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Il y a une dizaine d’années, je tombe sur un article dans lequel David Lynch présente sa Fondation autour de la méditation transcendantale qu’il pratique assidument lui permettant de renforcer sa créativité. Un numéro de téléphone est inscrit en bas de la page. J’appelle. Je tombe sur une dame charmante qui m’explique qu’elle est la référente parisienne de cette méthode cautionnée par le réalisateur américain qui vante ses mérites sur Internet dans nombre de vidéos et d’interviews. Je prends rendez-vous après avoir demandé si je pouvais venir accompagnée. Bien sûr, bien sûr, me répond-elle. 

 

La semaine suivante, je me rends donc dans une petite salle pas très propre du 15ème arrondissement avec deux amies, une comédienne connue et une voisine de Saint-Germain-des-Prés. Pendant une heure, cette dame nous explique l’intérêt de la méditation transcendantale, qu’il nous suffira de trois leçons de deux heures pour être ensuite totalement autonomes et commencer à pratiquer régulièrement, que nous serons en meilleure santé, plus performantes, plus heureuses, mais surtout grâce à nos séances de méditation, nous allons apporter la paix dans le monde, en effet, si chacun méditait, l’énergie serait meilleure, finies les guerres. 

 

Assises sur son canapé pourri, nous sommes toutes trois assez emballées à l’idée de pouvoir réduire les violences. Rendez-vous est donc pris pour le lendemain afin qu’elle nous explique les modalités d’inscription. Je propose que l’on se retrouve chez moi, dans mon bel appartement, sur mes jolis canapés en cuir, aucune envie de revenir dans cette salle triste, loin et inconfortable. Je lui demande quand même quelles sont les modalités d’inscription. Nous en parlerons demain si vous voulez bien, me répond-elle, affable. J’insiste. Je ne pose pas souvent de questions, mais quand j’en pose, j’ai horreur que l’on ne me réponde pas. Elle finit par marmonner entre ses dents 3000€. 

 

— 3000€ pour nous trois ? je demande incrédule.

— Non, chacune.

— Putain, ça coûte cher la paix dans le monde, je m’étonne.

— Mais à ce prix-là, s’empresse-t-elle d’ajouter, je vous choisirai votre mantra personnalisé.

— Quand même, 3000€ le mantra, pour juste un Om personnalisé, ce n’est pas cadeau… 

— C’est le prix de l’un de vos sacs à main, tente-telle.

 

Mal installées et vautrées au fond de son canapé tout mou, avec nos pieds qui n’arrivaient pas à toucher le plancher, nos sacs Prada, nos bottes Sergio Rossi, nos cashmeres et nos manteaux en peau retournée, il est vrai que nous ressemblions quand même à trois bourgeoises échappées de Saint-Germain-des-Prés, venues s’encanailler dans le 15me arrondissement, et qui pouvaient s’acheter du sens à donner à leur vie aussi facilement qu’une énième robe en soie.

 

Le lendemain, persuadée d’avoir flairé un bon et juteux filon dans le 6ème arrondissement, après nous avoir grandement incité à convaincre notre entourage de rejoindre également la Fondation, en effet, plus nous serions nombreux à méditer ensemble, plus la positivité des relations humaines de notre quartier s’en ressentirait, pendant que je servais un délicat thé bio Earl Grey de chez Pascal Hamour, la Rolls des thés que l’on ne trouve que dans les palaces, agrémenté de délicieux biscuits Poilane, je tenais à asseoir mon statut de Germanopratine de qualité, la dame nous distribua des fiches d’inscription avec dessus la photo de David Lynch qui nous garantissait que nos 3000€ étaient la seule porte d’entrée valable pour découvrir enfin notre bonheur spirituel.

 

J’aurais dû me méfier, excepté Elephant Man qui m’avait émue à sa sortie, mais que je n’ai jamais revu depuis, je me suis toujours endormie devant les films de Lynch qui me donnaient l’effet d’attrapes-gogo faisant l’apologie de la violence, dégoulinants d’effets cinématographiques histoire de masquer leur manque de sens. 

                  

Bien évidemment, la dame est repartie sans ses 9000€ et j’ai continué de méditer ainsi que ma maman me l’avait toujours appris, en marchant seule dans la forêt ou en nageant dans la mer, en écoutant le silence de la nature, en me concentrant sur les battements de mon cœur, sur ma respiration, chassant les pensées pour ne faire entrer dans mon âme que l’émerveillement de toute la beauté qui m’entoure. 

 

Et pas plus tard qu’hier, un lama français, Bernard Ortega, qui apprécie mes écrits sur Facebook, m’a envoyé son livre Méditer pourquoi ? dans lequel je retrouve la sagesse et le bon sens de ma mère qui ne faisait pas toute une philosophie de son savoir, mais cherchait à me le transmettre avec bienveillance, amour et respect.

Sylvie Bourgeois Harel

David Lynch - Sylvie Bourgeois Harel

David Lynch - Sylvie Bourgeois Harel

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Jack Nicholson à Saint-Tropez - Sylvie Bourgeois

Jack Nicholson à Saint-Tropez - Sylvie Bourgeois

Jack Nicholson, un été à Saint-Tropez

 

J’ai 41 ans, je suis à Nice lorsque mon téléphone sonne, je décroche et j’entends une petite voix me dire : bonjour Sylvie, on m’a donné vos coordonnées, il paraît que vous pouvez m’aider, vous êtes voyante, c’est ça ? Euh, non, je réponds, dites-moi quand même quel est votre problème. La petite voix m’explique qu’elle souffre car son amant ne quitte pas sa maîtresse officielle alors qu’il lui promet qu’il va le faire, elle est désespérée et ne fait que pleurer. La petite voix est une héritière très riche, divorcée d’un milliardaire né dans une famille dont, me dit-elle, on ne divorce jamais, mais elle, avec sa petite voix, elle a osé partir.

 

Par chance, un ami travaille chez la maîtresse en question. Je peux donc avoir toutes les infos nécessaires sur les nombreux déplacements de l’amant, qu’il dit être strictement professionnels alors que ce sont souvent des week-ends d’amoureux avec sa maîtresse. Évidemment, la petite voix ne sait pas d’où viennent mes précieuses infos qui s’avèrent toujours justes dès qu’elle désire coincer son amant sur ses nombreux mensonges.

 

Au bout d’un mois, la petite voix que je ne connais toujours pas m’invite au George V pour me remercier. À la fin du dîner, elle me confie qu’elle est contente que nous ayons parlé philosophie car elle avait un peu peur que nous ne parlions que d’habits, ce qu’elle fait d’habitude avec ses amies. Ravie, elle m’invite à passer le mois d’août avec elle à Saint-Tropez. Euh, non, un mois c’est trop, je lui réponds, je viendrai deux ou trois jours, non, non, non, elle insiste en tapant des pieds comme une petite fille gâtée, je veux que tu viennes un mois. Je négocie deux semaines, ça me suffit.

 

La maison qu’elle a louée est sublime, les pieds dans l’eau, avec ponton privé d’où je plonge chaque matin après mon footing quotidien, à cette époque, je suis anorexique et je fais trois heures de sport par jour pour sécher mon corps. Dommage, je n’écrivais pas encore sinon je ne serais jamais sortie de ce paradis, tandis que là, dès 8 heures, je file en scooter chez Sénéquier retrouver mes copains jusqu’à l’heure du déjeuner sur une plage ou nous allons souvent en bateau.

 

La petite voix est invitée à toutes les soirées mondaines où je n’ai aucune envie de l’accompagner, les dîners placés y sont trop longs et ennuyeux, ça ne parle que d’habits, d’achats, de restaurants et de nouveaux hôtels formidaaables. Néanmoins, comme je l’adore et que je suis devenue sa poupée, je la laisse m’habiller avec ses très jolis vêtements de grandes marques, mais arrivées dans les sublimes propriétés, j’enlève discrètement nos noms des tables. Après quelques bisous et small talk, je cache la petite voix contente de retrouver ses 10 ans dans les toilettes et hop, de là, nous filons à la voiture. En route, je téléphone au cuisinier afin qu’il nous prépare des frites avec un œuf plongé dans la friteuse, un régal, et qu’il installe notre table sur le ponton. Après le repas, nous plongeons nues dans la nuit, un délice. La petite voix est heureuse que je lui apprenne ma simplicité des bons moments.

 

Un matin, la petite voix ravie qu’Yves Rénier se soit épris de moi, il ne me quitte plus et m’appelle tout le temps, décide de faire un cocktail dînatoire le soir-même en mon honneur, elle trouve ça très gai son coup de foudre alors que je n’ai jamais fait le moindre bisou à Yves avec qui d’ailleurs je suis restée très amie.

 

En début d’après-midi, Jack Nicholson débarque en short à la maison avec sa fiancée Lara Flynn Boyle, Willy Rizzo qui a amarré son Riva devant le ponton et son épouse Dominique. Autour d’un café sur la terrasse, j’explique à Jack que la petite voix a organisé un cocktail mais s’il veut avoir la paix, qu’il se sente à l’aise, il n’est pas obligé d’y participer. You are explaining to me that you would prefer I not be present ? me demande l’homme que le monde entier, j’imagine, aimerait avoir à sa table. Le ton est mis.  

 

Durant la soirée qui, évidemment, n’est pas placée, Jack, très cool, s’installe en short, chemise hawaïenne et casquette à la table des enfants et joue tranquillou avec eux. C’est top, il a fallu un certain temps avant que les invités le reconnaissent.

 

Le lendemain matin, c’est la cacophonie, tous les téléphones se mettent à sonner, même le mien, d’Eddie Barclay à Tony Murray, toute la presqu’île veut inviter Nicholson. Sentant qu’il veut être tranquille avec Lara, je lui propose de prendre ma réservation pour deux au 55, puisque qu’elle est à mon nom, aucun paparazzi ne saura qu’il va déjeuner là-bas, je lui laisse même ma BX avec mon vélo dedans, oui, chaque soir, j’allais pédaler une heure, pour être totalement incognito. Good idea, me dit-il en m’embrassant sur le front. Come with us, I invite you, you’re fun. No, no, je réponds. Pourquoi ? Je ne sais pas. Toute ma vie tient peut-être justement dans mes choix bizarres.

 

Le soir, au moment de partir dîner à l’Auberge de La Mole dont les plats sont trop copieux et trop gras pour une anorexique comme moi, je suis vautrée sur le canapé en pyjama en soie choisie par la petite voix quand Jack me demande pourquoi je ne suis pas prête. I’m tired, I said en baillant, I prefer to stay at home. Pas habitué à ce qu’on lui dise non, Jack me soulève par les épaules : Sylvie, stop always saying no. C’est très mignon de sa part. Hop, je saute dans une paire de mules en sequins de la petite voix afin de transformer mon pyjama de soie en tenue de soirée, hop, je me retrouve assise à ses côtés dans la voiture, hop, avec Lara aussi maigre que moi, au resto, c’est top, en voyant le menu foie gras, on se comprend aussitôt, hop, ni vu, ni connu, on se trouve un gentil chien pour finir nos assiettes, sauf pour le dessert, la mousse au chocolat mélangée à de la crème fraîche, aucune anorexique ne peut résister.

 

Le lendemain matin, en rentrant de mon footing, j’ai couru une heure de plus afin d’éliminer mon excès de mousse au chocolat, je retrouve la maisonnée au petit-déjeuner servi sur la terrasse quand Jack m’annonce que nous sommes invités à déjeuner chez Barclay, avant même que j’ouvre la bouche, don’t say no little girl, me dit-il en croquant dans sa tartine.

 

Dans le Riva, pendant que Dominique et Lara bronzent sur la banquette arrière, je raconte à Willy et Jack mon amour pour Schopenhauer. Soudain, je réalise que je suis en train de traduire l’un pour l’autre nos pensées philosophiques. Don't tell me you don't speak French and Willy no English, je dis à Jack en éclatant de rire. You are the first who noticed it, éclate-t-il de rire à son tour. Depuis le temps que ces deux meilleurs amis se connaissant, et bien, il ne se parlent qu’en faisant des yéé yéé franco-anglais ou des claques sur l’épaule, c’est peut-être ça d’ailleurs le secret d’une amitié qui dure, se parler par télépathie.

 

Chez Barclay, après le déjeuner, Jack m’entraîne dans le jardin pour continuer de converser sur le sens à donner à notre vie, ma question de toujours, pourquoi quelque chose plutôt que rien ? Puis nous allons tous les cinq nous baigner au mouillage devant Pampelonne, à sauter dans la mer depuis le Riva, les habituelles photos que l’on voit tous les étés dans Paris-Match.

 

Le soir, après le dîner à la maison, vautrée en robe longue de soirée sur le canapé du salon, je lance le sujet sur l’amour, le sexe et l’argent. Lara me dit que nous, les Françaises, sommes idiotes car nous donnons gratuitement aux hommes l’escalade de nos prouesses sexuelles, contrairement aux Américaines qui le monnayent, genre tu veux un blow job, ok, déjà, jamais le premier soir, et ensuite combien tu es prêt à donner pour atteindre le nirvana que tu attendras le temps qu’il faudra ? Effarée, je regarde Jack qui me montre le magnifique bracelet en diamant autour du poignet tout maigre de Lara. Ah oui, quand même, putain, je me dis, c’est sûr que je suis différente…

 

Le lendemain, Jack, Lara, Willy au volant de son joli Riva et Dominique repartent à Saint-Jean-Cap-Ferrat. Sur le ponton, je leur dis de bien faire attention aux rochers qui sont un peu plus loin, que l’on ne voit pas à fleur d’eau, car vu que j’ai faites toutes les manoeuvres du bateau la veille pour accoster et repartir de chez Barclay, je crains que Willy ne soit fatigué. Une heure plus tard, le téléphone sonne, ils se sont plantés exactement au même endroit.

 

Avec Lara, nous nous écrivons quelques mails rigolos, on s’échange nos adresses de restos où l’on peut ne manger qu’une carotte et perdre encore un kilo, elle m’invite chez elle à LA, je n’y suis jamais allée. Pourquoi ? Je ne sais pas. La petite voix me demande de rester plus longtemps à Saint-Tropez, jusqu’à fin septembre, elle a prolongé la location, l’arrière-saison est superbe, elle ajoute que c’est chouette que je fasse du 35 comme elle et que je puisse porter ses habits, elle veut d’ailleurs m’emmener faire du shopping au village, bien sûr, c’est elle qui payera tout. Non, non, je lui réponds, j’ai dit deux semaines, c’est bon, je veux maintenant rentrer dans ma vie et aller m’acheter un jean XXXS chez Gap.

 

 

Nous on s'aime, une chanson de Georges Chelon

Tous les prénoms ont été changés un roman de Sylvie Bourgeois Harel

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