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... — Je vais te raconter le lexique codé du festival de Cannes dit une invitée à Sophie, par exemple, quand quelqu’un te dit, tu es descendu où ? En fait, ça veut dire, dis-moi où tu en es dans ton ascension sociale ? S’il te demande si tu es venue toute seule ? Ça veut dire, je te sauterais bien. J’ai un projet qui pourrait t’intéresser. Pareil. Tu as la carte de la boîte d’Albane ? Je veux savoir si tu es has been ou pas. Tu as des places pour le film de ce soir ? Tu en as une pour moi ? Tu as des places en bas ou au balcon ? Fais-tu partie des gens qui comptent ? Tu as une invit pour la soirée Canal ? Est-ce que je peux te coller ? Tu as une invit pour le film de Scorcese ? N’oublie pas que je suis ton pote... mais que je t’oublierai une fois assis à table. Il faut absolument que l’on se voie. Je cherche du travail, je suis désespéré. On s’appelle à Paris ? Lâche-moi, je ne t’appellerai jamais, de toute façon je n’ai pas ton numéro de téléphone. Tu es arrivé quand? Décidément, depuis dix ans que l’on se connaît, on a vraiment rien à se dire. Tu es dans un appartement ? Je peux te squatter ? Tu es au Carlton ? Qui a pu l’inviter ? Tu es à l’Hôtel du Cap ? Merde, il a fait une meilleure année que moi. Tu vas où ? Tu m’invites à déjeuner ? Tu as des projets en ce moment ? J’essaye de te mettre mal à l’aise car moi aussi je galère. Tu restes tout le festival ? Zut, il est plus riche que moi, ou bien il doit chercher du boulot....

4ème de couverture
Sophie à Cannes - Flammarion - Sylvie Bourgeois

 

À la suite d’une rupture amoureuse, Sophie, quarante ans, se retrouve « malgré elle » coincée à Cannes pendant le festival sans connaître les usages et coutumes du milieu du cinéma qui fascine tant son amie Géraldine.

 

Son sens de la répartie et sa débrouillardise lui suffiront-ils à éviter les nombreux obstacles et déconvenues qu’une jolie fille livrée à elle-même et un peu perdue ne manque pas de rencontrer dans ce type de manifestations ?

 

Dans un style alerte et plein d’humour, Sylvie Bourgeois nous fait pénétrer avec fantaisie et justesse dans les coulisses du plus grand festival de cinéma du monde.

 

Scénariste, novelliste et romancière, Sylvie Bourgeois signe ici son quatrième livre qui est le premier volume d’une série dans laquelle nous retrouverons Sophie, surprenante quadragénaire bien dans s appeau qui aime par-dessus sa liberté.

 

PREMIER CHAPITRE

 

 

Une dernière bougie et voilà c’est parfait ! Sophie a toujours aimé poser des bougies un peu partout. Même si Sylvain lui a expliqué cent fois que c’était mauvais pour la santé - les aromatisées dégageaient des molécules cycliques style benzène qui étaient neurotoxiques - elle adore en allumer avant de passer à table, les Diptyques surtout, Opopanax et Ambre sont ses parfums préférés. Elle jette un dernier coup d’œil pour vérifier s’il ne manque rien, puis s’affale sur le canapé et rit de s’intéresser autant aux détails de sa maison. C’est bien simple, pour Sophie chaque repas doit ressembler à une fête et tous les matins, elle est heureuse de se réveiller auprès de François, de lui préparer son petit-déjeuner et, quand il part travailler, de l’embrasser et lui souhaiter une bonne journée.

 

Elle est contente d’avoir du temps. C’est son luxe. Hier encore lors d’un dîner, elle a adoré dire à son voisin qu’elle ne faisait rien. En général, les opportunistes lui tournent immédiatement le dos, là, ce capitaine d’industrie lui a demandé avec un air coquin ce qu’elle faisait alors.

- Je lis, je tricote, j’écoute du Zucchero, je fais du vélo, je téléphone beaucoup aussi.

- Vous avez donc le temps de déjeuner avec moi ?

- Si c’est dans l’idée de me sauter, non.

- Vous êtes très sûre de vous.

- Je vis avec François, vous savez votre ami, au bout de la table, le joli garçon qui a une barbe de trois jours.

- Pourtant il ne vous a pas épousée.

- Vous cherchez déjà la bagarre ? Dommage, on commençait à s’amuser.

 

   Néanmoins, il s’est débrouillé pour lui laisser ses coordonnées.

 

- On ne sait jamais ce que la vie nous réserve. Faites comme moi Sophie, vivez ! Vivez à cent à l’heure !

- Je n’ai pas votre aptitude.

- On se ressemble pourtant.

- Je suis le contraire d’une aventurière, j’adore le quotidien, je suis même la reine du quotidien. Faire tous les jours la même chose m’excite.

- Vos yeux disent le contraire.

- C’est ce que vous avez envie d’y voir.

- Je ne me trompe jamais.

- Au revoir Paul sinon nous allons déraper et je ne veux pas me retrouver sous votre couette.

- Et dessus ?

- Pfut ! 

- Vous devez être belle nue.

- Vous ne lâchez jamais ?

- Si, le jour où je vous embrasserai. On est de la même race.

 

Sophie jette pensive la carte de visite de Paul Young dans le tiroir de son bureau où elle accumule ses papiers administratifs qu’elle ne range qu’une fois par mois. De toute façon, à part sa mutuelle, le relevé de son compte à la Banque Postale et sa facture mensuelle d’Orange, elle n’est pas envahie par la paperasserie. Depuis qu’elle n’a plus de revenus, c’est François qui gère les finances de la maison. Elle lui a souvent proposé de s’occuper des factures, mais il a toujours refusé. Il aime tout contrôler, pas par radinerie - il est généreux, lui a donné une carte bleue et ne pose jamais la moindre question sur ses dépenses - mais peut-être à cause d’un vieux machisme primaire qui lui dicte que c’est à l’homme de rédiger les chèques et à la femme de faire à manger.

Sophie se met soudain à penser qu’elle a oublié sa tarte aux poires dans le four. Elle se précipite dans la cuisine au moment où la porte d’entrée s’ouvre sur François.

 

- Bonsoir mon chéri.

- Il faut que je te parle.

- Oui, oui, j’arrive.

- Assieds-toi, c’est important. 

- Attends mon amour, j’éteins le four avant.

- On s’en fout de ton four. 

- Mais j’ai fait ma tarte que tu adores.

- Tu m’emmerdes avec ta bouffe, je t’ai déjà dit mille fois que je veux maigrir.

- Tu as fait faillite ?

- Je ne vois pas le rapport.

- Ça justifierait que tu sois aussi désagréable.

- Toi et moi, c’est fini.

- Pfut, n’importe quoi !

 

François ouvre la porte-fenêtre donnant sur un balcon suffisamment grand pour accueillir une table et deux chaises, et allume une cigarette.

 

- Tu fumes maintenant ?

- Oui, à cause de toi.

- Tu ne vas vraiment pas bien.

- Tu ne veux donc pas m’écouter ? 

 

François n’a pas le temps de terminer sa phrase que Sophie est dans la cuisine à sortir sa tarte du four avant qu’elle ne brûle. Elle en profite pour mélanger la ratatouille qui cuit à feu doux, puis introduit dans sa machine à découper les spaghettis la boule de pâte qui attendait sur le plan de travail en granit noir. Elle remplit une grande casserole d’eau qu’elle sale et met à chauffer sur sa cuisinière à induction. Toute à son affaire, elle ne remarque pas François entrer et se positionner les bras croisés derrière elle. Excédé, il hurle.

 

- Sophie !

- Ouh ! Idiot, tu m’as fait peur.

- Tu es trop conne, je te dis que je te quitte et ta seule réaction est de retourner dans ta putain de cuisine pour faire des nouilles.

- On ne dit que des bêtises quand on a le ventre vide. Va te laver les mains, ça sera prêt dans cinq minutes.

- J’ai rencontré quelqu’un.

- Ma mère m’a appris à ne jamais aborder de sujets délicats avec un homme avant de passer à table.

- Tu es folle ma pauvre fille.

- Un mec qui a faim est insupportable, voire irritable. Une fois nourri, il s’adoucit et tu peux tout obtenir.

- N’importe quoi.

- Pousse-toi, tu me gênes pour ouvrir le placard.

- D’accord, j’ai compris, tu joues à celle qui ne veut rien entendre, c’est bon, je sors, je vais manger dehors. 

 

François n’a pas le temps de faire un pas que Sophie lui barre le passage et lui montre du doigt la salle à manger.

 

- Ce n’est pas parce que tu es fils unique que ça te donne le droit de me faire chier, tu vas t’asseoir, tu bouffes et ensuite on parle.

- Je pensais que tu allais t’effondrer en larmes.

- Tais-toi. 

 

Interloqué, François prend place autour de la grande table Knoll en marbre blanc veiné de marron et ouvre la bouteille de Chasse-Spleen. Par habitude, il met la serviette de papier posée à côté de son assiette sur ses genoux quand son téléphone portable annonce l’arrivée d’un texto, il le mate immédiatement. « Courage mon amour, sois fort, je sais que ce n’est pas facile, mais ce que tu vas faire ce soir, souviens-toi que tu le fais pour le NOUS que nous allons construire. Je t’aime et t’embrasse partout. Irina. »

Sophie est plantée devant lui.

 

- Alors, on en est là ?

- Je vais t’expliquer Sophie.

- Laisse tomber.

- Tu ne veux pas savoir ?

- Il me semble que tu as tout dit.

- Tu es exaspérante de faire la fière.

- Je réfléchis à mon avenir.

- Je te laisse l’appartement trois mois, ça te donnera le temps de trouver autre chose.

- Et sans fiches de paye, je fais comment ?

- Avoue que tu es déconcertante, tu ne dis pas un mot sur tes sentiments.

- Tu n’y as plus droit.

- Tu m’énerves d’avoir réponse à tout.

- Laisse-moi au moins ça. Tu veux partir ? Pars. Je pleurerai quand je serai seule, je peux ?

- Sophie.

- J’aimerais aussi que tu me laisses un peu d’argent, tu sais très bien que je n’en ai pas.

- En ce moment, je ne peux pas, j’ai trop de frais.

- Évidemment, un nouvel amour, ça coûte cher ! Laisse tomber, je me débrouillerai, merci pour l’appartement. Tu t’en vas quand ?

- Je pensais demain ?

- Je préfèrerais ce soir.

- Il me faut du temps pour préparer mes affaires.

- Fais comme tu veux, après tout, tu es chez toi.

- Je suis désolé.

- Tu crois vraiment ce que tu dis ?

- On était dans la routine toi et moi, tu te doutais bien que ça ne pouvait pas durer.

- Alors tes grands discours sur notre amour qui allait durer toujours, c’était du vent ? J’aurais dû me méfier de tes beaux mots. En même temps, je ne les regrette pas, ils me rendaient belle et heureuse. J’ai juste été pomme d’y croire.

- Avec tes qualités et tes relations, je ne m’inquiète pas pour toi, tu vas vite te trouver un job. Tu as toujours su te débrouiller, c’est ce qui me plaisait en toi.

- Bien sûr mon chéri ! Pourquoi alors m’as-tu demandé d’arrêter de travailler ?

- Tu n’étais pas obligée d’accepter.

- Avoue que tu as su être convaincant quand tu me disais qu’il était hors de question que tu deales l’accès à ton bonheur avec mon patron, tu voulais que je sois disponible pour t’accompagner dans tous tes déplacements professionnels, tu te souviens ?

- Non.

- Et quand tu m’as confié que ça ne te plaisait pas de vivre avec une femme qui gagnait en un mois ce que tu pouvais dépenser en une soirée, tu ne t’en souviens pas non plus ?

- Tu ne vas quand même pas me reprocher tes choix ?

- Je rêve !

- Si tu regrettes, tant pis pour toi. Tu n’avais qu’à écouter tes désirs, pas les miens. On se serait arrangé. Tu aurais pris des congés sans solde. Tu serais partie moins souvent. De toute façon c’est du passé. On ne peut pas le changer.

- T’es un bel enfoiré de me dire ça. Sylvain a toujours pensé que tu étais limite question honnêteté.

- Parce que tu lui racontais notre vie ? Retourne chez lui, je suis sûr qu’il sera content de te récupérer.

- Laisse-moi s’il te plaît décider seule de ma vie. 

- Ce que je dis, c’est pour toi. Je te souhaite d’être heureuse. Vraiment.

- Pauvre con ! 

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