bloquez la circulation, madame, s’obstine l’hôtesse.
Emma se souvient du conseil de Charlotte, sa nouvelle meilleure amie : Ne laisse jamais personne te maltraiter. Décidée à garder son calme, elle s’assied en silence et pose son sac sur ses genoux.
— Vous ne pouvez pas voyager de cette façon. C’est dangereux en cas de turbulences.
— Sincèrement, je ne vois pas d’autre solution.
— Très bien, je vais chercher le commandant de bord.
Emma n’en revient pas. Décidément ce week-end de mariage démarre mal, soupire-t-elle. Deux minutes plus tard, l’hôtesse réapparaît, suivie du pilote.
— Bonjour ! dit Emma en souriant. Vous êtes bien aimable de venir à mon secours.
— C’est interdit de voyager avec votre sac sur les genoux, marmonne celui-ci.
— Je suis désolée de me répéter, mais je suis dans l’incapacité physique de le ranger et comme aucun membre de l’équipage ne veut m’aider, dites-moi ce que je dois faire.
— Puisque vous refusez d’obtempérer, je vais être dans l’obligation de vous faire débarquer.
Refusant de se laisser démonter par cette situation aberrante, Emma prend le parti de jouer la carte de la dérision et invente un gros mensonge en se faisant passer pour une femme dilettante, pétée de tunes. Maman célibataire d’un petit Benjamin de 5 ans qui n’a plus de papa, elle joint difficilement les deux bouts avec son salaire du CNRS depuis qu’elle milite et donne une partie de ses revenus dans une association humanitaire.
— Pas de soucis, chef ! essaye-t-elle de plaisanter. En revanche, si je quitte cet avion, il faudra faire descendre tous les passagers pour effectuer une reconnaissance des bagages. J’ai deux valises en soute. Vous ne voudriez pas prendre le risque de décoller avec une bombe cachée dans l’une d’elles ? Ça va durer au bas mot deux heures.
Emma n’a aucune valise en soute. Mais l’idée d’effrayer l’hôtesse et le pilote l’amuse terriblement. Encore un conseil de Charlotte : Refuse d’accorder à quiconque le droit d’avoir un pouvoir de nuisance sur toi, et quand tu ne sais plus comment réagir, choisis de résister par l’humour. Rire est souvent la seule réponse pour sortir la tête haute d’une situation humiliante, cela t’évitera de céder à la colère. Alors, Emma se lance.
— De mon côté, je m’en fiche, j’ai tout mon temps. J’ai pris cet avion, j’aurais tout aussi bien pu en réserver un pour Marrakech ou Rome, je ne travaille pas, si vous saviez à quel point je m’ennuie dans la vie, alors je voyage, ça m’occupe.
Un homme d’affaires (plutôt pas mal, note Emma), agacé que l’avion puisse prendre du retard, saisit le sac d’Emma et le range dans le coffre à bagages, puis se retourne vers le pilote.
— Ce n’est pas bientôt fini vos conneries ? Allez, rentrez dans votre cabine et faites décoller ce zinc !
Le commandant de bord baragouine quelques mots incompréhensibles, puis retourne dans sa niche tel un chien puni à qui l’on aurait donné une tape sur le museau. L’hôtesse l’imite et disparaît.
Emma, bluffée par l’aplomb du businessman, le félicite aussitôt.
— Merci, vous êtes mon Zorro ! Grâce à des hommes comme vous, on peut espérer que le genre humain n’est pas totalement foutu.
— Si. Croyez-moi, on est trop nombreux sur terre. Des réactions violentes, comme celle-ci, vont être de plus en plus courantes.
— Que faire alors ?
— Avoir un gun, de l’argent et du pouvoir. Pourquoi croyez-vous que le pilote ne m’a rien dit alors que j’ai été plutôt grossier ? Il a senti que j’étais plus puissant que lui. La vie n’est qu’un rapport de force, une lutte de territoire.
— Mince alors, j’ai tout faux, j’ai tout misé sur la bienveillance. Avec votre raisonnement, je devrais être morte depuis longtemps.
— Vous êtes en état de survie comme tous vos semblables trop gentils. Prenez soin de vous, je dois rejoindre mon siège et ma femme. Emma regrette qu’il ne prenne pas place à ses côtés, elle aurait aimé lui parler pour se laver de son altercation avec cette idiote d’hôtesse. D’habitude, elle déteste ce genre d’homme pressé qui dévore les heures à la recherche de toujours plus de rentabilité. Mais celui-ci semble différent, se dit Emma, presque humain, à moins, se reprend-elle aussitôt, qu’il n’ait résolu mon conflit avec le pilote uniquement pour son confort personnel afin que l’avion atterrisse à l’heure. En plus, il est marié. À croire que tous les hommes bien le sont. Et les moins bien aussi, conclut Emma en fermant les yeux.
Déçue, elle respire profondément et essaye de méditer en chassant ses pensées comme si elles étaient d’affreux nuages. Mais l’image de son père mort il y a une quinzaine d’années lui revient sans cesse en mémoire. Bouleversée de réaliser que cet homme chéri lui manque toujours terriblement, elle se souvient de leurs fabuleux week-ends en forêt au cours desquels il lui apprenait à construire, suivant les saisons, une cabane ou un igloo et comment, la veille de sa mort, comme s’il avait eu l’intuition que c’était sa dernière nuit, il lui avait transmis son don de barreur de feu. Un don du ciel hérité de son propre père. Il le mettait à profit quand, pompier bénévole, après avoir sauvé des blessés d’un incendie, il soulageait leurs brûlures dans l’ambulance qui les menait à l’hôpital.
*
Au moment de monter dans le bus pour Antibes, Emma réalise qu’elle a oublié sa veste avec son porte-feuille dans l’avion. Affolée à l’idée de perdre ses papiers et sa carte de crédit, elle court jusqu’au stand de la compagnie qui s’apprête à fermer.
— Ouf ! J’arrive à temps. Je suis désolée, j’ai oublié ma veste dans l’avion. Auriez-vous l’amabilité de la récupérer ?
— Vous avez une pièce d’identité ?
— Oui… Dans ma veste.
— Il faut alors faire une réclamation sur Internet. On vous répondra sous un mois.
— Ce n’est pas possible. Sans argent, je peux dire adieu à mon week-end.
Face à l’impassibilité de l’hôtesse, Emma s’entête.
— Regardez, l’avion est encore sur la piste, je le vois au bout de votre couloir. Il y en a pour une minute. S’il vous plaît, ça m’arrangerait vraiment.
— Je ne peux rien pour vous, c’est le protocole. D’ailleurs, nous sommes fermés.
Vlan ! L’employée pose sur son comptoir une affichette Closed en baissant les yeux afin d’éviter le regard d’Emma qui saisit le panneau et le jette dans la poubelle.
— Voilà ! Vous êtes à nouveau ouvert, c’est génial, non ?
— Mais enfin, madame, vous exagérez, vous n’aviez qu’à pas oublier votre veste.
— Je vais vous avouer un terrible secret, je suis bête. Effroyablement bête. Je suis la neuneu de service, celle qui oublie toujours tout. Je vis dans un drame perpétuel à courir constamment après mes affaires. Alors, soit vous faites une loi qui interdit aux neuneus de mon espèce de prendre l’avion, soit vous m’aidez à récupérer ma veste dans laquelle j’ai toute ma vie.
— Puisque vous ne voulez rien entendre, j’appelle la police.
Une minute plus tard, deux policiers de la brigade anti-terroristes (il fallait au moins ça !) s’approchent d’Emma.
— Vos papiers, s’il vous plaît.
— C’est un gag ou quoi ? répond Emma.
À deux doigts de péter les plombs, elle choisit d’exploser de rire (merci Charlotte).
— Vous voulez être arrêtée pour outrage à agents ?
— Pas du tout, justement, je me tue à expliquer à cette dame que mes papiers sont…
Emma n’a pas le temps de terminer sa phrase. Un steward passe avec sa veste sous le bras. Elle se précipite à sa rencontre.
— C’est ma veste ! C’est ma veste !
Effrayé, il recule d’un pas.
— Je ne crois pas madame, c’est celle de ma collègue.
— Pas du tout, s’offusque Emma, c’est la mienne, je l’ai achetée cinq euros à une Somalienne au marché des biffins à Montreuil.
— Vous avez vos papiers ?
— Mon portefeuille est dans la poche de droite, vérifiez, je m’appelle Emma Granier.
Pendant que le steward constate qu’elle dit vrai, Emma devient songeuse.
— Je peux vous poser une question ?
Sans attendre sa réponse, Emma poursuit.
— Si vous n’aviez pas pensé qu’elle appartenait à
votre collègue, vous l’auriez rapportée avec vous ?
— Non, les femmes de ménage s’en seraient chargées, elles l’auraient mise aux objets trouvés et vous l’auriez récupérée sous un mois.
— Vous savez pourquoi notre monde s’écroule inexorablement ?
— Pardon ?
C’est vrai, quoi, se dit Emma en s’éloignant, avant c’était agréable de prendre l’avion, aujourd’hui, c’est l’enfer, on est fouillé, suspecté, maltraité, humilié. C’est à n’y plus rien comprendre ! Ou alors je vieillis mal et n’arrive pas à m’intégrer dans ce monde devenu trop formaté. Et surtout que l’on n’arrête de me parler de protocole pour justifier tous ces règlements absurdes !
*
Installée au fond du bus, Emma revit la scène avec l’hôtesse et regrette de ne pas avoir pris le temps de lui expliquer sa conception des rapports humains pour essayer de la faire évoluer. J’aurais dû lui dire, réfléchit Emma, je comprends tout à fait que vous soyez obligée d’obéir au protocole établi par la compagnie qui vous emploie sous peine de vous faire licencier pour faute grave. Mais il existe une autre façon d’agir qui consiste à s’épauler entre personnes de même condition. Si vous et moi, deux femmes qui doivent avoir, à peu de choses près, un salaire identique à la fin du mois, nous ne nous soutenons pas un tant soit peu, qui va s’occuper de nous ? Personne. À plus forte raison, si notre position sociale n’est pas très élevée, nous devrions apprendre à nous comporter comme les grands de ce monde qui n’hésitent pas à se donner des coups de main pour conserver leur puissance. Quand Bill Clinton a un souci, il téléphone à Obama. On appelle cela un réseau. Pour nous, les petits de la société, ça devrait être pareil. Au lieu de râler et de rester dans le chacun pour soi, notre unique solution pour accéder au bonheur est de résister en s’entraidant, en plus c’est valorisant de se sentir utile. Croyez-moi, il faut rétablir la solidarité. Et la compassion. Si nous campons sur nos positions,nous sommes foutus. Nous resterons toujours des esclaves. Et je conclurai, ajoute Emma s’imaginant aussi grandiloquente que Jaurès, vous m’aidez aujourd’hui, mademoiselle, en allant récupérer ma veste, demain, c’est peut-être moi ou ma semblable qui vous aidera. Emma souffle, perplexe. Elle sait très bien que ces beaux discours pacifistes (que cette cruche d’hôtesse n’aurait de toute façon pas compris et dont Charlotte moque le côté militant pas forcément convaincant) ne servent à rien. Jaurès, lui-même, n’a-t-il pas fini assassiné ?
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