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J'aime ton mari — Le choix des libraires
Page 77 (extrait)... — Tu sais, dit Sophie à Géraldine, dépitée, souvent ce qui plaît aux hommes, c’est notre disponibilité. Regarde Laurent, il a couché pendant deux ans avec son assistante. Pourquoi ? Parce qu’il était un gros bourrin avec une sexualité de gros bourrin qui avait besoin de se vider les couilles régulièrement, ce qu’il ne faisait plus depuis longtemps avec bobonne. Et comme son assistante était là avec son vagin grand ouvert prêt à accueillir le puissant businessman, persuadée que la réussite professionnelle de Laurent déteindrait sur sa pauvre petite vie de merde, rêvant de tomber enceinte pour toucher du fric, il a sauté dedans. Je me demande comment il a pu coucher avec cette nana qui ne ressemble à rien, ou alors à un camion, ajoute Sophie, énervée, face à Géraldine qui ne peut pas placer un mot. En même temps, continue-t-elle sur sa lancée, c’est aussi bien qu’il ait couché avec cette fille dont il ne pouvait pas tomber amoureux, parce que s’il était sorti avec une femme comme moi, il aurait divorcé pour vivre avec elle, il aurait été heureux et je n’aurais jamais pu le récupérer. Et si je l’appelais ?...
Page 78 (extrait)...
— Regarde qui est là ! L’architecte ! Viens, on va boire un verre avec lui, propose Géraldine avec tact et fermeté pour calmer Sophie. Tu as raison, il est vraiment mignon. Je te laisse faire le boulot pour le brancher avec moi, ajoute-t-elle en se redonnant un coup de brosse dans ses cheveux noirs ondulés, avant de se diriger droit sur Gaspard qui hurle :
— Il y a trop de sexes où je veux habiter pour me limiter à un seul endroit, explique-t-il d’une voix forcée qui trahit son état d’ébriété. Tu comprends, Francesco, chaque nouvelle fille que je rencontre est une maison dans laquelle je veux loger mon intimité. Je t’assure, l’homme n’a rien inventé de mieux que le corps de la femme comme habitation. C’est la maison idéale ! Je rentre me coucher par son petit trou. Je réfléchis entre ses seins. Je crée entre ses reins. Je dessine sur ses fesses. Je construis entre ses cuisses ! Et avant de la quitter, je nidifie sa chatoune.
Apercevant Sophie qui le regarde horrifiée à l’entrée du café, il passe devant Géraldine sans la voir alors qu’elle s’apprêtait à lui faire la bise, et saisit Sophie dans un grand câlin pour l’entraîner à l’intérieur.
— Viens, ma petite colombe ! Je te paye un canon, dit-il en levant son verre.
Lecture de Manoëlle Gaillard
La dame bleue- nouvelle lue par Marcelline - Brèves enfances - Au diable vauvert
Sylvie Bourgeois harel
henri - nouvelle lue par Alain Guillo - Brèves enfances - Au diable vauvert
Mon papa est curé - nouvelle lue par François Berland - Brèves enfances - Au diable vauvert
Prison - nouvelle lue par François Berland - Brèves enfances - Au diable vauvert
Extrait. Emma, bluffée par l’aplomb du businessman, le félicite aussitôt.
– Merci, vous êtes mon Zorro ! Grâce à des hommes comme vous, on peut espérer que le genre humain n’est pas totalement foutu.
– Si. Croyez-moi, on est trop nombreux sur terre. Des réactions violentes, comme celle-ci, vont être de plus en plus courantes.
– Que faire alors ?
– Avoir un gun, de l’argent et du pouvoir. Pourquoi croyez-vous que le pilote ne m’a rien dit alors que j’ai été plutôt grossier ? Il a senti que j’étais plus puissant que lui. La vie n’est qu’un rapport de force, une lutte de territoire.
– Mince alors, j’ai tout faux, j’ai tout misé sur la bienveillance. Avec votre raisonnement, je devrais être morte depuis longtemps.
– Vous êtes en état de survie comme tous vos semblables trop gentils. Prenez soin de vous, je dois rejoindre mon siège et ma femme.
J'aime ton mari de Sylvie Bourgeois
chez Adora (Paris)
http://www.20minutes.fr/livres/1302742-20140227-20140219-j-aime-mari-sylvie-bourgeois-chez-ador-paris-france
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J'aime ton mari — Le choix des libraires
Emma, mathématicienne au CNRS, vilain petit canard de sa famille, préférant sauver l'Amazonie que son apparence, se rend au Cap d'Antibes, au luxueux mariage de sa demi-soeur âgée de 20 ans.
Mal à l'aise dans ce monde d'argent éloigné de ses valeurs, elle découvre que ni André, son séduisant nouveau beau-frère, ni Léonard, le mari taciturne de sa soeur aînée, ne correspondent à l'image qu'elle s'en faisait.
Coachée par Fred, coiffeur des stars qui la transforme en bombe sexuelle, et Charlotte, experte en conseils amoureux, notre Cendrillon peu habituée aux attentions masculines va faire tourner la tête de tous les invités.
Le thème du mariage revisité sous la plume vive et espiègle de Sylvie Bourgeois.
Romancière et scénariste, Sylvie Bourgeois a publié plusieurs livres dont les fameux Sophie à Cannes et Sophie au Flore chez Flammarion Une adaptation cinématographique de J'aime ton mari est en cours.
1) Qui êtes-vous ? !
Je m'appelle Sylvie Bourgeois Harel. J'écris depuis 10 ans, date de la parution de mon premier roman Lettres à un Monsieur aux Éditions Blanche. Dorénavant, je signe mes livres sous deux noms, Sylvie Bourgeois et Cécile Harel pour différencier mes deux styles d'écriture, Sylvie Bourgeois pour mes romans drôles et légers comme Sophie à Cannes ou Sophie au Flore parus chez Flammarion et Cécile Harel pour des romans plus bouleversants pour En attendant que les beaux jours reviennent parus aux Escales l'année dernière et actuellement chez Pocket (et en mai en Allemagne chez Piper) ou pour mon prochain livre, L'Architecte, qui sortira en 2015.
2) Quel est le thème central de ce livre ?
La quête amoureuse.
3) Si vous deviez mettre en avant une phrase de ce livre, laquelle choisiriez-vous ?
Pour Emma, avoir une copine excessivement fille capable de discuter pendant des heures de mecs et de sexe était nouveau.
4) Si ce livre était une musique, quelle serait-elle ?
Euh... Voulez-vous coucher avec moi ce soir ?... En fait il s'agit du morceau sur lequel danse Fred pendant sa longue discussion avec Léonard...
5) Qu'aimeriez-vous partager avec vos lecteurs en priorité ?
La joie, l'humour, la réflexion, un état d'esprit plutôt positif.
— Bonjour madame, je suis désolée, j’ai mal à l’épaule, pourriez-vous, s’il vous plaît, mettre mon sac dans le coffre à bagages ? demande Emma poliment à une hôtesse de l’air, en prenant place dans l’avion Paris-Nice.
— Je ne suis pas habilitée à cela, répond celle-ci sur un ton méprisant.
— Je suis confuse d’insister. Mon médecin m’a formellement interdit de soulever le bras, en plus dès que je fais le moindre mouvement, ça devient extrêmement douloureux, se justifie Emma.
— Dans ce cas, il fallait prévoir un sac en adéquation avec votre handicap.
— Pardon ? dit Emma, déconcertée par l’arrogance de l’hôtesse.
Fragilisée par de récentes crises de spasmophilie, Emma est à deux doigts de pleurer.
— Nous n’avons pas le droit de porter les bagages des passagers, en cas d’accident, nous ne serions pas assurés, ajoute l’hôtesse.
— N’importe quoi.
Emma préfère ne rien ajouter pour ne pas envenimer la situation. Apercevant un steward pas loin, elle l’appelle. Mais celui-ci ne l’entend pas (ou fait semblant de ne pas l’entendre).
— Vous bloquez la circulation, madame, s’obstine l’hôtesse.
Emma se souvient du conseil de Charlotte, sa nouvelle meilleure amie : Ne laisse jamais personne te maltraiter. Décidée à garder son calme, elle s’assied en silence et pose son sac sur ses genoux.
— Vous ne pouvez pas voyager de cette façon. C’est dangereux en cas de turbulences.
— Sincèrement, je ne vois pas d’autre solution.
— Très bien, je vais chercher le commandant de bord.
Emma n’en revient pas. Décidément ce week-end de mariage démarre mal, soupire-t-elle. Deux minutes plus tard, l’hôtesse réapparaît, suivie du pilote.
— Bonjour ! dit Emma en souriant. Vous êtes bien aimable de venir à mon secours.
— C’est interdit de voyager avec votre sac sur les genoux, marmonne celui-ci.
— Je suis désolée de me répéter, mais je suis dans l’incapacité physique de le ranger et comme aucun membre de l’équipage ne veut m’aider, dites-moi ce que je dois faire.
— Puisque vous refusez d’obtempérer, je vais être dans l’obligation de vous faire débarquer.
Refusant de se laisser démonter par cette situation aberrante, Emma prend le parti de jouer la carte de la dérision et invente un gros mensonge en se faisant passer pour une femme dilettante, pétée de tunes. Maman célibataire d’un petit Benjamin de 5 ans qui n’a plus de papa, elle joint difficilement les deux bouts avec son salaire du CNRS depuis qu’elle milite et donne une partie de ses revenus dans une association humanitaire.
— Pas de soucis, chef ! essaye-t-elle de plaisanter. En revanche, si je quitte cet avion, il faudra faire descendre tous les passagers pour effectuer une reconnaissance des bagages. J’ai deux valises en soute. Vous ne voudriez pas prendre le risque de décoller avec une bombe cachée dans l’une d’elles ? Ça va durer au bas mot deux heures.
Emma n’a aucune valise en soute. Mais l’idée d’effrayer l’hôtesse et le pilote l’amuse terriblement. Encore un conseil de Charlotte : Refuse d’accorder à quiconque le droit d’avoir un pouvoir de nuisance sur toi, et quand tu ne sais plus comment réagir, choisis de résister par l’humour. Rire est souvent la seule réponse pour sortir la tête haute d’une situation humiliante, cela t’évitera de céder à la colère. Alors, Emma se lance.
— De mon côté, je m’en fiche, j’ai tout mon temps. J’ai pris cet avion, j’aurais tout aussi bien pu en réserver un pour Marrakech ou Rome, je ne travaille pas, si vous saviez à quel point je m’ennuie dans la vie, alors je voyage, ça m’occupe.
Un homme d’affaires (plutôt pas mal, note Emma), agacé que l’avion puisse prendre du retard, saisit le sac d’Emma et le range dans le coffre à bagages, puis se retourne vers le pilote.
— Ce n’est pas bientôt fini vos conneries ? Allez, rentrez dans votre cabine et faites décoller ce zinc !
Le commandant de bord baragouine quelques mots incompréhensibles, puis retourne dans sa niche tel un chien puni à qui l’on aurait donné une tape sur le museau. L’hôtesse l’imite et disparaît.
Emma, bluffée par l’aplomb du businessman, le félicite aussitôt.
— Merci, vous êtes mon Zorro ! Grâce à des hommes comme vous, on peut espérer que le genre humain n’est pas totalement foutu.
— Si. Croyez-moi, on est trop nombreux sur terre. Des réactions violentes, comme celle-ci, vont être de plus en plus courantes.
— Que faire alors ?
— Avoir un gun, de l’argent et du pouvoir. Pourquoi croyez-vous que le pilote ne m’a rien dit alors que j’ai été plutôt grossier ? Il a senti que j’étais plus puissant que lui. La vie n’est qu’un rapport de force, une lutte de territoire.
— Mince alors, j’ai tout faux, j’ai tout misé sur la bienveillance. Avec votre raisonnement, je devrais être morte depuis longtemps.
— Vous êtes en état de survie comme tous vos semblables trop gentils. Prenez soin de vous, je dois rejoindre mon siège et ma femme. Emma regrette qu’il ne prenne pas place à ses côtés, elle aurait aimé lui parler pour se laver de son altercation avec cette idiote d’hôtesse. D’habitude, elle déteste ce genre d’homme pressé qui dévore les heures à la recherche de toujours plus de rentabilité. Mais celui-ci semble différent, se dit Emma, presque humain, à moins, se reprend-elle aussitôt, qu’il n’ait résolu mon conflit avec le pilote uniquement pour son confort personnel afin que l’avion atterrisse à l’heure. En plus, il est marié. À croire que tous les hommes bien le sont. Et les moins bien aussi, conclut Emma en fermant les yeux.
Déçue, elle respire profondément et essaye de méditer en chassant ses pensées comme si elles étaient d’affreux nuages. Mais l’image de son père mort il y a une quinzaine d’années lui revient sans cesse en mémoire. Bouleversée de réaliser que cet homme chéri lui manque toujours terriblement, elle se souvient de leurs fabuleux week-ends en forêt au cours desquels il lui apprenait à construire, suivant les saisons, une cabane ou un igloo et comment, la veille de sa mort, comme s’il avait eu l’intuition que c’était sa dernière nuit, il lui avait transmis son don de barreur de feu. Un don du ciel hérité de son propre père. Il le mettait à profit quand, pompier bénévole, après avoir sauvé des blessés d’un incendie, il soulageait leurs brûlures dans l’ambulance qui les menait à l’hôpital.
*
Au moment de monter dans le bus pour Antibes, Emma réalise qu’elle a oublié sa veste avec son porte-feuille dans l’avion. Affolée à l’idée de perdre ses papiers et sa carte de crédit, elle court jusqu’au stand de la compagnie qui s’apprête à fermer.
— Ouf ! J’arrive à temps. Je suis désolée, j’ai oublié ma veste dans l’avion. Auriez-vous l’amabilité de la récupérer ?
— Vous avez une pièce d’identité ?
— Oui… Dans ma veste.
— Il faut alors faire une réclamation sur Internet. On vous répondra sous un mois.
— Ce n’est pas possible. Sans argent, je peux dire adieu à mon week-end.
Face à l’impassibilité de l’hôtesse, Emma s’entête.
— Regardez, l’avion est encore sur la piste, je le vois au bout de votre couloir. Il y en a pour une minute. S’il vous plaît, ça m’arrangerait vraiment.
— Je ne peux rien pour vous, c’est le protocole. D’ailleurs, nous sommes fermés.
Vlan ! L’employée pose sur son comptoir une affichette Closed en baissant les yeux afin d’éviter le regard d’Emma qui saisit le panneau et le jette dans la poubelle.
— Voilà ! Vous êtes à nouveau ouvert, c’est génial, non ?
— Mais enfin, madame, vous exagérez, vous n’aviez qu’à pas oublier votre veste.
— Je vais vous avouer un terrible secret, je suis bête. Effroyablement bête. Je suis la neuneu de service, celle qui oublie toujours tout. Je vis dans un drame perpétuel à courir constamment après mes affaires. Alors, soit vous faites une loi qui interdit aux neuneus de mon espèce de prendre l’avion, soit vous m’aidez à récupérer ma veste dans laquelle j’ai toute ma vie.
— Puisque vous ne voulez rien entendre, j’appelle la police.
Une minute plus tard, deux policiers de la brigade anti-terroristes (il fallait au moins ça !) s’approchent d’Emma.
— Vos papiers, s’il vous plaît.
— C’est un gag ou quoi ? répond Emma.
À deux doigts de péter les plombs, elle choisit d’exploser de rire (merci Charlotte).
— Vous voulez être arrêtée pour outrage à agents ?
— Pas du tout, justement, je me tue à expliquer à cette dame que mes papiers sont…
Emma n’a pas le temps de terminer sa phrase. Un steward passe avec sa veste sous le bras. Elle se précipite à sa rencontre.
— C’est ma veste ! C’est ma veste !
Effrayé, il recule d’un pas.
— Je ne crois pas madame, c’est celle de ma collègue.
— Pas du tout, s’offusque Emma, c’est la mienne, je l’ai achetée cinq euros à une Somalienne au marché des biffins à Montreuil.
— Vous avez vos papiers ?
— Mon portefeuille est dans la poche de droite, vérifiez, je m’appelle Emma Granier.
Pendant que le steward constate qu’elle dit vrai, Emma devient songeuse.
— Je peux vous poser une question ?
Sans attendre sa réponse, Emma poursuit.
— Si vous n’aviez pas pensé qu’elle appartenait à
votre collègue, vous l’auriez rapportée avec vous ?
— Non, les femmes de ménage s’en seraient chargées, elles l’auraient mise aux objets trouvés et vous l’auriez récupérée sous un mois.
— Vous savez pourquoi notre monde s’écroule inexorablement ?
— Pardon ?
C’est vrai, quoi, se dit Emma en s’éloignant, avant c’était agréable de prendre l’avion, aujourd’hui, c’est l’enfer, on est fouillé, suspecté, maltraité, humilié. C’est à n’y plus rien comprendre ! Ou alors je vieillis mal et n’arrive pas à m’intégrer dans ce monde devenu trop formaté. Et surtout que l’on n’arrête de me parler de protocole pour justifier tous ces règlements absurdes !
*
Installée au fond du bus, Emma revit la scène avec l’hôtesse et regrette de ne pas avoir pris le temps de lui expliquer sa conception des rapports humains pour essayer de la faire évoluer. J’aurais dû lui dire, réfléchit Emma, je comprends tout à fait que vous soyez obligée d’obéir au protocole établi par la compagnie qui vous emploie sous peine de vous faire licencier pour faute grave. Mais il existe une autre façon d’agir qui consiste à s’épauler entre personnes de même condition. Si vous et moi, deux femmes qui doivent avoir, à peu de choses près, un salaire identique à la fin du mois, nous ne nous soutenons pas un tant soit peu, qui va s’occuper de nous ? Personne. À plus forte raison, si notre position sociale n’est pas très élevée, nous devrions apprendre à nous comporter comme les grands de ce monde qui n’hésitent pas à se donner des coups de main pour conserver leur puissance. Quand Bill Clinton a un souci, il téléphone à Obama. On appelle cela un réseau. Pour nous, les petits de la société, ça devrait être pareil. Au lieu de râler et de rester dans le chacun pour soi, notre unique solution pour accéder au bonheur est de résister en s’entraidant, en plus c’est valorisant de se sentir utile. Croyez-moi, il faut rétablir la solidarité. Et la compassion. Si nous campons sur nos positions,nous sommes foutus. Nous resterons toujours des esclaves. Et je conclurai, ajoute Emma s’imaginant aussi grandiloquente que Jaurès, vous m’aidez aujourd’hui, mademoiselle, en allant récupérer ma veste, demain, c’est peut-être moi ou ma semblable qui vous aidera. Emma souffle, perplexe. Elle sait très bien que ces beaux discours pacifistes (que cette cruche d’hôtesse n’aurait de toute façon pas compris et dont Charlotte moque le côté militant pas forcément convaincant) ne servent à rien. Jaurès, lui-même, n’a-t-il pas fini assassiné ?
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Sylvie Bourgeois - ArtSixMic
Chapitre 1
– Je ne peux pas continuer. La dernière fois, quand vous vous êtes mise à quatre pattes, j’ai bien vu que vous aviez fait exprès de me montrer votre string rose qui dépassait de votre pantalon.
Abasourdie d’entendre de telles inepties de la part de son psy, Sophie demeure bouche bée. Sa décision d’entamer une psychothérapie s’était concrétisée, il y a un, an chez son médecin généraliste.
– Depuis que j’ai arrêté la pilule qui me provoque des migraines, j’ai peur de tomber enceinte. Du coup, je repousse de plus en plus souvent Benjamin. Je suis devenue le genre de femme qui se relève la nuit pour manger au lieu de faire l’amour. C’est n’importe quoi.
– J’adore votre raccourci, avait-il répondu, stupéfait. J’ai dans ma bibliothèque le livre d’un psychologue américain qui met neuf cents pages à expliquer ce que vous venez de me dire en une phrase. Qui êtes-vous ?
– Une femme-enfant qui ne sait pas vivre sans un homme qui l’aime.
– Voulez-vous revenir m’en parler ?
– Je préférerais le faire avec un professionnel.
Exigeante sur son choix, elle avait détaillé avec précision ses critères de sélection. Il lui fallait un psychiatre, dix années d’études la tranquilliseraient. Un homme, de crainte qu’une femme, par jalousie, la conseille de travers. Freudien, des séances régulières de quarante-cinq minutes l’aideraient à se structurer. Qu’il soit âgé pour bénéficier de sa longue expérience. Et qu’il ait déjà publié des textes.
– Il me faut quelqu’un qui ne rentre pas dans mon jeu et sache me résister. Quand je me sens fragile, comme en ce moment, je veux séduire la terre entière en faisant mes petits yeux charmants, et j’oublie de faire travailler mon cerveau, c’est idiot, non ?
– Pour vous, je n’en vois qu’un, le docteur Picard, c’est une sommité dans son métier.
*
Picard continue sur sa lancée :
– Vous m’avez aguiché. Cela peut arriver dans tout travail analytique, mais déontologiquement, je suis obligé d’arrêter nos entretiens. Si vous le souhaitez, je peux vous donner l’adresse d’un confrère.
Après une longue inspiration pour essayer de se calmer, Sophie se rebelle d’une voix tremblante qui trahit son anxiété.
– Je ne vois pas de quoi vous parlez. Je ne me suis jamais mise à quatre pattes. Je me souviens très bien de vous avoir demandé la permission d’utiliser la prise électrique située derrière mon fauteuil pour recharger la batterie de mon téléphone, et je me suis baissée très élégamment pour l’atteindre.
Furieuse d’avoir été obligée de se justifier, elle ne parvient pas à analyser les sentiments contradictoires qui jaillissent en elle. D’un côté, elle se sent puissante d’être parvenue à anéantir ce roc de savoir et de culture, et de l’autre, dépitée que cet homme, sa seule bouée de secours, se soit écroulé comme un énorme gâchis.
– Et manque de pot pour vous, ajoute-t-elle sur un ton triomphal, je n’ai pas de string rose. C’est bien simple, je n’en ai même jamais porté.
Elle réalise mais trop tard qu’elle aurait mieux fait de se taire.
– C’est vrai quoi, pour une fois que je prends le temps de comprendre qui je suis et quelle place j’occupe sur cette putain de terre, je ne vais pas détruire le travail précieux que je fais chez vous à raison de deux ou trois séances par semaine, à cause de vos états d’âme.
– Mais…
– J’en ai marre que l’on me prenne pour celle que je ne suis pas. Vous allez me dire que c’est de ma faute à être toujours joyeuse même quand je suis au fond du trou. Du coup, c’est sûr, ça provoque des malentendus. En même temps, je n’ai pas envie de changer ma personnalité uniquement parce que la plupart des mecs confondent sourires et avances. Surtout que je suis tout sauf une allumeuse. Vous me croyez au moins quand je dis ça ? Même si je sais qu’en tant que freudien, vous remettez toujours en cause ce que vous dit un client, enfin, je veux dire un patient.
Voyant que la fin de sa séance approche, elle conclut sèchement :
– Voilà ce que je vous propose, vous réfléchissez à tout cela et on en reparle mercredi. Ça vous va ?
Bouleversée d’avoir réussi à inverser les rôles, Sophie se met à hoqueter. Confuse, elle se lève, tend son chèque et sort.
*
L’air frais de fin novembre l’aide à retrouver ses esprits. Un string rose ! Quel grand couillon ! soupire-t-elle en pénétrant dans le métro.
Il est 18 heures. Elle a juste le temps d’aller au Bon Marché choisir une brassière pour tenir sa poitrine lorsqu’elle fait ses footings. La sienne n’a plus d’élastique. Sa brassière. Pas sa poitrine. Comme le rayon sport jouxte celui de la lingerie, Sophie en profite pour acheter un ensemble soutien-gorge. Ce n’est qu’en payant à la caisse qu’elle réalise que sa culotte est… un string et que celui-ci est… rose.
Salopard de psy ! peste Sophie. Offusquée de s’être transformée aussi rapidement en jouet du docteur Picard, elle saisit d’un geste irrité le paquet que lui tend la vendeuse et n’a plus qu’une envie : le jeter dans la première poubelle venue. Ce qui, à part de lui faire perdre 60 euros, ne lui apporterait rien. Contrariée, elle se sent moche et redevient une petite fille perdue qui a besoin d’être éperdument consolée. Elle téléphone à Benjamin.
– Salut ! Ça va ? demande-t-elle d’une voix fluette en faisant tourner ses cheveux entre ses doigts.
– Tu te souviens que j’existe ?
– Tu ne vas pas me faire une quiche parce que je ne t’ai pas appelé depuis trois jours. Je ne suis pas en forme. Rien ne va dans ma vie. J’ai l’impression que je mets toute mon énergie pour la rater. Tu fais quoi ce soir ?
– J’ai un dîner.
– Je peux venir avec toi ? Si vous allez au resto, je t’invite. Profite ! Pour une fois que je suis généreuse, plaisante-t-elle.
Face au silence de Benjamin, Sophie comprend que celui-ci a l’impression d’être pris pour le bouche-trou de service.
– Ta Frappadingue t’a abandonnée ?
– N’importe quoi ! Dis-moi oui. J’ai envie de te voir, minaude-t-elle.
– Tu sais quoi, tu me fatigues.
– Laisse tomber.
– Ah, non ! Tu ne vas pas me faire culpabiliser. Ce n’est pas moi qui ai décidé de faire un break.
– Écoute, on ne va pas revenir là-dessus. Ça t’ennuie si je dors à la maison ?
– C’est bon. Tu as gagné.
– Quoi ?
– Le frigidaire est vide. Où veux-tu que je te retrouve ?
– Je peux passer te prendre à ton bureau, murmure Sophie, soulagée. Je suis à deux pas.
– D’accord, mais tu ne montes pas.
– C’est nouveau ?
– Ça déstabilise les autres de te voir. Ils n’arrivent pas à savoir si l’on est toujours ensemble ou pas, assène Benjamin, froidement.
– J’espère que tu leur as dit que oui.
– Non.
– Pourquoi ?
– Tu ne te souviens pas qu’au pot de départ de Laurent, tu as raconté que tu avais déménagé une partie de tes affaires chez une copine ?
– Ils m’horripilaient à ne parler que de leurs gosses. J’avais envie de leur montrer que notre union était atypique et pimentée, ajoute-t-elle, déçue que Benjamin soit aussi sensible au qu’en-dira-t-on dont elle se fiche totalement.
– Je me demande si tu n’es pas devenue folle, ma pauvre fille.
– Faux ! Mon psy me trouve très intelligente.
J’aurais pu trouver mieux comme réplique, bouillonne-t-elle. Mais il y a une chose que je ne supporte pas, c’est qu’on me traite de folle. Je suis différente, certes, mais pas barge.
– Tu sais quoi, Benjamin ? Va dîner avec tes copains. Ça évitera de nous engueuler.
*
Qui a deux maisons perd la raison ! chantonne amèrement Sophie en raccrochant. Depuis cinq mois, elle se partage entre le domicile conjugal avec Benjamin et le sublime appartement d’Alix. Ce qui veut dire qu’elle a deux couettes, quatre oreillers, deux pèse-personnes, des fringues éparpillées partout et chaque soir, l’angoissante question de savoir où dormir, ce qui la déstabilise, mais pour le moment, elle n’a pas d’autre solution.
Tout avait commencé un samedi après-midi. Sortant d’un déjeuner avec sa meilleure amie, Géraldine Chambon, Sophie avait surpris Benjamin regarder d’un air attendri les couffins et les habits de bébé chez Bonpoint. Le soir-même, elle lui annonçait qu’il était temps qu’elle lui rende sa liberté car jamais elle ne fonderait une famille. Même si leur rupture lui brisait le cœur, elle se sentait incapable de lui demander de renoncer à son désir de paternité. Chaque fois qu’ils évoquaient le sujet, elle répondait qu’elle refusait de prendre le risque de faire un gosse qui, en grandissant, pourrait ne pas lui plaire. C’est vrai quoi, répétait-elle avec gravité, tous les humains ne sont pas formidables. Il y a beaucoup de malveillants. Pourquoi le mien, parce qu’il serait sorti de mon ventre, ne deviendrait-il pas un odieux personnage qui me gâcherait la vie ? Elle refusait également de devenir l’esclave de sa progéniture qu’il faudrait accompagner à l’école ou aux anniversaires. Sa décision créait de l’agressivité chez certaines de ses copines qui lui reprochaient d’abandonner la principale fonction de la femme sur terre. Le poids de la procréation était un labeur que toutes devaient se partager au nom de la sauvegarde de l’espèce. Il n’était pas courageux de s’en désolidariser avec autant d’insouciance. D’autres lui prédisaient une vieillesse aigrie lorsqu’elle réaliserait qu’elle ne laisserait aucune trace derrière elle. Il n’y avait que Géraldine, dont le rêve était d’avoir un enfant, qui compatissait. Elle avait vu Sophie si choquée à la mort de sa mère, quinze ans auparavant, suivie deux mois plus tard du suicide de son père, qu’elle concevait que celle-ci soit incapable de se projeter dans la maternité, par peur de souffrir si le nouvel objet de son adoration devait, à son tour, disparaître.
Jamais Benjamin ne lui avait fait de chantage affectif, mais il avait usé de tous les arguments qu’un homme épris pouvait inventer pour tenter de la convaincre : elle serait une mère remarquable. Avec son sens de l’éducation, le bébé serait propre dès neuf mois, comme elle au même âge. La grossesse épanouirait sa féminité. Avec sa chance de ne jamais prendre un gramme, elle retrouverait son poids sans problème. Il voulait prolonger leur amour dans la création d’un être qui rassemblerait leurs gênes pour continuer d’exister après leurs morts. Il n’avait jamais lâché l’affaire tant il lui était essentiel de se reproduire.
Malgré toutes ces déclarations d’amour, Sophie n’avait jamais cédé. Désespérée que sa présence ne suffise plus à rendre Benjamin heureux et qu’un hypothétique bébé puisse envenimer leur relation au point de ne plus arriver à imaginer leur avenir ensemble, elle avait commencé à tomber dans de grands excès de mélancolie. Elle qui avait toujours été dynamique et positive ne se reconnaissait plus. Asphyxiée par le poids d’une terrible angoisse, elle se sentait sombrer sous une lourde chape de plomb. Exempte de tout désir, chaque geste dorénavant lui coûtait. Même saisir son téléphone pour décaler un rendez-vous professionnel lui était devenu difficile. Elle passait des journées entières, allongée sur son lit, à ressasser les erreurs de son passé, à regretter d’anciennes amitiés avec lesquelles, intolérante et intransigeante, elle s’était fâchée, à se reprocher d’avoir refusé des propositions de travail alléchantes de crainte de voir sa liberté s’émousser. Puis elle s’endormait parmi les héros de ses séries américaines préférées qui se mêlaient au décor de la maison de ses parents. Vacillant entre réalité et fiction, elle se réécrivait une existence dans laquelle elle évoluait vers un avenir radieux, couverte d’amour, pire que si elle était redevenue une adolescente incapable de se prendre en mains.
Sylvie Bourgeois "J'aime ton mari"
A l'occasion de la sortie prochaine du nouveau roman de Sylvie Bourgeois "J'aime ton mari" aux éditions Adora, une lecture de présentation du livre à été réalisé par la comédienne Florence ...
Florence Darel lit J'aime ton mari de Sylvie Bourgeois au Café de Flore - Paris