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Mon ex-beau-père Georges Cravenne, créateur des César, des Molière et des 7 d'Or
 
À 19 ans, de Besançon, j’envoie une lettre à Georges Cravenne, le créateur, entre autres, des César, dans laquelle, je lui exprime mon désir de travailler avec lui, je trouve formidable sa façon de promouvoir le cinéma. Il ne m’a jamais répondu.
 
Six ans plus tard, je vis avec son fils aîné, Charles, rencontré chez Castel, ça nous faisait rire de faire partie des 1% de couples rencontrés en boîte de nuit dont la relation durait plus que quelques nuits, nous sommes restés 15 ans ensemble (Charles est d’ailleurs toujours dans ma vie, avec mon mari, ils s’adorent, à l’instant où j’écris ces quelques lignes, il est à la maison en train de nous préparer un aïoli délicieux, il cuisine aussi bien qu’un grand chef).
 
Les premières années, ça m'amuse beaucoup d’aller régulièrement aider les assistantes de Georges, Colette, Anne, Micheline, Jacqueline, Yvette, Detty, afin de gérer les invitations des César, des 7 d’Or et des Molière. Le téléphone n’arrêtait pas de sonner, tout Paris voulait y assister, comme j’étais la petite jeune, on me passait systématiquement les demandes les plus saugrenues qui revenaient chaque année, comme Monique Lang qui flippait que Jack ne soit pas dans l’angle des caméras et qu’il ne soit pas vu à la télé.
 
Georges, lui, s’occupait des stars américaines. De mon côté, j’invitais mes parents, mes frères et dès que je le pouvais des amis apprentis comédiens qui rêvaient de se montrer à la soirée.
La cérémonie était longue, mais elle avait de la tenue, de l’élégance. On n’était pas là pour rigoler mais pour mettre à l’honneur le cinéma français. Tout était conçu et pensé pour offrir du rêve. Pour donner envie d’aller voir les films. Pour apporter de l’émotion. Je me souviendrai toujours de Bernard Blier, qui, pour son hommage, était arrivé en chaise roulante dans les coulisses, il était très malade, mais avait tenu à être présent. Au moment d’entrer en scène, comme par miracle, guidé par son amour pour son métier et son respect pour le public, sans l’aide de personne, il s’était levé afin de se présenter debout à la salle qui lui avait immédiatement fait une standing ovation à tout rompre, tout le monde était en larmes. 25 jours plus tard, Bernard mourrait. Il avait été digne jusqu’au bout.
 
Si je devais résumer en quelques mots la fascination que Georges avait pour le cinéma, il adorait les comédiens, les réalisateurs, les producteurs, et organisait le plus prestigieuses avant-premières, ce serait justement la dignité, le respect, le talent, l’honneur, l’élégance. Quand en 1990, Kirk Douglas arrive au théâtre des Champs-Élysées, tous les visages sont emprunts d’admiration. Après avoir monté les escaliers, avant de répondre à une interview d'Antenne 2, il s’est retourné en riant et a offert son plus beau sourire et sa fossette aux invités médusés, on avait à la fois Spartacus, Van Gogh, le Colonel Dax des Sentiers de la gloire.
 
On se retrouvait ensuite tous au diner au Fouquet’s où l’on terminait à l’aube à refaire la soirée avec le propriétaire des lieux, l’adorable et rigolo Maurice Casanova, un Corse grand amoureux aussi des stars, et Daniel Bar, le fidèle assistant de Georges, les anecdotes pleuvaient, on riait, la soirée était réussie, Georges décompressait, on le voyait enfin sourire et remercier Charles qui, plus jeune, avait débuté avec son père et qui ensuite, travaillant dans la distribution de films américains, se libérait chaque année durant deux semaines pour l’aider.
 
Parmi les choses que j'entends, voici quelques petites précisions, Jean-Paul Belmondo a longtemps boudé la cérémonie car il aurait voulu que Georges demande à son père sculpteur (pour lequel ma maman avait posé jeune pour payer ses études, elle est en ange dans la cathédrale d’Amiens) de faire la statuette, et d’appeler cela les Belmondo. Georges avait choisi César car déjà celui-ci était son ami mais aussi parce que ce nom avait, non seulement, la même consonance que les Oscar, mais il lui rappelait également le grand Marcel Pagnol et son amour pour le Sud.
 
Georges a toujours déclaré avoir créé les César par rapport aux Oscar, il voulait la même cérémonie pour la promotion du cinéma français. La seule différence était que les Américains votaient uniquement dans leurs catégories, les acteurs pour les acteurs, les scénaristes pour les scénaristes… Georges avait tenu à ce que toute la profession vote pour toutes les catégories.
 
Georges n'a jamais dévoilé les résultats que pourtant il connaissait dès 16 heures lorsqu'il allait les lire chez l'huissier. Il repartait avec toutes les enveloppes cachetées qui n'étaient ouvertes que durant la cérémonie. Même Alain Delon qui le lui avait demandé, pourtant très proche de Georges, n'a jamais su à l'avance s'il avait le César ou pas. La seule fois où Georges a cédé, sous la pression des animateurs télé, ça avait été pour les 7 d’or, résultat la moitié de la salle avait été vide, ceux qui n’avaient pas de prix n’avaient pas daigné se déplacer, ne serait-ce que pour féliciter leurs collègues. Georges s’était juré de ne plus jamais recommencer.
 
Puis Georges a vendu sa société à Toscan du Plantier. Canal+ s’en est emparé. On est passé du grandiose, de l’excellence, à la blagounette, comme s’il fallait à tout prix dénigrer le talent, s’en moquer, tuer le cinéma et la pensée.
Charles Cravenne Sylvie Bourgeois cérémonie des César dîner au Fouquet's

Charles Cravenne Sylvie Bourgeois cérémonie des César dîner au Fouquet's

Kirk Douglas Anne Buydens son épouse Georges Cravenne cérémonie des César

Kirk Douglas Anne Buydens son épouse Georges Cravenne cérémonie des César

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Pan ! Je suis morte. Pan ! Pan ! Dans mon beau visage. Pan ! Pan ! Bon, ça va maintenant ? Pan ! Pan ! C’est vraiment con, les hommes !

 

Quand je me suis levée ce matin, j’étais déterminée. Je n'avais pas fermé l’œil de la nuit tant j’étais excitée. Ah, il ne voulait pas divorcer ? Et bien, il allait voir ce qu’il allait voir ! Tout était organisé. Julie et Marc iraient chez ma mère. Ma lettre était rédigée. J’étais assez fière du passage ou je traitais mon mari de bâton merdeux. Non mais, ce n'est pas parce qu’il fréquente le Tout-Paris qu’il va me dicter sa loi. Le salaud, quand j’y pense.

 

J’ai embrassé Marc et Julie en leur promettant d’être de retour le soir-même pour regarder ensemble le journal télévisé de 20 heures.

 

- On va bien rigoler, je leur ai dit.

 

Je n’avais plus qu’à y aller. Je n’avais pas peur. J'étais en Dior. J’ai mis le fusil de mon mari en pièces détachées dans mon Kelly. Je n’ai rien pris d’autre. À quoi bon ? Je ne suis pas une criminelle. Pourquoi des balles ? Je ne veux pas tuer. Juste me faire entendre. C'est pour ça qu'au dernier moment, j'ai ajouté un pistolet d'alarme. Pour tirer l'alarme que rien ne va plus.

 

Zizi n’arrêtait pas d’aboyer.

 

- Mais qu’est-ce que tu veux, mon petit Zizi ? Mais oui, tu viens avec maman en voyage. Tu es trop mignon. Si seulement mon mari pouvait te ressembler. Allez, hop ! Zizi, monte dans la Mini de maman. Allez, hop ! Direction l’aéroport d’Orly.

 

Pauvre petit Zizi ! Il n'a rien dû comprendre. À l’embarquement je l’ai mis dans mon Kelly, sur les pièces du fusil. Les contrôleurs n’ont rien vu. En même temps, avec mon manteau Chanel, je n’avais pas une tête de criminelle. Zizi a été très sage, sauf au décollage. Je lui ai massé les oreilles. Les chiens n’aiment pas prendre l’avion m’a dit un jour son vétérinaire qui a une émission à la télévision. Mon mari avait tenu à ce que le vétérinaire de Zizi soit connu. Pour mon mari, soit t'es connu, soit t'es riche, soit tu n'es rien. Pauvre con ! Je regrette d’avoir choisi l'avion pour Marseille. Si j'avais pris celui pour Nice, je ne serais peut-être pas morte ?

 

Après le décollage, je me suis enfermée dans les toilettes. J’étais très motivée. J’étais sûre que j’allais gagner. J’ai glissé ma lettre sous la porte et j'ai appelé une hôtesse. Je voulais  qu’elle la donne au commandant de bord. C’était simple, il devait la lire au journal de 20 heures ou je faisais sauter l’avion. C’était pour du faux bien sûr, mais je leur ai fait croire que c’était pour du vrai. Zizi était avec moi. On a attendu longtemps dans les toilettes. J’en ai profité pour lui faire faire son petit pipi. C’est ce qu’il y a de bien avec les petits chiens, ils nécessitent peu d’entretien.

 

Soudain l’avion s’est posé. Quelqu'un a crié aux passagers de se dépêcher pour débarquer. Je les ai entendu courir. Cela faisait beaucoup de bruit.

 

Mon mari m’avait expliqué que pour faire connaître un produit, il fallait créer un événement suffisamment important pour que l’on en parle au journal de 20 heures. Mon produit, c’était l’humanité. Je voulais que le présentateur lise ma lettre qui demandait qu’on stoppe le nucléaire et la guerre et qu’on s’occupe enfin de l'écologie et de la nature. En Post-Scriptum, j’ai ajouté que je voulais divorcer et que mon mari, même s’il était l'ami de Pompidou, le Président de la République, devait l’accepter. Je disais aussi qu’il me trompait depuis le début de notre mariage et que je méritais mieux.

 

Soudain l’avion a été très calme. J’étais fatiguée. Lasse. Cette journée m’avait épuisée. Je me souviens que j’étais triste. Très triste. Mes enfants me manquaient. Mon mari aussi. Il aurait su quoi me dire, quoi faire. On a frappé à ma porte. C’était le commandant de bord qui me disait que je pouvais sortir. Qu’il n’était pas armé. Qu’il était seul avec la chef-hôtesse et un steward. Que ma lettre était très belle et que le gouvernement était en train de chercher une solution pour la télévision.

 

Je tremblais. J’avais froid. Je voulais mon mari. J’ai ouvert la porte. Le commandant m’a regardé, étonné. Il pensait peut-être que j’étais un monstre sanguinolent et bavant ? N’importe quoi, j’étais parmi les plus belles femmes de Paris. Il a pris mon Kelly. Quand il a vu mon fusil en pièces détachées, il m’a de nouveau regardé en hochant la tête. Il pensait quoi ? Que j’allais le faire sauter, son avion ?

 

Il m’a assise au premier rang de l’appareil. Zizi était sur mes genoux. Je pleurais. La tête me tournait. Je voulais mon mari.

 

- Monsieur le commandant de bord, je lui ai dit, pouvez-vous s’il vous plait téléphoner à mon mari pour lui expliquer ce que j’ai fait ? Voici son numéro. Mon mari est un homme très important. Téléphonez-lui, qu’il vienne me jeter en prison. Vous savez, je ne voulais pas le faire tomber, votre avion. Je veux juste que la vie soit meilleure. Si personne ne s’occupe de prendre soin de notre planète, nos enfants vivront dans quoi, monsieur le Commandant de bord?

- Vous avez faim madame ? m’a demandé la chef-hôtesse.

 

Je l’ai regardé, sans répondre.

 

- Ou soif peut-être ? Votre mari va arriver. Vous devez l’attendre ici. En l’attendant, mangez ou buvez quelque chose.

- Pourquoi pas ? j'ai répondu. Je voulais lui montrer que j’étais conciliante.

 

La chef-hôtesse a caressé la tête de Zizi qui s’est mis à grogner. J'aurais du me méfier. C’était la première fois que mon chien, plutôt mondain, grognait.

 

Quatre hommes équipés façon armée sont montés m’apporter à  manger. J’allais les remercier quand soudain j’ai remarqué, caché sous leur plateau-repas, le canon d’un fusil.

 

Pan ! Je suis morte. Pan ! Pan ! Dans mon beau visage. Pan ! Pan ! Bon, ça va maintenant. Pan ! Pan ! C’est vraiment con, les hommes !

 

Sylvie Bourgeois

Pan ou la fin tragique de Danielle Cravenne
Sylvie Bourgeois Harel - Club 55 - Plage de Pampelonne - Ramatuelle - Golfe de Saint-Tropez

Sylvie Bourgeois Harel - Club 55 - Plage de Pampelonne - Ramatuelle - Golfe de Saint-Tropez

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