Je connais Sylvie Bourgeois depuis un an. J'aurais parié que notre rencontre est plus ancienne tant elle me semble proche. J'ai pris un grand plaisir à relire Sophie à Cannes et je voudrais parler de ce roman, qui fait écho à l'actualité du mois.
Je ne voudrais pas me plagier moi-même en refaisant le portrait de Sylvie. Je vous invite à lire l'article qui lui était dédié. En même temps j'ai peur que si vous ne preniez pas la peine d'aller y jeter un oeil vous manquiez l'essentiel de sa personnalité.
Je vais donc devoir au moins insister sur l'absence de superficialité de la jeune héroïne de ses romans, qui est un peu son double, au motif que le luxe est son bocal. Je garde de nos conversations la certitude que, pour Sylvie, le temps est le trésor par excellence, les biens matériels n'étant que des choses agréables, sans plus.
Sylvie connait le prix des choses et ce n'est pas un hasard si elle a choisi cette citation d'Einstein pour le premier opus de la série des Sophie : N'essayez pas de devenir un homme qui a du succès. Essayez de devenir un homme qui a de la valeur.
Quand elle aime, elle ne fait pas de rétention d'information. Elle partage donc naturellement ses bonnes adresses. Les marques qui ont sa préférence ne restent pas longtemps secrètes, qu'il s'agisse de bougies, de vêtements ou de bonnes tables.
Ce roman commence très fort par une scène de rupture à l'unilatérale, plutôt réjouissante et son humour fait du bien. Sophie est sans illusion sur les relations humaines mais elle avance avec la spontanéité en bouclier, son chemin de vie étant d'être humainement fréquentable (page 21).
À la suite d'une séparation amoureuse, Sophie, quarante ans, se retrouve "malgré elle" coincée à Cannes pendant le festival sans connaître les usages et coutumes du milieu du cinéma qui fascine tant sa meilleure (mauvaise) amie Géraldine. Son sens de la repartie et sa débrouillardise lui suffiront-ils à éviter les nombreux obstacles et déconvenues qu'une jolie femme livrée à elle-même et un peu perdue ne manque pas de rencontrer dans ce type de manifestations ?
Sylvie décrit dans les moindres détails la vie à Cannes (je pourrais même dire "survie"). La ville devient un écrin dédié au cinéma pendant les 13 jours de folie que dure le festival. Ce sera cette année du 13 au 24 mai. Elle connait l'endroit par coeur. Le lexique des petites phrases qu'elle décode pour nous (page 201) est très savoureux. Elle se rend au festival depuis presque 25 ans ... bien avant d'être mariée à un réalisateur. Elle a bénéficié de conditions très privilégiées, qui lui ont permis d'engranger plein de souvenirs et, paradoxalement de dénoncer cet univers dans ce qu'il a de superficiel superficiel.
C'est violent, Cannes. Pour les comédiennes c'est le parcours de l'humiliation (page 101).
Sans être un roman à clé on peut reconnaitre des situations qui la concerne personnellement. On peut aisément deviner que son chiffre fétiche est le 7, et qu'elle adore les beignets de fleurs de courgettes (page 133). On trouve déjà la phrase fétiche (page 139) qu'elle glisse comme Amélie Nothomb le fait avec le mot pneu. Le titre d'un film primé est en fait l'intitulé d'un livre qu'elle s'apprêtait à publier, sous son nom d'épouse, Cécile Harel, En attendant que les beaux jours reviennent (page 119, et dont je ferai prochainement la chronique).
On apprend pourquoi la tenue de gala a été rendue obligatoire (page 53.
Mais elle ne nous dit pas tout. Par exemple que Christian Sinicropi, chef du restaurant La Palme d’or à l’hôtel Martinez, a créé une variation sur les asperges violettes de Grasse, produit de saison et de région, qu'il sert sur une assiette conçue spécialement par sa femme, à l'instar de celles qui sont offertes aux membres du jury à la veille du Festival pour honorer des créations culinaires en hommage à leurs films.
Sylvie a écrit une nouvelle spécialement pour l'occasion, imprimée sur l'objet.
Si vous ambitionnez d'aller vous faufiler dans quelques jours à cannes faites gaffe : tout là-bas est protocolaire. La qualité essentielle est certes d'être débrouillarde, mais cela ne suffira pas. Sans accréditation vous ne serez rien. Et si vous n'avez pas réservé de chambre des mois à l'avance il vous sera impossible de vous loger, même si vous êtes disposé à vous satisfaire d'une chambre chez l'habitant. Ce sera mission impossible.
N'importe qui reprendrait immédiatement le train pour rentrer à Paris. Mais Sophie est aimantée par l'ambiance glamour et elle compte bien s'y faire une place. Nous allons donc découvrir Cannes avec elle, ses codes, ses embûches, comprendre que ce n'est pas le lieu de tous les possibles et de toutes les libertés, et en tirer une leçon de vie, comme apprendre à dire non. Car derrière la Sophie amusante se cache une vraie femme, qui sait inspirer le respect aux prédateurs potentiels. Elle est courageuse, a ses problèmes existentiels, mais surtout elle réfléchit, et cherche à donner du sens à sa vie.
Née à Monaco, au bord de sa Méditerranée, Sylvie Bourgeois y a appris à nager. Elle en aime les odeurs et les couleurs encore plus que le quartier de Saint-Germain-des-Prés où elle vit et qui lui a inspiré le second opus, Sophie au Flore.
Le dernier Sophie a les boules, paru en décembre 2014 nous embarquait à Megève. Nous partirons peut-être un jour à Dubaï à moins de revenir sur les bords de la Méditerranée, à Saint-Tropez par exemple.
Sylvie a aussi publié dans le même registre J'aime ton mari, en mars 2014, et peu importe l'ordre dans lequel vous les découvrirez. Les personnages de la série obéissent à chaque fois à la même psychologie, ne lâchant jamais prise, tout en étant plongés dans des atmosphères différentes. Et vous verrez, c'est une lecture plaisir.
Sophie à Cannes, de Sylvie Bourgeois, Flammarion, 2011